CEDH, Cour (cinquième section comité), O.L.G. c. FRANCE, 5 juin 2018, 47022/16

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Chronologie de l’affaire

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www.dbfbruxelles.eu · 6 juillet 2018

La Cour EDH rejette, pour non épuisement des voies de recours internes, une requête dénonçant la violation de l'article 8 de la Convention EDH en raison du refus opposé, par les autorités nationales, à une demande tendant à l'obtention d'un visa pour un enfant adopté (28 juin) Décision Le Guyader c. France, requête n°47022/16 La Cour EDH relève que la procédure relative au recours en annulation du refus de visa est pendante devant la cour administrative d'appel de Nantes, qu'il aurait fallu que le requérant interjette appel devant le Conseil d'Etat de l'ordonnance rejetant sa demande en …

 

CEDH · 28 juin 2018

Communiqué de presse sur les affaires 60798/10, 65599/10, 31536/07, 59142/16, 47022/16, 45957/11, 64184/11 et 20235/11

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Cinquième Section Comité), 5 juin 2018, n° 47022/16
Numéro(s) : 47022/16
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 21 novembre 2016
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-184527
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2018:0605DEC004702216
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Sur les parties

Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 47022/16
O.L.G.
contre la France

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 5 juin 2018 en un comité composé de :

Erik Møse, président,
Síofra O’Leary,
Lәtif Hüseynov, juges,

et de Milan Blaško, greffier adjoint de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 14 novembre 2016,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

1.  Le requérant, M. O.L.G., est un ressortissant français né en 1974 et résidant à Marrakech. Il est représenté devant la Cour par Me Aude Regent, avocate à Nantes.

2.  Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. François Alabrune, Directeur des affaires juridiques au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

A.  Les circonstances de l’espèce

3.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

4.  Le 19 janvier 2012, le requérant obtint du Conseil général de la Loire atlantique un agrément aux fin d’adoption. L’agrément, sans lequel il ne peut en principe y avoir d’adoption internationale, établit l’aptitude du candidat à l’adoption à accueillir un enfant. Il ne lui confère pas le droit de se voir confier un enfant.

5.  Le requérant indique que, début octobre 2014, un ami ivoirien, M. S., l’informa qu’une de ses connaissances, Mme C., avait accouché le 6 octobre 2014 d’un enfant, R., né de père inconnu, qu’elle n’entendait pas garder. Le requérant se rendit en Côte d’Ivoire le 17 octobre 2014 pour rencontrer l’enfant, que M. S. avait recueilli. Le requérant ne précise pas combien de temps il passa auprès de l’enfant mais indique qu’il retourna en Côte d’Ivoire en décembre de la même année et qu’il initia à ce moment-là les démarches nécessaires à son adoption dans ce pays.

1.  La procédure d’adoption en Côte d’Ivoire

6.  Il ressort du jugement du tribunal de première instance d’Abidjan du 24 juillet 2015 (paragraphe 9 ci-dessous) qu’une enquête sociale fut diligentée à la demande du requérant par la Direction de la Protection de l’Enfance. Le requérant fut entendu plusieurs fois ainsi que Mme C. et M. S.

7.  Le 9 juin 2015, le requérant saisit cette juridiction d’une requête tendant à ce qu’elle prononce l’adoption plénière de l’enfant.

8.  Il ressort également du jugement du 24 juillet 2015 que Mme C. donna son consentement au projet d’adoption, par devant notaire, le 19 mai 2015, puis devant le tribunal de première instance d’Abidjan, le 10 juin 2015.

9.  La Direction de la Protection de l’Enfance n’ayant pas délivré le rapport d’enquête sociale au bout de sept mois, le tribunal de première instance d’Abidjan autorisa le requérant, après investigation, à présenter sa requête aux fins d’adoption. Relevant, notamment que « toutes les conditions légales requises [étaient] réunies », et considérant qu’il était dans l’intérêt de l’enfant qu’il soit adopté par le requérant, le tribunal, par un jugement du 24 juillet 2015, accueillit la demande d’adoption. Il jugea en outre que l’enfant porterait désormais le nom de famille du requérant et ordonna la modification des registres d’état civil en conséquence.

10.  Devenu définitif à défaut d’appel, le jugement fut transcrit le 8 septembre 2015 sur les registres d’état civil ivoirien de la commune de Bonoua.

11.  Le Gouvernement produit devant la Cour une lettre adressée le 26 novembre 2015 à la Ministre ivoirienne de la Solidarité, de la Famille de la Femme et de l’Enfant par l’avocate ivoirienne du requérant. Cette dernière dénonçait la négligence de la Direction de la Protection de l’Enfance en l’espèce, et indiquait qu’ « il y a[vait] eu manifestement un trafic d’enfant ourdi par M. [S.] et son épouse ». Elle exposait ce qui suit :

« (...) J’ai été informée que suite à une nouvelle enquête sociale effectuée par le DPE en novembre 2015, M. [S.], l’ami d’O.L.G], et son épouse, ont été convoqués et entendus (...). M. [S.] (...) a avoué qu’il aurait demandé à son épouse de se substituer dans les actes à la vraie mère biologique et que c’est ainsi qu’ils ont établi l’acte de naissance de l’enfant, le carnet de santé, le certificat de naissance. Il a ajouté qu’il serait le père biologique de l’enfant né d’une relation extraconjugale qu’il n’a pu reconnaître à cause de l’interdiction de son épouse. Que par ailleurs la jeune fille avec qui il aurait eu des relations ne désirant pas garder le bébé, il avait demandé à son épouse de prendre l’enfant chez eux et a ensuite pensé à le proposer en adoption à son ami [O.L.G] dont la demande d’adoption avait été enrôlée à la DPE. Il convient de relever que ce nouveau rapport d’enquête effectué il y a quelques jours par la DPE montre que le jugement qui a été rendu sur la base des pièces légales fournies dans le dossier par [O.L.G] (l’acte de naissance de l’enfant, le consentement à l’adoption donné par devant notaire et par devant le tribunal, le rapport d’enquête sociale diligentée par la DPE) a été délivré certes sur la base de pièces authentiques établies par M [S.] et son épouse, Mme [C.], mais n’étaient pas les pièces de la véritable mère biologique. Par conséquence, la vraie mère biologique n’ayant pas donné son consentement conformément à la loi sur l’adoption précitée, il se pose la [question de] la validité de toute la procédure d’adoption à commencer par le rapport d’enquête de la DPE effectué en mars 2015 (...) ».

2.  La demande de visa et les procédures subséquentes

12.  Le 14 octobre 2015, le requérant demanda au Consul de France à Abidjan de délivrer un visa d’entrée et de long séjour à l’enfant.

13.  Le 4 novembre 2015, le ministre ivoirien de la solidarité, de la famille, de la femme et de l’enfant délivra une autorisation de sortie du territoire pour ce dernier.

a)  La décision de la commission de recours contre les refus de visa d’entrée en France du 17 mars 2016

14.  L’absence de réponse du consul de France valant décision implicite de rejet, le requérant, le 20 janvier 2016, saisit la commission de recours contre les refus de visa d’entrée en France.

15.  Une décision explicite de refus fut par la suite notifiée au requérant, le 1er février 2016. Le consul faisait valoir ce qui suit :

« (...) vous avez identifié directement l’enfant à adopter sans que l’apparentement et la procédure complète de l’adoption ne soient réalisés par le ministère de la famille, de la femme et de l’enfant en Côte d’Ivoire, contrairement aux exigences procédurales ivoiriennes applicables aux adoptions hors cadre familial. Cette procédure n’a donc pas permis au ministère concerné de contrôler l’adoptabilité juridique de cet enfant, de vérifier que le consentement à l’adoption a été donné librement et sans aucune contrepartie, de s’assurer que l’adoption était conforme à son intérêt et de choisir la famille adoptive la plus à même de l’adopter, notamment dans son pays d’origine (subsidiarité), principes qui constituent les fondamentaux de la convention de La Haye du 29 mai 1993 (articles 1er et 4 de la CLH) à laquelle la France est partie (...) »

16.  La commission rejeta le recours le 17 mars 2016, au motif qu’après vérification auprès de la mission de l’adoption internationale, il apparaissait que la procédure d’adoption de R. n’était pas conforme aux exigences procédurales ivoiriennes applicables aux adoptions hors cadre intrafamilial et heurtait l’ordre public. Elle précisa que, dans ces conditions, la décision de refus de visa opposée au requérant ne méconnaissait ni l’article 8 de la Convention, ni l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant.

b)  L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 13 avril 2016

17.  Le 22 mars 2016, le requérant saisit le tribunal administratif de Nantes d’une demande d’annulation de la décision de la commission de recours contre les refus de visa d’entrée en France du 17 mars 2016. Il saisit également le juge des référés de ce tribunal d’un recours en référé-suspension (article L. 521-1 du code de justice administrative) tendant à ce qu’il ordonne la suspension de ce refus et le réexamen de la demande de visa.

18.  Considérant que la condition d’urgence était remplie eu égard à l’objet du visa sollicité et à la durée de la séparation entre les intéressés, et qu’en l’état de l’instruction, les moyens tirés de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une méconnaissance de l’article 8 de la Convention et de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant paraissaient propres à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, le juge des référés fit droit au recours en référé par une ordonnance du 13 avril 2016. Il ordonna la suspension de la décision de refus et enjoignit au ministre de l’Intérieur de réexaminer la demande de visa dans un délai d’un mois.

c)  L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 27 mai 2016

19.  Le 6 mai 2016, le ministre des affaires étrangères confirma le refus de visa par les motifs suivants :

« (...) compte tenu de toutes les irrégularités entachant cette procédure d’adoption, notamment l’apparentement de cet enfant effectué par un intermédiaire non agréé hors cadre des autorités compétentes en matière d’adoption (...), le faux acte de naissance de l’enfant adopté, l’absence de consentement à adoption de la vraie mère biologique de l’enfant, les présomptions de trafic d’enfant et le retrait d’autorisation de sortie du territoire de l’enfant établi par le ministère de la promotion de la femme, de la famille et de la protection de l’enfant qui s’apprête à demander la révocation du jugement d’adoption en Côte d’Ivoire. »

20.  Sur ce dernier point, il ressort du dossier que, le 12 avril 2016, la ministre ivoirienne de la promotion de la femme, de la famille et de la protection de l’enfant avait adressé une lettre à l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire dans laquelle elle indiquait que « les suites des investigations menées pas [ses] services [avaient] conclu en une série d’irrégularités qui entachaient les procédures ayant abouti à cette adoption, à savoir : l’existence de doutes sur l’adoptabilité de l’enfant (...), l’impossibilité d’établir le consentement à l’adoption de ses parents biologiques, la présence dans la procédure d’un intermédiaire non agréé, en l’occurrence [M. S.], et la présomption de trafic d’enfant ». Elle ajoutait qu’elle avait décidé de retirer l’autorisation de sortie de la Côte d’Ivoire accordée à l’enfant.

21.  Le 13 mai 2016, le requérant saisit le tribunal administratif de Nantes d’une demande d’annulation de la décision du ministre des affaires étrangères du 6 mai 2016. Il saisit également le juge des référés de cette juridiction d’un recours en référé-suspension (article L. 521-1 du code de justice administrative) tendant à ce qu’il ordonne la suspension du refus de visa et le réexamen de la demande.

22.  Le 27 mai 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes jugea une nouvelle fois qu’en l’état de l’instruction, les moyens tirés d’une méconnaissance de l’article 8 de la Convention et de l’article 3-1 de la convention international des droits de l’enfant paraissaient propres à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision de refus de visa. Il suspendit en conséquence cette décision et enjoignit au ministre des affaires étrangères de réexaminer la demande du requérant dans un délai d’un mois.

d)  L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 16 juin 2016

23.  Le 10 juin 2016, après avoir procédé au réexamen requis, le ministre des affaires étrangères confirma une nouvelle fois le refus de visa par les motifs suivants :

« (...) compte tenu de toutes les irrégularités entachant cette procédure d’adoption, et notamment : 1) le non-respect de la procédure ivoirienne d’adoption qui impose un recours préalable à la direction de la protection de l’enfant du ministère de la promotion de la femme, de la famille et de la protection de l’enfant, 2) l’apparentement effectué par un intermédiaire non agréé, 3) les manœuvres qui ont entouré la naissance de l’enfant et tout particulièrement la substitution de l’identité de la vraie mère biologique et, enfin, 4) les présomptions de trafic d’enfant et le retrait d’autorisation de sortie du territoire de l’enfant établi[e] par le ministère de la promotion de la femme, de la famille et de la protection de l’enfant qui s’apprête à demander la révocation du jugement d’adoption ivoirien. »

24.  Le 14 juin 2016, le requérant saisit le juge des référés du tribunal administratif de Nantes d’un recours en référé-liberté (article L. 521-2 du code de justice administrative), par lequel il demandait que l’exécution du refus de visa soit suspendu et qu’il soit fait injonction au ministre des affaires étrangères de procéder au réexamen de la demande. Par une ordonnance du 16 juin 2016, le juge des référés suspendit une nouvelle fois la décision de refus de visa et enjoignit au ministre des affaires étrangères de réexaminer la demande du requérant dans un délai de dix jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard. L’ordonnance est ainsi motivée :

« (...) Considérant, d’une part, qu’il n’est pas sérieusement contesté que l’enfant (...) réside actuellement en Côte d’Ivoire dans une situation précaire ; qu’eu égard au jeune âge de l’intéressé et au retentissement défavorable sur son développement qu’emporte sa séparation d’avec [le requérant], la condition d’urgence particulière posée par l’article L. 521-2 du code de justice administrative doit être regardée comme satisfaite en l’espèce ;

(...) Considérant d’autre part qu’il n’est pas plus sérieusement contesté que l’enfant (...) a été adopté (...) par jugement du tribunal de première instance d’Abidjan en date du 24 juillet 2015 dont le ministre des affaires étrangères et du développement international n’établit pas que, contrairement à ce qu’il avance, il ferait l’objet d’une demande de révocation introduite par le ministère ivoirien de la promotion de la femme, de la famille et de la protection de l’enfant ; que, contrairement, là encore, à ce qu’avance l’administration au titre des considérations sur lesquelles se fonde la décision litigieuse, il n’apparait pas, en l’état de l’instruction, que le jugement précité (...), rendu avant la ratification par la Côte d’Ivoire de la convention de La Haye du 29 mai 1993, serait entaché d’une méconnaissance de la législation ivoirienne alors en vigueur, notamment du fait de l’absence d’un avis préalable obligatoire de la direction de la protection de l’enfance du ministère ivoirien de la promotion de la femme, de la famille et de la protection de l’enfant ou d’un apparentement de l’enfant effectué par un intermédiaire non agréé ; qu’enfin, ni l’existence de manœuvres tendant à la substitution de l’identité de la mère biologique de l’enfant (...) et d’une présomption de trafic d’enfant ne sont caractérisées ; qu’ainsi, et nonobstant la circonstance selon laquelle les autorités ivoiriennes auraient retiré l’autorisation de sortie du territoire initialement émise au profit du jeune [R.], [le requérant] est fondé à soutenir, dans les circonstances de l’espèce, que la décision attaquée est entachée d’une méconnaissance des stipulations des articles 8 de la Convention (...) et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant et qu’elle porte, ainsi, une atteinte grave et manifestement illégale à l’intérêt supérieur de ‘enfant (...) ainsi qu’au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant, qui constituent l’une et l’autre des libertés fondamentales. »

e)  L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 27 juin 2016 et l’ordonnance du juge des référés du Conseil d’État du 12 juillet 2016

25.  Le 21 juin 2016, après avoir procédé au réexamen requis, reprenant les motifs de sa décision du 10 juin 2016, le ministre des affaires étrangères confirma une nouvelle fois le refus de visa.

26.  Le 24 juin 2016, le requérant saisit le juge des référés du tribunal administratif de Nantes d’une nouvelle demande en référé-liberté (article L. 521-2 du code de justice administrative) tendant à ce qu’il ordonne la suspension de ce refus et le réexamen de sa demande de visa. Le 27 juin 2016, le juge des référés rejeta la requête par une ordonnance ainsi libellée :

« (...) Considérant qu’alors qu’il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, que le jugement (...) du tribunal de première instance d’Abidjan, rendu avant la ratification par la côte d’Ivoire de la convention de La Haye du 29 mai 1993, serait entaché d’une méconnaissance de la législation ivoirienne alors en vigueur, notamment du fait de l’absence d’un avis préalable obligatoire de la direction de la protection de l’enfant du ministère ivoirien de la promotion de la femme, de la famille et de la protection de l’enfant ou d’un apparentement de l’enfant effectué par un intermédiaire non agréé, ni que l’existence de manœuvres tendant à la substitution de l’identité de la mère biologique de l’enfant (...) et d’une présomption de trafic d’enfant soient totalement caractérisés, faute notamment d’intervention d’une procédure diligentée par les autorités ivoiriennes en vue d’obtenir l’annulation du jugement litigieux, il ressort en revanche des pièces du dossier, et comme le relève désormais explicitement le ministre, que l’adoption du jeune [R.] est intervenue en méconnaissance des principes de vérification préalable de l’adoptabilité de l’enfant et de subsidiarité de l’adoption internationale sous réserve de l’intérêt supérieur de l’enfant énoncé à l’article 4 de la convention de La Haye du 29 mai 1993 relative à la protection des enfants et à la coopération en matière d’adoption internationale ; qu’alors même que cette convention n’avait pas été encore ratifiée par le gouvernement de la république de Côte d’Ivoire à la date à laquelle a été prononcé le jugement d’adoption de l’enfant (...), l’adoption de ce dernier est ainsi intervenue, en l’état de l’instruction, dans des conditions contraires à l’ordre public international français ; que, dans ces conditions, la décision du ministre des affaires étrangères (...) ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale à l’intérêt de l’enfant (...) ainsi qu’au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant, qui constituent l’une et l’autre des libertés fondamentales. »

27.  Le requérant saisit le juge des référés du Conseil d’État d’une demande d’annulation de cette ordonnance, qui la rejeta le 12 juillet 2016 par le motif suivant :

« (...) Considérant (...) qu’il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de ne pas fonder sa décision sur des éléments issus d’un jugement étranger qui révélerait l’existence d’une fraude ou d’une situation contraire à la conception française de l’ordre public international ; qu’il résulte de l’instruction ainsi que des éléments recueillis au cours de l’audience que plusieurs incertitudes existent quant au respect, par [le requérant], des règles et principes gouvernant, tant en France qu’en Côte d’Ivoire, la procédure d’adoption ; qu’en particulier, il n’est pas certain que la mère biologique de l’enfant ait consenti à l’adoption ; que, dans ces circonstances, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, que la décision du ministre des affaires étrangères et du développement international porte une atteinte manifestement illégale à l’intérêt supérieur de l’enfant (...) ainsi qu’au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant. »

f)  L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 16 décembre 2016

28.  Le 14 décembre 2016, le requérant déposa une nouvelle requête en référé-liberté (article L. 521-2 du code de justice administrative), par laquelle, invoquant notamment l’article 8 de la Convention, il demandait au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d’enjoindre au ministre des affaires étrangères et européennes de délivrer un document de voyage permettant à R. d’entrer sur le territoire français jusqu’à ce qu’il soit définitivement statué au fond sur les instances engagées devant la juridiction administrative. Cette requête fut rejetée par une ordonnance du 16 décembre 2016, qui reprend les motifs de l’ordonnance du Conseil d’État du 12 juillet 2016.

g)  Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 mai 2017

29.  Par un jugement du 23 mai 2017, le tribunal administratif de Nantes rejeta les recours en annulation pour excès de pouvoir exercés par le requérant contre les décisions des 17 mars et 13 mai 2016, au motif que le refus de visa était justifié dès lors « qu’en l’absence d’établissement de l’adoptabilité de l’enfant et du consentement des parents biologiques de l’enfant, le lien de filiation entre le requérant et l’enfant pouvait ne pas être regardé comme établi par le jugement d’adoption ».

30.  Un appel contre ce jugement est pendant devant la cour administrative d’appel de Nantes.

3.  La demande de transcription du jugement d’adoption

31.  Le requérant avait parallèlement, le 19 janvier 2016, déposé une demande de transcription du jugement d’adoption du tribunal de première instance d’Abidjan du 24 juillet 2015.

32.  Le 6 septembre 2016, le procureur de la République de Nantes l’informa qu’en vertu des articles 370-3 et suivants du code civil, ce jugement était inopposable en France et ne pouvait faire l’objet d’une transcription sur les registres d’état civil. Il précisa ce qui suit :

« (...) les conditions de l’adoption plénière de droit français n’étaient pas réunies lors du prononcé de la décision d’adoption rendue en date du 24 juillet 2015 par le tribunal de première instance d’Abidjan (...). En effet, vous avez eu recours à un intermédiaire non officiel qui vous a présenté l’enfant et qui n’a pas suivi la procédure d’adoption interne exigée par la direction de la protection de l’enfance ivoirienne. Par ailleurs, des doutes sérieux sont soulevés sur la filiation de l’enfant, l’identité de sa mère biologique et donc la fiabilité du consentement à l’adoption de celle qui s’est présentée comme la mère biologique. Enfin, le jugement d’adoption a été prononcé avant que l’enquête sociale de la direction de la protection de l’enfant ne soit produite et ce à votre demande. Ces doutes sont confirmés par la ministre de la famille de Côte d’Ivoire, qui a retiré l’autorisation de sortie du territoire délivrée par son prédécesseur et a demandé au Garde des Sceaux l’annulation du jugement. (...) »

33.  Par une lettre adressée le 16 février 2017 au greffe de la Cour, le requérant a indiqué qu’il entendait contester cette décision par le biais d’une demande de mainlevée du refus de transcription. Les parties n’ont pas fourni plus d’informations sur ce point.

4.  La situation de l’enfant

34.  Dans sa requête, le requérant indiquait que R. avait été placé en « famille d’accueil » en Côte d’Ivoire et qu’il prenait les frais de ce placement en charge. Il ajoutait qu’il se rendait régulièrement en Côte d’Ivoire pour voir l’enfant.

35.  Dans ses observations en réplique à celle du Gouvernement, le requérant expose qu’il a obtenu son détachement à Marrakech, où il réside avec R. depuis le mois de juillet 2017. Vu le retrait de l’autorisation de sortie de la Côte d’Ivoire qui avait été accordée à R. (paragraphe 20 ci-dessus), les conditions de son arrivée au Maroc ne sont pas claires.

B.  Le droit et la pratique internes pertinents

36.  Les articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative sont ainsi libellés :

Article L. 521-1

« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu’il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. »

Article L. 521-2

« Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »

GRIEF

37.  Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant se plaint du refus opposé à sa demande tendant à l’obtention d’un visa pour faire venir en France l’enfant qu’il a adopté, selon lui de manière légale, en Côte d’Ivoire. Il dénonce une violation de son droit et de celui de l’enfant au respect de leur vie privée et familiale.

EN DROIT

38.  Le requérant se plaint du refus opposé à sa demande tendant à l’obtention d’un visa pour faire venir en France l’enfant qu’il a adopté, selon lui de manière légale, en Côte d’Ivoire. Dénonçant une violation de son droit et de celui de l’enfant au respect de leur vie privée et familiale, il invoque l’article 8 de la Convention, aux termes duquel :

« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

A.  Le Gouvernement

39.  Le Gouvernement soutient à titre principal que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes au sens de l’article 35 § 1 de la Convention dès lors que le recours en annulation pour excès de pouvoir contre la décision de la commission de recours du 17 mars 2016 est pendant.

40.  Il constate que le requérant a également saisi le juge des référés administratif des refus opposés à ses demandes tendant à l’obtention d’un visa pour l’enfant en vue de le faire venir auprès de lui en France, usant du référé-suspension de l’article L. 521-1 du code de la justice administrative, qui ne peut être déposé qu’en parallèle d’un recours en annulation pour excès de pouvoir, et du référé-liberté de l’article 521-2 du même code. Il fait valoir que, juge du provisoire, le juge des référés ne pouvait apporter un redressement approprié et définitif puisqu’il n’a pas le pouvoir d’annuler la décision administrative contestée. Selon lui, seul l’exercice d’un recours en annulation contre une décision de refus de visa opposée à un français souhaitant faire venir un enfant adopté à l’étranger est de nature à apporter à l’intéressé un redressement approprié et définitif, l’annulation du refus impliquant la délivrance d’un document de voyage pour l’enfant ; en l’espèce, la seule décision administrative à prendre en compte pour examiner l’exigence d’épuisement des voies de recours internes est la décision de la commission de recours du 17 mars 2016, dont la saisine est un préalable obligatoire. Or, observe le Gouvernement, si le juge des référés a statué sur le référé-suspension exercé par le requérant contre cette décision, la procédure relative au recours en annulation pour excès de pouvoir contre celle-ci était pendante devant le tribunal administratif de Nantes à la date de de la saisine de la Cour, et est actuellement pendante en appel. Il ajoute que les décisions du juge des référés ne sont pas revêtues de l’autorité de la chose jugée et ne lient pas le juge du fond, de sorte que l’on ne peut déduire de l’ordonnance en référé du Conseil d’État du 12 juillet 2016 que le recours en annulation pour excès de pouvoir est voué à l’échec.

41.  Le Gouvernement ajoute que, si le requérant a déposé une requête en référé-liberté aux fins d’obtenir un document de voyage provisoire permettant l’entrée de l’enfant sur le territoire français, il ne l’a fait qu’après l’introduction de la requête devant la Cour. Il ajoute qu’en raison de son caractère provisoire, un tel document n’aurait de toute façon pas permis un redressement complet et approprié de la situation : il aurait été sans incidence sur la décision des autorités ivoiriennes de retirer l’autorisation de sortie qu’elles avaient initialement accordée ; il n’aurait pas permis d’obtenir la reconnaissance de la nationalité française de l’enfant au vue de son adoption plénière aussi facilement qu’avec un visa de long séjour en exécution d’un jugement d’annulation ; il n’aurait offert à l’enfant qu’une situation très fragile en France.

42.  Le Gouvernement est d’accord avec le fait que des circonstances telles que celles de l’espèce appellent une décision rapide des juridictions internes. Ceci étant, il observe notamment que, si le tribunal administratif de Nantes a examiné les recours en annulation du requérant dans un délai d’un an, la procédure devant cette juridiction n’était pendante que depuis sept mois et demi à la date de la saisine de la Cour. Il estime par ailleurs que cette exigence de célérité ne dispense pas les requérants de saisir les juridictions internes du fond dès lors que la règle de l’épuisement des voies de recours internes est l’expression du principe de subsidiarité. Il note que ce n’est qu’en raison de la nature très particulière de la violation alléguée que la condition de l’épuisement préalable des voies de recours internes peut dans certains cas être satisfaite par l’exercice de voies de recours provisoires. Il renvoie à cet égard aux griefs relatifs aux conditions de détention soulevés sur le terrain de l’article 3 de la Convention par des personnes détenues au moment où elles les formulent ; il y aurait dans ce cas un risque de dommage irréversible lié au fait que la prohibition de la torture et des peines et traitements inhumains et dégradants est en cause. Or la situation du requérant serait différente, le dommage causé par le refus d’accorder le visa qui aurait permis le cas échéant à l’enfant de le rejoindre en France n’étant pas irréversible.

B.  Le requérant

43.  Le requérant souligne que l’article 35 § 1 de la Convention oblige uniquement de faire un usage normal des recours utiles, et que les requérants sont dispensés d’exercer les recours internes inefficaces ou inadéquats, qui ne permettraient pas de redresser les violations alléguées. À titre d’exemple, il renvoie aux arrêts Sultani c. France (no 45223/05, § 50, CEDH 2007 IV (extraits)) et Tomasi c. France (27 août 1992, § 79, série A no 241 A), dont il ressortirait qu’il en va ainsi des recours non suspensifs s’agissant de mesures d’éloignement d’étrangers qui invoquent un risque de violation de l’article 3 de la Convention dans l’État de destination, ainsi que des recours qui visent à la réparation plutôt qu’à la libération s’agissant de griefs tirés de l’article 5 § 3 de la Convention soulevés par des personnes privées de liberté. Il fait valoir que l’objet de l’instance pendante au fond devant les juridictions administratives françaises diffère de l’objet de saisine de la Cour. En effet, indique-t-il, la saisine de la Cour faisait suite au rejet par le Conseil d’État de l’appel interjeté contre l’ordonnance du tribunal administratif de Nantes dans le cadre d’un recours en référé-liberté, alors que les recours en annulation introduits devant le tribunal administratif de Nantes étaient les corolaires des recours en référé-suspension initiés avant ce recours en référé-liberté. Or, à la différence du recours en référé-suspension, le recours en référé-liberté n’est pas obligatoirement associé à une requête au fond. Il souligne en outre l’ineffectivité du recours au fond devant le juge administratif, résultant du fait que l’audience devant la cour administrative d’appel ne se tiendra pas avant longtemps et du fait que le Conseil d’État a déjà pris une position défavorable à sa cause dans le cadre de l’ordonnance du 12 juillet 2016.

44.  Le requérant insiste sur le fait qu’il a donné à plusieurs reprises à l’État français la possibilité de remédier à la violation qu’il dénonce, dès lors que le Gouvernement a persisté dans son refus d’octroyer un visa à l’enfant alors que ce refus avait été suspendu deux fois dans le cadre de recours en référé-suspension et une fois dans le cadre d’un recours en référé-liberté. Il ajoute que, contrairement à ce que soutient le Gouvernement, il a déposé en décembre 2016 un recours en référé-liberté aux fins de délivrance d’un document de voyage pour l’enfant, lequel s’est soldé par une ordonnance de rejet du 16 décembre 2016, reprenant les termes de l’ordonnance du Conseil d’État du 12 juillet 2016.

C.  La Cour

45.  La Cour rappelle tout d’abord que la finalité de l’article 35 § 1 de la Convention est de ménager aux États contractants l’occasion de prévenir ou redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne lui soient soumises. Ainsi, le grief dont on entend saisir la Cour doit d’abord avoir été soulevé, au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par le droit interne, devant les juridictions nationales appropriées. L’obligation découlant de l’article 35 se limite cependant à faire un usage normal des recours vraisemblablement effectifs, suffisants et accessibles. En particulier, la Convention ne prescrit l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats (voir, parmi de nombreux autres, Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, §§ 43-46, CEDH 2006‑II). Ce qui importe aux fins de cette disposition, c’est que les requérants aient donné aux juridictions internes l’opportunité de statuer en premier lieu sur les griefs dont ils saisissent la Cour, en usant d’une voie de recours appropriée (voir, par exemple, Simons c. Belgique (déc.), no 71407/10, 28 août 2012, § 23, et Hernaiz-van den Eynden c. Belgique (déc.), no 618/08, § 19, 7 mai 2013).

46.  La Cour rappelle ensuite que, lorsqu’il est disponible, le recours en annulation pour excès de pouvoir est une voie de recours interne à épuiser en principe (voir Charron et Merle-Montet c. France (déc.), no 22612/15, § 21, 16 janvier 2018). Elle note que le requérant a saisi le juge administratif de demandes de ce type, lesquelles sont toutefois pendantes devant la cour administrative d’appel de Nantes (paragraphes 29-30 ci-dessus), de sorte que l’on ne peut retenir à ce jour que les voies de recours internes ont été épuisées par ce bais.

47. Ceci étant, la Cour constate que, parallèlement, le 14 décembre 2016, invoquant notamment l’article 8 de la Convention, le requérant a déposé devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes une requête en référé-liberté visant à ce qu’il soit fait injonction au ministre des affaires étrangères et européennes de délivrer un document de voyage permettant à R. d’entrer sur le territoire français jusqu’à ce qu’il soit définitivement statué au fond sur les requêtes pendantes devant le juge administratif. Saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés était ainsi amené à décider si, en rejetant la demande tendant à ce qu’un visa d’entrée en France soit délivré à R., les autorités françaises avaient, selon les termes de cette disposition, porté « une atteinte grave et manifestement illégale » au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant et de R. Sur la base d’une conclusion dans ce sens, le juge des référés aurait pu « ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde » de ce droit, telle que la délivrance d’un document de voyage provisoire permettant l’entrée de R. en France. Cela aurait constitué un redressement du grief formulé par le requérant sur le terrain de l’article 8 de la Convention dès lors que ce grief vise précisément les conséquences de cette décision de rejet sur son droit au respect de la vie privée et familiale et sur celui de R.

48.  La Cour renvoie par ailleurs à sa décision dans l’affaire D. c. Belgique (no 29176/13, 8 juillet 2017), qui concernait le refus d’autoriser l’entrée en Belgique d’un enfant né en Ukraine à l’issue d’une gestation pour autrui ; les parents d’intention, qui se plaignaient en particulier d’une violation de l’article 8 de la Convention, avaient utilisé une procédure comparable au référé-liberté de l’article L. 521-2 du code de justice administrative afin d’obtenir du juge des référés qu’il ordonne aux autorités belges de délivrer un titre de voyage permettant à l’enfant d’entrer en Belgique. Dans cette affaire, d’une part, la Cour n’a pas jugé qu’en utilisant cette procédure plutôt que de saisir le juge du fond les requérants avaient manqué à l’obligation d’épuiser les voies de recours internes. D’autre part, relevant que les requérants avaient obtenu un laissez-passer pour l’enfant à la suite d’une décision favorable du juge des référés en appel, la Cour a conclu s’agissant du grief relatif au refus des autorités belges de délivrer un titre de voyage, que le litige avait été résolu au sens de l’article 37 § 1 b) de la Convention.

49.  Ainsi, en l’espèce, contrairement à ce que soutient le Gouvernement, la procédure en référé-liberté initiée le 14 décembre 2016 était de nature à mettre le juge interne en position de redresser la violation de la Convention dont le requérant se plaint maintenant devant la Cour. Le fait que la saisine du juge des référés est postérieure à l’introduction de la présente requête n’est par ailleurs pas déterminent ; ce qui importe dans ce contexte c’est que la décision interne définitive clôturant la voie de recours interne dont il est question ait été rendue avant que la Cour statue sur la recevabilité.

50.  La Cour estime toutefois que pour que l’exercice de cette procédure ait pleinement épuisé les voies de recours internes, il aurait fallu que le requérant interjette appel devant le Conseil d’État de l’ordonnance de rejet du 16 décembre 2016, ce qu’il n’indique pas avoir fait. Certes, le juge des référés du Conseil d’État s’était déjà prononcé défavorablement au requérant dans le cadre de la procédure en référé-suspension initiée le 24 juin 2016, par une ordonnance du 12 juillet 2016 (paragraphe 27 ci-dessus), dont l’ordonnance du 16 décembre 2016 reprend les motifs (paragraphe 28 ci-dessus). Cependant, les critères de mise en œuvre du référé-liberté et du référé-suspension ne sont pas les mêmes (paragraphes 36 ci-dessus). Le Conseil d’État n’aurait par ailleurs pas été lié par les motifs de son ordonnance du 12 juillet 2016. Ainsi, on ne saurait retenir qu’un tel appel aurait été « de toute évidence voué à l’échec » (voir, parmi d’autres, Dagregorio et Mosconi c. France (déc), no 65714/11, § 29, 30 mai 2017).

51.  La Cour constate ensuite que les autres recours en référés-libertés exercés par les requérants, dont l’un a abouti à la saisine du Conseil d’État et à l’ordonnance du 12 juillet 2016 susmentionnée, ne visaient pas l’obtention d’un document de voyage mais la suspension de l’exécution du refus de visa et le réexamen de la demande, ce qui ne suffit pas pour redresser la violation alléguée. Le requérant lui-même souligne cette différence entre l’objet des différents recours dont il est question (paragraphe 43 ci-dessus), même s’il n’en tire pas les mêmes conséquences juridiques.

52.  Cela vaut aussi pour le recours en référé-suspension dont le requérant a usé deux fois à cette même fin. De surcroit, un tel recours ne peut être utilisé indépendamment d’un recours au fond, dont il est l’accessoire : il ne peut viser que la suspension de l’exécution de la décision administrative que l’on conteste par ailleurs au fond, dans l’attente du jugement sur le fond.

53.  Il résulte de ce qui précède que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes, au sens de l’article 35 § 1 de la Convention. La requête doit donc être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Fait en français puis communiqué par écrit le 28 juin 2018.

Milan BlaškoErik Møse
Greffier adjointPrésident

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Textes cités dans la décision

  1. Code civil
  2. Code de justice administrative
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CEDH, Cour (cinquième section comité), O.L.G. c. FRANCE, 5 juin 2018, 47022/16