CEDH, MAS GAVARRÓ c. ESPAGNE, 14 décembre 2015, 26111/15

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Chronologie de l’affaire

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Village Justice · 15 février 2023

La Cour européenne des droits de l'Momme s'est prononcée le 18 octobre 2022 sur une affaire concernant la publication de plusieurs articles dans un quotidien espagnol ayant possiblement porté atteinte à la réputation d'un homme politique. La décision "Mas Gavarro c. Espagne" (requête n°26111/15) mérite une attention particulière, car en refusant de juger recevable la requête du requérant, la Cour démontre une nouvelle fois ses préférences quant aux choix procéduraux internes en termes de diffamation et injure. « La fatalité veut qu'on prenne toujours les bonnes résolutions trop tard » …

 

www.dbfbruxelles.eu · 21 novembre 2022

Voir le LEB L'exercice d'un seul recours pénal limitant le contrôle juridictionnel à l'examen de l'absence de gravité pénale a empêché le requérant d'obtenir une réparation civile de ses droits prévue par la législation, rendant la requête irrecevable (10 novembre) Décision Mas Gavarró c. Espagne, requête n°26111/15 La Cour EDH rappelle que la protection de la réputation est un droit qui relève de l'article 8 de la Convention protégeant la vie privée et familiale. Cette protection oblige les autorités nationales à mettre en place un cadre juridique adapté. Toutefois, une telle …

 

CEDH · 10 avril 2017

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, 14 déc. 2015, n° 26111/15
Numéro(s) : 26111/15
Type de document : Affaire communiquée
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Affaire communiquée
Identifiant HUDOC : 001-159933
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Texte intégral

Communiquée le 14 décembre 2015

TROISIÈME SECTION

Requête no 26111/15
Artur MAS GAVARRÓ
contre l’Espagne
introduite le 16 mai 2015

EXPOSÉ DES FAITS

Le requérant, M. Artur Mas Gavarró, est un ressortissant espagnol né en 1956 et résidant à Barcelone. Il est représenté devant la Cour par Me X. Melero Merino, avocat à Barcelone.

A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Depuis décembre 2010, le requérant est le président du Gouvernement de la communauté autonome de la Catalogne (Generalitat de Catalunya).

Le 16 novembre 2012, en pleine campagne électorale pour la présidence de la Generalitat, le journal El Mundo publia un article à sa une attribuant au requérant, candidat à sa propre réélection, la tenue de comptes bancaires à l’étranger qui proviendraient de pots-de-vin. L’article était fondé sur un présumé brouillon d’un rapport de police envoyé aux journalistes. Le rapport refléterait l’existence d’une enquête de la police nationale menée dans le cadre d’une procédure judiciaire en cours dans la dénommée affaire « Palau ». Cette affaire portait sur le présumé financement illégal du parti politique du requérant, Convergència i Unió (ci-après, CiU), et y étaient impliqués l’ancien président de la Generalitat, J. Pujol, ainsi que le requérant lui-même. L’article contenait les propos suivants :

« La Police associe des comptes bancaires en Suisse de Pujol et Mas avec la corruption de CiU »

Un rapport de la police révèle qu’une partie des pourcentages que les entreprises payaient à Convergència Democràtica de Catalunya (CDC) (...) à travers la trame du Palau a terminé dans des dépôts bancaires suisses de leurs dirigeants. Concrètement, d’Artur Mas et de la famille de Jordi Pujol.

Le « brouillon » de l’Unité Centrale de Délinquance Économique et Fiscale (UDEF) dénonce l’existence de comptes en Suisse et au Liechtenstein contrôlés par Artur Mas, père et fils, ainsi que par Jordi Pujol (...) »

Dans une page à l’intérieur du journal, un autre article se référait au rapport de l’UDEF. Le titre de l’article lisait ainsi :

« Pujol et Mas encaissaient [de l’argent] en Suisse. »

Le même jour, le juge d’instruction no 30 de Barcelone, chargé de l’enquête dans l’affaire Palau, réagit à la publication et affirma ignorer l’existence du brouillon de l’UDEF, assurant ne pas avoir autorisé une telle enquête. Il rappelait à cet égard qu’aucun organe de la police judiciaire n’était compétent pour enquêter sur une affaire en cours sans le mandat d’un juge d’instruction. Le communiqué du juge fut publié le 17 novembre 2012 dans le même journal.

Par ailleurs, la Division des Enquêtes Criminelles de la police catalane (Mossos d’Esquadra) réagit à son tour et démentit les affirmations suivantes contenues dans les articles litigieux :

« (...) Un document envoyé aux « Mossos [d’Esquadra] » (...) explique comment (...) le père d’Artur Mas recevait des pourcentages au Liechtenstein qu’il détournait partiellement au profit de son fils. »

La Division précisa ne disposer d’aucune information à ce sujet. Elle assura par ailleurs ignorer l’origine de l’information publiée.

Le 19 novembre 2012, le journal publia une transcription partielle du rapport en question, avec des photos de certaines pages. Le rapport faisait référence à une lettre anonyme adressée à la police catalane (Mossos d’Esquadra), que cette dernière aurait dissimulée au juge, dévoilant l’implication du requérant dans l’activité délictuelle. L’auteur du rapport reconnaissait ne pas disposer de la lettre, mais espérait l’obtenir grâce à la collaboration de certains membres de la police catalane.

Le 22 novembre 2012, un représentant du Syndicat Unifié de Police présenta au cours d’une conférence de presse la copie d’un rapport qu’il affirmait avoir reçu de façon anonyme. Le document, de dix-sept pages et présumé avoir été rédigé à la demande du juge d’instruction no 30 de Barcelone, contenait l’entête de l’UDEF mais n’était ni daté ni signé. Les journalistes admirent s’être fondés sur ce document pour publier leur article.

Le juge chargé de l’instruction de l’affaire Palau nia avoir commandé ce rapport et l’unité de police déclara ne pas en être l’auteur. De plus, le commissaire en chef de l’UDEF, manifesta que, depuis juillet 2012 son unité n’avait élaboré aucun rapport ni brouillon sur l’affaire. Par ailleurs, le commissaire releva qu’une enquête était en cours sur l’existence dudit document. À cet égard, les conclusions rendues le 21 mars 2013 par l’unité des affaires internes de la police nationale corroborèrent que le présumé « rapport-brouillon » n’était pas un document officiel produit par la police.

Procédure entamée par le requérant

Le 19 novembre 2012, le requérant porta plainte (querella) pour injures et calomnies (articles 205 et ss. du code pénal) à l’encontre des journalistes auteurs de l’article, ainsi que contre l’éditrice du journal. Une procédure d’information judiciaire fut entamée auprès du juge d’instruction no 3 de Madrid, au cours de laquelle furent entendus les journalistes ainsi que les responsables de la police concernés.

Le 22 octobre 2013, le juge décida le non-lieu définitif et le classement de l’affaire. Après avoir effectué une mise en balance entre le droit à l’information des journalistes et le droit à l’honneur du requérant, le juge nota que le « brouillon » du rapport présentait une apparence externe et un contenu qui permettaient d’envisager sa véracité. En outre, les journalistes avaient contacté plusieurs sources (demeurées anonymes), pour confirmer la fiabilité du contenu du rapport.

Le requérant fit appel. Il soutenait que le caractère anonyme et de « brouillon » du rapport litigieux exigeaient un devoir de diligence des journalistes visant à vérifier les données y contenues. Le 2 juin 2014, l’Audiencia Provincial de Madrid confirma le non-lieu.

Invoquant l’article 18 (droit à l’honneur) de la Constitution, le requérant forma un recours d’amparo auprès du Tribunal constitutionnel, qui fut déclaré irrecevable par une décision notifiée le 18 novembre 2014 en raison de l’absence manifeste de violation d’un droit fondamental susceptible d’être protégé en amparo.

B.  Le droit interne pertinent

Code pénal

Article 205

« Est calomnie le fait d’imputer un délit sachant que c’est faux ou avec un mépris téméraire de la vérité. »

Article 206

« Les calomnies sont punies des peines d’emprisonnement de six mois à deux ans ou d’amende de 12 à 24 mois, si elles sont propagées avec de la publicité et, autrement, d’une amende de 6 à 12 mois. »

Article 207

« Celui qui est accusé d’un délit de calomnie devient exempt de toute peine s’il prouve le fait criminel qu’il imputait. »

Article 208

« Est injure l’action ou l’expression qui lèse la dignité d’une autre personne, en nuisant à sa réputation ou en portant atteinte à sa propre estime.

Sont seulement constitutives de délit les injures qui, de par leur nature, effets et circonstances, sont tenues pour graves dans le concept public.

Les injures qui consistent en l’imputation de faits ne sont pas considérées comme graves, à moins qu’elles aient été faites en sachant qu’elles sont fausses ou avec un mépris téméraire de la vérité. »

Article 209

« Les injures graves faites avec publicité sont punies de la peine d’amende de 6 à 14 mois et, autrement, de celle de 3 à 7 mois. »

Article 210

« Celui qui est accusé d’injure est exempt de responsabilité s’il prouve la véracité des imputations lorsque celles-ci sont adressées contre des fonctionnaires publics sur des faits concernant l’exercice de leurs fonctions ou portent sur la commission de contraventions pénales ou d’infractions administratives. »

GRIEF

Invoquant l’article 8 § 1 de la Convention, le requérant se plaint d’une atteinte à son droit à la réputation personnelle, qui doit s’entendre compris dans le droit de tout individu à sa vie privée. Il note en particulier que les informations publiées se sont avérées fausses et qu’à ce jour le rapport-brouillon authentique n’a toujours pas été retrouvé. L’article fut donc publié sur la base d’informations qui, eu égard à leurs répercussions sur la personne du requérant, auraient dû être contrastées d’avantage par les journalistes.

QUESTIONS AUX PARTIES

1.  Y a-t-il eu atteinte au droit du requérant au respect de sa vie privée, au sens de l’article 8 de la Convention, en raison de la publication des articles litigieux dans le journal El Mundo et du rejet de sa plainte par les juridictions internes ?

2.  Dans l’affirmative, cette ingérence était-elle justifiée eu égard aux exigences de l’article 8 de la Convention ?

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Textes cités dans la décision

  1. Constitution du 4 octobre 1958
  2. CODE PENAL
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