CEDH, Cour (deuxième section), PINI, BERTANI, MANERA et ATRIPALDI c. la ROUMANIE, 25 novembre 2003, 78028/01;78030/01

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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CEDH · 25 novembre 2003

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section), 25 nov. 2003, n° 78028/01;78030/01
Numéro(s) : 78028/01, 78030/01
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 10 mars 2001
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-44662
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2003:1125DEC007802801
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Sur les parties

Texte intégral

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

des requêtes nos 78028/01 et 78030/01 jointes
présentées par Carlo PINI et Annalisa BERTANI

et Salvatore MANERA et Rosalba Atripaldi

contre la Roumanie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 25 novembre 2003 en une chambre composée de :

MM.J.-P. Costa, président,
A.B. Baka,
L. Loucaides,
C. Bîrsan,
K. Jungwiert,
V. Butkevych,
MmeW. Thomassen, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu les requêtes susmentionnées introduites les 10 mars et 20 avril 2001, et jointes le 16 septembre 2003,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,

Vu les observations des tiers intervenants,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :


EN FAIT

1.  Les requérants, M. Carlo Pini et Mme Annalisa Bertani (ci-après « les premiers requérants ») et M. Salvatore Manera et Mme Rosalba Atripaldi  (ci-après « les seconds requérants »), sont des ressortissants italiens, nés respectivement en 1957, 1952, 1951 et 1953 et résidant à Reggio Emilia (les premiers requérants) et à Mantova (les seconds requérants). Ils sont représentés devant la Cour par Me Stefano Papa, avocat à Reggio Emilia.

2.  A l’audience du 25 novembre 2003, tous les requérants étaient représentés par Me Papa. Le gouvernement défendeur était représenté par son Agent, M. Bogdan Aurescu, Sous‑Secrétaire d’Etat, et par ses Co‑agents, Mme Roxana Rizoiu, Directrice de la Direction de l’Agent du Gouvernement, et M. Răzvan Rotundu.

3.  Ont également participé à l’audience à titre de tiers intervenants le Complexe éducatif Poiana Soarelui de Braşov (ci-après « le CEPSB »), filiale de la Fondation pour l’accueil des enfants (en roumain, « Casa copilului »), ayant son siège à Bucarest et représenté par M. Nicolai Mîndrilă, en qualité de vice-président ; Mme la Baronne Nicholson de Winterbourne, ressortissante britannique, rapporteure auprès du Parlement Européen, résidant à Londres ; M. Ioan Tiriac, membre fondateur de CEPSB, ressortissant roumain, résidant à Monaco ; et Me Vasile Arhire, avocat à Bucarest, en qualité de représentant des mineures Florentina Goroh (ci‑après « Florentina») et Mariana Estoica (ci-après « Mariana »), ressortissantes roumaines, nées en 1991, résidant à Braşov, au CEPSB.

A.  Les circonstances de l’espèce

4.  Les faits de ces causes, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

1.  Procédure d’adoption des mineures

a)  Adoption de Florentina

5.  Par décision définitive du 17 juin 1994, le tribunal départemental de Iaşi constata l’abandon de Florentina, alors âgée de trois ans. A cette occasion, les droits parentaux furent délégués à l’établissement d’assistance publique L.

6.  Le 6 septembre 1994, par décision de la commission pour la protection de l’enfant de Iaşi, la mineure fut placée auprès du CEPSB.

7.  Le 15 mai 2000, après l’entrée en vigueur de l’Ordonnance d’urgence du Gouvernement no 25/1997 sur le régime juridique de l’adoption (ci-après « l’O.U.G. no 25/1997 »), le Gouvernement roumain confia à l’association privée C. la charge de trouver une famille ou une personne aux fins de l’adoption de Florentina. Il chargea également le Comité roumain pour les Adoptions de soutenir l’association C. dans cette démarche et d’établir un rapport psychosocial sur la mineure.

8.  Les premiers requérants exprimèrent leur souhait d’adopter un enfant roumain auprès de l’association C., qui leur fit parvenir une photo de Florentina. Ils rencontrèrent la mineure pour la première fois le 3 août 2000, au sein du CEPSB. Par le biais de l’association C., ils furent informés par la suite du désir de la mineure de les rejoindre et de sa passion pour la musique.

9.  Le 30 août 2000, le Comité roumain pour les adoptions, sur proposition de l’association C., émit un avis favorable à l’adoption de Florentina par les premiers requérants et, le 21 septembre 2000, il renvoya le dossier ouvert à la suite de leur demande d’adoption auprès du tribunal départemental de Braşov, conformément à l’article 14 § 2 de l’O.U.G. no 25/1997.

10.  Le 28 septembre 2000, le tribunal fit droit à leur demande. Il constata que la Commission pour la protection de l’enfant de Braşov avait donné un avis favorable à l’adoption et qu’elle avait confirmé son consentement devant le tribunal. Relevant aussi que la mineure se trouvait au CEPSB, il ordonna au service d’état civil de modifier le certificat de naissance de Florentina et de lui délivrer un nouveau certificat de naissance.

11.  Le Comité roumain pour les adoptions interjeta appel contre cette décision. Le 13 décembre 2000, la cour d’appel de Braşov rejeta cet appel comme tardivement introduit. Cette décision devint définitive.

12.  Le 5 février 2001, le Comité roumain pour les adoptions certifia que l’adoption de Florentina était conforme aux dispositions légales nationales en vigueur et à la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, et délivra aux requérants un certificat de conformité en ce sens.

13.  Le 14 février 2001, la Commission pour les adoptions internationales autorisa l’entrée et la résidence permanente de la mineure en Italie, et ordonna la communication de cette décision, entre autres, à la Représentation de l’Italie à Bucarest.

14.  A une date non précisée, le procureur général forma un recours en annulation de la décision du tribunal départemental Braşov et de l’arrêt de la cour d’appel de Braşov. Le 5 juin 2001, la Cour suprême de justice déclara ce recours irrecevable.

b)  Adoption de Mariana

15.  Le 28 septembre 2000, à la suite d’une procédure similaire à celle décrite aux paragraphes 7-9 ci-dessus, le tribunal départemental de Braşov fit droit à la demande des seconds requérants de l’adoption de Mariana. Le tribunal constata que la mineure, déclarée abandonnée par décision définitive du 22 octobre 1998, se trouvait au CEPSB et ordonna au service d’état civil de modifier son certificat de naissance et de lui délivrer un nouveau certificat de naissance.

16.  Le Comité roumain pour les adoptions interjeta appel contre cette décision. Le 13 décembre 2000, la cour d’appel de Braşov rejeta l’appel comme tardivement introduit. Cette décision devint définitive.

17.  Le 28 décembre 2000, le Comité roumain pour les adoptions certifia que l’adoption de Mariana était conforme aux dispositions légales nationales en vigueur et à la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, et délivra aux requérants un certificat de conformité en ce sens.

2.  Tentatives d’exécution des décisions d’adoption du 28 septembre 2000

i)  La décision concernant Florentina

a)  Action en référé afin d’obtenir la remise de son certificat de naissance

18.  A une date non précisée, les premiers requérants saisirent le tribunal de première instance de Braşov d’une action en référé à l’encontre du CEPSB afin d’obtenir que le certificat de naissance de la mineure leur soit remis, et que celle-ci leur soit confiée. Le 24 octobre 2000, le tribunal fit droit à cette demande.

19.  Le CEPSB interjeta appel contre ce jugement et sollicita le sursis à exécution, estimant que les conditions nécessaires pour une action en référé n’étaient pas remplies en l’espèce, que la décision d’adoption n’était pas définitive et qu’elle avait été rendue en violation des dispositions légales.

20.  Le 7 mars 2001, le tribunal rejeta l’appel, au motif que l’intérêt de l’enfant et le fait que les parents adoptifs résident à l’étranger justifiaient l’urgence dans l’examen de l’affaire, et que la demande des requérants était donc conforme aux exigences de procédure requises pour une action en référé. Le tribunal constata également que, selon les documents du dossier, la décision d’adoption était définitive et avait acquis l’autorité de la chose jugée. Par conséquent, le tribunal jugea que les questions de fond concernant l’adoption ne pouvaient plus être réexaminées dans le cadre de l’action en référé. Le tribunal rejeta la demande de sursis à exécution, au motif qu’elle ne se justifiait pas compte tenu de sa décision de rejeter l’appel.

21.  Le recours formé par le CEPSB fut également rejeté par un arrêt définitif du 7 juin 2001 de la cour d’appel de Braşov.

b)  Procédure d’exécution des décisions de référé

22.  Les premiers requérants sollicitèrent l’exécution des décisions des 28 septembre 2000 et 7 juin 2001 par les huissiers de justice auprès du tribunal de première instance de Braşov. Le 22 février 2001, ceux-ci notifièrent au CEPSB son obligation de remettre aux requérants le certificat de naissance de la mineure et de transférer sa garde aux parents adoptifs avant le 2 mars 2001. Par la suite, le président du tribunal ordonna le sursis à l’exécution pendant la procédure de contestation à l’exécution formée par le CEPSB (paragraphes 23-25 ci-dessous).

c)  Première contestation à l’exécution

23.  Le 23 février 2001, le CEPSB forma une contestation à l’exécution de la décision du 28 septembre 2000, en raison du manque de clarté du dispositif et au motif que l’adoption avait été décidée sans respecter les dispositions légales en la matière. Il demanda également la suspension de l’exécution. Le même jour, le tribunal de première instance rejeta cette dernière demande.

24.  Le 30 mars 2001, le tribunal rejeta la contestation au motif que le dispositif de la décision était clair et ne posait aucun problème d’exécution. Quant au deuxième chef de la demande, le tribunal jugea que la décision contestée avait acquis l’autorité de la chose jugée, et que, par conséquent, le bien-fondé de l’affaire ne pouvait pas être tranché à nouveau lors d’une contestation à l’exécution.

25.  Le CEPSB interjeta appel devant le tribunal départemental de Braşov qui, le 2 juillet 2001, le rejeta comme mal fondé.

d)  Reprise de l’exécution

26.  Le 12 juin 2001, les premiers requérants demandèrent aux huissiers de justice auprès du tribunal de première instance de Braşov de reprendre l’exécution, compte tenu également du fait que la Cour suprême de justice avait rejeté, entre temps, le recours en annulation formé par le procureur général.

27.  Le 13 juin 2001, les huissiers notifièrent au CEPSB son obligation de remettre aux requérants le certificat de naissance de la mineure et de transférer sa garde aux parents adoptifs avant le 15 juin 2001.

28.  Le 19 juillet 2001, ils renouvelèrent leur notification au CEPSB, lui demandant de s’y conformer avant le 8 août 2001.

e)  Deuxième contestation à l’exécution

29.  Le CEPSB forma une contestation à l’exécution à l’encontre des requérants devant le tribunal de première instance de Braşov, en faisant valoir qu’une action en référé visait des situations provisoires, et que, dans la présente affaire, l’exécution de la décision de référé aurait, au contraire, des conséquences permanentes. Les défendeurs s’opposèrent à la demande et sollicitèrent le prononcé d’une amende pour non-exécution d’un jugement définitif ainsi que d’une astreinte.

30.  Le 8 août 2001, le tribunal fit droit à la demande de suspension provisoire de l’exécution jusqu’à l’audience du 22 août 2001. A cette dernière date, le tribunal prolongea la suspension de l’exécution jusqu’à l’audience suivante, fixée au 11 septembre 2001. Le jour venu, le tribunal accorda une nouvelle prolongation de la suspension jusqu’à l’audience du 25 septembre 2001, lors de laquelle le tribunal rejeta les demandes du CEPSB et des requérants comme mal fondées. Le tribunal jugea que la question soulevée par le CEPSB visait le fond de l’affaire, qui avait été déjà tranché par un arrêt ayant acquis l’autorité de la chose jugée. Il rejeta la demande des premiers requérants au motif que ceux-ci n’avaient pas prouvé la mauvaise foi du CEPSB dans l’affaire, ni l’étendue de leur préjudice.

f)  Nouvelle reprise de l’exécution

31.  Le 5 novembre 2001, les huissiers de justice notifièrent au CEPSB son obligation de remettre aux premiers requérants le certificat de naissance de Florentina et de transférer sa garde aux parents adoptifs, et l’avertirent qu’en cas contraire, ils procéderaient à une exécution forcée.

g)  Troisième contestation à l’exécution

32.  A une date non précisée, le CEPSB saisit le tribunal de première instance de Braşov d’une contestation à l’exécution selon une procédure d’urgence, à l’encontre des premiers requérants, au motif qu’une action en annulation de l’adoption était pendante devant le tribunal départemental de Braşov, ainsi qu’une demande en révision de l’arrêt concernant l’adoption et qu’une plainte pénale avait été déposée visant le processus d’adoption. Le CEPSB sollicita également le sursis à l’exécution.

33.  Le 14 décembre 2001, le tribunal rejeta la contestation, au motif qu’une contestation en exécution ordinaire ayant été déjà rejetée, une demande d’examen d’urgence d’une action similaire ne se justifiait plus. Sur le fond, il nota que l’arrêt d’adoption ainsi que la décision rendue dans l’action en référé formée par les requérants étaient définitifs et exécutoires, et que le fait qu’une action visant leur annulation ou leur révision soit pendante n’était pas pertinent.

h)  Demande de sursis à l’exécution

34.  A une date non précisée, le CEPSB demanda au président du tribunal de première instance de Braşov le sursis à l’exécution. Le 25 janvier 2002, cette demande fut rejetée.

i)  Reprise de l’exécution

35.  Le 30 janvier 2002 à 14 heures, les huissiers de justice auprès du tribunal de première instance de Braşov se présentèrent au siège du CEPSB, accompagnés par des représentants de la force publique. Le gardien leur refusa l’entrée et ferma la porte à clef. Une demi-heure plus tard, le directeur du CEPSB et son adjointe se présentèrent à l’entrée du bâtiment et informèrent les huissiers et les forces de l’ordre que la mineure n’était pas présente dans l’établissement, mais qu’elle été partie pour une excursion en dehors de la ville. Sur vérification, la mineure ne fut pas trouvée à l’intérieur de l’établissement.

36.  Les huissiers attirèrent l’attention du directeur du CEPSB sur son obligation de permettre à la mineure de rejoindre les requérants.

37.  Le 27 mars 2002, les huissiers sommèrent le CEPSB de restituer le certificat de naissance de la mineure et de lui permettre de rejoindre les requérants dans un délai de dix jours et l’informèrent qu’en cas de refus, ils procéderaient à l’exécution forcée.

38.  Le 3 septembre 2002, à 10 h 45, un huissier de justice, accompagné des premiers requérants et de leur avocat, se déplaça au CEPSB. Dans le procès‑verbal dressé à cette occasion, l’huissier faisait état de ce que les gardiens de l’établissement les avaient tous séquestrés à l’intérieur de l’établissement. Il mentionna aussi qu’il avait téléphoné au bureau de police et que, après avoir expliqué cet incident au commissaire D., ce dernier avait répliqué qu’il aurait dû téléphoner au poste de police avant de procéder à l’exécution. L’huissier notait, enfin, qu’il était impossible de fournir l’aide légale nécessaire à l’exécution et qu’il y avait opposition à l’exécution. Il nota que la tentative d’exécution avait pris fin à 13 h.

j)  Action en référé en sursis à l’exécution

39.  Le CEPSB saisit le tribunal de première instance de Braşov d’une action en référé visant à obtenir la suspension de l’exécution, au motif qu’il avait saisi le tribunal d’une nouvelle contestation à l’exécution. Le 8 avril 2002, le tribunal rejeta la demande comme mal fondée.


k)  Quatrième contestation à l’exécution

40.  Le CEPSB forma une contestation à l’exécution devant le tribunal de première instance de Braşov à l’encontre des premiers requérants, au motif qu’une action en annulation de l’adoption était pendante devant la cour d’appel de Braşov. L’issue de cette procédure n’a pas été communiquée au greffe.

l)  Action en référé en sursis à l’exécution

41.  Le CEPSB saisit en référé le tribunal de première instance de Braşov d’une action en suspension de l’exécution, au motif qu’il avait saisi le tribunal d’une nouvelle contestation à l’exécution. Par jugement du 4 septembre 2002, le tribunal fit droit à sa demande et ordonna le sursis provisoire à l’exécution. Il ne ressort pas des pièces fournies si ce jugement, susceptible d’être attaqué par la voie du recours, est devenu définitif.

ii.  La décision concernant Mariana

a)  Action en référé visant la remise du certificat de naissance de la mineure

42.  A une date non précisée, les seconds requérants saisirent le tribunal de première instance de Braşov d’une action en référé à l’encontre du CEPSB afin d’obtenir que le certificat de naissance de la mineure leur soit remis, et que celle-ci leur soit confiée. Le 24 octobre 2000, le tribunal fit droit à cette demande.

43.  Ce jugement fut confirmé sur appel du défendeur par une décision définitive du tribunal départemental de Braşov rendue le 22 août 2001.

b)  Première contestation à l’exécution

44.  Le 1er février 2001, le CEPSB introduisit auprès du tribunal de première instance de Braşov une contestation à l’exécution de la décision du 28 septembre 2000, alléguant le manque de clarté de son dispositif et le fait que l’adoption avait été décidée sans respecter les dispositions légales en la matière. Il demanda également la suspension de l’exécution.

45.  Le tribunal accueillit cette dernière demande et sursit à l’exécution jusqu’au 30 mars 2001, date à laquelle il rejeta la contestation, au motif que le dispositif de la décision était clair et ne posait aucun problème d’exécution. Quant au deuxième chef de demande, le tribunal jugea que la décision contestée avait acquis l’autorité de la chose jugée, et que, par conséquent, le bien-fondé de l’affaire ne pouvait pas être tranché à nouveau dans le cadre d’une contestation à l’exécution.

46.  Ce jugement fut confirmé sur appel du CEPSB par une décision définitive du tribunal départemental de Braşov rendue le 2 juillet 2001.


c)  Procédure d’exécution

47.  Les seconds requérants sollicitèrent l’exécution des décisions du 28 septembre 2000 et  24 octobre 2000 par les huissiers de justice auprès du tribunal de première instance de Braşov. Ceux-ci notifièrent au CEPSB, les 22 février, 13 juin et 19 juillet 2001, son obligation de remettre aux demandeurs le certificat de naissance de la mineure et de leur transférer sa garde.

d)  Deuxième contestation à l’exécution

48.  Le 15 juin 2001, le CEPSB forma une contestation à l’exécution à l’encontre des seconds requérants. Devant le tribunal de première instance de Braşov, il demanda à plusieurs reprises le sursis à l’exécution, en faisant valoir qu’une décision en référé visait généralement des situations provisoires, mais que, dans la présente affaire, l’exécution de la décision de référé aurait, au contraire, des conséquences permanentes. Les seconds requérants s’opposèrent à la demande et sollicitèrent l’application d’une amende pour non-exécution d’un jugement définitif ainsi qu’une astreinte.

49.  Le tribunal sursit à l’exécution du 15 juin au 11 juillet 2001, du 8 août au 11 septembre 2001 et du 14 au 25 septembre 2001, date à laquelle il rejeta la contestation du CEPSB et la demande des seconds requérants comme mal fondées. Le tribunal jugea que la question soulevée par le CEPSB visait le fond de l’affaire, qui avait été déjà tranché par la décision du 28 septembre 2000 ayant acquis l’autorité de la chose jugée. Il rejeta la demande des parents adoptifs, au motif que ceux-ci n’avaient pas prouvé la mauvaise foi du CEPSB dans l’affaire, ni l’étendue de leur préjudice.

e)  Nouvelle reprise de l’exécution

50.  Les 5 novembre et 5 décembre 2001, les huissiers de justice notifièrent au CEPSB d’avoir à remettre aux seconds requérants le certificat de naissance de la mineure et de leur transférer sa garde et l’avertirent qu’au cas contraire, ils procéderaient à une exécution forcée.

f)  Troisième contestation à l’exécution

51.  A une date non précisée, le CEPSB saisit le tribunal de première instance de Braşov d’une contestation à l’exécution selon une procédure d’urgence, à l’encontre des seconds requérants, au motif qu’une action en annulation de l’adoption était pendante devant le tribunal départemental de Braşov, ainsi qu’une demande en révision de l’arrêt concernant l’adoption et qu’une plainte pénale avait été déposée visant le processus d’adoption. Le CEPSB sollicita également la suspension de l’exécution.


52.  Le 14 décembre 2001, le tribunal rejeta la demande au motif qu’une contestation ordinaire à l’exécution ayant été déjà rejetée, une demande d’examen d’urgence d’une demande similaire ne se justifiait plus. Sur le fond, il nota que l’arrêt d’adoption ainsi que la décision rendue dans l’action en référé formée par les seconds requérants étaient définitifs et exécutoires, et que le fait qu’une action visant leur annulation ou leur révision soit pendante n’était pas pertinent.

f)  Nouvelle reprise de l’exécution

53.  Le 25 mars 2002, les huissiers de justice notifièrent à nouveau au CEPSB son obligation de remettre aux seconds requérants le certificat de naissance de la mineure et de leur transférer sa garde.

54.  Les 30 janvier et 9 avril 2002, un huissier se déplaça au CEPSB, accompagné par les seconds requérants et les forces de police. Il constata que la mineure ne se trouvait pas à l’intérieur de l’établissement.

g)  Quatrième contestation à l’exécution

55.  Le CEPSB forma une contestation à l’exécution devant le tribunal de première instance de Braşov à l’encontre des seconds requérants, au motif qu’une action en annulation de l’adoption était pendante devant la cour d’appel de Braşov. L’issue de cette procédure n’a pas été communiquée au greffe.

h)  Action en référé en sursis à l’exécution

56.  Le CEPSB saisit en référé le tribunal de première instance de Braşov d’une action en suspension de l’exécution de la décision d’adoption, au motif qu’il avait saisi le tribunal d’une nouvelle contestation à l’exécution. Par jugement du 4 septembre 2002, le tribunal fit droit à sa demande et ordonna le sursis provisoire à l’exécution. Il ne ressort pas des pièces fournies si ce jugement, susceptible d’être attaqué par la voie du recours, est devenu définitif.

3.  Actions introduites par le CEPSB en annulation de l’adoption de Florentina et de Mariana

57.  A une date non précisée, le CEPSB saisit le tribunal départemental de Braşov de deux actions en annulation de l’adoption de chacune des mineures à l’encontre des requérants, du Comité roumain pour les adoptions et de la Commission pour la protection de l’enfant de Braşov, alléguant que leurs adoptions n’étaient pas légales en absence de son accord préalable.

58.  Le 14 février 2002, le tribunal rejeta la demande, au motif que l’accord pour adoption était requis de la seule Commission pour la protection de l’enfant de Braşov, qui exerçait, en vertu de l’article 8 de l’Ordonnance d’urgence du Gouvernement no 26/1997 (ci-après « l’O.U.G. no 26/97 »), les droits parentaux sur les adoptées. Or, le tribunal releva que la Commission avait donné un avis favorable à l’adoption et qu’elle avait fait connaître son consentement auprès du tribunal saisi de la demande d’adoption des requérants.

59.  Le CEPSB fit recours contre cette décision. Lors de l’audience du 2 avril 2002 devant la cour d’appel, le Comité roumain pour les adoptions fit valoir que les nombreuses demandes introduites par la partie adverse au rôle des tribunaux nationaux étaient un abus de droit, car elles ne visaient pas l’intérêt supérieur de l’enfant, à savoir son intégration au sein d’une famille, mais elles étaient destinées à retarder et à entraver le processus d’adoption, en perpétuant ainsi la situation actuelle d’institutionnalisation des mineures.

60.  Le CEPSB demanda le renvoi des ces affaires devant la Cour constitutionnelle, afin qu’elle se prononce sur l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 7 §§ 1 a) et 2 de l’O.U.G. no 25/97, relative au consentement à l’adoption. Le 10 décembre 2002, la Cour Constitutionnelle rejeta, comme irrecevable, l’exception d’inconstitutionnalité soulevée, au motif qu’elle s’était déjà prononcée, par décision du 12 novembre 2002, sur la constitutionnalité des dispositions légales invoquées par le CEPSB.

61.  Selon les informations fournies par les parties, ces procédures sont toujours pendantes devant la cour d’appel de Ploieşti.

4.  Plainte pénale pour privation de liberté des mineures

62.  A une date non précisée, les requérants saisirent le Parquet près du tribunal de première instance de Braşov d’une plainte pénale contre le directeur du CEPSB pour privation de liberté des mineures.

63.  Le 6 août 2001, le Parquet informa les requérants de sa décision du 9 juillet 2001 de ne pas ouvrir de poursuites pénales dans l’affaire.

64.  Le 18 février 2002, les requérants déposèrent une nouvelle plainte auprès du parquet du tribunal départemental de Braşov à l’encontre des dirigeants du CEPSB, les accusant notamment de priver illégalement de liberté leurs filles adoptives respectives, en violation de l’article 189 du Code pénal. Ils firent connaître en outre leur désaccord avec la décision du 9 juillet 2001 de ne pas ouvrir de poursuites pénales.

65.  Un rapport dressé par la police de Braşov le 15 juillet 2002 fait état de ce que, dans le cadre de l’enquête ouverte à la suite de la plainte pénale des requérants, des policiers se sont rendus au CEPSB, où ils ont procédé à l’audition de Florentina et du chef de l’établissement. Ils notèrent dans ledit rapport que la mineure, âgée de plus de dix ans à la date de son audition, avait exprimé le souhait de rester dans l’établissement, refusant de rejoindre la famille de ses parents adoptifs, qu’elle n’avait jamais connue.

66.  Le 28 novembre 2002, le Parquet près le tribunal départemental de Braşov ordonna un non-lieu en faveur du directeur du CEPSB.

5.  Actions introduites par les mineures en révocation de leur adoption

a)  Action introduite par Florentina

67.  Le 4 novembre 2002, Florentina, représentée par un avocat et par S.G., directeur du CEPSB, en qualité de curateur, introduisit auprès du tribunal départemental de Braşov une action en révocation de l’adoption à l’encontre des requérants, du Comité roumain pour les adoptions et la Commission pour la protection des droits de l’enfant de Braşov. Elle demandait, à titre subsidiaire et en cas de non-révocation de la décision d’adoption, trois milliards de lei à titre de dommages intérêts pour préjudice moral. Faisant valoir qu’elle n’avait pas vu les parents adoptifs ni avant, ni après la date à laquelle avait été prononcée la décision d’adoption, elle mentionnait que la seule fois où elle avait vu les requérants avait été le 3 septembre 2002, date à laquelle ils étaient venus tenter de l’enlever du CEPSB, contre son gré, accompagnés de leur avocat et de l’huissier de justice.

68.  Par jugement 9 juin 2003, le tribunal départemental de Prahova, auquel l’affaire avait été renvoyée pour examen par décision de la Cour suprême de Justice, rejeta la demande de Florentina pour défaut de fondement. S’appuyant sur les preuves écrites versées par les parties au dossier, le tribunal jugea qu’il était dans l’intérêt de la demanderesse que la décision d’adoption ne soit pas révoquée. Il retint qu’elle n’établissait nullement, par l’intermédiaire de son curateur, que ses parents adoptifs auraient manifesté du désintérêt à son égard, mais qu’au contraire, il résultait des pièces du dossier qu’ils avaient fait de nombreuses démarches afin qu’elle puisse les rejoindre en Italie. Le tribunal écarta dès lors les témoignages de C.V. et D.M., qui avaient appuyé la demande de la mineure à titre respectivement de mère et de tante « de remplacement » de la mineure au sein du CEPSB.

69.  Le tribunal retint en outre que l’adoption remplissait les exigences légales, et souligna que la Commission pour la protection de l’enfant de Braşov, qui, en vertu de l’article 8 de l’O.U.G. no 25/97, exerçait les droits parentaux sur la mineure à la date à laquelle le tribunal a été saisi de la demande d’adoption, l’avait jugée dans l’intérêt de la mineure et avait donné un avis favorable à l’adoption.

70.  Ce jugement fut confirmé sur recours de la demanderesse par un arrêt définitif de la cour d’appel de Ploieşti du 22 septembre 2003.

71.  Il ressort des informations fournies par les parties qu’une contestation en annulation de cette décision est actuellement pendante devant les juridictions nationales.


b)  Action introduite par Mariana

72.  Le 4 septembre 2002, Mariana introduisit auprès du tribunal départemental de Braşov une action en révocation de son adoption à l’encontre des requérants, du Comité roumain pour les adoptions et de la Commission pour la protection des droits de l’enfant de Braşov, en faisant valoir qu’elle n’avait pas vu ses parents adoptifs et qu’elle ne désirait pas partir pour un autre pays, car elle était satisfaite de sa vie au CEPSB.

73.  Par jugement du 31 octobre 2003, le tribunal accueillit sa demande, constatant l’absence de relations affectives qui auraient dû s’établir entre les adoptants et l’adoptée après la décision définitive d’adoption. Il ne ressort pas des pièces fournies si ce jugement, susceptible de recours, est devenu définitif.

6.  Autres démarches, plaintes et pétitions des requérants au soutien de l’exécution des décisions d’adoption

74.  Le 27 février 2001, l’association C. demanda à la Commission pour la protection de l’enfant de Braşov l’annulation de sa décision de placement des mineures au CEPSB. Le 2 mars 2001, la commission l’informa qu’en raison des décisions définitives d’adoption des mineures par les requérants, le 28 septembre 2000, la mesure de placement était implicitement annulée et qu’une demande en ce sens était superflue.

75.  Le 16 juillet 2001, la Direction générale pour la protection de l’enfant et pour l’adoption fit savoir aux requérants, sur leur demande, qu’elle n’était pas compétente pour faire les démarches nécessaires pour que les mineures les leur soient remises. Elle indiquait que ses attributions en la matière avaient cessé à la date de la délivrance du certificat de conformité de l’adoption avec les normes nationales et internationales en la matière.

76.  Le 27 août 2001, les requérants déposèrent une plainte pour non‑exécution des décisions définitives par les autorités roumaines devant la commission du Sénat chargée de l’examen des abus de l’administration. Ils y faisaient valoir que les mêmes procureurs ayant donné un avis favorable à l’adoption avaient par la suite proposé au procureur général de former un recours en annulation de l’arrêt définitif.

77.  Le 6 septembre 2001, ils sollicitèrent l’aide de l’ambassade d’Italie à Bucarest dans l’affaire, et le 12 septembre 2001, celle de la Commission pour les adoptions internationales.

78.  Le 13 septembre 2001, ils déposèrent une pétition auprès du président de la Roumanie, du Premier ministre et du ministre de la justice.

79.  Les 23 février, 5 mars, 19 avril, 6 août, 12 septembre et 15 novembre 2001, ils se plaignirent auprès du ministère de la justice de la situation créée par la non-exécution des décisions d’adoption.

80.  Les 27 octobre 2000, 19 février, 5 juin et 15 avril 2001, ils se rendirent en Roumanie dans l’espoir de revoir leurs filles adoptives respectives, mais sans résultat.

81.  Ils leur envoyèrent constamment des lettres et des cadeaux, encourageant les mineures à leur répondre par écrit en roumain, langue qu’ils avaient apprise en attendant de les revoir, et leur faisant savoir que leur plus grand souhait était de les avoir à leur côtés, afin de leur témoigner de l’amour et de l’affection.

7.  L’établissement CEPSB

82.  Il ressort des observations fournis par les parties que le CEPSB, lieu de résidence des mineures, est un établissement privé, agréé par la Direction générale pour la protection de l’enfant de Braşov, dont les fonctions consistent à élever des enfants orphelins ou abandonnés, à en prendre soin et en assurer l’éducation.

83.  Les rapports rédigés par l’autorité nationale chargée de surveiller l’activité des établissements sociaux attestent que : le CEPSB bénéficie de bonnes conditions matérielles et d’hygiène ; l’assistance médicale y est assurée par des contrôles réguliers, effectués par des médecins, et par la surveillance permanente du personnel médical ; l’établissement développe des programmes spécifiques comprenant des activités d’éducation, de sport et de jeu des enfants placés ; ceux-ci fréquentent les écoles situées aux environs de l’établissement et sont intégrés dans le système national d’éducation ; les mineurs placés qui font preuve d’aptitudes particulières dans des domaines sportifs et artistiques sont encouragés à les développer ; de nombreuses activités à caractère pratique sont organisées ; l’établissement est structuré par groupes d’environ 7-8 enfants sous la supervision étroite d’employés chargés de remplir la fonction de « parents de remplacement ».

84.  Les 7 septembre 2000 et 4 février 2002, un employé du CEPSB travaillant à la boulangerie du Centre fut condamné par le tribunal de première instance de Braşov à des peines de prison ferme pour abus sexuel sur plusieurs mineurs placés au CEPSB et âgés respectivement de 9, 11 et 12 ans.

85.  Plusieurs articles parus dans le journal local de Braşov « M. » relèvent qu’après une visite au CEPSB, le 9 janvier 2001, de Mme la Baronne Nicholson de Winterbourne, rapporteure du Parlement Européen, elle aurait considéré que les enfants placés dans cet établissement ne devraient pas partir pour l’étranger rejoindre leurs familles adoptives, compte tenu de ce qu’une véritable famille se serait créée au CEPSB, dans laquelle les enfants seraient bien élevés et éduqués. Ces articles font également état de ce que Ioan Tiriac, fondateur du Centre, aurait affirmé qu’aucun des enfants placés au sein du CEPSB ne quitterait l’établissement, car tous étaient devenus désormais sa famille et qu’il était temps d’arrêter l’ « exportation » des enfants roumains.

B.  Le droit et la pratique internes et internationaux pertinents

1.  Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, ratifiée par la Roumanie le 18 octobre 1994

Article 4 Sur les conditions des adoptions internationales

« Les adoptions visées par la Convention ne peuvent avoir lieu que si les autorités compétentes de 1’Etat d’origine ;

a)  ont établi que l’enfant est adoptable ;

b)  ont constaté, après avoir dûment examiné les possibilités de placement de l’enfant dans son Etat d’origine, qu’une adoption internationale répond à l’intérêt supérieur de l’enfant;

c)  se sont assurées : 1.  que les personnes, institutions et autorités dont le consentement est requis pour l’adoption ont été entourées des conseils nécessaires et dûment informées sur les conséquences de leur consentement, en particulier sur le maintien ou la rupture, en raison d’une adoption, des liens de droit entre l’enfant et sa famille d’origine ; 2.  que celles-ci ont donné librement leur consentement dans les formes légales requises, et que ce consentement a été donné ou constaté par écrit ; 3.  que les consentements n’ont pas été obtenus moyennant paiement ou contrepartie d’aucune sorte et qu’ils n’ont pas été retirés ; 4.  que le consentement de la mère, s’il est requis, n’a été donné qu’après la naissance de l’enfant ; et

d)  se sont assurées, eu égard à l’âge et à la maturité de l’entant : 1.  que celui-ci a été entouré de conseils et dûment informé sur les conséquences de l’adoption et de son consentement à l’adoption, si celui-ci est requis ; 2.  que les souhaits et avis de l’enfant ont été pris en considération ; 3.  que le consentement de l’enfant à l’adoption, lorsqu’il est requis, a été donné librement, dans les formes légales requises, et que son consentement a été donné ou constaté par écrit, et 4.  que ce consentement n’a pas été obtenu moyennant paiement ou contrepartie d’aucune sorte. »

Article 9

« Les Autorités centrales prennent, soit directement, soit avec le concours d’autorités publiques ou d’organismes dûment agréés dans leur Etat, toutes mesures appropriées, notamment pour : (...) b)  faciliter, suivre et activer la procédure en vue de l’adoption; c)  promouvoir dans leurs Etats le développement de service de conseils pour l’adoption et pour le suivi de l’adoption ; (...) »


Article 10

« Peuvent seuls bénéficier de l’agrément et le conserver les organismes qui démontrent leur aptitude à remplir correctement les missions qui pourraient leur être confiées. »

Article 17

« Toute décision de confier un enfant à des futurs parents adoptifs ne peut être prise dans 1’Etat d’origine que a)  si l’Autorité centrale de cet Etat s’est assurée de l’accord des futurs parents adoptifs ; b)  si l’Autorité centrale de I’Etat d’accueil a approuvé cette décision, lorsque la loi de cet Etat ou l’Autorité centrale de 1’Etat d’origine le requiert; c)  si les Autorités centrales des deux Etats ont accepté que la procédure en vue de l’adoption se poursuive ; et d)  s’il a été constaté que les futurs parents adoptifs sont qualifiés et aptes à adopter et que l’enfant est ou sera autorisé à entrer et à séjourner de façon permanente dans 1’Etat d’accueil. »

Article 18

« Les Autorités centrales des deux Etats prennent toutes mesures utiles pour que l’enfant reçoive l’autorisation de sortie de 1’Etat d’origine, ainsi que celle d’entrée et de séjour permanent dans 1’Etat d’accueil. »

Article 19

« 1.  Le déplacement de l’enfant vers 1’Etat d’accueil ne peut avoir lieu que si les conditions de l’article 17 ont été remplies.

2.  Les Autorités centrales des deux Etats veillent à ce que ce déplacement s’effectue en toute sécurité, dans des conditions appropriées et, si possible, en compagnie des parents adoptifs. »

2.  Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par la Roumanie le 28 septembre 1990

Article 21

« Les Etats parties qui admettent et/ou autorisent l’adoption s’assurent que l’intérêt supérieur de l’enfant est la considération primordiale en la matière, et :

a)  Veillent à ce que l’adoption d’un enfant ne soit autorisée que par les autorités compétentes, qui vérifient, conformément à la loi et aux procédures applicables et sur la base de tous les renseignements fiables relatifs au cas considéré, que l’adoption peut avoir lieu eu égard à la situation de l’enfant par rapport à ses père et mère, parents et représentants légaux et que, le cas échéant, les personnes intéressées ont donné leur consentement à l’adoption en connaissance de cause, après s’être entourées des avis nécessaires ;

b)  Reconnaissent que l’adoption à l’étranger peut être envisagée comme un autre moyen d’assurer les soins nécessaires à l’enfant, si celui ci ne peut, dans son pays d’origine, être placé dans une famille nourricière ou adoptive ou être convenablement élevé  (...) »

3.  Convention européenne en matière d’adoption des enfants, signée à Strasbourg, le 24 avril 1967, et ratifiée par la Roumanie le 18 mai 1993

Article 4

« L’adoption n’est valable que si elle est prononcée par une autorité judiciaire ou administrative ci-après appelée ‘l’autorité compétente’. »

Article 5

« 1.  L’adoption n’est prononcée que si au moins les consentements suivants ont été accordés et n’ont pas été retirés : a)  le consentement de la mère et, lorsque l’enfant est légitime, celui du père ou, s’il n’y a ni père ni mère qui puisse consentir, le consentement de toute personne ou de tout organisme qui serait habilité à exercer les droits parentaux à cet égard ; b)  le consentement du conjoint de l’adoptant.

2.  Il n’est pas permis à l’autorité compétente : a)  de se dispenser de recueillir le consentement de l’une des personnes visées au paragraphe 1 ci-dessus, ou b)  de passer outre au refus de consentement de l’une des personnes ou de l’un des organismes visés audit paragraphe 1, sinon pour des motifs exceptionnels déterminés par la législation. »

Article 10

« 1.  L’adoption confère à l’adoptant à l’égard de l’enfant adopté les droits et obligations de toute nature qui sont ceux d’un père ou d’une mère à l’égard de son enfant légitime.

L’adoption confère à l’adopté à l’égard de l’adoptant les droits et obligations de toute nature qui sont ceux d’un enfant légitime à l’égard de son père ou de sa mère.

2.  Dès que naissent les droits et obligations visés au paragraphe 1 du présent article, les droits et obligations de même nature existant entre l’adopté et son père ou sa mère ou tout autre personne ou organisme cessent d’exister. »

4.  La Constitution

Article 11

« § 2.  Les traités ratifiés par le Parlement selon les voies légales font partie intégrante de l’ordre juridique interne. »


Article 20

« (1)  Les dispositions constitutionnelles concernant les droits et libertés des citoyens seront interprétées et appliquées en conformité avec la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et les pactes et autres traités auxquels la Roumanie est partie.

(2)  En cas de contradiction entre les pactes et traités concernant les droits fondamentaux de l’homme auxquels la Roumanie est partie et les lois internes, les dispositions internationales prévaudront. »

5.  Rapport au Parlement Européen en date du 24 juillet 2001 sur la demande d’adhésion de la Roumanie à l’Union Européenne

86.  Après avoir constaté avec satisfaction les progrès réalisés par la Roumanie sur la voie de la consolidation de l’Etat du droit et du respect des droits de l’homme, Mme la Baronne Nicholson de Winterbourne souligne, en sa qualité de rapporteure, que la situation des enfants en Roumanie nécessite de nouvelles améliorations. Elle relève que le sort des enfants placés dans des institutions demeure toujours une cause majeure d’inquiétude et un problème en matière de droits fondamentaux ayant un impact sur la procédure d’adhésion.

6.  Ordonnance d’urgence du Gouvernement no 25 du 9 juin 1997 relative à l’adoption (publiée au Moniteur officiel du 12 juin 1997)

Article 1

« 1.  L’adoption est une mesure spéciale de protection des intérêts de l’enfant, établissant la filiation entre l’adoptant et l’adopté et créant des liens de parenté entre l’enfant et les membres de la famille de l’adoptant (...)

3.  L’adoption produit ses effets à la date à laquelle la décision judiciaire [accueillant la demande d’adoption] est devenue irrévocable. »

Article 7

« 1.  Pour accueillir une demande d’adoption, sont nécessaires : a)  le consentement, des parents ou, selon le cas, du parent de l’adopté (...) ; b)  l’avis favorable de la Commission pour la protection de l’enfant du domicile de ce dernier ; c)  le consentement de l’enfant âgé de 10 ans minimum ; d)  le consentement de la personne ou de la famille qui adopte.

2.  Si (...) l’enfant a été déclaré abandonné par décision judiciaire devenue définitive, le consentement prévu par l’article 7 § 1 a) n’est pas nécessaire. »


Article 18

« 1.  Le tribunal se prononce sur la demande d’adoption en chambre du conseil, en formation de deux juges (...) 2.  Seront cités à l’audience : la Commission pour la protection de l’enfant qui a donné son avis favorable à l’adoption, et qui représente l’enfant, la personne ou la famille qui souhaite adopter et le Comité roumain pour Adoption ; la participation du procureur est obligatoire.(..) 3.  Le tribunal peut administrer toute preuve admise par la loi ; 4.  Le consentement de l’enfant âgé de 10 ans minimum sera recueilli devant le tribunal. »

Article 21

« L’enfant acquiert le nom de la personne qui l’adopte (...) En vertu de la décision devenue irrévocable de la juridiction prononçant l’adoption, le service d’état civil compétent établit un nouveau certificat de naissance de l’enfant, dans lequel les parents adoptifs figurent à titre de parents naturels. L’ancien certificat de naissance est gardé, avec une mention en marge concernant le nouvel acte établi. »

Article 22

« 1.  L’adoption peut être annulée ou révoquée, selon la loi.

2.  L’adoption peut être révoquée sur demande de l’enfant de plus de 10 ans ou de la Commission pour la protection de l’enfant de son domicile, si cela est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. »

7.  Ordonnance d’urgence du Gouvernement no 26 du 9 juin 1997 sur la protection de l’enfant en difficulté (publiée au Moniteur officiel du 12 juin 1997)

Article 7

« Afin d’assurer le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant en difficulté, la Commission pour la protection de l’enfant peut ordonner :...e) le placement de l’enfant auprès d’un service public de protection spécialisé ou auprès d’un établissement privé agréé. »

Article 8

« Si l’enfant a été déclaré abandonné par décision judiciaire définitive (...) les droits parentaux sont exercés par le conseil départemental, par le biais de la Commission pour la protection de l’enfant. »


8.  Arrêté du Gouvernement no 502 du 12 septembre 1997 sur l’organisation et le fonctionnement du Comité roumain pour les adoptions

Article 1

« Le Comité roumain pour les adoptions est organisé et agit comme organe de spécialité sous tutelle du Gouvernement, dans le but d’assurer la surveillance et le soutien des actions de protection des droits des enfants par l’adoption et de réaliser la coopération internationale dans ce domaine.

Le Comité roumain pour les adoptions est l’autorité centrale roumaine chargée d’assumer les obligations prévues par la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (...) »

9.  Arrêté du Gouvernement no 770 du 3 juillet 2003 sur l’organisation et le fonctionnement de l’autorité nationale pour la protection de l’enfant et pour adoption

Article 1

« L’autorité nationale pour la protection de l’enfant agit comme organe de spécialité de l’administration publique centrale, dotée de la personnalité juridique, sous tutelle du Ministère du travail, de la solidarité sociale et de la famille. »

Article 7

« L’autorité a les attributions suivantes : (...) f)  propose aux autorités compétentes de suspendre ou de faire cesser les activités qui mettent en danger grave et imminent la santé ou le développement physique ou psychique de l’enfant et de retirer l’autorisation de fonctionnement des personnes juridiques responsables ;

g)  agit pour prévenir ou pour faire cesser les effets des faits ou des actes contraires aux principes et aux normes contenues dans les conventions internationales auxquelles la Roumanie a adhéré en matière des droits de l’enfant et d’adoption (...) »

10.  Code de la famille

Article 75

« [A compter de la date à laquelle de la décision prononçant l’adoption est devenue définitive], les droits et les obligations que l’adopté a à l’égard de l’adoptant sont les mêmes que ceux qu’un enfant né d’un mariage a à l’égard de ses parents (...) »

Article 100

« L’enfant mineur habite avec ses parents (...) »


Article 103

« Les parents ont le droit de demander que leur enfant leur soit remis par toute personne le gardant sans en avoir le droit. Les tribunaux rejetteront la demande de retour si elle est contraire aux intérêts de l’enfant. Celui-ci sera entendu après l’âge de dix ans. »

11.  Code pénal

Article 189

« 1.  La privation illégale de liberté est passible d’une peine de un à cinq ans d’emprisonnement.

2.  Si (...) la victime est mineure, la sanction est une peine de cinq à douze ans d’emprisonnement. »

12.  Code de procédure pénale (« le C.P.P. »)

Article 275

« (1)  Toute personne peut se plaindre contre les mesures et actes de poursuites pénales, s’ils ont porté atteinte à ses intérêts légitimes. »

Article 278

« Les plaintes contre les mesures prises ou actes effectués par le procureur ou actes effectués sur ses ordres sont adressées au procureur en chef du Parquet. »

13.  Décision no 308 du 12 novembre 2002 de la Cour Constitutionnelle

87.  La Cour a accueilli l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 7 §§ 1a) et 2 de l’O.U.G. no 25/1997 relative au régime juridique de l’adoption, en considérant que la disposition en cause était inconstitutionnelle dans la mesure où, s’agissant d’un enfant déclaré abandonné par décision judiciaire, elle n’exigeait pas de recueillir le consentement préalable à l’adoption de la personne ou de l’organisme habilités à exercer les droits parentaux sur le mineur.


GRIEFS

88.  Les requérants se plaignent, au titre de l’article 8 de la Convention, d’une atteinte à leur droit au respect de leur vie familiale, en raison de la non‑exécution des décisions des 28 septembre et 24 octobre 2000 du tribunal départemental de Braşov, qui les prive ainsi de tout contact avec leur enfant.

89.  Ils allèguent que les autorités roumaines refusent de permettre à leurs filles adoptives respectives de quitter la Roumanie et invoquent l’article 2 § 2 du Protocole no 4 à la Convention.

90.  Invoquant l’article 5 § 1 de la Convention, ils se plaignent de ce que les mineures sont privées de liberté par le CEPSB.

EN DROIT

1.   Sur le grief tiré par les requérants de l’article 8 de la Convention

91.  Les requérants se plaignaient de la non‑exécution des décisions définitives des juridictions nationales relatives à l’adoption de Florentina et de Mariana et y voient une atteinte au droit au respect de leur vie familiale, garanti par l’article 8 de la Convention, qui dispose ainsi dans ses parties pertinentes :

« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la protection des droits et libertés d’autrui. »

a)  Thèse du Gouvernement

i.  Sur l’existence d’un lien entre les requérants et leurs filles adoptives respectives constitutif d’une « vie familiale », au sens de l’article 8 § 1 de la Convention

92.  Le Gouvernement considère à titre principal que l’article 8 de la Convention ne s’applique pas à la situation des requérants, qui ne sauraient se prévaloir de l’existence d’une « vie familiale » susceptible d’être protégée par la disposition précitée. Il fait valoir que, même si les requérants ont été reconnus comme parents adoptifs de Florentina et de Mariana par décisions judiciaires définitives, ce simple fait ne devrait pas être considéré comme faisant tomber ces affaires dans le champ d’application de l’article 8, dans la mesure où nulle vie familiale concrète n’a existé. Il souligne sur ce point que les requérants n’ont jamais rencontré leurs filles adoptives en tant que parents et n’ont jamais entretenu de relations concrètes de vie familiale avec elles.

93.  Même s’ils ont visité l’établissement CEPSB le 3 août 2000, cette visite ne saurait être considérée, de l’avis du Gouvernement, comme donnant naissance à un quelconque lien suffisamment profond pour engendrer une vie familiale. Les adoptions ayant été réalisées par l’intermédiaire de l’association C., les enfants n’ont jamais vécu avec les requérants et ne les ont jamais considérés comme étant leurs parents. Âgées de 9 ans et demi au moment de l’adoption, les mineures n’auraient jamais accepté ce lien de parenté et se seraient toujours opposées à leur départ pour l’Italie, ainsi qu’il ressort, d’une part, de la déclaration de Florentina recueillie par les policiers dans le cadre de la procédure pénale pour privation illégale de liberté dirigée contre le directeur de l’établissement (paragraphes 64-66 ci-dessus) et, d’autre part, de leur demande de révocation de l’adoption (paragraphes 67-73 ci-dessus).

94.  Le Gouvernement souligne que les requérants se trouvent encore dans la position de parents « potentiels », nul lien de sang et nulle vie de famille de facto ne les unissant à leur enfant. Dans ce cas, l’existence d’un lien de parenté formel établi par une décision judiciaire ne devrait pas jouir de la protection garantie par l’article 8 de la Convention, la pratique des institutions de la Convention ayant toujours favorisé, de l’avis du Gouvernement, une approche fondée sur des éléments substantiels, plutôt qu’une démarche formelle, basée sur la qualification donnée par le droit interne à la notion de famille.

95.  Invoquant en particulier les arrêts Fretté c. France (no 36515/97, CEDH 2002-I) et Salgueiro da Silva Mouta c. Portugal, (no 33290/96, CEDH 1999‑IX), le Gouvernement considère qu’un parent adoptif essayant d’établir des relations effectives avec l’adopté ne saurait être traité du point de vue de l’article 8 de la même façon qu’une personne qui invoquerait l’existence de relations de famille fondées sur la filiation naturelle ou sur des liens affectifs déjà existants. Il est d’avis que, dans le premier cas, le futur parent s’efforce d’obtenir un droit, alors que le parent naturel essaye de le conserver.

96.  Le Gouvernement conclut qu’une vie familiale, au sens de l’article 8 précité, ne pourrait pas s’envisager dans le cadre d’une relation fondée sur l’adoption, conçue comme n’étant une famille que pour les parents adoptifs, de façon unilatérale, tant que l’enfant refuse de partager sa vie familiale avec les parents adoptifs.


ii.   Sur le respect de la « vie familiale » des requérants

97.  Subsidiairement, le Gouvernement est d’avis que les particularités de la situation de fait de ces affaires ont pour effet de modifier l’étendue des obligations positives découlant pour l’Etat de la notion de « respect de la vie familiale ». Selon le Gouvernement, la nature « plus faible » de l’intérêt des requérants, reconnus comme parents adoptifs d’un enfant de presque dix ans en l’absence d’un lien concret préexistant, ne saurait justifier la nécessité absolue, à la charge des autorités roumaines, d’assurer le départ des enfants pour l’Italie, contre leur gré et en ignorant les procédures judiciaires visant à paralyser les effets de l’adoption.

98.  Même si l’intérêt des mineures adoptées a fait l’objet de l’analyse des autorités compétentes durant le processus d’adoption, ce fait ne saurait exclure, de l’avis du Gouvernement, un nouvel examen de tous ces éléments à un moment ultérieur, et ce pour plusieurs raisons : les enfants avaient au moment de l’adoption un âge très proche de celui où leur consentement aurait dû être requis en vertu de la législation nationale ; leur adoption n’a pas été précédée d’une période pendant laquelle les parents adoptifs potentiels auraient été en contact avec eux ; il fallait éliminer définitivement les doutes exprimés par le CEPSB quant à la régularité des procédures d’adoption, avant de procéder à une mesure d’exécution de caractère définitif.

99.  Rappelant que les huissiers de justice ont entamé l’exécution des décisions judiciaires relatives à l’adoption, le Gouvernement considère que l’Etat ne saurait être tenu responsable du refus opposé par l’établissement privé CEPSB de confier les mineures aux requérants.

100.  Il estime, enfin, qu’aucune méconnaissance de l’article 8 ne saurait être établie en l’espèce, cette clause conventionnelle ne pouvant pas être interprétée comme astreignant l’Etat à prendre des mesures radicales pour exécuter manu militari une décision d’adoption ou à procéder, par d’autres moyens de préparation psychologique, à la création d’une relation de parenté, tant que l’analyse de l’intérêt de l’enfant fait encore l’objet de procédures judiciaires.

b)  Thèse des tiers intervenants

i.  Sur l’existence d’un lien entre les requérants et les mineures constitutif d’une « vie familiale », au sens de l’article 8 § 1 de la Convention

101.  Tous les tiers intervenants sont d’avis que l’article 8 de la Convention n’est pas applicable en l’espèce, en l’absence d’une vie familiale réelle entre Florentina et Mariana, d’une part, et les requérants, de l’autre. Ils relèvent sur ce point que l’équilibre des intérêts en jeu doit tenir compte de l’intérêt des enfants, car c’est à eux qu’il revient d’accepter la famille qui les adopte et non pas l’inverse. Or, selon les tiers intervenants, la seule famille que les mineures acceptent est celle du CEPSB.

102.  Florentina et Mariana font valoir en particulier que ce n’est que le 3 septembre 2002 qu’elles ont pris connaissance, complètement par hasard, de l’existence d’une décision définitive et exécutoire sur le fondement de laquelle leurs parents adoptifs respectifs voulaient les forcer à quitter leur pays et leur famille au sein du CEPSB, dans laquelle elles vivent depuis 8 et 4 ans respectivement. Elles soulignent qu’elles ne sont pas liées aux requérants par un lien de sang ou par une vie de famille de facto, et font valoir que la visite qu’ils leur auraient rendue au Centre le 3 août 2000, dont elles ne se souviennent plus, ne saurait être considérée un lien assez profond pour les engager dans une nouvelle vie de famille.

ii.  Sur le respect de la « vie familiale » des requérants

103.  Les tiers intervenants mettent en exergue le fait que le CEPSB est organisé de manière à assurer aux enfants des conditions proches de celles offertes par des familles traditionnelles. Ils soulignent que Florentina et Mariana y résident dans une maison moderne, avec leurs familles respectives, formées d’une mère et d’une tante « de replacement » et de huit autres enfants mineurs. Le CEPSB aurait onze familles similaires, vivant chacune dans une maison moderne et offrant aux enfants tout ce dont ils ont besoin. Ils soulignent que Florentina et Mariana, de même que les autres enfants, y vivent sans être contraints.

104.  Indiquant que, le 3 septembre 2002, Florentina aurait été agressée physiquement par ses parents adoptifs, par leur avocate et par les forces de l’ordre qui étaient venus la faire sortir de l’établissement, ils estiment que cet incident a été traumatisant à la fois pour Florentina et pour Mariana.

105.  Ils expriment des doutes sur la légalité de l’adoption des mineures, en faisant valoir, tout abord, qu’elles étaient déjà intégrées, à la date de leur adoption, dans l’une des familles constituées au sein de l’établissement. Or, ils rappellent que les adoptions internationales ne sont permises, tant par la Convention de Nations Unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989, que par la Convention Européenne en matière d’adoption d’enfants, signée à Strasbourg, le 24 avril 1967, que dans le cas où le mineur ne peut être adopté dans le pays d’origine ou s’il ne peut être pris en charge de manière appropriée dans son propre pays (voir « le droit interne pertinent », nos 2 et 3).

106.  Ils soulignent ensuite que l’adoption des mineures, en l’absence du consentement du CEPSB et des mineures, aurait enfreint l’article 5 § 1 a) de la Convention européenne en matière d’adoption.

107.  S’appuyant aussi sur les dispositions de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (voir « le droit interne pertinent », no 1), ils soulignent que les décisions d’adoption doivent être prises en tenant compte des désirs et des avis des adoptés, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

108.  Florentina et Mariana soulignent en particulier qu’elles entendent mener leur vie de famille en Roumanie, au sein du CEPSB, où elles pratiquent du sport et font de la musique, et où elles se sont fait des amis. Elles font valoir qu’elles ne conçoivent pas d’autre vie de famille et que leurs opinions et leurs désirs devraient être respectés, d’autant plus qu’elles ont désormais plus de 11 ans. Elles considèrent que le fait d’être confiées à l’établissement CEPSB est la meilleure solution et s’opposent à l’exécution forcée des décisions relatives à leur adoption.

c)  Thèse des requérants

i.  Sur l’existence d’un lien entre les requérants et les mineures constitutif d’une « vie familiale », au sens de l’article 8 § 1 de la Convention

109.  Les requérants considèrent que la relation établie entre eux et leurs filles adoptives respectives est constitutive d’un lien familial, protégé par l’article 8 de la Convention, lequel s’applique dès lors en l’espèce. Ils renvoient aux arrêts Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume‑Uni (arrêt du 28 mai 1985, série A no 94), Eriksson c. Suède, (arrêt du 22 juin 1989, série A no 156) Marckx c. Belgique (arrêt du 13 juin 1979, série A no 31) et Ignaccolo‑Zenide c. Roumanie (no 31679/96, CEDH 2000‑I).

110.  Ils font valoir que la Cour a déjà considéré que le mot « famille » englobait la relation entre deux personnes qui se croyaient mariées et souhaitaient sincèrement cohabiter et mener une vie familiale normale, au motif que le lien noué ainsi était assez étroit pour entraîner la mise en jeu de l’article 8 (Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume‑Uni, précité, § 63). Or, s’appuyant sur les décisions définitives d’adoption, ils font valoir que la relation établie entre eux et leur enfant adoptif respectif est a fortiori constitutive d’un lien familial.

111.  Plus encore, ils soulignent qu’ils ont rencontré les mineures Florentina et Mariana, et que, même s’ils se sont vu dénier, par CEPSB, le droit de leur rendre d’autres visites, ils ont constamment pensé à elles en leur témoignant leur affection et en leur envoyant constamment des lettres et des cadeaux.

112.  Se référant plus particulièrement à leur visite du 3 août 2000, ils contestent les allégations de Florentina et de Mariana et doutent de ce qu’elles auraient été exprimées en réalité par les mineures, vu le climat d’hostilité et de résistance entretenu par le CEPSB. Ils soulignent qu’un enregistrement vidéo prouve qu’elles ont aimé leur visite et qu’elles ont exprimé leur souhait de les rejoindre, ayant apprécié de passer du temps avec eux.

113.  Admettant que les mineures ont pu développer au sein du CEPSB des liens d’affection avec les autres enfants ou avec les mères « de remplacement », ils font valoir qu’un mineur a besoin de soutien lorsqu’il doit quitter un environnement qu’il a considéré, depuis des années, comme étant sa vie réelle, pour rejoindre sa nouvelle famille, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. Or, de l’avis des requérants, les fondements même de l’institution de l’adoption impliquent l’accompagnement de l’enfant dans cette délicate phase de sa vie.

ii.  Sur le respect de la « vie familiale » des requérants 

114.  Les requérants soulignent que toutes les Conventions internationales relatives aux droits de l’enfant ont affirmé, sans équivoque, le fait que la famille représente le meilleur cadre pour l’épanouissement de la personnalité de l’enfant. Se référant en outre à un rapport du Parlement Européen (voir « le droit interne pertinent », no 5), ils indiquent que l’une des priorités assumées par le Gouvernement roumain en vue de l’adhésion à l’Union Européenne est la question des mineurs placés en institutions. Or, nonobstant les qualités du CEPSB, ils sont d’avis que cet établissement ne saurait en aucun cas remplacer une famille, dès lors qu’il n’offre aux enfants placés que des « parents de remplacement sur contrat », qui ne sont rien de plus que de simples employés, et peuvent à tout moment être licenciés ou donner leur démission.

115.  En tout état de cause, les requérants soulignent que le rôle d’une telle institution n’est pas d’entraver le processus d’adoption, et qu’elle ne devrait pas non plus s’impliquer dans une campagne de diffamation, en faisant des affirmations non vérifiées à l’égard des parents adoptifs, que les journaux ont reprises sous le qualificatif de « trafiquants d’enfants ».

116.  Le fait de vouloir discréditer à tout prix les étrangers souhaitant adopter des enfants roumains soulève, de l’avis des requérants, des doutes quant aux qualités de cet établissement, et ce d’autant plus qu’il aurait suffisamment d’opportunités de trouver d’autres mineurs à la place de ceux qui le quitteraient en vertu des décisions d’adoption prononcées par les autorités compétentes. Ils estiment que de tels doutes se justifient davantage si l’on considère la condamnation récente d’un employé de l’établissement pour abus sexuel sur trois des mineurs placés (voir paragraphe 84 ci-dessus).

117.  Ils soulignent, enfin, que, si les mineures n’ont pris connaissance des décisions d’adoption que le 3 septembre 2002 et « par hasard », comme elles l’allèguent, cela prouve que l’établissement ne les en a jamais informées.

118.  S’agissant de la prétendue absence de consentement du CEPSB à l’adoption, ils soulignent que les procédures d’adoption de Florentina et de Mariana ont été conformes à la législation roumaine et aux conventions internationales en la matière, dès lors qu’en vertu de l’article 8 de l’O.U.G. no 26/1997, les droits parentaux sur les enfants déclarés abandonnés par décision judiciaire, comme c’était le cas en l’espèce, étaient exercés par la Commission pour la protection des droits de l’enfant de Braşov, qui avait donné un avis favorable à l’adoption des mineures et qui avait réitéré son consentement devant le tribunal qui s’est prononcé sur leurs demandes d’adoption.

119.  La Cour est d’avis que les questions relatives à l’applicabilité de l’article 8 de la Convention et au bien‑fondé du grief soulevé sous l’angle de cette disposition sont étroitement liées et doivent être examinées ensemble. Par ailleurs, la Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.

2.  Sur le grief tiré ex officio de l’article 6 § 1 de la Convention

120.  La Cour rappelle que, maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, elle ne se considère pas comme liée par celle que leur attribuent les requérants ou les gouvernements. En vertu du principe jura novit curia, elle a par exemple étudié d’office plus d’un grief sous l’angle d’un article ou paragraphe que n’avaient pas invoqué les comparants. Un grief se caractérise par les faits qu’il dénonce et non par les simples moyens ou arguments de droit invoqués (voir mutatis mutandis, Guerra et autres c. Italie du 19 février 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, p. 223, § 44, et Berktay c. Turquie, no 22493/93, § 167, 1er mars 2001).

121.  A la lumière de ces principes, la Cour considère nécessaire, dans les circonstances de l’espèce, d’examiner le grief des requérants tiré de la non‑exécution des décisions définitives relatives à l’adoption de Florentina et de Mariana sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, qui se lit ainsi dans ses parties pertinentes :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

122.  Lors de l’audience, le Gouvernement défendeur a mis en exergue le caractère sensible des questions sur lesquelles portaient les décisions définitives en question et a souligné qu’aucune méconnaissance de l’article 6 § 1 ne saurait être établie en l’espèce, cette clause conventionnelle ne pouvant pas être interprétée comme astreignant l’Etat à prendre des mesures radicales pour exécuter manu militari des décisions qui pourraient briser l’équilibre d’un enfant.

123.  Admettant que le droit à l’exécution est reconnu par la jurisprudence de la Cour comme un élément du droit d’accès à un tribunal, garanti par l’article 6 précité, et renvoyant aux opinions dissidentes exprimées par les juges Thomassen et Maruste sous les arrêts rendus par la Cour dans les affaires Ruianu (no 34647/97, 17 juin 2003) et Ignaccolo‑Zenide (no 31679/96, CEDH 2000‑I), le Gouvernement est d’avis qu’il peut exister des situations exceptionnelles autorisant les autorités de ne pas exécuter une décision, comme, par exemple, un changement dans la situation de fait (mutatis mutandis, Sylvester c. Autriche, nos 36812/97 et 40104/98, 24 avril 2003).

124.  Or, selon le Gouvernement, les présentes affaires constituent de telles situations exceptionnelles, qui justifient l’inexécution des décisions litigieuses par les autorités. Il fait valoir sur ce point que le droit des enfants adoptés de garder leur famille et leur domicile au sein du CEPSB doit prévaloir sur le droit processuel des parents adoptifs de voir exécuter une décision pouvant causer des dégâts importants pour l’avenir et l’équilibre des mineures.

125.  Les requérants soulignent le fait que l’Etat roumain a manqué, pendant plusieurs années, à son obligation d’exécuter des jugements définitifs et irrévocables. Ils renvoient tout particulièrement au rapport de l’huissier de justice du 3 septembre 2002, qui précise que la tentative d’exécution des jugements définitifs s’est transformée, avec le concours de gardiens de l’établissement, en une détention illégale pour eux‑mêmes, pour l’huissier et pour leur avocat (paragraphe 38 ci-dessus).

126.  La Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.

3.  Sur le grief tiré de l’article 2 § 2 du Protocole no 4 à la Convention

127.  Les requérants se plaignent du refus des autorités roumaines de permettre à leurs filles adoptives respectives de quitter la Roumanie et invoquent l’article 2 § 2 du Protocole no 4 à la Convention, libellé ainsi dans ses parties pertinentes :

«  (...) Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien. »

128.  Le Gouvernement estime que cette allégation doit être analysée exclusivement sous l’angle de l’article 8 précité. En tout état de cause, il note qu’aucune entrave à la liberté de circulation des mineures ne saurait être alléguée, dès lors qu’elles voyagent librement, tant en Roumanie qu’à l’étranger.

129.  Les tiers intervenants notent que Florentina et Mariana n’ont jamais été empêchées de quitter leur pays et qu’elles demeurent au sein du CEPSB de leur propre gré, refusant catégoriquement de le quitter ou de partir pour l’Italie. Ils soulignent que, dans ce cas, ni l’Etat roumain, ni le CEPSB ne sauraient être forcés à exécuter les décisions relatives à leur adoption.

130.  La Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit qu’il ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.

4.  Sur le grief tiré de l’article 5 § 1 de la Convention

131.  Les requérants se plaignent également de ce que leurs filles adoptives respectives sont privées illégalement de liberté par le CEPSB. Ils invoquent l’article 5 § 1 de la Convention, qui est libellé ainsi dans ses parties pertinentes :

« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté (...) »

132.  Le Gouvernement estime qu’il n’est pas approprié d’examiner ce grief sous l’angle de l’article 5 § 1 de la Convention.

133.  Les tiers intervenants soulignent que Florentina et Mariana n’ont jamais été privées de leur liberté par le CEPSB, dans la mesure où elles y demeurent de leur propre gré, refusant catégoriquement de le quitter. Ils estiment que, dans cette situation, l’article 5 § 1 de la Convention n’est pas applicable, car ni l’Etat roumain, ni le CEPSB ne sauraient être forcés de confier les mineures à leurs parents adoptifs.

134.  La Cour relève que les requérants allèguent une ingérence dans le droit à la liberté des mineures Florentina et Mariana de la part de l’établissement CEPSB. Or, il résulte des pièces fournies que l’établissement en question est une institution privée (paragraphe 82 ci‑dessus). S’agissant d’une atteinte à un droit reconnu par la Convention qui découle du fait d’un particulier, l’Etat ne saurait en être tenu responsable, en vertu de l’article 34 de la Convention. Il s’ensuit que ce grief est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.

Par ces motifs, la Cour, à la majorité,

Joint au fond la question de l’applicabilité de l’article 8 de la Convention ;


Déclare recevables, tous moyens de fond réservés, les griefs tirés des articles 6 § 1 et 8 de la Convention, portant sur l’inexécution des décisions relatives à l’adoption de Florentina et de Mariana et sur l’atteinte alléguée qui en découle, pour les requérants, au droit au respect de leur vie familiale, et de l’article 2 du Protocole no 4 à la Convention quant à l’impossibilité alléguée pour ces mineures de circuler librement ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

S. DolléJ.-P. Costa
GreffièrePrésident

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CEDH, Cour (deuxième section), PINI, BERTANI, MANERA et ATRIPALDI c. la ROUMANIE, 25 novembre 2003, 78028/01;78030/01