CEDH, Commission (plénière), TOUVIER c. la FRANCE, 13 janvier 1997, 29420/95
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Plénière), 13 janv. 1997, n° 29420/95 |
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Numéro(s) : | 29420/95 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 30 novembre 1995 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-28405 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1997:0113DEC002942095 |
Sur les parties
- Avocat(s) :
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête N° 29420/95
présentée par Paul TOUVIER
contre la France
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre
du conseil le 13 janvier 1997 en présence de
M. S. TRECHSEL, Président
Mme J. LIDDY
MM. E. BUSUTTIL
A.S. GÖZÜBÜYÜK
A. WEITZEL
J.-C. SOYER
H. DANELIUS
F. MARTINEZ
L. LOUCAIDES
J.-C. GEUS
M.A. NOWICKI
I. CABRAL BARRETO
B. CONFORTI
N. BRATZA
I. BÉKÉS
J. MUCHA
D. SVÁBY
G. RESS
A. PERENIC
C. BÎRSAN
P. LORENZEN
K. HERNDL
E. BIELIUNAS
E.A. ALKEMA
M. VILA AMIGÓ
Mme M. HION
M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme
et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 30 novembre 1995 par Paul TOUVIER contre
la France et enregistrée le 1er décembre 1995 sous le N° de
dossier 29420/95 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, de nationalité française, né en 1915, décédé le
17 juillet 1996, était sans profession et se trouvait emprisonné à la
maison d'arrêt de la Santé. Par lettre du 24 juillet 1996, les héritiers
du requérant, à savoir son épouse, née en 1925, et ses deux enfants, nés
en 1948 et 1950, tous trois de nationalité française et résidant à Paris,
ont exprimé leur intention de poursuivre la requête. Devant la
Commission, le requérant et ses héritiers sont représentés par Maître
Jacques Trémolet de Villers, avocat au barreau de Paris.
Les faits, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se
résumer comme suit.
Pendant la seconde guerre mondiale, le requérant fut chef
départemental, puis chef régional du Deuxième service de la milice
française à Lyon, de novembre 1943 à la fin du mois d'août 1944. A la fin
de la guerre, le requérant prit la fuite.
Par arrêt du 10 septembre 1946, la Cour de justice de Lyon condamna
le requérant, par contumace, à la peine de mort, confiscation des biens
et dégradation nationale pour trahison.
Par arrêt du 4 mars 1947, la Cour de justice de Chambéry condamna
également le requérant, par contumace, à la peine de mort, confiscation
des biens et dégradation nationale pour intelligences avec l'ennemi.
Le 3 juillet 1947, le requérant fut arrêté à Paris. Il parvint à
s'échapper le 9 juillet 1947.
Une loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 constata, par un article
unique, en se référant notamment au Statut du tribunal international de
Nuremberg annexé à l'accord interallié du 8 août 1945, que les crimes
contre l'humanité étaient imprescriptibles.
Concernant les condamnations de 1946 et 1947, la prescription de la
peine de mort fut acquise au bout de vingt ans, mais les autres peines
restèrent en vigueur, par application des dispositions du Code pénal.
Le requérant déposa une demande de grâce présidentielle, dans
laquelle il aurait partiellement reconnu sa responsabilité. Un
rapporteur émit un avis négatif, rappelant la participation du requérant
au massacre de Rillieux : sept personnes, dont six d'origine juive et une
non identifiée, furent fusillées le 29 juin 1944 par des "francs-gardes",
unité de la milice française du Rhône placée sous la direction du
requérant, agissant lui-même sur instigation du "commandeur" Knab, chef
de la Gestapo, à la suite de l'assassinat de Philippe Henriot, ministre
et membre de la milice, par des agents de la France Libre.
Par décret en date du 23 novembre 1971, le Président de la
République accorda la grâce au requérant concernant les peines
d'interdiction de séjour et de confiscation des biens auxquelles il était
soumis en raison des condamnations de 1946, 1947 et d'autres
condamnations ultérieures pour vol et tentative de vol. Les dégradations
civiles furent maintenues. Cette mesure de grâce sera fortement
critiquée, notamment par des personnalités politiques ou judiciaires.
Le 5 juin 1972, l'hebdomadaire "L'EXPRESS" publia un article
intitulé : "L'EXPRESS a retrouvé le bourreau de Lyon". Cette publication
fut suivie par tous les médias nationaux, qui traitèrent notamment le
requérant d'"aide-bourreau de l'occupant nazi", "assassin", "tortionnaire
de la gestapo", "bourreau des juifs de Lyon", "criminel de guerre, qui
faisait du racisme la motivation de ses crimes sadiques et de ses
pillages cupides". Ayant reçu des menaces de mort, le requérant se
réfugia dans un monastère.
Le 9 février 1973, l'hebdomadaire "Tribune Juive" lança un appel à
témoins aux victimes de la milice de Lyon en publiant une photo du
requérant.
Les 9 novembre 1973, un juge d'instruction de Lyon reçut la plainte
avec constitution de partie civile, pour crime contre l'humanité, de
R.E., laquelle accusait le requérant d'avoir commis un attentat contre
une synagogue à Lyon en 1943, et de G.G., fils de l'une des victimes de
Rillieux.
Le 27 mars 1974, un juge d'instruction de Chambéry reçut les
plaintes avec constitution de partie civile de A.M.-R., J.L.-A., G.C. et
R.N., pour crime contre l'humanité.
Les deux juges d'instruction rendirent des ordonnances
d'incompétence, qui furent confirmées par les chambres d'accusation des
cours d'appel de Lyon et de Chambéry les 30 mai et 11 juillet 1974.
Par trois arrêts du 6 février 1975, la Cour de cassation cassa les
arrêts aux motifs qu'il appartenait aux juges de vérifier si les faits
invoqués constituaient ou non des crimes contre l'humanité, lesquels ne
relèvent pas de juridictions spéciales et dont les éléments constitutifs
sont différents des crimes de guerre ou d'intelligence avec l'ennemi.
Elle renvoya les affaires devant la cour d'appel de Paris.
Par plusieurs arrêts du 27 octobre 1975, la cour d'appel de Paris
infirma les ordonnances d'incompétence pour instruire, mais considéra que
la prescription de l'action publique était acquise pour les faits
criminels dénoncés et déclara les parties civiles irrecevables.
Par arrêt du 30 juin 1976, la Cour de cassation cassa ces arrêts aux
motifs notamment qu'il appartenait à la chambre d'accusation de
déterminer, au vu des conventions internationales, notamment des articles
7 et 60 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, si l'auteur
présumé d'un crime contre l'humanité pouvait bénéficier de la
prescription de l'action publique. Elle renvoya l'affaire devant la
chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris autrement composée.
Par trois arrêts du 17 décembre 1976, la chambre d'accusation de la
cour d'appel de Paris interrogea le ministre des Affaires étrangères pour
interprétation des conventions internationales, afin de se faire préciser
les points suivants :
"1°- Le principe de l'imprescriptibilité des crimes contre
l'humanité doit-il être considéré comme se déduisant ou non
des dispositions du Statut du tribunal militaire international
joint en annexe à l'accord interallié du 8 août 1945, qui
définit en son article 6, lesdits crimes sans prévoir aucune
limitation dans le temps pour la poursuite et la répression de
ces infractions ?
2°- L'article 7 alinéa 2 de la Convention européenne de
sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales
publiée par le décret numéro 74.360 du 3 mai 1974 dispose-t-il
à la fois pour le passé et l'avenir ou seulement pour
l'avenir ?
3°- Dans le cas de réponse négative à la question numéro 1,
l'auteur des crimes dénoncés, à les supposer établis, se
trouverait-il exclu ou non du bénéfice de la non-rétroactivité
de la loi pénale en vertu des dispositions de l'article 7
alinéa 2 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et
des libertés fondamentales visées dans la question 2 ?
4°- Dans le cas où la Convention européenne des Droits de
l'Homme et des libertés fondamentales les disposerait à la
fois pour le passé et pour l'avenir, le droit à l'acquisition
de la prescription admis par la législation française entre-t-
il, au regard des dispositions combinées des articles 7 alinéa
2 et 60 de cette Convention, lorsqu'il s'agit de crime contre
l'humanité, dans la catégorie des Droits de l'Homme et des
libertés fondamentales auxquels selon ledit article 60, aucune
des dispositions de la même convention ne peut porter
atteinte ?"
Dans un rapport en date du 15 juin 1979, le ministre des Affaires
étrangères rendit son avis, concluant notamment que :
l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité pouvait se déduire du
Statut du tribunal militaire international de Nuremberg ; que l'article
7 alinéa 2 de la Convention disposait à la fois pour le passé et pour
l'avenir et que les crimes contre l'humanité pouvaient être exclus du
principe de non rétroacitivité de la loi pénale, compte tenu notamment
de la décision de la Commission européenne des Droits de l'Homme du 26
juillet 1957 (Annuaire, Vol. 1, p. 239). Sur la dernière question posée,
le ministre estima qu'il s'agissait "de savoir si un droit à la
prescription des crimes contre l'humanité, à supposer qu'il soit admis
par notre législation, entrerait dans la catégorie des 'droits de l'homme
et des libertés fondamentales' reconnus conformément à nos lois, ne
concerne pas l'interprétation de conventions internationales mais celui
de notre législation. Elle échappe donc à la compétence d'interprétation
du ministre des Affaires étrangères".
Par trois arrêts du 27 juillet 1979, la chambre d'accusation de la
cour d'appel de Paris, prenant acte des réponses apportées par le
ministre des Affaires étrangères, constata que les crimes contre
l'humanité dénoncés par les parties civiles, à les supposer établis,
n'étaient pas couverts par la prescription. Elle renvoya le dossier à un
juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Paris afin de
poursuivre l'information.
Après qu'un nouveau juge d'instruction eut été désigné, un témoin,
L.G., présent lors du choix des victimes de Rillieux, fut entendu le 22
octobre 1981. Son interrogatoire constituera un fait nouveau pour le
ministère public, justifiant un réquisitoire supplétif et un mandat
d'arrêt à l'encontre du requérant.
Par arrêt du 17 septembre 1983, la Cour de cassation ordonna le
dessaisissement du juge d'instruction de Lyon au profit de celui de
Paris, concernant une plainte contre le requérant pour crime contre
l'humanité constitué par l'assassinat de V.B. et de son épouse.
L'instruction se poursuivit devant le juge d'instruction près le tribunal
de grande instance de Paris.
Le 24 mai 1989, le requérant fut arrêté puis inculpé "d'assassinat,
tentatives d'assassinat, arrestations illégales et séquestration de
personnes, crimes contre l'humanité et de crimes contre l'humanité sous
les qualifications d'arrestations arbitraires, séquestrations
arbitraires, arrestations et séquestrations arbitraires, suivies de
tortures corporelles, meurtres avec préméditation et complicité". Il fut
également mis en détention provisoire.
Par arrêt du 19 octobre 1989, la chambre d'accusation de la cour
d'appel de Paris rejeta une demande de mise en liberté et confirma la
légalité de la détention du requérant, aux motifs qu'il était poursuivi
pour un crime, lequel était imprescriptible compte tenu des termes de la
loi du 26 décembre 1964. A cette occasion, la chambre d'accusation se
livra à sa propre démonstration de la portée de la loi de 1964.
Par arrêt du 25 janvier 1990, la Cour de cassation refusa la demande
de renvoi de l'affaire devant le juge d'instruction de Lyon dans
l'intérêt d'une bonne administration de la justice.
Par arrêt du 11 juillet 1991, la chambre d'accusation de la cour
d'appel de Paris fit droit à la demande de mise en liberté présentée par
le requérant et le soumit à plusieurs obligations, dont le versement
d'une caution, dans le cadre d'un contrôle judiciaire.
Cette décision provoqua des protestations relayées par les médias.
Le 6 janvier 1992, un comité d'historiens remit un rapport, commandé par
le cardinal archevêque de Lyon, révélant les complicités apportées au
requérant par des hommes d'église.
Par un arrêt du 13 avril 1992 (de 215 pages), la chambre
d'accusation de Paris rendit une décision de non-lieu, soit pour absence
de charges suffisantes, soit, concernant le crime de Rillieux, parce
qu'il ne résultait pas de l'information qu'il constituait, au vu des
circonstances de l'espèce et de la jurisprudence de la Cour de cassation,
un crime contre l'humanité ; les faits se trouvaient dès lors prescrits.
Le contrôle judiciaire prit fin.
Une vague de protestation suivit cet arrêt, avec notamment des
propos du Président de la République et de certains ministres repris par
la presse. Le procureur général près la cour d'appel de Paris forma un
pourvoi en cassation.
Par arrêt du 27 novembre 1992, la Cour de cassation cassa l'arrêt
de non-lieu, mais seulement en ses dispositions relatives au drame de
Rillieux, relevant notamment que la cour d'appel ne pouvait, sans se
contredire, écarter la qualification de crime contre l'humanité "tout en
relevant que les faits avaient été commis à l'instigation d'un
responsable de la Gestapo, organisation déclarée criminelle comme
appartenant à un pays ayant pratiqué une politique d'hégémonie
idéologique". Elle renvoya l'affaire devant la chambre d'accusation de
la cour d'appel de Versailles.
Par arrêt du 2 juin 1993, la chambre d'accusation de la cour d'appel
de Versailles renvoya le requérant devant la cour d'assises du
département des Yvelines, estimant qu'il résultait de l'information des
charges suffisantes contre le requérant de :
"s'être à Lyon les 28 et 29 juin 1944, sciemment rendu
complice d'un crime contre l'humanité, d'une part en donnant
des instructions pour commettre les crimes d'homicides
volontaires avec préméditation sur les personnes de MM.
Glaeser, Krzykowski, Schlusseman, Ben Zimra, Zeizig, Prock et
d'un homme non identifié, d'autre part, en aidant ou assistant
les auteurs de ces homicides volontaires dans les faits qui
les ont consommés, alors que lesdits homicides volontaires
entraient dans le cadre d'un plan concerté pour le compte d'un
Etat pratiquant une politique d'hégémonie idéologique à
l'encontre de personnes choisies en raison de leur
appartenance à une collectivité raciale ou religieuse...".
Par arrêt du 7 juillet 1993, la chambre d'accusation décida de
placer le requérant sous contrôle judiciaire, limitant ses possibilités
de déplacement. Le requérant forma un pourvoi contre cette décision,
pourvoi qui fut rejeté par la Cour de cassation le 21 octobre 1993.
Par arrêt du 21 octobre 1993, la Cour de cassation rejeta également
le pourvoi formé par le requérant contre l'arrêt de renvoi devant la cour
d'assises aux motifs : d'une part, que la règle non bis in idem n'était
pas opposable en l'espèce, nonobstant la condamnation à mort de 1946,
compte tenu de la nouvelle qualification des faits, à savoir celle de
crime contre l'humanité ; d'autre part, que la constatation, par la
chambre d'accusation, des éléments matériels et intentionnel du crime
contre l'humanité reproché justifiait le renvoi devant la cour d'assises.
Par arrêt du 3 novembre 1993, la Cour de cassation refusa de
renvoyer l'affaire à la cour d'assises du département du Rhône. Par arrêt
du 16 mars 1994, elle rejeta un pourvoi formé par le requérant contre une
ordonnance du président de la cour d'assises autorisant l'enregistrement
audiovisuel de son procès.
Durant les débats devant la cour d'assises, le requérant demanda
l'audition d'Edouard Balladur, Premier ministre en exercice, en sa
qualité d'ancien Secrétaire général de la Présidence de la République,
afin de lui faire préciser dans quelles conditions une mesure de grâce
avait été accordée le 23 novembre 1971. La cour d'assises rendit un arrêt
incident pour rejeter la demande d'audition, aux motifs qu'elle
n'apparaissait pas indispensable à la manifestation de la vérité. Il
demanda également l'audition de Jean Guitton, membre de l'Académie
française, à la fin de l'instruction à l'audience. Cette demande fut
également rejetée. Le requérant présenta d'autres demandes d'auditions,
qui furent rejetées.
Par arrêt du 20 avril 1994, la cour d'assises du département des
Yvelines condamna le requérant à la réclusion criminelle à perpétuité
pour complicité de crime contre l'humanité.
Le requérant forma un pourvoi en cassation, invoquant onze moyens
de cassation, dans le cadre d'un mémoire ampliatif et d'un mémoire
additionnel. Concernant les refus de demandes d'auditions de témoins, le
requérant ne souleva de moyens que pour les seules demandes concernant
Edouard Balladur et Jean Guitton.
Par arrêt du 1er juin 1995, la Cour de cassation rejeta son pourvoi.
Concernant les demandes d'audition, elle releva notamment que les
conclusions du requérant n'articulaient aucun fait ou circonstance de
nature à caractériser l'importance du témoignage du Premier ministre et
que l'audition de Jean Guitton, qui n'avait été ni cité, ni dénoncé,
n'avait pas été jugée utile à la manifestation de la vérité par la cour
d'assises.
GRIEFS
1. Le requérant se plaint d'avoir été victime avec sa famille, depuis
1972, de l'orchestration des forces politiques et médiatiques internes
et internationales, l'obligeant à vivre en clandestin. Le requérant se
plaint de ce que, jusqu'au procès sur le fond, il a été détenu, puis a
subi par deux fois un contrôle judiciaire. Il invoque l'article 5 de la
Convention à titre principal et estime que, partant, les articles 1 du
Protocole N° 1 et 2 par. 1 du Protocole N° 4 auraient également été
violés.
2. Il estime n'avoir pas été jugé par un tribunal indépendant au sens
de l'article 6 par. 1 de la Convention, un rapport en interprétation des
conventions internationales ayant été donné par le ministre des Affaires
étrangères à la demande de la chambre d'accusation.
3. Il estime avoir été systématiquement présumé coupable, par les
médias comme par des personnalités politiques exerçant des fonctions
officielles. Il invoque l'article 6 par. 2 de la Convention.
4. Le requérant estime que, même après sa condamnation, il ignore
toujours la nature et la cause de l'accusation portée contre lui. Il
invoque l'article 6 par. 3 a) de la Convention.
5. Il se plaint de n'avoir pu faire valoir des témoignages susceptibles
d'intervenir à décharge. Il invoque l'article 6 par. 1 et 3 d) de la
Convention.
6. Le requérant invoque également un article 6 par. 3 g) qui, selon
lui, prévoit que : "toute personne accusée d'une infraction pénale a
droit en pleine égalité aux garanties suivantes : g) à ne pas être forcée
de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable".
7. Le requérant estime également avoir été condamné à cause de la loi
de 1964 qui, rétroactivement, déclara imprescriptibles les crimes contre
l'humanité. Il invoque l'article 7 par. 1 de la Convention. Il estime en
outre que l'exception à la rétroactivité, telle que prévue au paragraphe
2 de l'article 7, ne peut être retenue en l'espèce, les faits pour
lesquels il a été condamné constituant un crime de droit commun et non
un crime contre l'humanité.
8. Le requérant estime, d'une part, que la nationalité allemande du
principal "décideur" des faits de Rillieux a conditionné la qualification
de crime contre l'humanité et, d'autre part, que l'élément intentionnel
de l'infraction a été volontairement déformé. Il en conclut une double
discrimination en raison de la nationalité d'un tiers et de la
déformation de son intention. Il invoque l'article 14 de la Convention.
9. Il se plaint, enfin, de la violation de l'article 4 du Protocole N°
7, estimant avoir été jugé pour les mêmes faits que ceux pour lesquels
il fut condamné le 10 septembre 1946 et le 4 mars 1947.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint d'avoir été victime avec sa famille, depuis
1972, de l'orchestration des forces politiques et médiatiques internes
et internationales, l'obligeant à vivre en clandestin. Le requérant se
plaint de ce que, jusqu'au procès sur le fond, il a été détenu, puis a
subi par deux fois un contrôle judiciaire. Il invoque l'article 5
(art. 5) de la Convention à titre principal et estime que, partant, les
articles 1 du Protocole N° 1 et 2 par. 1 du Protocole N° 4
P1-1, P4-2-1) auraient également été violés.
La Commission rappelle qu'elle ne peut être saisie qu'après
l'épuisement des voies de recours internes et dans les six mois à compter
de la décision interne définitive ou de la cessation de la situation
litigieuse, conformément aux dispositions de l'article 26 (art. 26) de
la Convention.
Or la Commission relève que les faits litigieux sont antérieurs à
la condamnation du requérant par arrêt de la cour d'assises du
département des Yvelines le 20 avril 1994, arrêt rendu plus de six mois
avant l'introduction de la requête.
Par ailleurs, concernant le grief tiré d'une éventuelle atteinte à
son droit au respect de ses biens au sens de l'article 1 du Protocole N°
1 (P1-1), la Commission constate que le requérant n'a exercé aucun
recours pour en obtenir réparation.
Il s'ensuit que ces griefs doivent être rejetés pour non-épuisement
des voies de recours internes et non respect du délai de six mois prévu
à l'article 26 (art. 26) de la Convention, par application de l'article
27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention.
2. Le requérant estime n'avoir pas été jugé par un tribunal indépendant
au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, un rapport en
interprétation des conventions internationales ayant été donné par le
ministre des Affaires étrangères à la demande des juridictions. L'article
6 par. 1 (art. 6-1) prévoit que :
"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement (...) par un tribunal indépendant et
impartial (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute
accusation en matière pénale dirigée contre elle."
La Commission relève qu'au cours de l'instruction préparatoire,
la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris a, par trois arrêts
en date du 17 décembre 1976, posé quatre questions relatives à
l'interprétation de conventions internationales au ministre des
Affaires étrangères. Ce dernier y a répondu dans un rapport du
15 juin 1979.
La Commission reconnaît que la réponse donnée par le ministre
pouvait influencer la poursuite ou non de la procédure, s'agissant de
la question purement procédurale de la prescription et, partant, de la
possibilité d'exercer l'action publique. Cependant, la Commission note
que le ministre des Affaires étrangères s'est déclaré incompétent pour
estimer si "un droit à la prescription des crimes contre l'humanité,
à supposer qu'il soit admis (par la législation interne), entrerait
dans la catégorie des 'droits de l'homme et des libertés fondamentales'
reconnus conformément aux lois internes", s'agissant de
l'interprétation de la législation. La Commission relève également que
la chambre d'accusation a considéré, dans son arrêt du 27 juillet 1979,
que les crimes contre l'humanité n'étaient pas couverts par la
prescription en se fondant non seulement sur l'interprétation donné par
le ministre mais également sur la loi du 26 décembre 1964. Il ressort
enfin de l'arrêt du 19 octobre 1989 que la chambre d'accusation a
entendu justifier l'imprescriptibilité selon des termes propres, sans
référence à l'avis donné par le ministre, en se fondant principalement
non sur les conventions internationales mais sur la loi du
26 décembre 1964, dont l'appréciation relève de la seule compétence du
juge.
En conséquence, la Commission estime que la cause du requérant
a été entendue par un tribunal "indépendant" au sens de l'article 6
par. 1 (art. 6-1) de la Convention (voir, a contrario, Cour eur. D.H.,
arrêt Beaumartin c/France du 24 novembre 1994, série A n° 296-B, p. 63,
par. 38).
Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant
manifestement mal fondé, par application de l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
3. Le requérant estime avoir été systématiquement présumé coupable,
par les médias comme par des personnalités politiques exerçant des
fonctions officielles. Il invoque l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la
Convention, lequel prévoit que :
"Toute personne accusée d'une infraction est présumée
innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement
établie."
La Commission constate que les déclarations de certaines
autorités publiques durant la procédure pénale s'expliquaient par la
polémique dont le requérant faisait l'objet depuis longtemps, en raison
de ses activités durant la seconde guerre mondiale, lesquelles furent
constatées par deux arrêts définitifs de condamnation à mort par
contumace en date des 10 septembre 1946 et 4 mars 1947. En tout état
de cause, les déclarations litigieuses, prises dans leur ensemble, ne
pouvaient être interprétées comme déclarant le requérant coupable des
faits pour lesquels l'instruction était en cours (voir notamment,
mutatis mutandis, N° 10847/84, déc. 7.10.85, D.R. 44, p. 238).
Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant
manifestement mal fondé, par application de l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
4. Le requérant estime que, même après sa condamnation, il ignorait
toujours la nature et la cause de l'accusation portée contre lui. Il
invoque l'article 6 par. 3 a) de la Convention, lequel prévoit que :
"3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une
langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la
nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ;
(...)."
La Commission relève que, dès le 24 mai 1989, date de son
arrestation et son inculpation, le requérant a été informé des faits
reprochés, tels qu'ils ressortaient des plaintes avec constitution de
partie civile, ainsi que de leur qualification juridique, notamment de
"crimes contre l'humanité et de crimes contre l'humanité sous les
qualifications d'arrestations arbitraires, séquestrations arbitraires,
arrestations et séquestrations arbitraires, suivies de tortures
corporelles, meurtres avec préméditation et complicité", puis renvoyé
par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles devant la
cour d'assises des chefs de "complicité de crime contre l'humanité".
La Commission relève enfin qu'il résulte clairement des circonstances
de l'espèce que, durant la procédure, le requérant s'est expliqué et
a présenté ses moyens de défense concernant les faits reprochés et leur
qualification.
Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant
manifestement mal fondé, par application de l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
5. Le requérant se plaint de n'avoir pu faire valoir des témoignages
susceptibles d'intervenir à décharge. Il invoque l'article 6 par. 1 et
3 d) (art. 6-1, 6-3-d) de la Convention.
L'article 6 par. 3 d) (art. 6-3-d) de la Convention dispose :
"3. Tout accusé a droit notamment à :
(...)
d. interroger ou faire interroger les témoins à charge et
obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à
décharge dans les mêmes conditions que les témoins à
charge ;
(...)."
La Commission rappelle qu'il revient en principe aux juridictions
nationales d'apprécier les éléments rassemblés par elles et la
pertinence de ceux dont les accusés souhaitent la production
(cf. notamment Cour eur. D.H., arrêt Barbera, Messegué et Jabardo
c/Espagne du 6 décembre 1988, série A n° 146, p. 31, par. 68).
L'article 6 par. 3 d) (art. 6-3-d) leur laisse, toujours en principe,
le soin de juger de l'utilité d'une offre de preuve par témoins au sens
autonome que ce terme possède dans le système de la Convention (Cour
eur. D.H., arrêt Asch c/Autriche du 26 avril 1991, série A n° 203, p.
10, par. 25) et il n'exige pas la convocation et l'interrogation de
tout témoin à décharge, mais vise à l'égalité des armes (Cour eur.
D.H., arrêts Engel et autres c/Pays-Bas du 8 juin 1976, série A n° 22,
pp. 38-39, par. 91 ; Bricmont c/Belgique du 7 juillet 1989, série A n°
158, p. 31, par. 89). Mais la notion d'"égalité des armes" n'épuisant
pas le contenu des paragraphes 1 et 3 de l'article 6 (art. 6) de la
Convention, la Commission doit vérifier si la procédure litigieuse,
considérée dans son ensemble, a respecté le principe d'équité posé au
paragraphe 1 de l'article 6 (art. 6) (Cour eur. D.H., arrêts Delta
c/France du 19 décembre 1990, série A n° 191, p. 15, par. 35 ; Vidal
c/Belgique du 22 avril 1992, série A n° 235-B, pp. 32-33, par. 33).
En l'espèce, la Commission relève que le requérant fait état de
certains refus de demandes d'auditions dont il ne s'est pas plaint dans
le cadre de son pourvoi en cassation formé contre l'arrêt de la cour
d'assises en date du 20 avril 1994.
Il s'ensuit que cette partie du grief doit être rejetée pour non-
épuisement des voies de recours internes, par application des
articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la Convention.
La Commission constate, par ailleurs, que le requérant se plaint
de n'avoir pu faire entendre : d'une part, le Premier ministre Edouard
Balladur, ce dernier ayant été Secrétaire général de la Présidence de
la République durant le mandat du Président Georges Pompidou, afin de
lui faire préciser les conditions de l'octroi de la grâce
présidentielle du 23 novembre 1971 ; d'autre part, Jean Guitton, membre
de l'Académie française.
La Commission observe tout d'abord que les faits concernés par
la demande d'audition du Premier ministre étaient étrangers aux faits
reprochés au requérant et que, au demeurant, s'il le souhaitait, il a
pu valablement rappeler et commenter la mesure de grâce durant les
débats. Enfin, la Commission constate qu'il ressort de l'arrêt de la
Cour de cassation que le requérant n'a pas étayé sa demande devant la
cour d'assises pour en préciser l'éventuelle importance.
Concernant l'autre demande d'audition, la Commission note qu'elle
fut seulement déposée à la fin de l'instruction à l'audience de la cour
d'assises. La Commission, qui constate que la cour d'assises a estimé
qu'une telle audition n'était pas nécessaire à la manifestation de la
vérité, n'a relevé aucun élément susceptible d'établir une violation
des dispositions alléguées sur ce point.
Il s'ensuit que cette partie du grief doit être rejetée comme
étant manifestement mal fondée, par application de l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
6. Le requérant invoque également un article 6 par. 3 g)
(art. 6-3-g) qui, selon lui, prévoirait que : "toute personne accusée
d'une infraction pénale a droit en pleine égalité aux garanties
suivantes : g) à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou
de s'avouer coupable".
La Commission, qui rappelle qu'il n'existe pas de paragraphe 3
g) de l'article 6 (art. 6-3-g) de la Convention, estime que ce grief
doit en réalité être examiné sous l'angle du paragraphe 1 de l'article
6 (art. 6-1).
La Commission rappelle que, même si l'article 6 (art. 6) ne le
mentionne pas expressément, le droit de se taire et de ne pas
contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales
généralement reconnues qui sont au coeur de la notion de procès
équitable consacrée par l'article 6 (art. 6) (cf. Cour eur. D.H.,
arrêts Funke c/France du 25 février 1993, série A n° 254-A, p. 22, par.
44 ; Murray c/R.-U. du 8 février 1996, Recueil 1996, à paraître).
En l'espèce, la Commission relève que le requérant se plaint de
ce que le dossier de grâce présidentielle fut joint au dossier pénal
par le premier juge d'instruction, car la demande de grâce aurait
comporté un certain aveu de responsabilité.
La Commission n'est pas appelée à se prononcer sur le point de
savoir si l'utilisation du dossier de grâce a pu porter atteinte au
droit du requérant de ne pas contribuer à sa propre incrimination.
En effet, la Commission relève que ce point ne fut pas soumis à
l'examen de la Cour de cassation. Il ne ressort d'ailleurs pas des
éléments présentés à la Commission qu'une demande de retrait de
certaines pièces du dossier, notamment du dossier de grâce
présidentielle, ait été formulée durant l'instruction et que les
recours ouverts en droit interne aient été exercés sur ce point,
conformément aux dispositions de l'article 26 (art. 26) de la
Convention.
Il s'ensuit que cette partie du grief doit être rejetée pour non-
épuisement des voies de recours internes, par application des
articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la Convention.
La Commission relève par ailleurs que le requérant s'est plaint,
dans le cadre de son pourvoi en cassation formé contre l'arrêt de
condamnation en date du 20 avril 1994, de ce que le président ne
l'avait pas informé de son droit de se taire et de ne pas contribuer
à sa propre incrimination.
La Commission estime cependant, au vu des circonstances de
l'espèce, que le requérant ne peut prétendre avoir ignoré l'existence
du droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination.
Elle ne relève en outre aucune apparence de violation de ce principe,
le requérant n'ayant jamais été contraint de témoigner contre lui-même.
Il s'ensuit que cette partie du grief doit être rejetée comme
étant manifestement mal fondée, par application de l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
7. Le requérant estime également avoir été condamné à cause de la
loi de 1964 qui, rétroactivement, déclara imprescriptibles les crimes
contre l'humanité. Il invoque l'article 7 par. 1 (art. 7-1) de la
Convention. Il estime en outre que l'exception à la rétroactivité,
telle que prévue au paragraphe 2 de l'article 7 (art. 7-2), ne peut
être retenue en l'espèce, les faits pour lesquels il a été condamné
constituant un crime de droit commun et non un crime contre l'humanité.
L'article 7 (art. 7) de la Convention dispose que :
"1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une
omission qui, au moment où elle a été commise, ne
constituait pas une infraction d'après le droit national ou
international. De même il n'est infligé aucune peine plus
forte que celle qui était applicable au moment où
l'infraction a été commise.
2. Le présent article ne portera pas atteinte au jugement
et à la punition d'une personne coupable d'une action ou
d'une omission qui, au moment où elle a été commise, était
criminelle d'après les principes généraux du droit reconnus
par les nations civilisées."
La Commission relève que le requérant a été condamné à la
réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de crime contre
l'humanité, par arrêt de la cour d'assises du département des Yvelines
en date du 20 avril 1994. La Commission constate par ailleurs que
l'infraction de crime contre l'humanité et son imprescriptibilité
furent consacrées par le Statut du tribunal international de Nuremberg
annexé à l'accord interallié du 8 août 1945 et qu'une loi française du
26 décembre 1964 s'y réfère expressément pour disposer que les crimes
contre l'humanité sont imprescriptibles.
La Commission estime qu'il n'est pas nécessaire de se prononcer
sur le point de savoir si les faits reprochés au requérant pouvaient,
lorsqu'ils ont été commis, recevoir une telle qualification.
La Commission doit vérifier si l'exception posée au paragraphe 2
de l'article 7 (art. 7-2) trouve à s'appliquer aux circonstances de
l'espèce.
La Commission rappelle qu'il ressort des travaux préparatoires
de la Convention que le paragraphe 2 de l'article 7 (art. 7-2) a pour
but de préciser que cet article n'affecte pas les lois qui, dans les
circonstances tout à fait exceptionnelles qui se sont produites à
l'issue de la deuxième guerre mondiale, ont été passées pour réprimer
les crimes de guerre et les faits de trahison et de collaboration avec
l'ennemi et ne vise à aucune condamnation juridique ou morale de ces
lois (cf. N° 268/57, déc. 20.7.57, Ann. Conv., vol. 1, p. 241). Elle
estime que ce raisonnement vaut également pour les crimes contre
l'humanité.
Enfin, la Commission rappelle qu'elle n'est pas compétente pour
examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit
prétendument commises par les juridictions internes, sauf si et dans
la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une
atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention (voir par
exemple N° 13926/88, déc. 4.10.90, D.R. 66 pp. 209, 225 ; N° 17722/91,
déc. 8.4.91, D.R. 69 pp. 345, 354). La Commission rappelle également
que l'application et l'interprétation du droit interne sont en principe
réservées à la compétence des juridictions nationales (voir notamment
N° 10153/82, déc. 13.10.86, D.R. 49 p. 67).
En l'espèce, la Commission constate que le requérant a été
condamné non pour un crime de droit commun mais pour complicité de
crime contre l'humanité, ce qui ressort clairement de la procédure
diligentée contre le requérant et de l'arrêt de condamnation.
Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant
manifestement mal fondé, par application de l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
8. Le requérant estime, d'une part, que la nationalité allemande du
principal "décideur" des faits de Rillieux a conditionné la
qualification de crime contre l'humanité et, d'autre part, que
l'élément intentionnel, concernant le requérant, a été volontairement
déformé. Il en conclut une double discrimination en raison de la
nationalité d'un tiers et de l'élément intentionnel le concernant. Il
invoque l'article 14 (art. 14) de la Convention, qui prévoit :
"La jouissance des droits et libertés reconnus dans la
présente Convention doit être assurée, sans distinction
aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur,
la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes
autres opinions, l'origine nationale ou sociale,
l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la
naissance ou toute autre situation."
La Commission, dans la mesure où le grief a été étayé et où elle
est compétente pour en connaître, n'a relevé aucune apparence de
violation de la disposition invoquée.
Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant
manifestement mal fondé, par application de l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
9. Le requérant se plaint enfin de la violation de l'article 4 du
Protocole N° 7 (P7-4), estimant avoir été jugé pour les mêmes faits que
ceux pour lesquels il fut condamné le 10 septembre 1946 et le 4 mars
1947.
En l'espèce, la Commission constate que les faits ayant abouti
à la condamnation du requérant, par arrêts en date des
10 septembre 1946 et 4 mars 1947, diffèrent de ceux pour lesquels il
fut condamné par la cour d'assises des Yvelines le 20 avril 1994.
Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant
manifestement mal fondé, par application de l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission,
à la majorité, DECLARE IRRECEVABLE le grief tiré d'une prétendue
double condamnation en raison des mêmes faits ;
à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus.
H.C. KRÜGER S. TRECHSEL
Secrétaire Président
de la Commission de la Commission
Textes cités dans la décision