CEDH, Cour (première section), KUZMIN c. la RUSSIE, 6 juin 2002, 58939/00

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Première Section), 6 juin 2002, n° 58939/00
Numéro(s) : 58939/00
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 24 octobre 1999
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Hauschildt c. Danemark du 24 mai 1989, série A n° 154, § 52
Labzov c. Russie (déc.), n° 62208/00, CEDH 2002
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Partiellement irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-43530
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2002:0606DEC005893900
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Sur les parties

Texte intégral

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 58939/00
présentée par Anatoliy Viktorovich KUZMIN
contre la Russie
 

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 6 juin 2002 en une chambre composée de

M.C.L. Rozakis, président,
MmeF. Tulkens,
MM.G. Bonello,
E. Levits,
MmeS. Botoucharova,
M.A. Kovler,
MmeE. Steiner, juges,
et de M. E. Fribergh, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 24 octobre 1999,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, Anatoliy Viktorovich Kuzmin, est un ressortissant russe, né en 1964 et résidant à Motyguino, région de Krasnoyarsk (Fédération de Russie).


A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Jusqu’en juin 1998, le requérant fut magistrat du parquet du district de Motyguino, région de Krasnoyarsk.

Le 21 avril 1998, une mineure de 17 ans, par l’intermédiaire de sa mère, se constitua partie civile en soutenant que le requérant l’avait battue et violée dans son bureau où il l’avait amenée le soir du 20 avril 1998. L’action publique fut mise en mouvement le 22 avril 1998.

Le requérant expose que les 7, 12 et 13 mai 1998, lors des interviews et débats télévisés sur les chaînes « RTR » et « ORT », M. Lebed, gouverneur de la région de Krasnoyarsk, dit que le criminel qu’était M. Kuzmin devait être depuis longtemps en « tôle », et que cette espèce de « chienne » serait bientôt « sur les nattes en prison ». Le requérant soutient également que, par la suite, le gouverneur de région influença le parquet régional dans la conduite de l’information préparatoire de son affaire.

Le 18 mai 1998, le substitut du procureur de région convoqua le requérant et le conduisit de Motyguino à Krasnoyarsk, chef-lieu de la région de Krasnoyarsk, afin de le présenter au parquet de région.

Selon le requérant, du 15 au 22 mai 1998, sa ligne téléphonique fut placée sous écoute suite aux indications de l’instructeur et du substitut du procureur de région.

Le 18 mai 1998, le substitut du procureur de région ordonna que le requérant soit écarté de ses fonctions pendant la période de l’information préparatoire, et ce, au motif que la victime d’un viol prétendument commis par M. Kuzmin, procureur de district, s’était constituée partie civile et que l’action publique avait été déclenchée le 22 avril 1998. Le paragraphe pertinent de la partie « faits » de cette ordonnance est ainsi rédigé :

« Le 21 avril 1998, Mme (...) s’adressa aux services locaux de l’Intérieur qu’elle informa d’un acte de viol prétendument commis sur sa fille mineure de 17 ans dans les locaux du parquet du district de Motyguino dans la nuit du 20 au 21 avril 1998 et de l’implication de M. A. Kuzmin, procureur du district, dans cette affaire. (...) ».

Le 22 mai 1998, le chef du « Département chargé de l’instruction préparatoire des affaires exclusivement importantes » du parquet de la région de Krasnoyarsk, sur le fondement des articles 89, 90, 91, 92 et 96 du code de procédure pénale, prit un arrêté de placement en détention préventive du requérant pour une période de deux mois au motif qu’une telle mesure préventive était nécessaire à la manifestation de la vérité. L’arrêté fut avalisé (« sanction de procureur ») par le procureur de région. Par ce fait même, le requérant fut mis en examen du chef de viol sur mineure.


Le 25 mai 1998, le procureur de région adressa au Procureur général de la Fédération de Russie la demande de révocation du requérant. En motivation de sa demande, le procureur de région fit valoir :

« (...) tel que l’enquête a établi, le 20 avril 1998, (...), étant resté en tête-à-tête avec Melle (...), M. Kuzmin commit sur elle un viol et autres actes de caractère sexuel. (...). Interrogé le 22 mai 1998, M. Kuzmin déposa qu’effectivement, le soir du 20 avril 1998, il consomma de l’alcool dans son bureau avec la victime, qu’il tenta d’avoir un rapport sexuel forcé avec elle, mais qu’à cause de son état d’ivresse, il ne put pas mener à bien cette tentative. Les preuves suffisantes de la culpabilité de M. Kuzmin sont réunies vu les pièces du dossier. (...) »

Le 27 mai 1998, le requérant fut accusé du chef de viol sur mineure sur le fondement de l’article 131 § 2 du code pénal de la Fédération de Russie (voir, infra).

Le 11 juin 1998, se fondant sur les faits exposés dans la demande du procureur de région du 25 mai 1998, le Procureur général de la Fédération de Russie prit un arrêté (prikaz) ordonnant la révocation du requérant du parquet. Les dispositions pertinentes de la partie « motivation » de l’arrêté sont ainsi rédigées :

« Le 21 avril 1998, le procureur du district de Motyguino, (...), en état d’ivresse, viola Melle (...) et commit sur elle d’autres actes de caractère sexuel. M. Kuzmin fait l’objet des poursuites pénales et est placé en détention préventive. Son tel comportement portant atteinte à l’image du magistrat du parquet, M. Kuzmin devra être révoqué. (...) »

Par un arrêté du 14 juillet 1998, la détention préventive du requérant fut prolongée par l’instructeur jusqu’au 22 août 1998. Le 17 août 1998, elle fut encore prolongée jusqu’au 6 septembre 1998. Le 1er septembre 1998, elle fut prolongée jusqu’au 6 octobre 1998. Toutes les fois, les arrêtés de l’instructeur furent avalisés par le procureur de région conformément au droit interne.

Le 26 août 1998, l’information préparatoire fut close. Le requérant saisit le tribunal de première instance de Jéléznodorojniy de Krasnoyarsk, d’une part, pour faire examiner le bien-fondé et la légalité de son maintien en détention préventive et, d’autre part, pour voir commuer cette peine préventive en une mesure de prévention moins sévère. Il soutint à titre principal que son mauvais état de santé était incompatible avec son maintien en détention, et que l’information préparatoire ayant été close, celui-ci ne pouvait plus être considéré comme nécessaire à la manifestation de la vérité. Il sollicita ainsi la mise en liberté conditionnelle.

Statuant par une ordonnance du 2 septembre 1998, le tribunal de première instance rejeta la demande du requérant au motif qu’il était accusé d’une infraction passible d’une longue peine correctionnelle, et qu’aucune circonstance ne justifiait qu’il soit relâché. Le tribunal considéra également que le maintien en détention du requérant était légal, puisque prolongé conformément au droit interne jusqu’au 6 septembre 1998.

L’ordonnance fut confirmée en cassation le 29 septembre 1998 par le collège des affaires pénales de la Cour régionale de Krasnoyarsk présidé par le juge G. Zamyatniy.

Le 5 novembre 1998, l’acte d’accusation fut notifié au requérant. Une copie de ce document, tel qu’il fut transmis au requérant, figure au dossier et représente la première page de l’acte d’accusation. Il comporte seulement le début de la partie « faits établis par l’information préparatoire ».

Le 10 novembre 1998, le tribunal de première instance de Kirovskiy de Krasnoyarsk tint sa première audience de jugement. Mis en détention préventive et accusé du chef de l’article 131 § 2 (viol sur mineure), le requérant fut jugé du chef de l’article 131 § 1 (viol avec violence ou menace de violence). Le 7 décembre 1998, il fut condamné à trois ans et six mois d’emprisonnement.

Le requérant se pourvut en cassation. Le collège des affaires pénales de la Cour régionale de Krasnoyarsk statua en formation de trois juges dont M. G. Zamyatniy. Celui-ci, ayant participé à l’examen de la légalité et du bien-fondé de la détention préventive du requérant en date du 29 septembre 1998, voulut se récuser, mais sa demande fut rejetée par le collège. Le 16 mars 1999, le jugement de première instance fut confirmé. La décision de cassation fut notifiée au requérant le 13 juillet 1999.

Le 23 septembre 1999, le requérant bénéficia d’une amnistie qui effaça la moitié de la peine résiduelle. Par conséquent, le requérant fut libéré en octobre 2000.

A une date inconnue, le requérant saisit le parquet de région des griefs tirés des conditions de sa détention du 15 novembre 1998 au 7 décembre 1998, mais il fut débouté le 20 janvier 2000.

B.  Le droit interne pertinent

L’article 11 § 1 du code de procédure pénale se lit ainsi :

« Personne ne peut être arrêté sauf sur le fondement d’une décision judiciaire ou d’une sanction de procureur ».

Les dispositions pertinentes de l’article 131 § 1 du code pénal sont ainsi libellées :

« Le viol, c’est-à-dire le rapport sexuel, commis avec violence ou menace de violence (...) est passible d’une peine privative de liberté de trois à six ans. »

Les dispositions pertinentes de l’article 131 § 2 du code pénal sont ainsi rédigées :

« Le viol (...) d’une mineure (...) est passible d’une peine privative de liberté de quatre à dix ans. »


Aux termes de l’article 52 § 1 du code de procédure pénale :

« Le mis en examen est une personne qui :  a). fut arrêtée sur le fondement d’un soupçon d’avoir commis une infraction ; b). fut placée en détention préventive avant sa mise en accusation ».

L’article 89 § 1 est ainsi libellé :

« S’il existe des raisons plausibles à supposer que l’accusé s’extraira à l’enquête, à l’information préparatoire ou au jugement, entravera la manifestation de la vérité dans l’affaire pénale, se livrera à l’activité criminelle, ainsi qu’aux fins de l’exécution d’un jugement, l’enquêteur, l’instructeur, le procureur et le juge ont le droit de prononcer à l’égard de l’accusé l’une des mesures préventives suivantes : assignation à domicile, cautionnement par une personne ou cautionnement par une association, détention . »

En complément de l’article ci-dessous, l’article 91 du même code dispose :

« Au moment de l’examen de la nécessité d’application d’une mesure préventive, ainsi que lors du choix de la mesure préventive à appliquer, l’enquêteur, l’instructeur, le procureur ou le juge prend en compte, hormis les circonstances énumérées à l’article 89 du présent code, la gravité de l’accusation, la personnalité du mis en examen ou de l’accusé, son activité, son âge, son état de santé, sa situation familiale et autres. »

Les dispositions pertinentes de l’article 96 du code de procédure pénale se lisent ainsi :

« La mesure de détention préventive s’applique (...) dans les affaires concernant des infractions passibles d’une peine privative de liberté supérieure à un an (...).

A l’égard des personnes accusées d’avoir commis les infractions prévues à l’article (...) 131 §§ 2 et 3 du code pénal de la Fédération de Russie, la mesure de détention préventive peut être appliquée même au motif du caractère dangereux de l’infraction. »

L’article 220 § 1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le contrôle judiciaire de la légalité et du bien-fondé de la détention préventive, ainsi que celui de la légalité et du bien-fondé de sa prolongation s’effectue par un juge du ressort territorial du lieu de la détention . »

Aux termes du code de procédure pénale commenté, « examinant la question de la légalité et du bien-fondé de la détention préventive, (...) , le juge ne rentre pas dans l’examen de la culpabilité du détenu  (...) ».

L’article 47 § 1 du code de procédure pénale dispose :

« Le conseil est admis à la procédure dès le moment de la mise en accusation. Dans le cas de l’arrestation de la personne soupçonnée d’avoir commis l’infraction, ou dans le cas de la mise en détention préventive de telle personne, le conseil participe à la procédure avant la mise en accusation et dès le moment de la lecture du protocole de l’arrestation ou de l’ordonnance de placement en détention préventive. »


C. La réserve de la Fédération de Russie quant à l’application de l’article 5 §§ 3 et 4 de la Convention

« Conformément à l’article 64 de la Convention [article 57 de la Convention depuis l’entrée en vigueur du Protocole N° 11], la Fédération de Russie déclare que les dispositions de l’article 5, paragraphes 3 et 4, n’empêchent pas l’application des dispositions suivantes de la législation de la Fédération de Russie :

- l’application temporaire, sanctionnée par le Titre 2, point 6, deuxième alinéa, de la Constitution de la Fédération de Russie de 1993, de la procédure d’arrestation, de garde à vue et de détention de personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale, établie par l’article 11, paragraphe 1, l’article 89, paragraphe 1, les articles 90, 92, 96, 961, 962, 97, 101 et 122 du code de procédure pénale de la RSFSR du 27 octobre 1960, telle qu’amendée et complétée ultérieurement (...) ».

GRIEFS

1. Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant soutient que la manière dont la procédure de l’information préparatoire fut conduite, ainsi que son licenciement du parquet régional peu après sa mise en accusation portèrent atteinte à sa réputation et à sa dignité humaine.

Le requérant se plaint également que, du 31 mai au 16 décembre 1998, il fut détenu dans une cellule d’isolement sans fenêtre ni chauffage, alors même que les rats attaquaient sa nourriture et sa literie. Etant donné qu’il souffrait à l’époque d’une ostéochondrose aïgue, le requérant considère que de telles conditions de détention constituèrent un manquement aux exigences de l’article 3 de la Convention.

2. Le requérant soutient que l’obligation de s’acquitter, contre son gré, du travail pénitentiaire emporta la violation de ses droits garantis par
l’article 4 § 2  de la Convention.

3. Alléguant la violation de l’article 5 § 1 de la Convention, le requérant se plaint qu’aucun « motif exclusif » au sens du droit interne ne justifiait son placement en détention préventive le 22 mai 1998. En outre, il soutient que sa détention du 22 au 28 août 1998 fut illégale, puisque la décision de prolongation de la détention, datée du 19 août 1998, ne lui parvint que le 28 août 1998.

4. Le requérant se plaint également que le fait qu’il ait été placé en détention préventive par un procureur et non pas par un juge constitue un manquement aux exigences de l’article 5 § 3 de la Convention.

5. Le requérant soutient que la procédure de contrôle de la légalité et du bien-fondé de sa détention ne satisfit pas aux exigences de l’article 5 § 4 de la Convention. D’une part, le requérant considère que le tribunal de première instance, au lieu de se limiter à son recours, statua au-delà de ses demandes et préjugea indirectement de sa culpabilité. D’autre part, il expose que le tribunal ne répondit pas aux moyens de son recours et n’examina pas la question de la légalité des prolongations successives de sa détention préventive.

6. Alléguant la violation du principe de la présomption d’innocence à son égard, le requérant attire l’attention de la Cour sur deux faits distincts.

Premièrement, le requérant expose qu’avant même qu’il soit jugé, M. Lebed, gouverneur de la région de Krasnoyarsk et chef du pouvoir exécutif local, le nomma « criminel » lors de ses interviews, diffusés le 7 mai 1998 sur les chaînes « RTR » et « ORT », prononça à son égard plusieurs expressions humiliantes (« chienne »), « s’étonna qu’il n’était pas encore en tôle sur les nattes » et « promit de le mettre en prison, ce criminel ». Le requérant expose que la même personnalité, lors des débats télévisés des 12 et 13 mai 1998 sur la chaîne « RTR », tint les mêmes propos et réutilisa le mot « criminel » à son égard.

Le requérant soutient que de tels propos du gouverneur de région contribuèrent à la création de son image de criminel, ce qui lui fut d’autant plus nuisible que la même personne utilisa son pouvoir de chef de l’exécutif local en vue d’influencer le parquet régional dans l’instruction de son affaire.

Deuxièmement, le requérant conteste la demande de son licenciement du 25 mai 1998 adressée par le parquet régional de Krasnoyarsk au Parquet général de la Fédération de Russie, ainsi que l’arrêté (prikaz) de son licenciement pris par le Procureur général en date du 11 juin 1998. Il considère que les termes dont firent usage le procureur de région et le Procureur général portèrent atteinte à son droit garanti par l’article 6 § 2 de la Convention.

7. Le requérant se plaint que malgré ses demandes réitérées, entre le 22 mai 1999, date de son placement en détention préventive, et le 27 mai 1998, jour de sa mise en accusation, l’avocat de son choix ne fut pas admis à la procédure, y compris aux interrogatoires. Il expose que l’instructeur refusa de prendre en compte sa première demande d’attribution de l’avocat datant du 21 mai 1998, et que, par la suite, ce document disparut du dossier. Le requérant invoque l’article 6 § 3 c) de la Convention.

8. Le requérant affirme que le 5 novembre 1998, on ne lui transmit qu’une partie non signée de l’acte d’accusation. Il dénonce le fait de ne pas avoir eu accès à la version intégrale de l’acte d’accusation, et plus particulièrement, à « la liste des témoins à convoquer devant la juridiction de jugement » figurant à la fin de ce document. Le requérant se plaint que, par conséquent, il ne put pas formuler à temps la demande de convocation des témoins qui ne figureraient pas sur cette liste et qu’il aurait souhaité interroger. Le requérant expose également qu’il formula une demande de convocation des témoins le 10 novembre 1998, premier jour de l’audience, mais qu’elle fut rejetée. Il considère que tout ceci constitua un manquement aux exigences de  l’article 6 § 3 d) de la Convention.

9. Le requérant soulève plusieurs griefs sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention.

En premier lieu, il considère que le jugement rendu à son encontre est illégal et mal fondé. Il affirme n’avoir jamais commis les faits qui lui furent reprochés, et que le jugement fut fondé sur des éléments de preuve obtenus lors de l’information préparatoire en violation des normes de procédure pénal internes.

Deuxièmement, le requérant soutient que le principe de l’égalité des armes fut méconnu tout au long de la phase du jugement. Notamment, il expose que contrairement à ses demandes de procédure, certains éléments de preuves ne furent pas écartés de la considération, l’expertise médicale ne fut pas ordonnée à son égard, alors que la partie civile y eut droit suite à la réquisition du ministère public, le tribunal ne prit pas en compte certaines circonstances atténuantes telles son état de santé, l’état de santé de son fils mineur, ainsi que le fait que sa famille était entièrement à sa charge.

Troisièmement, le requérant expose que la formation des juges de la cour régionale de Krasnoyarsk qui confirma le jugement de sa condamnation le 16 mars 1999, fut présidée par l’un des trois juges (G. Zamyatnyi) qui, antérieurement, avait participé à la décision du 29 septembre 1998 portant sur le contrôle de la légalité et du bien-fondé de sa détention préventive.

Quatrièmement et en dernier lieu, le requérant conteste le fait que le 29 septembre 1998, il n’ait pas été présenté devant l’instance de cassation pour participer à l’audience.

10. Le requérant soutient qu’entre les 15 et 22 mai 1998, il fit l’objet d’écoutes téléphoniques à son domicile. Il considère que celles-ci étaient illégales, puisqu’elles n’avaient pas été ordonnées par un tribunal. Le requérant invoque l’article 8 de la Convention.

11. Le requérant invoque également les articles 13, 17 et 18 de la Convention sans toutefois fournir d’arguments à cet égard.

12. Le requérant se plaint que sa liberté de circulation fut restreinte, puisque le substitut du procureur de région abusa de son pouvoir hiérarchique et le contraignit à se rendre, le 18 mai 1998, dans le chef-lieu de la région afin d’être présenté au parquet de région. Il invoque l’article 2 § 1 du Protocole n° 4.

EN DROIT

1.  Le requérant se plaint de la procédure de l’instruction de son affaire, ainsi que des conditions de sa détention et les estime contraires à l’article 3 de la Convention.

L’article 3 de la Convention se lit ainsi :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »


En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 3 b) de son règlement.

2.  Le requérant dénonce le travail forcé qui lui fut imposé dans l’établissement pénitentiaire.

Les dispositions pertinentes de l’article 4 de la Convention sont ainsi rédigées :

«  2.  Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire.

3.  N’est pas considéré comme «travail forcé ou obligatoire» au sens du présent article :

a)  tout travail requis normalement d’une personne soumise à la détention dans les conditions prévues par l’article 5 de la (...) Convention, ou durant sa mise en liberté conditionnelle; (...) »

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 3 b) de son règlement.

3.  Le requérant se plaint d’une part qu’il fut mis en détention préventive sans fondement. D’autre part, il considère que, du 22 au 28 août 1998, cette détention fut illégale.

Les dispositions pertinentes de l’article 5 § 1 de la Convention sont ainsi libellées :

« 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (...)

c)  s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ; (...) »

La Cour observe que le requérant avait été arrêté suite à la constitution de partie civile de la victime indiquant que le requérant l’avait invitée à son bureau au parquet, l’avait battue et violée. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier qu’il n’y ait pas eu de « raisons plausibles » de soupçonner que le requérant avait été l’auteur de cette infraction.

Pour ce qui est du caractère illégal du maintien en détention du requérant entre les 22 et 28 août 1998, la Cour observe qu’en effet, le 22 août 1998, le délai de la détention préventive du requérant expira. Or, elle note également que le 17 août 1998, avant même que ce délai expire, une nouvelle décision de prolongation de la détention jusqu’au 6 septembre avait été prise. Le requérant n’indique pas si son avocat avait été informé à temps de cette décision. Tel qu’il ressort du dossier, celle-ci fut notifiée au requérant le 18 août 1998. Le requérant soutient qu’il ne put en prendre connaissance que le 28 août 1998.

A supposer même que la nouvelle décision de détention ne soit parvenue au requérant que le 28 août 1998, la Cour constate qu’il ne s’agissait pas là d’une détention sans titre au sens de l’article 5 § 1 de la Convention. Elle considère que le retard de notification ne saurait donc conférer à la détention du requérant du 22 au 28 août 1998 un caractère irrégulier.

Il s’ensuit que le grief tiré de l’article 5 § 1 de la Convention est manifestement mal fondé dans son ensemble et doit dès lors être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

4.  Selon le requérant, le fait que la décision de sa mise en détention préventive ait été prise par les autorités du parquet et non pas par une juridiction judiciaire emporte la violation de l’article 5 § 3 de la Convention.

L’article 5 § 3 de la Convention se lit ainsi :

« 3.  Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience. »

La Cour rappelle qu’au moment de la ratification de la Convention le 5 mai 1998, la Fédération de Russie formula une réserve quant à l’application de l’article 5 § 3 de la Convention. Les dispositions pertinentes de la réserve sont ainsi rédigées :

« Conformément à l’article 64 de la Convention [article 57 de la Convention depuis l’entrée en vigueur du Protocole No 11], la Fédération de Russie déclare que les dispositions de l’article 5, paragraphes 3 et 4, n’empêchent pas l’application des dispositions suivantes de la législation de la Fédération de Russie :

- l’application temporaire, sanctionnée par le Titre 2, point 6, deuxième alinéa, de la Constitution de la Fédération de Russie de 1993, de la procédure d’arrestation, de garde à vue et de détention de personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale, établie par l’article 11, paragraphe 1, l’article 89, paragraphe 1, les articles 90, 92, 96, 961, 962, 97, 101 et 122 du ode de procédure pénale de la RSFSR du 27 octobre 1960, telle qu’amendée et complétée ultérieurement (...) ».

La Cour note que cette réserve demeure en vigueur jusqu’à ce que des modifications nécessaires soient apportées à la législation russe en vue « d’éliminer complètement les incompatibilités » de la procédure d’arrestation, de garde à vue et de mise en détention préventive avec les dispositions de la Convention.

Pour ce qui est de la validité de la réserve, la Cour renvoie, sur ce point, à sa décision Labzov et elle n’aperçoit aucune raison de s’en écarter en l’espèce (Labzov c. Russie, n° 62208/00, CEDH, 2002).

Quant à l’application de la réserve en cas d’espèce, la Cour observe que le requérant fut soupçonné d’avoir commis une infraction pénale, et que le 22 mai 1998, il fut arrêté et placé en détention préventive sur le fondement des articles 89, 90, 92 et 96 du code de procédure pénale russe. Dès lors, la Cour considère que le défaut de décision judiciaire visant au placement en détention préventive du requérant se trouve couvert par la réserve que la Fédération de Russie formula en ratifiant la Convention.

Il s’ensuit que ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.

5.  Le requérant estime que le droit de disposer d’un recours effectif pour faire examiner valablement le bien-fondé et la légalité de sa détention préventive, consacré par l’article 5 §§ 3 et 4 de la Convention, fut violé.

L’article 5 §§ 3 et 4 de la Convention est ainsi rédigé :

« 3.  Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience. 

« 4.  Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

La Cour constate que le tribunal de première instance rejeta la demande du requérant tendant à sa libération conditionnelle en date du 2 septembre 1998, et que le 29 septembre 1998, cette décision fut confirmée en cassation.

La Cour rappelle qu’elle ne peut être saisie que dans un délai de six mois à partir de la décision interne définitive. Elle considère que, dans le cas d’espèce, « la décision interne définitive » est l’arrêt du 29 septembre 1998, rendue par la cour régionale de Krasnoyarsk.

Il s’ensuit que le grief tiré de l’article 5 §§ 3 et 4 quant à l’examen du bien-fondé et de la légalité de la détention du requérant est tardif et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

6.  Le requérant soutient que le principe de la présomption d’innocence fut violé à son égard par le gouverneur de région, ainsi que par les autorités du parquet.

L’article 6 § 2 de la Convention dispose :

« 2.  Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 3 b) de son règlement.

7. Le requérant expose que l’avocat de son choix ne lui fut attribué qu’après sa mise en accusation le 27 mai 1998, et que depuis son arrestation le 22 mai 1998, l’enquête était conduite sans qu’il soit assisté par un conseil.


L’article 6 § 3 c) de la Convention est ainsi libellé :

« 3.  Tout accusé a droit notamment à :

c)  se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ; »

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 3 b) de son règlement.

8. Le requérant se plaint que contrairement à l’article 6 § 3 d) de la Convention, il n’eut pas la possibilité de convoquer et d’interroger les témoins à décharge.

L’article 6 § 3 d) de la Convention dispose :

« 3.  Tout accusé a droit notamment à :

d)  interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; »

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 3 b) de son règlement.

9. Le requérant soutient qu’il fut jugé pour les faits qu’il n’a jamais commis, qu’il ne fut jugé ni équitablement ni par un tribunal indépendant, et que le 29 septembre 1998, son droit à une audience publique fut violé.

Les dispositions pertinentes de l’article 6 § 1 se lisent ainsi :

« 1.  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) »

La Cour constate que le grief tiré de l’article 6 § 1 quant à l’équité du procès devant les juridictions de jugement est étroitement lié avec le grief que le requérant soulève sous l’angle de l’article 6 § 3 c) et d) de la Convention. Au vu des paragraphes 7 et 8 ci-dessus, elle ne s’estime donc pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de cette partie du grief tiré de l’article 6 § 1 et décide de l’ajourner.

En ce que le même grief concerne la participation du même juge de cassation (G. Zamyatnyi) à l’examen de deux affaires du requérant, la Cour constate que, dans le cadre de la première procédure, le magistrat concerné n’eut pas à apprécier les faits de l’affaire. Il considéra seulement la demande du requérant tendant à commuer la mesure privative de liberté en une liberté conditionnelle.

Selon la Cour, et tel qu’il ressort du dossier, le magistrat en question n’eut pas à « avoir la conviction d’une culpabilité « très claire » dans le but de s’assurer de l’existence de « soupçons particulièrement renforcés » que l’intéressé avait commis l’infraction dont on l’accusait » (voir, arrêt Hauschildt c. Danemark du 24 mai 1989, série A, n° 154, § 52). Sa tâche consista, tel que l’exige l’article 220 du code de procédure pénale russe, à s’assurer seulement de l’existence des « raisons plausibles » justifiant le maintien en détention du requérant, ainsi qu’à vérifier la régularité de celui‑ci sans pour autant préjuger de la culpabilité du requérant. Il est également à noter que rien dans le dossier ne prouve qu’il en ait été autrement.

Il s’ensuit que le grief tiré de l’article 6 § 1 quant à l’impartialité de l’instance de cassation dans le cadre de la procédure du jugement doit dès lors être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Quant à l’impossibilité pour le requérant de comparaître devant l’instance de cassation le 29 septembre 1998, la Cour renvoie au
paragraphe 5 ci-dessus et considère que cette partie du grief est tardive et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

10.  Le requérant dénonce les écoutes téléphoniques pratiquées à son domicile du 15 au 22 mai 1998 par les autorités du parquet et considère que ceci constitua une ingérence dans sa vie privée et familiale.

L’article 8 § 1 de la Convention se lit ainsi :

« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. »

La Cour note que le requérant n’a pas saisi les juridictions internes du grief qu’il soulève devant la Cour. Par ailleurs, il ne l’a pas soulevé expressément ou même en substance devant les juridictions de jugement.

Il s’ensuit dès lors que le grief tiré de l’article 8 § 1 de la Convention doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

11.  Le requérant allègue la violation des articles 13, 17 et 18 de la Convention.

L’article 13 de la Convention est ainsi rédigé :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

Les articles 17 et 18 de la Convention disposent :

« Aucune des dispositions de la (...) Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la (...) Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à [la] Convention. »

« Les restrictions qui, aux termes de la présente Convention, sont apportées auxdits droits et libertés ne peuvent être appliquées que dans le but pour lequel elles ont été prévues. »

La Cour note que le requérant n’a pas étayé ses allégations ; en effet il n’a fourni aucun argument à l’appui de celles-ci.

Il s’ensuit que les griefs tirés des articles 13, 17 et 18 de la Convention doivent dès lors être rejetés comme manifestement mal fondés, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

12.  Le requérant considère qu’aucune autorité n’avait le droit de l’obliger à se rendre, le 18 mai 1998, à Krasnoyarsk et de restreindre, de cette manière, sa liberté de circulation dans le pays.

Les dispositions pertinentes de l’article 2 § 1 du Protocole n° 4 sont ainsi libellées :

« Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement (...) »

La Cour note que la convocation en vue d’être présenté aux autorités du parquet ne constitue pas, au sens de l’article 2 § 1 du Protocole n° 4, une ingérence dans l’exercice du droit de circuler librement dans le pays.

Aucune autre question ne se posant au regard du même article, la Cour considère que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen des griefs du requérant tirés des mauvaises conditions de détention, du travail forcé en prison, de l’atteinte portée à la présomption de son innocence par le gouverneur de la région de Krasnoyarsk et le Procureur général de la Fédération de Russie, de l’équité du procès devant les juridictions de jugement, l’impossibilité d’obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge, ainsi que de l’impossibilité de bénéficier de l’assistance de l’avocat de son choix entre les 22 et 27 mai 1998 ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Erik FriberghChristos Rozakis
GreffierPrésident

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CEDH, Cour (première section), KUZMIN c. la RUSSIE, 6 juin 2002, 58939/00