CEDH, Cour (cinquième section comité), CANDELIER c. FRANCE, 16 février 2023, 5943/18

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Cinquième Section Comité), 16 févr. 2023, n° 5943/18
Numéro(s) : 5943/18
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 12 juillet 2018
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-223614
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2023:0216DEC000594318
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Sur les parties

Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 5943/18
Yoann CANDELIER
contre la France

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 16 février 2023 en un comité composé de :

 Stéphanie Mourou-Vikström, présidente,
 Mattias Guyomar,
 Kateřina Šimáčková, juges,
et de Martina Keller, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête no 5943/18 contre la République française et dont un ressortissant de cet État, M. Yoann Candelier (« le requérant ») né en 1990 et détenu à Longuenesse, représenté par Me C. Lecointre, avocat à Lille, a saisi la Cour le 6 juillet 2018 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

OBJET DE l’AFFAIRE

1.  La présente affaire concerne principalement, sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, la question de la motivation de l’arrêt d’une cour d’assises, statuant en appel, ayant condamné le requérant à dix ans d’emprisonnement, cinq ans de suivi socio-judiciaire et cinq ans d’interdiction de séjour, pour des faits de tentative de meurtre, arrestation et enlèvement, séquestration et détention suivies d’une libération volontaire, ainsi que pour des violences volontaires aggravées.

2.  Interpellé le 13 juin 2013 à la suite d’une rixe, au cours de laquelle le requérant avait porté des coups de couteau principalement sur la personne de X, mais également sur la personne de Y, le requérant comparut devant le tribunal correctionnel, qui se déclara incompétent compte tenu de la nature criminelle des faits. Le 19 juin 2013, une information judiciaire fut ouverte.

3.  Par une ordonnance du 27 octobre 2014, le juge d’instruction mit en accusation le requérant des chefs, premièrement, de tentative de meurtre sur la personne de X, deuxièmement, d’arrestation et enlèvement, séquestration et détention suivies d’une libération volontaire avant le septième jour sur la personne de son ancienne compagne et, troisièmement, de violences volontaires aggravées sur la personne de Y, et ce en état de récidive légale, en raison d’une précédente condamnation pour des faits de violences aggravées prononcée le 7 mars 2011 par le tribunal correctionnel d’Arras.

4.  Le 14 octobre 2015, la cour d’assises du département du Pas-de-Calais déclara le requérant coupable des faits, écarta la circonstance de la légitime défense et le condamna à dix ans d’emprisonnement, cinq ans de suivi socio‑judiciaire et cinq ans d’interdiction de séjour.

5.  Par un arrêt du 13 janvier 2017, la cour d’assises du département du Nord, statuant en appel, déclara le requérant coupable des faits, écarta la circonstance de la légitime défense et le condamna aux mêmes peines.

6.  S’agissant de la culpabilité du requérant quant à la tentative de crime sur la personne de X, les motifs énoncés dans la feuille de motivation annexée à la décision se lisent ainsi :

« Sur le crime de tentative d’homicide volontaire sur [X]

- Il résulte des constatations sur les lieux et de l’examen médico-légal de [X] que ce dernier a reçu 14 coups de couteau, dont il désigne l’accusé comme 1’auteur,

- L’accusé a admis avoir porté trois coups de couteau à [X], et n’a pas contesté être à l’origine des autres plaies par arme blanche, tout en affirmant n’avoir ainsi fait que se défendre ;

- L’examen des vêtements de la victime a permis de relever 23 entailles ;

- Les déclarations de [deux personnes présentes sur les lieux] concordent quant à l’essentiel avec celles de [X] (...) ;

- Le nombre de ces coups, la profondeur de [certains] ayant atteint un muscle, et leur localisation, en particulier celui porté au niveau thoracique, déterminent la volonté de donner la mort (...) ;

- seules des circonstances indépendantes de la volonté de l’accusé, qui a continué à porter des coups de couteau alors même [que X] était à terre, ont empêché cette tentative d’aboutir à la mort de la victime, à savoir l’intervention [d’une des deux personnes présentes sur les lieux] par des coups de poing et de pied et [d’une troisième personne] par l’usage d’une bombe lacrymogène ;

Sur le délit de violences volontaires aggravées sur [Y]

- Les déclarations de [Y] sur les blessures subies dont il désigne l’accusé comme l’auteur ont été constantes et maintenues devant la cour ; (...)

- l’accusé lui-même ne conteste pas être à l’origine de ces blessures, ses déclarations consistant à justifier les coups de couteau dont il s’est ainsi rendu l’auteur ;

- il n’est pas non plus contesté que ces violences ont entrainé une incapacité de travail de l à 2 jours ;

- l’arme utilisée pour les commettre a été admise par l’accusé et désignée par la victime et les témoins comme étant un couteau. (...)

Sur le délit d’arrestation. enlèvement détention séquestration [de son ancienne compagne] (...)

- L’accusé lui-même a admis à l’audience avoir, selon ses propres termes, saisi [son ancienne compagne] et l’avoir jeté dans son véhicule, avant de démarrer, et n’avoir déposé celle-ci qu’au petit matin (...) ».

7.  Par ailleurs, la cour d’assises ne retint pas la circonstance de légitime défense en raison des éléments suivants :

« - La thèse de l’accusé selon laquelle il a d’abord été frappé de deux coups de poing et gazé par une bombe de gaz lacrymogène n’est étayée par aucun élément du dossier et des débats autre que ses propres déclarations ;

- Cette thèse est au contraire contredite par les constatations médico-légales, l’expert ayant exposé à l’audience le caractère pénétrant de plusieurs plaies présentées par [X] et ayant écarté l’existence de simples lacérations comme le prétend l’accusé (...) ;

- La blessure présentée par [X] au bras a été décrite par l’expert comme une lésion de défense, ce qui démontre que l’attaque subie par cette victime provenait [du requérant] ;

- Quand bien même [le requérant] a indiqué ne pas s’attendre à la présence des amis de [son ancienne compagne] sur les lieux, il restait libre de quitter ces lieux avant toute confrontation ;

- En tout état de cause, la riposte à deux coups de poing et à un jet de gaz lacrymogène prétendument antérieurs aux coups de couteau est sans proportion, par le nombre de ces coups portés par l’accusé à ces actions (...) ».

8.  Par un arrêt du 10 janvier 2018, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant.

9.  Répondant à un moyen unique de cassation soulevé notamment sur le fondement de l’article 6 § 1 de la Convention, relatif à l’absence de précisions quant aux éléments matériel et intentionnel de la tentative d’homicide volontaire sur la personne de X, la Cour de cassation répondit de la manière suivante :

« (...) les énonciations de la feuille de questions et celles de la feuille de motivation mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’assises, statuant en appel, a caractérisé les principaux éléments à charge, résultant des débats, qui l’ont convaincue de la culpabilité de l’accusé, et justifié sa décision, conformément aux dispositions conventionnelles invoquées et à l’article 365-1 du code de procédure pénale ;

D’où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l’appréciation souveraine, par la cour et le jury, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

(...) la procédure est régulière et (...) la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury (...) ».

APPRÉCIATION DE LA COUR

10.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant estime que la motivation de l’arrêt de la cour d’assises d’appel ne répond pas aux exigences de cet article. Il se plaint de l’absence de motivation spécifique de la peine qui l’aurait laissé « dans l’ignorance la plus absolue » des raisons ayant conduit à la fixation d’une peine de dix ans d’emprisonnement.

11.  La Cour renvoie aux principes bien établis résumés dans l’arrêt Lhermitte c. Belgique du 29 novembre 2016 ([GC], no 34238/09) et, concernant la France, présentés dans les arrêts Agnelet c. France (no 61198/08), Oulahcene c. France (no 44446/10), Voica c. France (no 60995/09), Legillon c. France (no 53406/10) et Fraumens c. France (no 30010/10) du 10 janvier 2013. En particulier, elle rappelle avoir confirmé cette jurisprudence depuis l’adoption en France de la loi no 2011-939 du 10 août 2011, insérant un nouvel article 365-1 dans le code de procédure pénale, qui prévoit dorénavant une motivation des arrêts rendus par une cour d’assises dans une feuille de motivation annexée à la feuille des questions (Matis c. France (déc.), no 43699/13, 6 octobre 2015).

12.  En l’espèce, la Cour constate d’emblée que le requérant a bénéficié d’un certain nombre d’informations et de garanties durant la procédure criminelle (Agnelet, Oulahcene, Fraumens, Legillon et Voica, précités, respectivement §§ 63, 47, 41, 59 et 47 ; voir également Haddad c. France, no 10485/13, § 16, et Peduzzi c. France, no 23487/12, § 18, du 21 mai 2015)

13.  Par ailleurs, elle constate que le nombre et la précision des éléments factuels exposés sur une page dans la feuille de motivation, qui correspondent d’ailleurs aux constats relevés dans l’acte de mise en accusation (paragraphes 6 et 7 ci‑dessus), sont de nature à permettre au requérant de comprendre tant les raisons de sa condamnation que le quantum de sa peine.

14.  La Cour relève également que la cour d’assises d’appel a précisé, dans son arrêt, que le requérant se trouvait en état de récidive légale pour avoir été précédemment et définitivement condamné des faits de violences aggravées (paragraphe 3 ci-dessus).

15.  La Cour constate que les éléments factuels retenus et l’état de récidive ont conduit les juges à prononcer une peine de dix ans d’emprisonnement, dans le respect de la limite légale fixée par l’article 221-1 du code pénal, visé expressément.

16.  La Cour, qui ne décèle aucun arbitraire dans la procédure et le prononcé de la sanction (Moreira Ferreira c. Portugal (no 2) [GC], no 19867/12, § 85, 11 juillet 2017), estime que le requérant, qui était assisté d’un avocat, a disposé de garanties suffisantes lui permettant de comprendre le verdict qui a été prononcé à son encontre.

17.  Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

18.  Enfin, le requérant soutient également, sous l’angle de l’article 13 de la Convention, qu’il n’aurait pas bénéficié d’un recours effectif du seul fait que la cour d’assises d’appel aurait intégralement confirmé la décision de première instance sur la culpabilité et sur la peine.

19.  Or, la Cour rappelle que l’article 13 s’applique seulement lorsqu’un individu peut se prétendre de manière défendable victime d’une violation d’un droit protégé par la Convention (Maurice c. France [GC], no 11810/03, § 106, CEDH 2005-IX, et De Tommaso c. Italie [GC], no 43395/09, § 180, 23 février 2017).

20.  En l’espèce, outre le fait que le requérant a bénéficié d’une procédure effective, au cours de laquelle, assisté par un avocat, il a pu faire valoir ses arguments, la Cour estime que le requérant ne soulève aucun « grief défendable » au regard de l’article 13 de la Convention, lequel n’est donc pas applicable.

21.  Il s’ensuit que cette partie de la requête est irrecevable et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Fait en français puis communiqué par écrit le 9 mars 2023.

 Martina Keller Stéphanie Mourou-Vikström
 Greffière adjointe Présidente

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