CEDH, Cour (deuxième section), NORWOOD c. ROYAUME-UNI, 16 novembre 2004, 23131/03

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CEDH · 16 novembre 2004

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section), 16 nov. 2004, n° 23131/03
Numéro(s) : 23131/03
Publication : Recueil des arrêts et décisions 2004-XI
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 16 juillet 2003
Jurisprudence de Strasbourg : Garaudy v. France, (dec.), no. 65831/01, ECHR 2003 IX (extracts)
Jersild v. Denmark, judgment of 23 September 1994, Series A no. 298, § 35
Schimanek v. Austria (dec.), no. 32307/96, 1 February 2000
W.P. and Others v. Poland (dec.), no. 42264/98, 2 September 2004 Eur. Comm. H.R. Nos. 8348/78, 8406/78, Dec. 11.10.79, D.R. 18, p. 187
Niveau d’importance : Publiée au Recueil
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-112858
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2004:1116DEC002313103
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Sur les parties

Texte intégral

(...)

EN FAIT

Le requérant, M. Mark Anthony Norwood, est un ressortissant britannique né en 1962 et résidant dans un village proche d’Oswestry, dans le Shropshire. Il est représenté devant la Cour par M. K. Lowry-Mullins, avocat à Londres.

A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le requérant était un responsable régional du Parti national britannique (British National Party – BNP), un parti politique d’extrême droite. De novembre 2001 au 9 janvier 2002, il arbora à la fenêtre de son appartement, situé au premier étage, une grande affiche (60 cm x 38 cm) fournie par le BNP, qui était une photographie des Twin Towers en flammes, avec les termes « L’Islam, dehors ! – Protégeons le peuple britannique » inscrits dessus ainsi que le symbole du croissant et de l’étoile reproduit dans un panneau d’interdiction.

La police retira l’affiche à la suite de la plainte d’un particulier. Le lendemain, un fonctionnaire de police téléphona au requérant en lui demandant de se présenter au poste de police local pour interrogatoire. Le requérant n’obtempéra pas.

Il fut ensuite inculpé, en vertu de l’article 5 de la loi de 1986 sur l’ordre public (voir ci-dessous), d’un délit qualifié consistant à exposer, avec hostilité à l’égard d’un groupe racial ou religieux, un écrit, un signe ou toute autre représentation apparente à caractère menaçant, offensant ou injurieux à portée de vue d’une personne susceptible de se sentir harcelée, alarmée ou angoissée. Le requérant plaida non coupable et argumenta pour sa défense que l’affiche visait l’extrémisme islamique et n’était ni offensante ni injurieuse, et que le condamner méconnaîtrait son droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 de la Convention. Le 13 décembre 2002, il fut condamné pour le délit susmentionné par M. Browning, juge de district à la Magistrate’s Court d’Oswestry, et se vit infliger une amende de 300 livres sterling.

M. Norwood saisit la High Court d’un appel, dont il fut débouté le 3 juillet 2003. Le Lord Justice Auld déclara que l’affiche constituait « l’expression publique d’une attaque contre tous les musulmans du pays, signifiant à ceux susceptibles de la lire que les adeptes de la religion islamique devaient quitter le territoire et que la présence de ces adeptes était une menace ou un danger pour le peuple britannique ».

B.  Le droit interne pertinent

Le requérant fut inculpé, sur le fondement de l’article 5 § 1 b) de la loi de 1986 sur l’ordre public, pour avoir alarmé ou angoissé autrui, fait accompagné des circonstances aggravantes énoncées aux articles 28 et 31 de la loi de 1998 sur la criminalité et les troubles à l’ordre public (tels que modifiés par l’article 39 de la loi de 2001 sur la lutte antiterroriste, la criminalité et la sécurité). L’article 5 de la loi de 1986 dispose :

« 1.  Une personne se rend coupable d’une infraction si elle (...) b) montre un écrit, un signe ou toute autre représentation apparente à caractère menaçant, offensant ou injurieux, à portée de voix ou de vue d’une personne susceptible de se sentir harcelée, alarmée ou angoissée.

2.  Une infraction au sens du présent article peut être commise dans un lieu public ou privé (...)

3.  L’accusé peut se défendre en prouvant – a) qu’il n’avait aucune raison de penser qu’il y avait quelqu’un à portée de voix ou de vue susceptible de se sentir harcelé, alarmé ou angoissé, ou b) que lui-même se trouvait à l’intérieur d’une habitation et n’avait aucune raison de penser que les propos ou le comportement litigieux, ou l’écrit, le signe ou toute autre représentation apparente seraient entendus ou vus par une personne à l’extérieur de cette habitation ou d’une autre habitation ; c) que le comportement incriminé était raisonnable. »

Aux termes de l’article 6 § 4 de la loi de 1986 :

« Une personne se rend coupable de l’infraction décrite à l’article 5 seulement si elle a pour intention (...) que l’écrit, le signe ou toute autre représentation apparente soit menaçant, offensant ou injurieux ou si elle a conscience que l’écrit, le signe ou toute autre représentation apparente peut être tel (...) »

La loi de 1998 telle que modifiée a aggravé la qualification d’une série d’infractions, y compris celle décrite à l’article 5 de la loi de 1986, en y assortissant des peines maximales plus lourdes. Selon les articles 28 § 1 b) et 31 § 1 c) de la loi de 1998, une infraction tombant sous le coup de l’article 5 de la loi de 1986 est « aggravée pour inspiration raciale ou religieuse » si elle a été « motivée (pleinement ou partiellement) par de l’hostilité envers des membres d’un groupe religieux ou racial en raison même de leur appartenance à ce groupe ».

GRIEFS

Invoquant l’article 10 de la Convention, le requérant se plaint que la procédure pénale engagée contre lui ait violé son droit à la liberté d’expression. Il s’estime aussi victime d’une discrimination contraire à l’article 14 de la Convention.

EN DROIT

Le requérant allègue une violation de l’article 10 de la Convention, aux termes duquel :

« 1.  Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

2.  L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

Le requérant avance que la liberté d’expression couvre non seulement ce qui est inoffensif mais également ce qui est irritant, controversé, excentrique, hérétique, déplaisant et provocant, du moment qu’il n’y a pas incitation à la violence. Selon lui, la critique d’une religion ne saurait être assimilée à une attaque dirigée contre ses adeptes. Le requérant ajoute que, de toute façon, il vit dans une zone rurale qui n’est pas sujette à de grandes tensions raciales ou religieuses, et qu’il n’est pas démontré qu’un seul musulman ait vu l’affiche.

La Cour renvoie toutefois à l’article 17 de la Convention, ainsi libellé :

« Aucune des dispositions de la (...) Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la (...) Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à [la] Convention. »

Le but général de l’article 17 est d’empêcher que des individus ou des groupements totalitaires puissent exploiter en leur faveur les principes posés par la Convention. La Cour et, avant elle, la Commission européenne des Droits de l’Homme ont jugé en particulier que la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention ne saurait être invoquée dans un sens contraire à l’article 17 (voir notamment W.P. et autres c. Pologne (déc.), no 42264/98, CEDH 2004-VII ; Garaudy c. France (déc.), no 65831/01, CEDH 2003-IX ; Schimanek c. Autriche (déc.), no 32307/96, 1er février 2000 ; et aussi Glimmerveen et Hagenbeek c. Pays-Bas, nos 8348/78 et 8406/78, décision de la Commission du 11 octobre 1979, Décisions et rapports 18).

L’affiche en cause dans la présente affaire était une photographie des Twin Towers en flammes, avec les termes « L’Islam, dehors ! – Protégeons le peuple britannique » ainsi que le symbole du croissant et de l’étoile reproduit dans un panneau d’interdiction. La Cour prend acte de l’appréciation effectuée par les juridictions nationales et l’approuve, en particulier pour dire que les termes et les images figurant sur l’affiche constituaient l’expression publique d’une attaque dirigée contre tous les musulmans du Royaume-Uni. Une attaque aussi véhémente, à caractère général, contre un groupe religieux, qui établit un lien entre l’ensemble du groupe et un acte terroriste grave, est contraire aux valeurs proclamées et garanties par la Convention, à savoir la tolérance, la paix sociale et la non-discrimination. Le fait pour le requérant d’exposer l’affiche à sa fenêtre s’analyse en un acte qui relève de l’article 17 et ne bénéficie donc pas de la protection des articles 10 et 14 (voir les affaires précitées et Jersild c. Danemark, arrêt du 23 septembre 1994, série A no 298, pp. 25-26, § 35).

Il s’ensuit que la requête doit être rejetée comme étant incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention, conformément à l’article 35 §§ 3 et 4.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

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CEDH, Cour (deuxième section), NORWOOD c. ROYAUME-UNI, 16 novembre 2004, 23131/03