Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 9 novembre 2021, 448719

  • 1) echelle à laquelle s'apprécie le risque d'extinction·
  • Intérêt légitime au changement de nom·
  • Qualification juridique des faits·
  • 2) contrôle du juge de cassation·
  • Changement de nom patronymique·
  • Contrôle du juge de cassation·
  • Droits civils et individuels·
  • Eviter l'extinction d'un nom·
  • Famille du demandeur·
  • État des personnes

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

En vertu du deuxième alinéa de l’article 61 du code civil, le relèvement d’un nom afin d’éviter son extinction suppose qu’il soit établi que le nom en cause a été légalement porté par un ascendant de celui qui demande à changer de nom ou par un collatéral jusqu’au quatrième degré. ……1) La réalité de l’extinction alléguée s’apprécie à l’intérieur de la famille du demandeur du nom à relever, dans le cadre ainsi défini. ……2) Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits sur l’existence d’un risque d’extinction d’un nom qui caractérise l’intérêt légitime requis par l’article 61 du code civil pour changer de nom.

Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits sur l’existence d’un risque d’extinction d’un nom qui caractérise l’intérêt légitime requis par l’article 61 du code civil pour changer de nom.

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www.actu-juridique.fr · 17 mai 2022

Clothilde Torchy · Gazette du Palais · 3 mai 2022

Gilles Raoul-cormeil · L'ESSENTIEL Droit de la famille et des personnes · 1er février 2022
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Sur la décision

Référence :
CE, 2-7 chr, 9 nov. 2021, n° 448719, Lebon T.
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 448719
Importance : Mentionné aux tables du recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Paris, 18 novembre 2020, N° 20PA00198
Précédents jurisprudentiels : [RJ1] Cf. CE, décision du même jour, M. Henri de Maynard et autres, n° 450752, à mentionner aux Tables....[RJ2] Rappr., s'agissant du motif d'ordre affectif caractérisant, dans des circonstances exceptionnelles, un intérêt légitime au changement de nom, CE, 16 mai 2018, Garde des sceaux, ministre de la justice c/ M. Drillaud, n° 408064, T. pp. 684-868.
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044314720
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2021:448719.20211109

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

M. K M Q a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de faire droit à sa demande tendant à ce qu’il soit autorisé à changer son nom de « de Q » en « de Q de C », ainsi que la décision du 13 août 2019 intervenue en cours d’instance, par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a expressément refusé de faire droit à cette demande.

Par un jugement n° 1816523 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 20PA00198 du 19 novembre 2020, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par le garde des sceaux, ministre de la justice contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 15 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le garde des sceaux, ministre de la justice demande au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code civil ;

— le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d’Etat,

— les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. M Q ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. K M Q a sollicité le changement de son nom en « de Q de C », en fondant sa demande sur la menace d’extinction du nom « de C » porté par sa mère, sur le caractère illustre de ce nom et sur un motif affectif. Par une décision implicite de rejet, à laquelle s’est substituée une décision expresse de rejet en date du 13 août 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande. Par un jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif a annulé la décision du 13 août 2019 et a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement, au réexamen de la demande de M. M Q. Par un arrêt du 19 novembre 2020, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par le garde des sceaux, ministre de la justice, en reconnaissant l’existence de l’intérêt légitime de M. M Q à changer de nom pour les trois motifs qu’il avait invoqués. Le garde des sceaux, ministre de la justice se pourvoit en cassation.

2. Aux termes de l’article 61 du code civil : « Toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d’éviter l’extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu’au quatrième degré. / Le changement de nom est autorisé par décret ».

3. En premier lieu, après avoir souverainement procédé au constat que le nom de C avait été porté sous l’Ancien régime par des descendants de familles royales et des membres de la cour et par Jacques-François de C, président de l’assemblée constituante en mars 1790, général en chef de l’armée d’Orient en 1800 et dont le nom est gravé sur un pilier de l’Arc de Triomphe, la cour a retenu que ces personnes avaient ainsi contribué à conférer à ce nom une illustration certaine et durable, sur le plan national. En jugeant ainsi alors que, malgré le caractère éminent des fonctions occupées par certains membres de la famille M C, ces circonstances ne pouvaient à elles seules faire regarder ce nom comme illustre au plan national, la cour a inexactement qualifié les faits.

4. En deuxième lieu, M. M Q a fait valoir un motif d’ordre affectif tiré de son projet de reprendre la gestion d’un domaine familial dont ses parents sont propriétaires et qui appartenait à son grand-père maternel. Contrairement à ce qu’a jugé la cour par une inexacte qualification des faits de l’espèce, cette volonté ne constitue pas une circonstance exceptionnelle susceptible de faire regarder le motif affectif qui soutient la demande comme caractérisant l’intérêt légitime requis par l’article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

5. En troisième lieu, M. M Q faisait toutefois valoir qu’il est, par sa mère, l’arrière-arrière-petit fils M P M C. En examinant, à partir de la descendance en ligne directe et en ligne collatérale issue de cet ascendant du demandeur au quatrième degré, si le nom est en voie d’extinction, la cour n’a pas commis d’erreur de droit. Elle n’a pas davantage commis d’erreur de droit en prenant en considération les éléments de généalogie fournis par un cabinet spécialisé sans exiger que soit versée au dossier l’intégralité du rapport établi par ce cabinet, et en estimant que suffisaient les actes d’état-civil figurant au dossier alors que n’étaient pas produits les actes de chacun des membres de la famille mentionnés dans les tableaux généalogiques. En jugeant, à partir de ces éléments, que le nom de C est menacé d’extinction en ligne directe et collatérale de l’arrière-arrière-grand-père du demandeur, et que ce dernier avait dès lors un intérêt légitime à changer de nom, la cour n’a pas inexactement qualifié les faits de l’espèce.

6. Ce dernier motif justifie à lui seul le dispositif de l’arrêt attaqué, par lequel la cour administrative d’appel a rejeté l’appel formé par le garde des sceaux, ministre de la justice, contre le jugement du tribunal administratif qui avait prononcé l’annulation de la décision du ministre en date du 13 août 2019. Il s’ensuit que le garde des sceaux, ministre de la justice n’est pas fondé à en demander l’annulation.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à M. M Q M la somme de 3 600 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

— -------------

Article 1er : Le pourvoi du garde des Sceaux, ministre de la justice est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au garM des Sceaux, ministre de la justice et à M. Josselin de Q.

Délibéré à l’issue de la séance du 18 octobre 2021 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. G J, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. H N, Mme A L, M. D F, M. E O, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d’Etat et Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d’Etat-rapporteure.

Rendu le 9 novembre 2021.

Le Président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Sophie-Caroline de Margerie

La secrétaire :

Signé : Mme I B448719- 4 -

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Textes cités dans la décision

  1. Code civil
  2. Code de justice administrative
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