Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 10 mai 2023, 456488, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Vulpi Avocats - Chronique de jurisprudence · 17 juillet 2023

Mai 2023 Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse 1 - Décision faisant grief - Courrier d'un maire à une préfète - Demande de communication d'analyses sanitaires - Refus - Annulation. Par un courrier du 16 novembre 2017 le maire de Maincy a interrogé la préfète de Seine-et-Marne sur les actions engagées par la préfecture pour évaluer la pollution persistante liée à la présence de poussières de dioxine sur le territoire de sa commune due à l'ancien incinérateur. Puis, par un second courrier, du 11 décembre 2017, le maire a demandé à la préfète de lui transmettre le …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 6e - 5e ch. réunies, 10 mai 2023, n° 456488
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 456488
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Paris, 7 juillet 2021, N° 20PA01101
Dispositif : Renvoi après cassation
Date de dernière mise à jour : 12 mai 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000047541873
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2023:456488.20230510

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La commune de Maincy a demandé au tribunal administratif de Melun, d’une part, d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 février 2018 par laquelle la préfète de Seine-et-Marne a rejeté sa demande tendant à ce que l’Etat procède à des analyses complémentaires du risque sanitaire lié à la présence de poussières de dioxine sur le territoire de la commune et l’aide à prendre des mesures pour la protection de la population, d’autre part, d’enjoindre à la préfète de saisir un laboratoire public d’analyses, d’évaluer le risque pour la population et de prendre toutes les mesures permettant de réduire et prévenir ce risque. Par un jugement n° 1802743 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20PA01101 du 8 juillet 2021, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 septembre 2021, 8 décembre 2021 et 7 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Maincy demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code de l’environnement ;

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,

— les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Maincy ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’au vu des résultats des analyses effectuées par une association pour mesurer la quantité de dioxines et de furanes présentes dans la poussière des toitures des bâtiments municipaux de la commune de Maincy, le maire de la commune a interrogé la préfète de Seine et Marne, par un courrier du 16 novembre 2017, sur les actions engagées par la préfecture pour évaluer, sur le territoire de la commune, la part de pollution restante résultant de l’ancienne exploitation d’un incinérateur d’ordures ménagères en activité sur la commune voisine de Vaux-le-Pénil jusqu’en 2002. Par un second courrier du 11 décembre 2017, le maire de Maincy a transmis les résultats des prélèvements effectués à la préfète de Seine-et-Marne, en lui demandant son « aide pour prendre toutes mesures nécessaires à la protection de la population ». Par un courrier du 6 février 2018, la préfète de Seine-et-Marne a répondu à sa demande en lui indiquant que les documents transmis ne permettaient pas, à eux seuls, de caractériser un risque. Elle a précisé en outre que des prélèvements des retombées atmosphériques de dioxine étaient réalisés tous les six mois par l’exploitant du nouvel incinérateur en activité depuis 2003 et n’avaient révélé que des concentrations très inférieures aux valeurs de référence. Enfin elle a indiqué que la direction départementale de l’environnement et de l’énergie de Seine-et-Marne ainsi que l’agence régionale de santé pouvaient, le cas échéant, apporter les éclairages et précisions nécessaires pour « veiller à l’évolution de la situation ».

2. Estimant que ce courrier du 6 février 2018 révélait une décision de refus de procéder à des analyses complémentaires et de donner suite à sa demande d’assistance pour assurer la protection de la population, la commune de Maincy a demandé au tribunal administratif de Melun d’annuler pour excès de pouvoir cette décision. Par un jugement du 6 décembre 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande comme infondée. Par un arrêt du 8 juillet 2021, contre lequel la commune se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté son appel formé contre ce jugement au motif que sa demande initiale était irrecevable, faute d’être dirigée contre une décision lui faisant grief.

3. Aux termes de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : « Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’Etat qui y sont relatifs ». Aux termes de l’article L. 2215-1 du même code : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : / 1° Le représentant de l’Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d’entre elles, et dans tous les cas où il n’y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l’Etat dans le département à l’égard d’une seule commune qu’après une mise en demeure au maire restée sans résultat ; / () 3° Le représentant de l’Etat dans le département est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l’ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d’application excède le territoire d’une commune ; / 4° En cas d’urgence, lorsque l’atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l’exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d’entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l’usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu’à ce que l’atteinte à l’ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées. / () « Par ailleurs, aux termes de l’article L. 2215-8 du même code : » Les laboratoires publics d’analyses gérés par des collectivités territoriales constituent un élément essentiel de la politique publique de sécurité sanitaire ; ces laboratoires font partie intégrante du dispositif de prévention des risques et de gestion des crises sanitaires. Ils interviennent dans les domaines de la santé publique vétérinaire, de la santé végétale et dans la surveillance de la qualité de l’alimentation, des eaux potables et de l’environnement. / En cas de menace ou d’atteinte graves à la santé publique, le représentant de l’Etat dans le département dispose sans délai, en tant que de besoin, pour l’exercice de ses attributions, du laboratoire du service vétérinaire du département ou du laboratoire hydrologique ou, à défaut, de ceux d’un autre département en coordination avec le représentant de l’Etat dans le département concerné. "

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’après avoir interrogé la préfète de Seine-et-Marne, par un premier courrier du 16 novembre 2017, sur les actions engagées par la préfecture pour évaluer la pollution persistante due à l’ancien incinérateur, le maire de Maincy a de nouveau saisi la préfète, par un courrier du 11 décembre 2017, pour lui transmettre le résultat d’analyses et, après s’être référé aux dispositions de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales relatives à son pouvoir de police, pour solliciter son assistance afin de prendre toutes mesures nécessaires à la protection de la population. Eu égard au contexte dans lequel il s’inscrivait, ce courrier du maire doit être regardé comme sollicitant la préfète, qui avait compétence pour ce faire dans le cadre de ses pouvoirs de police rappelés au point précédent, pour que des analyses complémentaires du risque sanitaire soient menées et que des mesures de protection de la population soient le cas échéant prises, de sorte que la réponse qui lui a été adressée par la préfète le 6 février 2018, faisant état des analyses déjà effectuées, révèlait un refus de faire droit à la demande de la commune, susceptible d’être contesté devant le juge administratif. Dès lors, en jugeant, au motif qu’il contenait une simple information à l’attention du maire, que le courrier en réponse de la préfète de Seine-et-Marne du 6 février 2018 n’avait pas le caractère d’une décision faisant grief susceptible de recours, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Maincy est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué.

6. Il y a lieu dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Maincy au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

— -------------

Article 1er : L’arrêt du 8 juillet 2021 de la cour administrative d’appel de Paris est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Paris.

Article 3 : L’Etat versera à la commune de Maincy une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Maincy et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l’issue de la séance du 12 avril 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; conseillère d’Etat ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillers d’Etat et Mme Airelle Niepce, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 10 mai 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Airelle Niepce

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse

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