Conseil d'État, 3ème chambre, 4 avril 2023, 466854, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Vulpi Avocats - Chronique de jurisprudence · 17 juillet 2023

Avril 2023 Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse 1 - Droit polynésien – Recours dirigé contre le refus de mettre à l'ordre du jour du conseil des ministres de Polynésie française un projet d'acte d'abrogation d'une loi du pays – Compétence en premier ressort du tribunal administratif de Polynésie française – Attribution du litige à ce tribunal. La société requérante a demandé, en vain, au président de la Polynésie française d'abroger la loi du pays relative au cadre réglementaire des délégations de service public de la Polynésie en ce qu'elle prévoit que …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 3e ch. jugeant seule, 4 avr. 2023, n° 466854
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 466854
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Lyon, 22 juin 2022, N° 20LY02009
Dispositif : Renvoi après cassation
Date de dernière mise à jour : 5 avril 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000047411338
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHS:2023:466854.20230404

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La commune de Décines-Charpieu a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l’Etat à lui verser la somme de 21 120 000 euros en réparation du préjudice subi pour les années 2016 à 2019 du fait de la suppression par l’article 21 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 des première et troisième catégories de l’impôt sur les spectacles et de la mise en œuvre d’une compensation à laquelle elle n’est pas éligible, ainsi que la somme de 5 280 000 euros en réparation du préjudice subi pour chaque année postérieure à 2019 et d’assortir ces sommes des intérêts à compter du 31 décembre 2018, capitalisés à compter du 31 décembre 2019. Par un jugement n° 1903203 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 20LY02009 du 23 juin 2022, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par la commune de Décines-Charpieu contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 août et 20 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Décines-Charpieu demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 ;

— la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, notamment son article 21 ;

— la décision du 10 février 2023 par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux n’a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Décines-Charpieu ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Patrick Pailloux, conseiller d’Etat,

— les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la commune de Décines-Charpieu ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du 23 mai 2011, la ministre des sports a inscrit sur la liste des enceintes déclarées d’intérêt général, prévue à l’article 28 de la loi du 22 juillet 2009, le grand stade de l’Olympique lyonnais, situé sur la commune de Décines-Charpieu (Rhône), et ses équipements connexes. Ce stade, dont la construction a commencé en 2012 et qui a été inauguré le 9 janvier 2016, était encore en construction lorsque la première catégorie de l’impôt sur les spectacles, jeux et divertissements prévu par l’article 1559 du code général des impôts, qui s’appliquait aux réunions sportives, et dont le produit était attribué aux communes sur le territoire desquelles celles-ci étaient organisées, a été supprimée, à compter du 1er janvier 2015, par l’article 21 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015. Ce même article a par ailleurs, afin de compenser les pertes de recettes résultant de la suppression de cet impôt pour les communes concernées, institué un prélèvement sur les recettes de l’Etat d’un montant égal au produit de cet impôt perçu par ces communes en 2013. Par un courrier du 26 décembre 2018, la commune de Décines-Charpieu a demandé au Premier ministre la réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi chaque année depuis 2016 du fait que la suppression de cet impôt l’a privée des recettes fiscales liées aux activités du nouveau stade construit sur son territoire et qu’elle ne bénéficie pas du dispositif de compensation prévu par le législateur. La commune requérante se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 23 juin 2022 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel qu’elle a formé contre le jugement du 29 mai 2019 du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 21 120 000 euros en réparation du préjudice subi pour les années 2016, 2017, 2018 et 2019 du fait de la suppression de la taxe sur les spectacles et de la mise en œuvre d’une compensation à laquelle elle n’est pas éligible, ainsi que la somme de 5 280 000 euros en réparation du préjudice subi pour chaque année postérieure à 2019.

2. Aux termes du IV de l’article 21 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 : « IV.- Il est institué un prélèvement sur les recettes de l’Etat destiné à compenser les pertes de recettes pour les communes résultant de la suppression des première et troisième catégories de l’impôt sur les spectacles mentionnées à l’article 1560 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2014. La compensation est égale au produit de l’impôt en 2013 au titre de ces catégories ».

3. La responsabilité de l’Etat du fait des lois est susceptible d’être engagée, d’une part, sur le fondement de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de l’adoption d’une loi, à la condition que cette loi n’ait pas exclu toute indemnisation et que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant un caractère grave et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés. En outre, il résulte des principes qui gouvernent l’engagement de la responsabilité sans faute de l’Etat que le silence d’une loi sur les conséquences que peut comporter sa mise en œuvre ne saurait être interprété comme excluant, par principe, tout droit à réparation des préjudices que son application est susceptible de provoquer.

4. Il résulte des travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 que le législateur a entendu, d’une part, mettre le droit français en conformité avec le droit de l’Union européenne en remplaçant l’assujettissement des droits d’entrée perçus par les organisateurs de réunions sportives à l’impôt sur les spectacles sportifs par leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit de 5,5 % et, d’autre part, rendre cette réforme neutre financièrement pour les seules communes qui bénéficiaient de ressources issues de cet impôt en 2013, année choisie comme année de référence pour le calcul de la compensation par l’Etat de la suppression de l’impôt sur les spectacles sportifs à compter du 1er janvier 2015. Si le législateur a exclu toute possibilité de compensation pour les communes qui n’entrent pas dans le cadre du dispositif prévu par les dispositions du IV de l’article 21 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 rappelées au point 2 ci-dessus, il n’a pas expressément exclu toute possibilité d’indemnisation de ces communes pour les éventuels préjudices causés par la suppression de cet impôt au titre de la responsabilité sans faute de l’Etat du fait des lois. Dès lors, en jugeant que le législateur avait entendu exclure toute indemnisation complémentaire à la charge de l’Etat au-delà de ce qui avait été perçu en 2013 par les communes au titre de l’impôt sur les spectacles sportifs, y compris dans le cadre de l’engagement de la responsabilité sans faute de l’Etat du fait des lois, la cour administrative d’appel de Lyon a entaché son arrêt d’erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Décines-Charpieu est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Décines-Charpieu, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

— -------------

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 23 juin 2022 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Lyon.

Article 3 : L’Etat versera à la commune de Décines-Charpieu une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Décines-Charpieu et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l’issue de la séance du 16 mars 2023 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d’Etat et M. Patrick Pailloux, conseiller d’Etat-rapporteur.

Rendu le 4 avril 2023.

Le président :

Signé : M. Stéphane Verclytte

Le rapporteur :

Signé : M. Patrick Pailloux

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-CasanovaFQ4IG1ST

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