CEDH, Cour (troisième section), GAUCHER c. la FRANCE, 13 février 2001, 51406/99

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Troisième Section), 13 févr. 2001, n° 51406/99
Numéro(s) : 51406/99
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 11 août 1999
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne du 6 décembre 1988, série A n° 146, § 77
Arrêt Ferrantelli et Santangelo c. Italie du 7 août 1996, Recueil 1996-III, pp. 949-50, § 48
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Partiellement irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-31996
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2001:0213DEC005140699
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Sur les parties

Texte intégral

TROISIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 51406/99
présentée par François GAUCHER
contre la France

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 13 février 2001 en une chambre composée de

MM.L. Loucaides, président,
J.-P. Costa,
P. Kūris,
MmeF. Tulkens,
M.K. Jungwiert,
MmeH.S. Greve,
M.M. Ugrekhelidze, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 11 août 1999 et enregistrée le 29 septembre 1999,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :


EN FAIT

Le requérant est un ressortissant français, résidant à Sencenac Puy de Fourches (France). Il est représenté devant la Cour par Me Y. Rio, avocat au barreau de Paris.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

A.  Les circonstances de l’espèce

Le requérant fut verbalisé le 24 septembre 1996 pour avoir roulé à une vitesse de 155 km/h sur une portion d’autoroute où la vitesse était limitée à 90 km/h du fait d’un arrêté préfectoral. La contravention fut constatée à l’aide d’un appareil de contrôle couplé à une caméra.

Par jugement du 24 novembre 1997, le Tribunal de police de Boulogne-Billancourt déclara le requérant coupable de l’infraction reprochée. Le tribunal releva que la photographie prise le 24 septembre 1996 correspondait bien à celle du requérant et que ce dernier ne présentait aucun élément de nature à contrecarrer le procès verbal à la base de la poursuite. Le requérant fut condamné au paiement d’une amende et à une suspension de son permis de conduire pour une durée de 15 jours.

Le requérant interjeta appel de ce jugement en invoquant plusieurs motifs, en partie tirés de violations alléguées de la Convention européenne des droits de l’homme. Il releva notamment que les règles relatives à l’administration de la preuve des infractions routières n’étaient pas conformes à l’article 6 de la Convention en ce qu’il énonce le principe de « l’égalité des armes ». Le requérant invoqua également le fait que la citation à comparaître devant le tribunal de police serait nulle au motif qu’elle ne viserait pas les textes servant de base à la poursuite. Il contesta par ailleurs être le conducteur de l’automobile ayant fait l’objet du contrôle qui a abouti à la verbalisation.

Par arrêt du 3 juillet 1998, la cour d’appel de Versailles confirma le jugement attaqué selon les principaux motifs suivants :

« Considérant sur les autres exceptions soulevées que l’infraction à la prévention a été régulièrement constatée par les services de la gendarmerie nationale (...) , que tout contrevenant comme François GAUCHER est à même, conformément à la loi, de faire la preuve contraire, soit par écrit, soit par témoignage, que force est de constater que ce dernier n’a pas cherché à faire légalement cette preuve contraire ;

Que pour le reste, le Ministère public n’a utilisé comme élément de démonstration que le procès-verbal de constat susvisé, que l’argumentation développée par la défense sur « l’égalité des droits » n’est qu’une spéculation théorique non adaptée à la discussion de l’espèce; (...)

Considérant, sur la nullité de la citation, que cette dernière doit permettre par l’exposé des faits et des textes applicables au prévenu concerné d’être informé sur tous les points (élément légal et matériel) lui permettant l’exercice des droits de la défense ; qu’en l’espèce, la citation a visé l’article R.10 du code de la route qui réglemente la vitesse sur les axes de circulation, qu’elle a visé aussi le lieu exact de l’infraction ainsi que la date des faits et le véhicule conduit lors de la commission de ceux-ci ;

Qu’ainsi, même si l’arrêté préfectoral [ayant réduit la vitesse maximale autorisée sur la portion d’autoroute concernée] n’a pas été visé dans la citation, le prévenu était parfaitement informé de ce qui lui était reproché ; qu’en particulier, il pouvait procéder aux vérifications qui lui paraissaient utiles à sa défense, disposant en effet de tous les éléments nécessaires pour cela ; (...)

Considérant que François GAUCHER quoiqu’il conteste être le conducteur du véhicule contrôlé, ne rapporte aucune preuve permettant de contredire les constatations des enquêteurs (...) ».

Le requérant forma alors un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt de la cour d’appel. A titre préliminaire, il demanda à comparaître devant la Cour de cassation et la communication, avant l’audience, des réquisitions du ministère public. Il demanda également à se voir confirmer l’interdiction qui serait faite au ministère public d’assister et/ ou de participer à la délibération de la Cour de cassation.

Le requérant déposa un mémoire personnel, ayant choisi de ne pas recourir au ministère d’un avocat près la Cour de cassation. Il fonda notamment son pourvoi sur la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ainsi, il invoqua la nullité de la citation délivrée en première instance au regard du « droit à être informé de la nature et de la cause de l’accusation » et la non conformité des règles relatives à l’administration des preuves des infractions routières au principe de l’égalité des armes.

Par un arrêt du 1er juin 1999, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta le pourvoi. S’agissant des demandes préliminaires du requérant, la Cour s’exprima comme suit :

« Attendu que l’intervention du demandeur à l’audience de la chambre criminelle ne serait d’aucune utilité pour sa défense et pour la décision, dès lors qu’il a déposé un mémoire exposant ses moyens de cassation ;

Attendu que les demandes relatives aux réquisitions et à la présence du ministère public sont dépourvus d’objet, dès lors que l’avocat général, dont le rôle, devant la Cour de cassation, n’est pas de soutenir l’accusation contre le prévenu, mais de s’assurer qu’il a été jugé conformément à la loi, ne présente ses réquisitions qu’oralement à l’audience (...) ».

Sur le fond, la Cour rejeta les différents moyens soulevés par le requérant. Elle releva que ces moyens se bornaient à répéter l’argumentation écartée à bon droit par les juges du fond, selon des motifs suffisants et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont ils avaient été saisis.

B.  Le droit interne pertinent

Article 537 du Code de procédure pénal

“ Les contraventions sont prouvées soit par des procès-verbaux ou rapports, soit par des témoins à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui.

(...) sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire (...) font foi jusqu’à preuve contraire.

La preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins.”

GRIEFS

1.  Invoquant l’article 6 §§ 1, 2 et 3 d) de la Convention, le requérant estime que les règles applicables devant la Cour de cassation sont contraires au respect des droits de la défense et au principe d’égalité des armes.

Il considère que le principe du procès équitable suppose qu’il puisse être informé de la date de l’audience devant la Cour de cassation afin d’y participer pour faire valoir sa réplique, qu’il puisse être assisté d’un avocat et recevoir communication de la teneur des communications de l’avocat général pour y répondre.

Il se plaint de ne pas avoir pu bénéficier d’un allongement des délais de dépôt du mémoire en cassation ni d’une information sur la teneur des réquisitions de l’avocat général ou de la date d’audience afin de pouvoir y prendre la parole pour y exposer ses moyens parce qu’il n’a pas choisi de se faire assister et représenter par un avocat à la Cour de cassation.

2.  Invoquant l’article 6 de la Convention en ses paragraphes 1, 2 et 3 d), le requérant se plaint de ce que les règles de droit français relatives à l’administration des preuves des infractions routières seraient contraires aux principes de l’équité, de « l’égalité des armes » et de la présomption d’innocence.

Il considère que le système français place l’accusé dans la quasi-impossibilité de rapporter la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal servant de fondement aux poursuites devant le tribunal de police puisque ces énonciations ne peuvent être combattues que par le témoignage et l’écrit. Ainsi, à défaut de témoignages en sa faveur, l’accusé sera nécessairement condamné malgré le principe de la présomption d’innocence.

EN DROIT

1.  Le requérant estime que les règles applicables devant la Cour de cassation sont contraires au respect des droits de la défense, du contradictoire et du principe d’égalité des armes. Il invoque l’article 6 de la Convention en ses paragraphes 1er, 2 et 3 d) de la Convention, qui prévoient :

« 1.  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...).

2.  Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

3.  Tout accusé a droit notamment à :

d)  interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; (...) ».

Il considère que le principe du procès équitable suppose qu’il puisse être informé de la date de l’audience devant la Cour de cassation afin d’y assister pour faire valoir sa réplique, qu’il puisse être assisté d’un avocat et recevoir communication de la teneur des communications de l’avocat général pour y répondre.

Il se plaint de ne pas avoir pu bénéficier d’un allongement des délais de dépôt du mémoire en cassation ni d’une information sur la teneur des réquisitions de l’avocat général ou de la date d’audience afin de pouvoir y prendre la parole pour y exposer ses moyens parce qu’il n’a pas choisi de se faire assister et représenter par un avocat à la Cour de cassation.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 3 b) de son règlement.

2.  Invoquant l’article 6 §§ 1, 2 et 3 d) précités, le requérant se plaint de ce que les règles de droit français relatives à l’administration des preuves des infractions routières seraient contraires aux principes de l’équité, de « l’égalité des armes » et de la présomption d’innocence.

La Cour rappelle que la Convention ne réglemente pas le régime des preuves en tant que tel. Au sens de l’article 6, §§ 1 et 3 « l’administration des preuves relève au premier chef des règles du droit interne et (...) il revient en principe aux juridictions nationales d’apprécier les éléments recueillis par elles. La tâche de la Cour consiste à rechercher si la procédure examinée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, revêtit un caractère équitable » (arrêt Ferrantelli et Santangelo c. Italie du 7 août 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, pp. 949-950, § 48).

L’article 6 § 2 « exige qu’en remplissant leurs fonctions les membres du tribunal ne partent pas de l’idée préconçue que le prévenu a commis l’acte incriminé ; la charge de la preuve pèse sur l’accusation et le doute profite à l’accusé. En outre, il incombe à celui-ci d’indiquer à l’intéressé de quelles charges il fera l’objet - afin de lui fournir l’occasion de préparer sa défense en conséquence - et d’offrir des preuves suffisantes pour fonder une déclaration de culpabilité » (arrêt Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne du 6 décembre 1988, série A n° 146, § 77).

La Cour relève en l’espèce que les juridictions internes ne sont pas parties de l’idée que le requérant était coupable mais ont statué au vu des éléments versés contradictoirement aux débats dont les éléments de preuve apportés par l’accusation. La Cour relève ensuite que le droit interne permettait au requérant de rapporter la preuve contraire à celle présentée par l’accusation, soit par un écrit soit par un témoignage (article 537 du Code de procédure pénale). Il ressort de la lecture des décisions rendues que le requérant fut condamné par les juges du fond qui, ayant apprécié les éléments fournis par le requérant, estimèrent qu’il n’avait pas cherché à faire légalement cette preuve contraire. Les juges conclurent que les éléments de preuve versés aux débats étaient suffisants pour fonder le constat de culpabilité.

Il résulte ainsi d’un examen de la procédure dans son ensemble que le requérant a été condamné selon une procédure contradictoire au cours de laquelle il disposa de la possibilité d’assurer ses droits de la défense et de rapporter la preuve contraire à celle présenté à sa charge et que les juges saisis ont statué par des décisions motivées après une administration équitable des éléments de preuve et dans le respect du principe de la présomption d’innocence.

Il s’ensuit que le grief est manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et doit être rejeté en application de son article 35
§ 4.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief du requérant concernant l’équité de la procédure devant la Cour de cassation ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

S. DolléL. Loucaides
GreffièrePrésident

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