CEDH, Commission (plénière), INNES c. la FRANCE, 25 mai 1998, 28145/95
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Plénière), 25 mai 1998, n° 28145/95 |
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Numéro(s) : | 28145/95 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 28 décembre 1994 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-29539 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1998:0525DEC002814595 |
Sur les parties
- Avocat(s) :
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête N° 28145/95
présentée par Calum INNES
contre la France
La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en
chambre du conseil le 25 mai 1998 en présence de
MM. S. TRECHSEL, Président
J.-C. GEUS
M.P. PELLONPÄÄ
E. BUSUTTIL
G. JÖRUNDSSON
A.S. GÖZÜBÜYÜK
A. WEITZEL
J.-C. SOYER
H. DANELIUS
Mme G.H. THUNE
F. MARTINEZ
C.L. ROZAKIS
Mme J. LIDDY
MM. L. LOUCAIDES
B. MARXER
M.A. NOWICKI
I. CABRAL BARRETO
B. CONFORTI
N. BRATZA
I. BÉKÉS
J. MUCHA
D. SVÁBY
G. RESS
A. PERENIC
C. BÎRSAN
P. LORENZEN
K. HERNDL
E. BIELIUNAS
E.A. ALKEMA
M. VILA AMIGÓ
Mme M. HION
MM. R. NICOLINI
A. ARABADJIEV
M. M. de SALVIA, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 28 décembre 1994 par Calum INNES
contre la France et enregistrée le 4 août 1995 sous le N° de dossier
28145/95 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant de nationalité néo-zélandaise, né en 1954, est
actuellement détenu à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis en France.
Devant le Commission, il est représenté par Maître Pascal Cherki,
avocat au barreau de Paris.
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le
requérant, peuvent se résumer comme suit.
1. Première procédure française
Le 20 mars 1981, sur l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle en
France, les agents des douanes interpellèrent deux voyageurs en
provenance de Lima qui présentèrent deux passeports au nom de Augustin
Z. et Frederico C. ainsi que des billets d'avion pour un trajet Lima-
Paris-Lima. La fouille de leurs effets personnels permit de découvrir
au total 6 kgs 630 grs de cocaïne représentant une valeur de cinq
millions trois cent quatre mille francs.
Interrogés quant à l'origine et à la destination de la drogue,
les deux hommes donnèrent pour l'essentiel des faits la même version
à savoir que Frederico C. avait fait la connaissance dans un bar de
Lima d'un américain connu sous le pseudonyme de Carlos qui lui aurait
proposé moyennant une récompense de transporter une valise de cocaïne
en France.
Frederico C. décida alors d'employer son oncle, Augustin Z., dont
l'âge, pensa-t-il, lui permettrait de passer plus facilement les
contrôles des douanes.
Le dénommé Carlos en compagnie de Frederico C. procéda à l'achat
des billets d'avion. Carlos remit le 19 mars 1981 à Augustin Z. la
valise contenant la cocaïne ainsi qu'une paire de chaussures trafiquées
qui furent en réalité portées par Frederico C. Carlos inscrivit
également sur une carte à jouer l'adresse de l'hôtel où ces deux hommes
devraient se rendre à Paris, en l'espèce à l'hôtel du Danube où Carlos
ou l'un de ses hommes les contacterait.
Une surveillance mise en place aux abords de l'hôtel Danube
permit d'apprendre qu'un dénommé Roger P. demeurant en Californie avait
tenté de joindre téléphoniquement à plusieurs reprises les deux hommes.
En outre, Frederico C. ayant été trouvé porteur à l'aéroport
d'une photographie d'un couple, celle-ci fut présentée à la
réceptionniste de l'hôtel Danube qui reconnut l'homme de la photo comme
étant un habitué, américain, et du nom du requérant.
Frederico C. prétendit ne pas le connaître.
Après avoir inculpé Frederico C. et Augustin Z., le magistrat
instructeur délivra une commission rogatoire à l'effet de poursuivre
les recherches.
Dans le cadre de cette commission rogatoire, les services de
police procédèrent le 23 mars 1981 à l'interpellation de James C. qui
s'était présenté à l'hôtel Danube demandant à parler à l'un des deux
inculpés. Il fut trouvé en possession de deux mille six cent dollars
et d'une enveloppe destinée à Frederico C., enveloppe contenant un
message lui demandant de remettre toute la marchandise à Jim (le
porteur de la lettre) et d'attendre l'arrivée de Carlos pour continuer
l'opération.
Suite à une perquisition opérée dans la chambre d'hôtel de
James C., ce dernier ainsi que sa compagne, Elissa O., furent
interpellés. De leur audition, il résulta que tous deux étaient arrivés
à Paris le 22 mars 1981, envoyés par Carlos, afin de récupérer la
cocaïne transportée par Frederico C. et Augustin Z. pour l'acheminer
ensuite jusqu'à Los Angeles via Toronto et New York.
James C. avoua également avoir déjà participé à deux autres
opérations pour le compte de Carlos : une fois en avril 1980 et une
fois en février 1981. Néanmoins, lors de cette deuxième opération,
selon James C. et pour des raisons qu'il dit ignorer, Carlos renonça
temporairement à l'opération et la cocaïne fut dissimulée dans un
coffre de banque à Paris.
L'enquête permit de déterminer qu'effectivement un coffre avait
été loué au nom du requérant à l'agence centrale de la Société
Générale, procuration étant donnée pour l'accès de ce coffre à une
dénommée Claude P.
L'ouverture du coffre n'apporta aucun élément nouveau à
l'enquête, la location du coffre étant échue depuis le
16 novembre 1980, avant les faits de février 1981.
James C. et Elissa O. furent inculpés à leur tour.
Des investigations plus poussées effectuées à l'étranger
permirent d'établir que le requérant agissait le plus souvent sous le
nom de Carlos Jensen qui était en réalité l'organisateur d'un trafic
de cocaïne entre Lima et Los Angeles via Paris et le Canada et qui
recrutait, soit directement, soit indirectement, des passeurs. Le
magistrat instructeur en vint également à la conclusion que ce Carlos
Jensen avait acheté le 20 mars 1981 de nombreux billets d'avion à
l'agence Magic Holidays Travel à Hollywood, dont ceux détenus par
James C. et Elissa O. lors de leur interpellation.
Les passeurs recrutés par Carlos étaient réceptionnés à l'hôtel
Danube à Paris soit par Carlos lui-même, soit par des
« collaborateurs », soit par d'autres passeurs chargés du voyage
France-Canada.
Le magistrat instructeur délivra une commission rogatoire
internationale afin que différents suspects autres que le requérant,
soient interrogés aux Etats-Unis. Aucun n'accepta de parler.
De l'enquête française il résulta que James C. avait bien
effectué au moins deux voyages à Paris, l'un le 21 février 1981,
l'autre le 22 mars 1981, tous deux payés par le requérant ; que
Elissa O. la compagne de James C., était également venue à Paris le
22 mars 1981, son retour étant prévu via Toronto ; que différents
membres de l'organisation avaient effectué des voyages en France et
enfin que le requérant était effectivement venu à Paris le
25 février 1981, en provenance de Tijuana avec retour via Mexico et
qu'il avait fait de fréquents séjours à l'hôtel Danube.
Tous les billets d'avion furent achetés par le requérant sous le
nom de Carlos Jensen.
Lors d'une dernière confrontation organisée avec le magistrat
instructeur, Frederico C. prétendit ne pas reconnaître en la
photographie du requérant le nommé Carlos qui l'avait contacté, de même
qu'il prétendit ne pas connaître les autres participants du trafic.
James C. et Elissa O. déclarèrent également ne pas connaître
leurs co-inculpés et James C. nia que la photographie du requérant qui
lui fut présentée correspondit à celle de Carlos.
Des deux investigations réalisées aux Etats-Unis il résulta que
le requérant dont l'adresse ne put être retrouvée résidait dans la
région de Los Angeles sans plus de précision.
Le 22 juin 1982, un mandat d'arrêt fut décerné à l'encontre du
requérant du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants,
faits commis à l'aéroport de Roissy le 20 mars 1981.
Le 7 juillet 1982, un deuxième mandat d'arrêt contre le requérant
fut décerné, mandat d'arrêt constituant un additif au premier notamment
des chefs de complicité d'importation et exportation de marchandises
prohibées, entente, association (faits du 20 mars 1981), entente ou
association en vue d'importation ou d'exportation de marchandises
prohibées, complicité d'importation (faits du 20 avril 1980 et de
février 1981).
Par jugement en date du 13 septembre 1982, le tribunal
correctionnel de Bobigny condamna le requérant par défaut à une peine
d'emprisonnement de 15 ans et à l'interdiction définitive du territoire
pour :
- s'être courant avril 1980, février et mars 1981, en tout cas
depuis un temps non prescrit et sur le territoire national, rendu
complice par instruction, aide, assistance, fournitures, moyens, des
délits d'importation et de tentative d'exportation de substances
vénéneuses commis par Augustin Z., Frederico C., James C. et Elissa O.
tant sur la circonscription de Bobigny que sur le territoire national ;
- avoir agi dans le cadre d'une association ou fait partie d'une
entente ayant pour objet l'importation ou l'exportation illicite de
substances vénéneuses ;
- avoir courant avril 1980, février et mars 1981, en tout cas
depuis un temps non prescrit et sur le territoire national, participé
comme intéressé d'une manière quelconque à un délit de contrebande
d'importation ou de tentative, d'exportation sans déclaration commis
par Augustin Z., Frederico C., James C. et Elissa O.
2. Deuxième procédure française
Le 9 octobre 1982, à l'arrivée du vol Air France en provenance
de Rio de Janeiro, les fonctionnaires des douanes de l'aéroport de
Roissy-Charles de Gaulle en France, interpellèrent Olimpia H. Ils
découvrirent dans le sac qu'elle transportait 2 kgs 100 grs de cocaïne.
Olimpia H. déclara qu'elle devait remettre ce sac à Denise S. qui
l'attendait à l'aéroport. Elle prétendit ignorer qu'elle transportait
de la drogue.
Denise S. fut interpellée à l'aéroport de Roissy. Elle expliqua
que, ayant besoin d'argent, elle avait accepté, courant l'été 1982, à
Los Angeles, la proposition de son amie Jenny, épouse du requérant, à
savoir, réceptionner à Paris moyennant rémunération deux kgs environ
de cocaïne. Elle précisa que cette drogue fut remise à sa mère, par le
requérant à Lima, puis que sa mère transféra la drogue à Rio de Janeiro
où elle fut récupérée par Olimpia H. Elle affirma ne pas être en charge
de convoyer la drogue aux Etats-Unis et prétendit qu'elle devait la
déposer à son domicile parisien et attendre les instructions.
Le 14 octobre 1982, Olimpia H. et Denise S. furent inculpées
d'infraction à la législation sur les stupéfiants et importation en
contrebande de marchandise prohibée et furent placées sous mandat de
dépôt.
Au cours d'un interrogatoire en date du 3 novembre 1982,
Denise S. confirma ses déclarations, reconnut formellement le requérant
sur photographie et maintint qu'il était l'organisateur du trafic de
cocaïne. Lors de ce même interrogatoire, les autorités françaises
firent part à Denise S. qu'elles venaient d'apprendre l'arrestation,
le 26 octobre 1982 à Los Angeles, du requérant pour trafic de
stupéfiants. Quelque temps plus tard il fut remis en liberté par les
autorités américaines moyennant paiement d'une caution.
Le 9 novembre 1982, le requérant fut inculpé par les autorités
françaises pour :
- s'être courant juillet, août et septembre 1982, en tout cas sur
le territoire national et depuis un temps non prescrit rendu complice
par instruction, aide, assistance fourniture de moyen, des délits
d'importation et de tentative d'exportation de substances vénéneuses
classées comme stupéfiants et inscrites au tableau B (à savoir 2 kgs
100 grs de cocaïne) commis par Denise S. et Olimpia H., tant sur la
circonscription de Bobigny que sur le territoire national ;
- avoir courant 1982, en tout cas sur le territoire national et
depuis un temps non prescrit agi dans le cadre d'une association ou
fait partie d'une entente ayant pour objet l'importation ou
l'exportation illicite de stupéfiants ; participé comme intéressé d'une
manière quelconque à un délit de contrebande, d'importation ou de
tentative d'exportation sans déclaration commis par Denise S. et
Olimpia H.
Le 9 novembre 1982 également, un mandat d'arrêt international fut
délivré à l'encontre du requérant.
Le 7 janvier 1983, l'ambassadeur des Etats-Unis en France attesta
par un certificat qu'une procédure de demande d'extradition du
requérant des Etats-unis vers la France était mise en place.
Le 11 juillet 1983, le tribunal correctionnel de Bobigny rendit
à l'encontre du requérant un jugement par défaut par lequel il le
condamna à une peine d'emprisonnement de 20 ans.
3. La procédure américaine
Le 17 février 1984, le requérant fut de nouveau arrêté par les
autorités américaines pour trafic de stupéfiants commis sur le
territoire américain.
Le 30 avril 1984, la Cour de Californie condamna le requérant à
15 ans d'emprisonnement et à la liberté surveillée à vie. Dans son
jugement, la Cour de Californie rappela que le requérant s'était livré
à l'importation et l'exportation de cocaïne depuis 1982 et qu'il fut
condamné par les tribunaux français à 10 et 15 ans d'emprisonnement.
La libération du requérant était prévue pour le 23 novembre 1992.
Au cours de ce même mois de novembre 1992, les autorités
françaises demandèrent aux autorités américaines l'extradition du
requérant et, le 1er décembre 1992, le gouvernement français demanda
aux Etats-Unis, par voie diplomatique, l'arrestation du requérant en
vue de son extradition.
Le 26 mars 1993, la Cour du district ouest de Louisiane donna un
avis favorable à l'extradition du requérant.
Le 30 août 1993, les autorités américaines remirent le requérant
aux autorités françaises et lui notifièrent les mandats d'arrêts.
4. La troisième procédure française
Le 30 août 1993, le requérant se vit signifier les deux jugements
en date des 13 septembre 1982 et 11 juillet 1983 et forma opposition
les 30 août et 2 septembre 1993.
Le 31 août 1993, le conseil du requérant déposa une requête en
annulation de l'extradition.
Le 15 novembre 1993, les avocats du requérant déposèrent in
limine litis des conclusions dans lesquelles ils demandèrent de
constater :
- la nullité de l'extradition pour non respect des conditions de
fond de l'acte d'extradition telles que prévues par la loi du
10 mars 1927, au motif que l'extradition ne peut être accordée que si
l'infraction cause de la demande a été commise sur le territoire
national. Or le requérant prétend n'avoir accompli sur le territoire
français aucun acte délictueux. Les deux ordonnances de renvoi de 1982
devant le tribunal correctionnel de Bobigny seraient donc nulles ;
- l'absence de réaction des autorités françaises lors de la
libération du requérant par les autorités américaines en 1982 ;
- la violation du principe non bis in idem en cas de nouvelle
condamnation par le tribunal correctionnel dans la mesure où les
autorités américaines se fondèrent sur les jugements par défaut
français pour condamner le requérant ;
- la prescription depuis 1987 de l'action publique française,
puisque dans le délai de trois ans suite aux jugements français rendus
par défaut aucun acte interruptif de prescription ne fut accompli ;
- l'absence de respect du délai raisonnable prévu par
l'article 6 de la Convention européenne puisque 10 ans ont été
nécessaires pour que la question de l'extradition du requérant soit
posée. Le requérant se plaint en effet, de ce que la procédure
d'extradition n'ait pas été entamée dès 1984, date à laquelle les
autorités françaises ont eu connaissance de son arrestation. De même,
estime-t-il que le droit d'être informé dans les plus courts délais de
la nature et de l'accusation portée contre lui n'a pas été respecté
dans la mesure où il n'a pas eu connaissance des jugements, qui ne lui
ont pas été signifiés et que ses droits de la défense n'ont pas été
respectés.
Par jugement en date du 6 décembre 1993, le tribunal, après avoir
joint les deux affaires ayant donné lieu aux deux jugements par défaut
de 1982 et 1983, rejeta les exceptions de nullités aux motifs que :
« aucun élément du dossier ne permet d'établir que [le
requérant] aurait été jugé deux fois pour les mêmes faits,
une première fois devant la juridiction américaine qui l'a
condamné le 30 avril 1984 à la peine de 15 années
d'emprisonnement pour trafic de stupéfiants entre les
Etats-Unis et le Pérou et une seconde fois par les
juridictions françaises qui l'ont condamné par défaut à
deux reprises, le 13 septembre 1982 et le 11 juillet 1983,
(...) que les faits commis en France ne sont pas mentionnés
dans la décision du 30 avril 1984 ; que rien ne permet
d'affirmer que la juridiction américaine ait donc
sanctionné les faits pour lesquels [le requérant] a été
jugé par la présente juridiction ; qu'au surplus c'est
devant les juridictions américaines que le principe non bis
in idem aurait dû être invoqué ».
En ce qui concerne la prescription de l'action publique, le
tribunal constata :
« qu'il résulte des documents versés aux débats que [le
requérant] a été détenu aux Etats-Unis du 30 avril 1984 au
30 août 1993, date à laquelle il a été remis aux autorités
françaises ; que pendant tout ce laps de temps, les
autorités américaines se sont trouvées empêchées de faire
exécuter les décisions des 13 septembre 1982 et 11 juillet
1983 prononcées par le tribunal de Bobigny et en vertu
desquelles l'extradition était demandée ; qu'il y a lieu de
considérer que la détention subie par [le requérant] aux
Etats-Unis constituait pour les autorités compétentes un
obstacle absolu à la mise en exécution des jugements dont
il s'agit ; qu'ainsi la prescription de l'action publique
s'est trouvée suspendue pendant toute la durée de
l'incarcération ; (...) que moins de trois ans se sont
écoulés entre les 13 septembre 1982, 11 juillet 1983 et le
30 avril 1984, qu'en conséquence la prescription de
l'action publique n'était pas acquise par [le requérant] ».
Sur la validité de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction
concernant la première procédure française, au motif que le requérant
contestait que le tribunal ait été régulièrement saisi de son renvoi
en jugement, le tribunal constata que :
« dans ce dossier la procédure a pour origine
l'interpellation, le 20 mars 1981 à l'aéroport de Roissy de
Augustin Z. et de Frederico C. et la saisie des 6 kgs
630 grs de cocaïne qu'ils détenaient ; qu'une information
était ouverte le 23 mars 1981 du chef d'infractions à la
législation sur les stupéfiants (importation, transport,
usage) d'importation en contrebande contre Frederico C.,
Augustin Z., et tous autres ... ; qu'en inculpant Elissa O.
et James C. le 27 mars 1981, le juge d'instruction n'avait
pas besoin des réquisitions supplétives du 27 mars 1981,
puisque le réquisitoire introductif visait Frederico C.,
Augustin Z., et tous autres ... ; qu'ainsi le juge
d'instruction était régulièrement saisi des faits reprochés
[au requérant]. Qu'il convient en conséquence de rejeter
les exceptions de nullités soulevées in limine litis et de
dire que la procédure est régulière ».
Sur le fond, le tribunal relaxa le requérant des faits reprochés
en février 1981 et courant 1982, le déclara coupable des faits commis
courant avril 1980 et mars 1981 et le condamna à 12 ans
d'emprisonnement, peine tenant compte du fait « que pour d'autres faits
de trafic de stupéfiants commis dans le même laps de temps, [le
requérant] a été condamné en 1984 à la peine de 15 années
d'emprisonnement par une juridiction américaine ; qu'il convient de
prendre en considération l'impossibilité d'envisager la confusion de
la peine qui sera ordonnée avec celle prononcée par la juridiction
américaine ».
Le 7 décembre 1993, le requérant fit appel du jugement du
tribunal correctionnel.
A l'audience du 10 novembre 1994, les conseils du requérant
déposèrent des conclusions in limine litis dans lesquelles ils
reprirent leur précédentes conclusions, à savoir la violation de
l'article 3 de la loi du 11 mars 1927, la prescription de l'action
publique, la violation du principe non bis in idem, la violation des
dispositions de la Convention européenne en son article 6 par. 1 et 3.
La cour d'appel, par arrêt en date du 8 décembre 1994, joignit
au fond le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la loi du
10 mars 1927 et rejeta le moyen tiré de la prescription de l'action
publique dans les mêmes termes que les premiers juges.
La cour d'appel rejeta également le moyen tiré de la violation
des dispositions de la Convention européenne, aux motifs que le
requérant :
« n'a jamais contesté avoir été informé lors de la
procédure américaine diligentée à son encontre des
condamnations à 15 et 20 ans d'emprisonnement prononcées
contre lui par le tribunal correctionnel (...) ; (que) dans
la procédure américaine, les deux condamnations en France
pour délits de stupéfiants ont été détaillées sur les pages
4 à 6 du réquisitoire du procureur ; (que) dans ces
conditions il appartenait [au requérant] de prendre toutes
dispositions utiles pour manifester son opposition aux
jugements de défaut rendus à son encontre et faire valoir
par tous moyens toute argumentation de droit et de fait lui
paraissant utile. En s'abstenant de toute action, il a
manifesté son intention de ne pas participer à la procédure
française le concernant et il est aujourd'hui mal venu à
s'en plaindre, alors que lors de sa comparution devant le
tribunal correctionnel de Bobigny il a eu tout le loisir de
développer son argumentation, à un moment où il pouvait
encore solliciter toutes investigations complémentaires lui
paraissant opportunes. Par ailleurs sa détention aux Etats-
Unis exclut la pertinence du délai raisonnable invoquée. »
Sur le moyen tiré de la violation du principe non bis in idem,
la cour d'appel reprit entièrement à son compte les arguments
développés par les premiers juges
De même la cour d'appel considéra que le juge d'instruction avait
été régulièrement saisi en vue d'informer sur les faits d'avril 1980
et février 1981 et que le requérant fut régulièrement renvoyé pour ces
faits devant le tribunal correctionnel.
Sur le fond le requérant fut condamné comme en première instance
à 12 années d'emprisonnement ainsi qu'à l'interdiction définitive du
territoire.
Le requérant se pourvut en cassation. Il se plaignit tout d'abord
que l'arrêt de la cour d'appel avait refusé d'annuler l'extradition.
Selon lui, les deux jugements rendus par défaut étaient devenus caducs
en 1993, faute pour le ministère public d'avoir tenté de procéder, sans
délai, à leur exécution et en tout état de cause en omettant de les
signifier sans délai, même à parquet, et ce alors même que les
autorités judiciaires françaises étaient informées de la détention du
requérant aux Etats-Unis. Le requérant affirma dans son mémoire que les
autorités américaines avaient demandé aux autorités judiciaires
françaises de requérir l'extradition puisqu'il n'était, en 1982, qu'en
détention provisoire et allait être remis en liberté.
Le requérant soutint ensuite que l'arrêt de la cour d'appel avait
violé le principe non bis in idem.
Par arrêt en date du 15 février 1996, la Cour de cassation rejeta
le pourvoi, aux motifs que :
« pour rejeter l'exception de prescription, l'arrêt attaqué
énonce qu'au début de l'incarcération [du requérant] aux
Etats-Unis, les peines prononcées contre lui en France
n'étaient pas prescrites, et que sa détention à l'étranger,
qui constituait un obstacle absolu à l'exécution de ces
condamnations, a suspendu le cours de la prescription ;
(...) qu'en cet état la cour d'appel a justifié sa
décision ; qu'en effet, constitue une cause de suspension
de la prescription de la peine, l'exécution, en territoire
étranger, d'une autre peine, prononcée par une juridiction
de ce pays. D'où il suit que le moyen, qui se borne à
remettre en discussion la valeur des motifs par lesquels
les juges ont souverainement apprécié l'impossibilité
d'exécuter les peines prononcées contre le demandeur, ne
saurait être admis. »
La Cour de cassation rejeta également le second moyen tiré de la
violation du principe non bis in idem, aux motifs que « pour rejeter
l'exception de chose jugée soulevée par le prévenu, l'arrêt attaqué
énonce que [le requérant] a été condamné aux Etats-Unis pour une
importation de cocaïne dans ce pays en septembre 1983 et que ces faits
sont distincts de ceux commis en France entre 1980 et 1982, qui sont
reprochés au prévenu ».
GRIEFS
1. Après avoir fait opposition aux deux jugements rendus par défaut
contre lui en 1982 et 1983 par le tribunal correctionnel de Bobigny,
le requérant estime être victime depuis 1993 d'une violation du
principe non bis in idem prévu par l'article 4 par. 1 du Protocole N° 7
de la Convention. Le requérant se plaint, en effet, d'avoir été à
nouveau jugé et condamné en 1993 par le même tribunal correctionnel et
pour les mêmes faits qu'en 1982 et 1983, alors même que ces deux
jugements seraient devenus définitifs (depuis respectivement les 14
septembre 1985 et 12 juillet 1986) en raison de l'acquisition de la
prescription de l'action publique et de la peine, faute pour les
autorités françaises de les lui avoir signifiés en temps utile.
2. Il se plaint ensuite d'avoir subi, en violation de
l'article 6 par. 3 de la Convention, un préjudice considérable quant
à l'exercice de ses droits de la défense en raison de son extradition
tardive. Il estime ne pas avoir été en mesure, plus de dix ans après
la commission des faits, d'apporter tous les éléments de preuve
nécessaires à la préparation de sa défense.
3. Le requérant estime que sa cause n'a pas été entendue dans un
délai raisonnable au sens de l'article 6 par. 1 de la Convention. Il
considère que la durée globale de la procédure pénale diligentée contre
lui fut de 16 ans.
4. Il allègue enfin une autre violation de l'article 6 par. 3 de la
Convention pour n'avoir pas été informé dans le plus court délai et de
manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée
contre lui. Il se plaint de ce que lors de son interpellation en
octobre 1982 par les autorités américaines, aucune information
concernant la procédure française ne lui fut donnée, alors même que les
autorités françaises étaient au courant de son arrestation, avaient
lancé contre lui un mandat d'arrêt, venaient de rendre le
13 septembre 1982 un jugement par défaut le condamnant à 15 ans
d'emprisonnement et avaient entamé une procédure d'extradition. Il
estime également que lors de son arrestation aux Etats-Unis en 1984,
les autorités françaises auraient dû mettre en oeuvre la procédure
d'extradition.
EN DROIT
1. Le requérant estime que sa condamnation en 1993 par le tribunal
correctionnel de Bobigny, alors que ce même tribunal l'avait déjà
condamné par défaut pour les mêmes faits en 1982 et 1983, a violé le
principe non bis in idem. Il invoque l'article 4 par. 1 du Protocole
No 7 (P7-4-1) à la Convention, qui prévoit que :
« 1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les
juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour
laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement
définitif conformément à la loi et à la procédure de cet
Etat (...). »
La Commission rappelle qu'aux termes de l'article 26 (art. 26)
de la Convention, elle ne peut être saisie qu'après l'épuisement des
voies de recours internes et que celui-ci n'est pas réalisé par le seul
exercice des recours mais exige que le requérant, même sans citer la
disposition pertinente, soumette au moins en substance aux autorités
compétentes le grief qu'il fait valoir devant la Commission
(N° 15669/89, déc. 26.6.93, D.R. 75, p.39).
La Commission observe que le requérant ne développa pas ce moyen
dans son pourvoi devant la Cour de cassation. En effet, la Commission
constate que dans son mémoire en cassation le requérant s'est plaint
uniquement de ce que les juges du fond français n'aient pas recherché
« si la condamnation prononcée aux Etats-Unis à [son] encontre, ne
portait pas également sur les faits pour lesquels il était poursuivi
en France ». Dès lors, en invoquant devant la Commission le principe
non bis in idem en raison du caractère prétendument définitif des
jugements rendus par le tribunal correctionnel de Bobigny en 1982 et
1983, puis du jugement rendu par ce même tribunal pour les mêmes faits
en 1993, le requérant n'a pas valablement épuisé les voies de recours
internes.
Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté pour non épuisement des
voies de recours internes, en application des articles 26 et 27 par. 3
(art. 26, 27-3) de la Convention.
2. Le requérant se plaint de n'avoir pu exercer pleinement ses
droits de la défense dans le cadre de la procédure pénale diligentée
contre lui en 1993 après son extradition. Il invoque
l'article 6 par. 3 b) (art. 6-3-b) de la Convention, qui dispose :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement (...), par un tribunal (...) qui décidera
(...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle.
(...)
3. Tout accusé a droit notamment à :
(...)
b. disposer du temps et des facilités
nécessaires à la préparation de sa défense
(...). »
Le requérant affirme ne pas avoir été en mesure de se défendre
de façon adéquate devant les juridictions internes en raison de son
extradition tardive, intervenant plus de dix ans après la commission
des faits pour lesquels il avait été jugé en 1982 et 1983 par défaut.
La Commission constate que si le requérant invoqua ce grief
devant le tribunal correctionnel de Bobigny et la cour d'appel de Paris
dans ses mémoires en défense, néanmoins, il ne demanda jamais
expressément au tribunal ou à la cour d'appel des actes
d'investigations supplémentaires et ne reprit pas, même en substance,
devant la Cour de cassation le moyen tiré de l'absence de temps et de
facilités nécessaires à la préparation de sa défense.
Il s'ensuit que conformément à la jurisprudence de la Cour
européenne (Cour eur. D.H., arrêt Cardot c. France du 19 mars 1991,
série A n° 200, p. 19, par. 35), ce grief doit être rejeté pour non-
épuisement des voies de recours internes, en application des
articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la Convention.
3. Le requérant se plaint ensuite de la durée de la procédure pénale
diligentée contre lui. Il invoque l'article 6 par. 1 (art. 6-1) dont
les dispositions pertinentes prévoient que :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
(...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui
décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière
pénale dirigée contre elle. »
La Commission rappelle tout d'abord qu'il résulte de la
jurisprudence de la Cour que le « délai raisonnable » de
l'article 6 par. 1 (art. 6-1) commence à courir dès qu'une personne est
« accusée ». La Cour a précisé que « l'accusation » au sens de
l'article 6 par. 1 (art. 6-1) peut se définir « comme la notification
officielle, émanant de l'autorité compétente, du reproche d'avoir
accompli une infraction pénale » (Cour eur. D.H., arrêt Deweer du 27
février 1980, série A n° 35, p. 24, par. 46 et Cour eur D.H., arrêt
Baggetta du 25 juin 1987, série A n° 119, p. 37, par. 31). Néanmoins,
la jurisprudence a également adopté l'idée de « répercussions
importantes sur la situation du suspect » (Cour eur. D.H., arrêt Deweer
c. Belgique, précité, p. 24, par. 46).
La Commission considère qu'en l'espèce la seule mention des
condamnations françaises par défaut dans le jugement américain de 1984
ne saurait constituer le point de départ de l'appréciation du délai
raisonnable de la procédure pénale française, faute de répercussions
suffisamment importantes sur sa situation au regard de la procédure
française.
En outre, la Commission relève que le requérant fut détenu aux
Etats-Unis en exécution d'une peine d'emprisonnement prononçée contre
lui par la justice américaine puis sous écrou extraditionnel de 1984
jusqu'au 30 août 1993 et estime que cette durée ne saurait être imputée
aux autorités judiciaires françaises. Enfin, la Commission relève que
les deux jugements rendus par défaut contre le requérant en 1982 et
1983 n'étaient pas des jugements définitifs puisque le requérant
pouvait faire opposition pour obtenir d'être rejugé, ce qu'il fit après
son extradition en août 1993.
En conséquence, la Commission estime que la procédure litigieuse
débuta le 30 août 1993, lorsque les autorités françaises notifièrent
au requérant, après son extradition, les deux jugements rendus par
défaut en 1982 et 1983. Elle se termina par l'arrêt de la Cour de
cassation du 15 février 1996.
La durée globale de la procédure à prendre en considération est
donc de deux ans, cinq mois et quinze jours sur trois degrés de
juridiction.
La Commission estime, à la lumière des critères dégagées par la
jurisprudence et compte tenu de l'ensemble des circonstances de
l'espèce, que cette durée ne saurait passer pour déraisonnable.
Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté pour défaut manifeste
de fondement au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la
Convention.
4. Enfin, le requérant se plaint d'une violation des dispositions
de l'article 6 par. 3 a) (art. 6-3-a) selon lequel :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement (...), par un tribunal (...) qui décidera
(...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle. (...). »
(...)
3. Tout accusé a droit notamment à :
a. être informé, dans le plus court délai, dans
une langue qu'il comprend et d'une manière
détaillée, de la nature et de la cause de
l'accusation portée contre lui ; »
Le requérant affirme ne pas avoir été informé en temps utile de
la procédure pénale française diligentée contre lui alors qu'il fut
arrêté deux fois par les autorités américaines en 1982 et 1984 et alors
même que ces dernières étaient en contact avec les autorités françaises
compétentes.
Selon le requérant l'absence de toute information, notification
des jugements rendus par défaut en 1982 et 1983 ainsi que l'absence de
mise à exécution de la procédure d'extradition entamée en 1983 a violé
les dispositions de cet article.
La Commission rappelle que selon la jurisprudence,
l'article 6 par. 3 a) (art. 6-3-a) reconnait à l'accusé le droit d'être
informé de la cause de l'accusation et de la nature de celle-ci (cf.
par exemple N° 7628/76, déc. 9.5.77, D.R. 9 p. 169 et N° 8490/79, déc.
12.3.81, D.R. 22 p. 143) mais que les garanties du paragraphe 3 de
l'article 6 (art. 6) constituent autant d'aspects de la notion générale
de procès équitable (Cour eur. D.H., arrêt Colozza c.Italie du 12
février 1985, série A n° 89, p. 14, par. 26).
La Commission estime qu'en l'espèce la question de savoir si le
requérant avait encore la qualité d'« accusé » lorsqu'intervinrent les
deux jugements par défauts rendus contre lui en 1982 et 1983 ou s'il
doit être considéré comme une personne déjà condamnée peut demeurer
ouverte. Il convient en effet de rappeler que lesdits jugements par
défaut n'étaient pas définitifs puisque le requérant pouvait faire
opposition pour obtenir qu'ils soient mis à néant et qu'il soit rejugé
(voir, a contrario, arrêt Colozza précité, par. 27 et 29).
En l'espèce, la Commission observe qu'au moment de son
extradition le 30 août 1993, les autorités françaises informèrent le
requérant « de la cause et de la nature des accusations portées contre
lui ». En effet, à cette même date, le requérant se vit signifier les
deux jugements par défaut en date des 13 septembre 1982 et
11 juillet 1983, auxquels il fit opposition les 30 août et
2 septembre 1993.
Dès lors, et à supposer même que le requérant ait satisfait en
ce qui concerne ce grief aux conditions posées par l'article 26
(art. 26) de la Convention, la Commission considère ce grief comme
manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de
la Convention.
Par ces motifs, la Commission, à la majorité,
DECLARE LA REQUÊTE IRRECEVABLE
M. de SALVIA S. TRECHSEL
Secrétaire Président
de la Commission de la Commission