CEDH, Cour (troisième section), DARTOIS c. la FRANCE, 7 septembre 1999, 44788/98

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Troisième Section), 7 sept. 1999, n° 44788/98
Numéro(s) : 44788/98
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 9 octobre 1998
Jurisprudence de Strasbourg : Cour Eur. D.H. Arrêt B. c. Autriche du 28 mars 1990, série A n° 175, pp. 14-15, par. 36, 38
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-30634
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1999:0907DEC004478898
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Sur les parties

Texte intégral

TROISIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 44788/98

présentée par Christophe DARTOIS

contre la France

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en chambre le 7 septembre 1999 en présence de

SirNicolas Bratza, président,

M.J-P. Costa,

M.L. Loucaides,

M.P. Kūris,

M.W. Fuhrmann,

MmeH.S. Greve,

M.K. Traja, juges,

et deMmeS. Dollé, greffière de section ;

Vu l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ;

Vu la requête introduite le 9 octobre 1998 par Christophe Dartois contre la France et enregistrée le 3 décembre 1998 sous le n° de dossier 44788/98 ;

Vu le rapport prévu à l’article 49 du règlement de la Cour ;

Après en avoir délibéré ;

Rend la décision suivante :


EN FAIT

Le requérant est un ressortissant français né en 1964 et actuellement détenu à la prison de Châlons-en-Champagne.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le 12 mai 1995, le requérant fut mis en examen et écroué pour vols avec armes, complicité et tentative par le juge d’instruction de Charleville-Mézières.

Par arrêt du 4 juillet 1996, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Reims prononça son renvoi devant la cour d’assises des Ardennes. Cet arrêt fit l’objet d’un pourvoi en cassation, rejeté à une date non précisée.

Le 15 mai 1997, en vertu de l’article 148-1 du code de procédure pénale, le requérant présenta une demande de mise en liberté directement à la chambre d’accusation de Reims, qui se déclara incompétente le 22 mai 1997 aux motifs suivant :

« Attendu que le procureur général, exposant qu’à la date de la demande la cour d’assises n’était pas en session, soutient que la chambre d’accusation resterait compétente, quand bien même la juridiction criminelle siégerait aujourd’hui ;

Mais attendu qu’aux termes de l’article 148-1 du code de procédure pénale, lorsqu’une juridiction de jugement est saisie, il lui appartient de statuer sur la liberté provisoire et qu’avant le renvoi en cour d’assises et dans l’intervalle des sessions d’assises, ce pouvoir appartient à la chambre d’accusation ;

Attendu qu’il se déduit nécessairement de ce texte, dont la rédaction précise ne contient aucune exception ni réserve, que pendant les sessions de la cour d’assises, c’est à cette dernière seulement qu’il appartient de connaître d’une demande de mise en liberté formée par un accusé renvoyé devant elle ;

Attendu que la compétence des juridictions répressives est d’ordre public ; qu’il ne saurait y être dérogé ; que la loi ne distinguant pas selon le moment où une telle demande a été introduite, le juge ne saurait distinguer davantage ;

Or, attendu que la cour d’assises des Ardennes est présentement en session ; attendu que la chambre d’accusation n’a donc pas compétence pour statuer sur la demande de mise en liberté présentée par l’accusé (...) »

Le 27 mai 1997, le procureur général se pourvut en cassation de cet arrêt. Le pourvoi fut enregistré le 29 juillet au greffe de la Cour de cassation.

Le 27 novembre 1997, la cour d’assises des Ardennes condamna le requérant à une peine de 8 ans de réclusion criminelle. Cette peine n’existant plus depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, le ministère public se pourvut en cassation de cet arrêt pour violation de la loi le 1er décembre 1997. Ce pourvoi fut enregistré à la Cour de cassation le 27 mars 1998.

Compte tenu de l’effet suspensif du pourvoi formé contre l’arrêt de condamnation, le requérant présenta une nouvelle demande de mise en liberté le 31 décembre 1997 en se fondant sur l’article 567-2 du code de procédure pénale, aux termes duquel la chambre criminelle saisie d’un pourvoi contre un arrêt de la chambre d’accusation rendu en matière de détention provisoire doit statuer dans les trois mois qui suivent la réception du dossier à la Cour de cassation, faute de quoi l’inculpé est mis d’office en liberté.

Le requérant fit valoir que, saisie d’un pourvoi par le procureur général de l’arrêt d’incompétence de la chambre d’accusation du 22 mai 1997 en matière de détention provisoire, la Cour de cassation n’avait pas statué dans les trois mois, de sorte que sa mise en liberté s’imposait, nonobstant l’arrêt de condamnation intervenu le 27 novembre 1997, lui-même frappé de pourvoi et donc non définitif.

Par arrêt du 15 janvier 1998 (non produit), la chambre d’accusation de Reims rejeta toutefois sa demande au motif qu’elle ne connaissait pas la date exacte de réception par la Cour de cassation du pourvoi formé le 27 mai 1997.

Le procureur général près la Cour de cassation ayant confirmé, par lettre du 27 janvier 1998 adressée au procureur général de la cour d’appel de Reims, que le pourvoi en question avait été enregistré le 29 juillet 1997, le requérant présenta une nouvelle demande de mise en liberté le 30 janvier 1998. Cette demande fut rejetée par arrêt du 19 février 1998 (non produit).

Par arrêt du 17 mars 1998, la Cour de cassation cassa l’arrêt du 22 mai 1997 et renvoya la cause et les parties devant la chambre d’accusation de la cour d’appel de Metz.

Le 29 juin 1998, le requérant présenta une nouvelle demande de mise en liberté à la chambre d’accusation de Reims, qui la rejeta par arrêt du 16 juillet 1998 (non produit).

Par arrêt du 30 juillet 1998, la chambre d’accusation de Metz, statuant sur renvoi après cassation de l’arrêt du 22 mai 1997, examina la demande de mise en liberté présentée par le requérant le 15 mai 1997. Elle la rejeta aux motifs suivants :

« Attendu que depuis la demande de mise en liberté formée par Dartois, un arrêt de condamnation de la cour d’assises des Ardennes est intervenu le 27 novembre 1997, aux termes duquel il a été condamné à la peine de huit années de réclusion criminelle ;

Que cet arrêt n’est pas définitif, le Ministère public ayant formé un pourvoi contre cet arrêt ;

Que la chambre d’accusation est dès lors toujours compétente pour statuer sur la demande de mise en liberté de l’intéressé ;

Attendu que l’examen de l’arrêt de renvoi révèle que les vols avec arme reprochés à l’intéressé ont été commis sur une période de sept mois, de septembre 1994 à avril 1995, et ont été commis au préjudice d’agences bancaires et d’une société de convoyage de fonds ;

Que pendant cette période, il s’agissait de la principale activité de l’intéressé, laquelle lui a permis de mener grand train de vie ;

Que les renseignements donnés sur le caractère de l’intéressé par l’expert psychiatre peuvent faire craindre que Dartois ne se contente pas du salaire qui lui est proposé (SMIC) dans la proposition d’embauche qu’il produit ;

Qu’il y a, dès lors, un risque de renouvellement des faits ;

Attendu également pour les mêmes motifs mais également en raison de la peine encourue, qu’il est à craindre que Dartois, dans le cas où il serait remis en liberté, ne prenne la fuite et ne se soustraie à l’action de la justice ; 

(...)

Attendu que le délai raisonnable n’apparaît pas dépassé, eu égard à la pluralité des faits reprochés à Dartois et à l’importance du préjudice ;

Qu’en outre, à ce jour, il y a lieu de constater que Dartois a déjà été jugé par une cour d’assises qui lui a infligé une peine de douze [huit] années ; que peu importe que cette peine ne soit pas définitive ;

Qu’il convient de relever que celle-ci n’est pas disproportionnée par rapport aux faits reprochés à l’intéressé et que, comme le relève l’avocat de Dartois dans son mémoire, ce dernier n’a toujours pas effectué la moitié du quantum prononcé par cette juridiction ;

Attendu enfin qu’aucun élément nouveau n’est intervenu depuis l’arrêt de la chambre d’accusation de Reims en date du 16 juillet 1998 (...) ;

Attendu en conséquence qu’il convient de rejeter la demande de mise en liberté de Christophe Dartois ; »

Le 3 mars 1999, la Cour de cassation, statuant sur le pourvoi formé par le ministère public le 1er décembre 1997 contre l’arrêt de condamnation de novembre 1997, cassa sans renvoi l’arrêt de la cour d’assises des Ardennes du 27 novembre 1997, au motif que le requérant n’aurait pas dû être condamné à 8 ans de réclusion criminelle mais à 8 ans d’emprisonnement.

GRIEFS

1.Invoquant l’article 5 § 1 c) de la Convention, le requérant se plaint d’avoir été illégalement maintenu en détention provisoire. Il expose que la cour de cassation aurait dû statuer dans les 3 mois de la réception, le 29 juillet 1997, du pourvoi en cassation formé par le ministère public contre un arrêt d’incompétence rendu par la chambre d’accusation le Reims le 22 mai 1997, faute de quoi, il devait être remis en liberté d’office le 29 octobre 1997. Ayant été par la suite condamné par arrêt du 27 novembre 1997, le requérant en déduit que sa détention était illégale entre le 29 octobre et le 26 novembre 1997.

2.Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, le requérant se plaint également de la durée excessive de sa détention provisoire. Il relève qu’en vertu de l’effet suspensif du pourvoi en cassation formé contre l’arrêt de condamnation du 27 novembre 1997, il s’est trouvé sous le régime juridique de la détention provisoire depuis sa mise en examen le 12 mai 1995 jusqu’à l’intervention de l’arrêt de la Cour de cassation du 3 mars 1999, soit pendant près de 4 ans. De ce fait, il n’a pu prétendre à aucune remise de peine ni permissions de sortie et n’a pu présenter une demande de mise en liberté conditionnelle. N’étant pas condamné, il n’a pas davantage pu bénéficier des grâces présidentielles traditionnelles du 14 juillet et a été maintenu en détention en maison d’arrêt, dont les conditions de vie et de fonctionnement sont nettement inférieures à celles d’un centre de détention pour condamnés.

EN DROIT

1.Le requérant se plaint d’avoir été illégalement maintenu en détention entre le 29 octobre et le 26 novembre 1997, faute pour la Cour de cassation d’avoir statué sur le pourvoi formé contre la décision d’incompétence rendue par la chambre d’accusation dans le délai de trois mois prévu par l’article 567-2 du code de procédure pénale. Il invoque l’article 5 § 1 c) qui dispose :

« 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (…)

c.  s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci; (…) »

La Cour relève tout d’abord que le requérant n’a pas saisi la chambre d’accusation compétente dès le 30 octobre 1997 d’une demande de mise en liberté fondée sur l’illégalité de sa détention à compter du 29 octobre. Il ne l’a fait, pour la première fois, que le 31 décembre 1997, alors qu’il était condamné depuis le 27 novembre 1997 par la cour d’assises et qu’en vertu de l’article 5 § 1 a) de la Convention, il se trouvait depuis cette date dans la situation d’une personne « détenue régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ».

La Cour observe en outre qu’il ne ressort pas des documents figurant au dossier que le requérant se soit pourvu en cassation des deux arrêts, du 15 janvier puis du 19 février 1998, rendus par la chambre d’accusation de Reims suite aux demandes de mise en liberté formées par le requérant le 31 décembre 1997 puis le 30 janvier 1998. Il s’ensuit que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes conformément à l’article 35 § 1 de la Convention et que cette partie de la requête doit dès lors être rejetée en application de l’article 35 § 4.

2.Le requérant se plaint également de la durée excessive de sa détention provisoire qui, selon lui, a duré du 12 mai 1995, date de sa mise en examen, au 3 mars 1999, date de l’arrêt de la Cour de cassation cassant sans renvoi l’arrêt de la cour d’assises qui lui avait infligé une peine non prévue par la loi. Il invoque l’article 5 § 3 de la Convention qui stipule :

« 3.  Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience.»

La Cour relève que, depuis l’arrêt de condamnation rendu par la cour d’assises le 27 novembre 1997, le requérant n’était plus détenu dans les conditions prévues au paragraphe 1. c de l’article 5 et qu’en conséquence il ne saurait se prévaloir des garanties de l’article 5 § 3. Il est vrai que le requérant soutient qu’en droit français, il se trouvait encore sous le régime de la détention provisoire puisque l’arrêt de condamnation avait été frappé d’un pourvoi par le ministère public pour violation de la loi, la peine de 8 années de réclusion criminelle infligée par la cour d’assises n’étant pas prévue par le code pénal.

La Cour rappelle que l’article 5 § 1 a) de la Convention prévoit expressément la détention de toute personne après condamnation par un tribunal compétent. Par « condamnation » au sens de cette disposition il faut entendre à la fois une déclaration de culpabilité, consécutive à l’établissement légal d’une infraction, et l’infliction d’une peine ou autre mesure privative de liberté. Une détention à la suite de pareille « condamnation » est couverte par cette disposition même si la condamnation émane d’une juridiction de première instance et si elle n’est pas définitive. Le fait que, d’après le droit national, l’individu qui exerce un recours contre la condamnation soit considéré toujours en état de détention provisoire n’est pas déterminant à cet effet  (arrêt B. c. Autriche du 28 mars 1990, série A n°175, p. 14-15, §§ 36 et 38).

Il s’ensuit que la durée de la détention provisoire susceptible d’être prise en considération par la Cour s’étend du 12 mai 1995 au 27 novembre 1997, soit 2 ans, 6 mois et 15 jours. La détention provisoire, au sens de l’article 5 § 3, s’étant terminée le 27 novembre 1997 et la requête ayant été introduite le 9 octobre 1998, soit en dehors du délai de six mois prévu à l’article 35 § 1 de la Convention, le grief est tardif et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4 de la Convention. En tout état de cause, la Cour ne dispose pas au dossier d’éléments lui permettant de conclure que la détention provisoire du requérant a dépassé le délai raisonnable prévu à l’article 5 § 3 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

DÉCLARE LA REQUÊTE IRRECEVABLE.

S. DolléN. Bratza

GreffièrePrésident

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