CEDH, Cour (première section), ÖZCELIK, TEKIN, DEMIR, DOGAN, ÖNDES, KEZER et DURC c. la TURQUIE, 13 février 2001, 29425/95

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Première Section), 13 févr. 2001, n° 29425/95
Numéro(s) : 29425/95
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 12 octobre 1995
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Yagci et Sargin c. Turquie du 8 juin 1995, série A n° 319, p. 17, § 44
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Recevable
Identifiant HUDOC : 001-32048
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2001:0213DEC002942595
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Sur les parties

Texte intégral

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 29425/95
présentée par Ferhan ÖZÇELİK, Selhan TEKİN, Fikri DEMİR, Arap DOĞAN, Nedim ÖNDEŞ, Yahya KEZER et Ali DURÇ
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 13 février 2001 en une chambre composée de

MmeE. Palm, présidente,
MM.L. Ferrari Bravo,
Gaukur Jörundsson,
B. Zupančič,
T. Panţîru,
R. Maruste, juges,
F. Gölcüklü, juge ad hoc,
et de M. M. O’Boyle, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite devant la Commission européenne des Droits de l’Homme le 12 octobre 1995 et enregistrée le 1er décembre 1995,

Vu l’article 5 § 2 du Protocole n° 11 à la Convention, qui a transféré à la Cour la compétence pour examiner la requête,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :


EN FAIT

Les requérants sont des ressortissants turcs, nés respectivement en 1961, 1964, 1971, 1951, 1969, 1960 et 1975. Lors de l’introduction de la requête, ils étaient détenus à la maison d’arrêt de Buca (Izmir). Ils sont représentés devant la Cour par Me Mustafa İşeri, avocat au barreau d’Izmir.

A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le 2 juin 1995, les cinq premiers requérants, le 6 juin 1995, le sixième, et le 9 juin 1995, le septième requérant furent arrêtés et placés en garde à vue par la police. Il leur fut reproché d’avoir participé aux activités terroristes du PKK et d’avoir porté aide et soutien à cette organisation.

Le 14 juin 1995, les six premiers requérants, et le 19 juin 1995, le septième requérant furent traduits devant le juge assesseur près la cour de sûreté de l’Etat d’Izmir, qui ordonna leur mise en détention provisoire.

Par acte d’accusation présenté respectivement le 29 juin 1995 et le 10 juillet 1995, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat d’İzmir intenta une action pénale contre le septième requérant et les six premiers requérants.

Par arrêt du 22 juillet 1997, en application de l’article 169 du code pénal, la cour de sûreté de l’Etat d’Izmir condamna les premier, deuxième et quatrième requérants à une peine d’emprisonnement de trois ans et neuf mois. En application de l’article 369 du code pénal, elle condamna le cinquième requérant à une peine d’emprisonnement de quatorze ans et dix-sept mois. En application de l’article 168 § 2 du code pénal, elle condamna le sixième requérant à une peine d’emprisonnement de quinze ans et en dernier lieu, en application de l’article 125 du code pénal, condamna le troisième requérant à la peine de mort.

Le 7 octobre 1997, les requérants formèrent un pourvoi devant la Cour de cassation.

B.  Le droit et la pratique internes pertinents

A l’époque des faits, l’article 30 de la loi n° 3842 du 18 novembre 1992 prévoyait, quant aux infractions relevant de la compétence des cours de sûreté de l’Etat, que toute personne arrêtée devait être traduite devant un juge au plus tard dans les quarante-huit heures ou, en cas de délit collectif, dans les quinze jours. Dans les provinces où l’état d’urgence avait été décrété, ces délais étaient susceptibles d’être prolongés jusqu’à quatre et trente jours respectivement.

L’article 1 de la loi n° 466 sur l’octroi d’indemnités aux personnes arrêtées ou détenues prévoit que :

« Seront compensés par l’Etat les dommages subis par toute personne :

1.  arrêtée ou placée en détention dans des conditions et circonstances non conformes à la Constitution et aux lois ;

2.  à laquelle les griefs à l’origine de son arrestation ou détention n’auront pas été immédiatement communiqués ;

3.  qui n’aura pas été traduite devant le juge après avoir été arrêtée ou placée en détention dans le délai légal ;

(...) ;

5.  dont les proches n’auront pas été immédiatement informés de son arrestation ou de sa détention ;

6.  qui, après avoir été arrêtée ou mise en détention conformément à la loi, aura bénéficiée d’un non-lieu (...), d’un acquittement ou d’un jugement la dispensant d’une peine ; (...) ».

GRIEF

Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, les requérants se plaignent de la durée excessive de leur garde à vue.

EN DROIT

Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, les requérants se plaignent de la durée excessive de leur garde à vue.

A.  Sur l’épuisement des voies de recours internes

Le Gouvernement soulève une exception préliminaire tirée du non-épuisement des voies de recours internes.

Il fait valoir qu’aux termes de la loi n° 466 sur l’indemnisation des personnes illégalement arrêtées ou détenues, les requérants disposent d’un droit à réparation qu’ils peuvent utiliser une fois leur procès achevé. Il fait observer que les requérants n’ont pas mis en œuvre cette voie de recours dans la mesure où ils n’ont pas attendu la fin de leur procès.

Les requérants s’opposent à la thèse du Gouvernement et soutiennent que la mesure litigieuse avait été prise en conformité avec la législation en vigueur et qu’ils ne discutent pas l’éventualité d’un recours en indemnisation.

La Cour relève que la durée de la garde à vue litigieuse était conforme à la législation en vigueur à l’époque des faits.

S’agissant d’une demande d’indemnité sur la base de l’article 1 de la loi n° 466, il échet de relever que le grief des requérants tiré de l’article 5 § 3 de la Convention ne consiste pas à dire qu’ils n’avaient pas disposé d’une voie de recours pour obtenir une indemnité. Les requérants allèguent l’absence d’une procédure au travers de laquelle ils eurent pu obtenir un contrôle juridictionnel de type spécifique requis par l’article 5 § 3. Dès lors, la Cour estime que le fait d’exiger des requérants, placés en garde à vue sans contrôle judiciaire rapide et automatique, d’introduire un recours en dommages-intérêts modifierait la nature de la garantie offerte, notamment par les paragraphes 3 et 4 de l’article 5, qui est distincte de celle prévue par l’article 5 § 5 de la Convention (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Yağcı et Sargın c. Turquie du 8 juin 1995, série A n° 319, p. 17, § 44).

Il s’ensuit que l’exception soulevée par le Gouvernement ne saurait être retenue.

B.  Sur le bien-fondé de la requête

Le Gouvernement fait valoir que, pour les délits collectifs, une garde à vue de quinze jours est nécessaire pour rassembler des preuves. Il rappelle qu’en l’espèce quarante-quatre personnes avaient été arrêtées et prétend que, s’agissant des infractions relevant de la cour de sûreté de l’Etat, la durée de la garde à vue ne saurait être dissociée des exigences particulières de la lutte contre la criminalité terroriste.

Le Gouvernement fait observer qu’aux termes de la loi n° 4229 du 6 mars 1997 relative à la durée de la garde à vue, modifiant la loi n° 3842, les personnes arrêtées pour les infractions qui relèvent de la compétence des cours de sûretés de l’Etat doivent être traduites devant le juge au plus tard dans les quarante-huit heures, mais que la durée de la garde à vue initiale peut être prorogée de quatre jours puis de sept.

Les requérants s’opposent à la thèse du Gouvernement.

A la lumière de l’ensemble des arguments des parties, la Cour estime que la requête pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de son examen, mais nécessitent un examen au fond. Dès lors, elle ne saurait être écartée comme étant manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.


Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête recevable, tous moyens de fond réservés.

Michael O’BoyleElisabeth Palm
GreffierPrésidente

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Textes cités dans la décision

  1. CODE PENAL
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