Conseil d'État, 10ème chambre, 11 mars 2021, 437138, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Conclusions du rapporteur public · 11 mars 2021

N° 437138 – M. G… 10ème chambre jugeant seule Séance du 18 février 2021 Lecture du 11 mars 2021 CONCLUSIONS M. Alexandre Lallet, rapporteur public Jusqu'en 2014, la profession de géomètre n'était pas réglementée en Polynésie française, autrement que par la délivrance d'un agrément permettant l'établissement de documents d'arpentage. Et encore : le régime juridique de cet agrément était pour le moins léger puisque la délibération de 1990 qui le prévoyait ne subordonnait formellement sa délivrance à aucune condition de fond. M. G… a demandé à de nombreuses reprises à bénéficier de cet …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 10e ch., 11 mars 2021, n° 437138
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 437138
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Paris, 25 septembre 2019, N° 18PA01815
Dispositif : Renvoi après cassation
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043246416
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHS:2021:437138.20210311

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la Polynésie française à lui verser une indemnité de 25 000 000 F CFP en réparation du préjudice subi à raison des refus du ministre en charge des affaires foncières de lui délivrer un agrément pour la rédaction des documents d’arpentage. Par un jugement n° 1700300 du 27 février 2018, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18PA01815 du 26 septembre 2019, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par M. B… contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 décembre 2019, 26 mars 2020 et 12 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la cour administrative d’appel de Paris a entaché son arrêt :

— d’erreur de droit, d’insuffisance de motivation, d’inexacte qualification juridique des faits et de dénaturation des pièces du dossier en jugeant qu’il ne démontrait pas l’existence d’un lien direct et certain entre l’illégalité fautive des refus d’agrément pour la rédaction des documents d’arpentage qui lui ont été opposés et le préjudice qu’il invoquait, faute de justifier de ce qu’il aurait pu bénéficier de cet agrément, sans rechercher si, au regard de son expérience professionnelle et de son diplôme, l’administration aurait pu rejeter sa demande d’agrément pour un motif autre que le motif illégal retenu ;

— d’erreur de droit et d’erreur de qualification juridique des faits en jugeant qu’il ne résultait pas de l’instruction que la perte de rémunération qu’il invoquait résultait de manière directe et certaine de la faute commise par la Polynésie française ;

— de dénaturation des pièces du dossier et d’erreur de droit en jugeant que son préjudice n’était pas établi dans la mesure où le chiffre d’affaires de son entreprise en 2016 était supérieur à celui de 2013.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

 – la loi du pays n° 2014-16 du 25 juin 2014 ;

 – la délibération n° 90-126 AT du 13 décembre 1990 ;

 – le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Colin – Stoclet, avocat de M. B… et à la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la Présidence de la polynesie francaise ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A… B…, qui exerçait la profession de géomètre en Polynésie française, a sollicité, à plusieurs reprises, la délivrance de l’agrément pour l’établissement des documents d’arpentage prévu par l’article 40 de la délibération n° 90-126 AT du 13 décembre 1990. Le ministre des affaires foncières en Polynésie a rejeté ses demandes, notamment par deux décisions en date des 20 juin 1999 et 8 avril 2005. Estimant que l’illégalité de ces refus l’avait empêché de bénéficier des dispositions transitoires de l’article LP. 35 de la « loi du pays » du 25 juin 2014 portant réglementation de la profession de géomètre-expert foncier et de géomètre-topographe, qui permettaient, à titre dérogatoire, aux géomètres régulièrement agréés pour l’établissement des documents d’arpentage, d’être inscrits au tableau de l’ordre des géomètres-experts fonciers et des géomètres-topographes, sans avoir à satisfaire aux conditions de diplôme fixées aux articles LP. 3 et LP. 4 de cette « loi du pays », M. B… a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 25 000 000 F CFP en réparation du préjudice ainsi subi. Il se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 26 septembre 2019 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel qu’il avait formé contre le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 27 février 2018 rejetant sa demande.

2. En premier lieu, lorsqu’une personne sollicite le versement d’une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’illégalité d’une décision administrative, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l’espèce, par l’autorité compétente. Dans l’affirmative, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe et certaine de l’illégalité invoquée.

3. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel de Paris a jugé que les refus d’agrément opposés à M. B…, qui étaient fondés sur une absence de diplôme suffisant, étaient illégaux dès lors qu’aucun texte n’imposait une telle condition. Toutefois, elle a ensuite considéré que la perte de rémunération invoquée par M. B… ne résultait pas de manière directe et certaine de cette illégalité fautive, au motif qu’en l’absence de critères légalement définis pour l’obtention de l’agrément, l’intéressé ne démontrait pas qu’il aurait pu en bénéficier. En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l’espèce, par l’autorité compétente, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit.

4. En second lieu, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que pour rejeter la demande d’indemnisation de M. B…, la cour s’est aussi fondée sur l’absence de justification de son préjudice. Toutefois, en relevant que le chiffre d’affaires de son entreprise avait augmenté entre 2013 et 2016 alors qu’il était passé de 5.000.225 F CFP en 2013 à 4.814.572 F CFP en 2016, la cour a dénaturé les pièces du dossier.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B… est fondé, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros à verser à M. B… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la Polynésie française.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 26 septembre 2019 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Paris.

Article 3 : La Polynésie française versera à M. B… une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la Polynésie française présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A… B… et à la Polynésie française.

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