CEDH, Commission (deuxième chambre), BITRI c. la FRANCE, 21 octobre 1998, 41311/98

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 21 oct. 1998, n° 41311/98
Numéro(s) : 41311/98
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 4 mars 1998
Jurisprudence de Strasbourg : 54, pp. 178, 181
Arrêt Hokkanen du 23 septembre 1994, série A n° 299, p. 24, par. 64 Comm. Eur. D.H. No 12158/86, déc. 7.12.87, D.R
Cour Eur. D.H. Arrêt Irlande du 18 janvier 1978, série A n° 25, p. 65, par. 162
Arrêt Olsson (n° 2) du 27 novembre 1992, série A n° 250, pp. 35-36, par. 90
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-29955
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1998:1021DEC004131198
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Texte intégral

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête N° 41311/98

présentée par Léonard BITRI

contre la France

__________

La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 21 octobre 1998 en présence de

MM.J.-C. GEUS, Président

M.A. NOWICKI

G. JÖRUNDSSON

A. GÖZÜBÜYÜK

J.-C. SOYER

H. DANELIUS

MmeG.H. THUNE

MM.F. MARTINEZ

I. CABRAL BARRETO

D. ŠVÁBY

P. LORENZEN

E. BIELIŪNAS

E.A. ALKEMA

A. ARABADJIEV

MmeM.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;

Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;

Vu la requête introduite le 4 mars 1998 par Léonard BITRI contre la France et enregistrée le 20 mai 1998 sous le N° de dossier 41311/98 ;

Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ;

Après avoir délibéré,

Rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, ressortissant français né en 1958, est ingénieur, actuellement au chômage, et réside à Mérignac.

Les faits, tels qu'ils ont été présentés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

A.Circonstances particulières de l'affaire

Le 27 mars 1993, le requérant épousa Mme G. et une fille, Tamara, naquit de cette union le 11 octobre 1993.

Procédures civiles

a) procédure de divorce

Le 9 janvier 1996, Mme G. déposa une demande en divorce. Le juge aux affaires familiales de Bordeaux rendit une ordonnance de non-conciliation le 20 mars 1996, accordant l'autorité parentale conjointe aux deux parents et fixant la résidence habituelle de l'enfant chez la mère. Le requérant se vit également accorder un droit de visite et d'hébergement les premier, troisième et cinquième week-ends de chaque mois, ainsi que la moitié des vacances scolaires, et la pension alimentaire fut réservée compte tenu de ses faibles ressources. Par ailleurs, l'ordonnance autorisa Mme G. à ne pas donner son adresse personnelle à titre provisoire et interdit la sortie de Tamara du territoire métropolitain.

Enfin, le juge ordonna une expertise psychologique de l'enfant avec entretien avec les parents. L'expert déposa son rapport le 3 juillet 1996.

Par arrêt du 26 mars 1997, la cour d'appel de Bordeaux confirma pour l'essentiel l'ordonnance, en levant l'interdiction de sortie du territoire. La cour autorisa par ailleurs Mme G. à ne pas communiquer son adresse.

Le 29 mars 1996, Mme G. signifia l'ordonnance de non-conciliation au requérant et, par le même acte, l'assigna en divorce.

Par jugement du 5 février 1997, le tribunal de grande instance de Bordeaux prononça le divorce aux torts du requérant et confirma les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation pour le surplus.

Le requérant a fait appel de ce jugement. L'audience de plaidoiries devant la cour d'appel de Bordeaux a été fixée au 24 janvier 1999.

b) procédures relatives à l'enfant

Le 4 juin 1997, Mme G. saisit le juge aux affaires familiales de Libourne d'une demande en référé en vue de l'obtention de l'autorité parentale exclusive et de la suspension du droit d'hébergement du requérant, avec droit de visite organisé au Point Rencontre de Libourne. Elle faisait valoir que, depuis le 24 février 1997, le requérant avait cessé de se soumettre aux dispositions du jugement de divorce et que, notamment, il n'avait pas ramené l'enfant à l'école de Lussac, où elle était inscrite, mais l'avait scolarisée, de son propre chef, à l'école de Mérignac.

Par ordonnance du 2 septembre 1997, le juge ordonna un examen psychologique des deux parents, ainsi qu'une enquête sociale et, dans l'attente du dépôt des rapports, suspendit le droit d'hébergement du requérant, en lui accordant un droit de visite.

Le juge motiva ainsi son ordonnance :

"Les pièces versées aux débats démontrent le caractère particulièrement conflictuel des relations parentales, puisque M. Bitri a été condamné par le tribunal correctionnel de céans le 1er avril 1997 pour avoir soustrait sa fille Tamara (...) des mains de sa mère titulaire de l'autorité parentale. De même, il n'est pas contesté que Mme G. a elle-même fait l'objet d'une condamnation pour non représentation d'enfant par le tribunal correctionnel de céans en date du 22 juillet 1997.

Il résulte notamment d'une attestation émanant de M. J., responsable des affaires scolaires à Mérignac, qu'à plusieurs reprises et notamment le 24 février 1997 puis le 17 mars 1997, M. Bitri n'a pas ramené l'enfant à l'école de Lussac où elle est régulièrement scolarisée, mais a pris la décision unilatérale, sans en avertir la mère, de l'inscrire et de l'amener dans un autre établissement scolaire à Mérignac (...)

Les volumineuses pièces de procédure et lettre déposée par M. Bitri (...) révèlent que celui-ci saisit sans désemparer de nombreuses autorités judiciaires d'un nombre considérable de plaintes (...)

L'expertise psychologique diligentée dans le cadre de la procédure de divorce et concernant la seule enfant Tamara (le psychologue s'étant simplement entretenu avec les parents) laisse apparaître que M. Bitri souffre profondément de ce que son enfant ne vive pas avec ses parents réunis et reproche à la mère de le faire souffrir ainsi que Tamara. Si l'enfant, à la date de l'examen, présentait une personnalité parfaitement équilibrée, ne semblant pas trop souffrir des dissensions familiales, l'expert note toutefois que la fillette risque de devenir de plus en plus l'enjeu des conflits entre les deux parents dont la relation complexe ne manquera pas, à terme, sans un effort respectif de chacun, de nuire à son bon développement psychique.

Il est clair que M. Bitri éprouve de très grandes difficultés à supporter la rupture du lien matrimonial et qu'il reporte sur sa fille d'une manière très exclusive tout l'amour dont il pense qu'elle est privée du fait du divorce. Quelque légitime et sincère que soit l'amour que porte M. Bitri à sa petite fille, les multiples procédures qu'il diligente attrayant son épouse dans différentes instances, l'instabilité dont il fait preuve dans l'exercice de son droit d'hébergement en remettant l'enfant unilatéralement dans des établissements scolaires où elle n'est pas inscrite, compromettent gravement l'équilibre de Tamara qui ne doit en aucun cas être prise en otage par les multiples conflits provoqués par son père.

Dans ces conditions, il paraît urgent d'ordonner un examen psychologique des deux parents (...) notamment pour aider le père à accepter le divorce dans le souci de préserver avant tout l'équilibre de l'enfant. De même pour satisfaire aux demandes de M. Bitri, qui dans ses nombreuses lettres s'inquiète de l'immaturité de la mère et soutient qu'elle ne serait pas en mesure d'élever correctement l'enfant, il y a lieu d'ordonner une enquête sociale qui permettra au juge d'apprécier les conditions de vie respectives et les capacités éducatives concrètes quotidiennes de chacun des parents.

Dans l'attente du dépôt de ces deux rapports, provisoirement et afin d'éviter que le père recommence à ramener sa fille dans des établissements scolaires où elle n'est pas inscrite, le droit d'hébergement de M. Bitri doit être suspendu, son droit de visite s'exerçant les 1er et 3ème samedis de chaque mois de 14 heures à 15 heures 30 au Point Rencontre de Libourne, à charge pour la mère d'amener et de ramener Tamara en ce lieu."

Le juge rejeta par ailleurs la demande d'autorité parentale exclusive de Mme G., en relevant :

"Les conflits aigus qui opposent le père à la mère ne sauraient à eux seuls justifier que l'exercice de cette prérogative soit retirée au père, alors que l'amour de celui-ci pour sa fille est indéniable et que Tamara est de son côté profondément attachée de manière égale à chacun de ses deux parents. L'intérêt de Tamara commande que l'exercice de l'autorité parentale soit partagée par ses deux parents, tous deux devant impérativement prendre conscience de la nécessité urgente qu'il y a désormais à dépasser les déceptions et les rancoeurs liées au divorce afin de construire d'une manière équilibrée la personnalité de Tamara."

Le 16 juin 1997, le requérant demanda au juge aux affaires familiales de Bordeaux le transfert à son domicile de la résidence de Tamara. Par ordonnance du 13 octobre 1997, le juge se déclara incompétent, à la fois territorialement et en raison de la saisine de la cour d'appel, juridiction supérieure.

Le requérant saisit le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux d'une demande de transfert de la résidence de l'enfant à son domicile, de fixation d'une pension alimentaire à la charge de la mère et d'organisation d'un droit de visite pour elle. Mme G. demanda reconventionnellement la suspension du droit de visite du requérant, ainsi qu'un examen médico-psychologique des deux parents et une enquête sociale.

Par ordonnance du 22 octobre 1997, le conseiller de la mise en état releva qu'aucun des deux parents ne prouvait que l'intérêt de l'enfant justifiait leurs demandes respectives. Il les renvoya à respecter provisoirement les mesures accessoires prononcées par le premier juge, en attendant la décision au fond de la cour d'appel.

Le 9 février 1998, le requérant saisit le président du tribunal de grande instance de Bordeaux qui, le 12 février suivant, se déclara incompétent.

c) autres procédures

 Le 13 février 1997, le requérant demanda au tribunal d'instance de condamner Mme G. à lui verser des dommages-intérêts pour non-représentation de l'enfant lors de l'exercice de son droit de visite et d'hébergement.

Par jugement du 2 avril 1997, le tribunal, après avoir relevé, d'une part, que la décision applicable à ce moment était le jugement de divorce du 5 février 1997 et, d'autre part, que le requérant avait déposé de nombreuses plaintes classées sans suite, le débouta de ses demandes, dans les termes suivants :

"Il apparaît en définitive que rien ne permet d'établir en l'état une quelconque faute de Mme G. alors même qu'en cas de poursuites pénales à l'encontre de cette dernière, il appartenait à M. Bitri de solliciter des dommages et intérêts dans le cadre de cette poursuite et qu'en toute hypothèse la saisine d'une juridiction pénale interdirait à M. Bitri de former une demande concomitante devant une juridiction civile (...)"

Le 12 novembre 1997, le juge des enfants de Bordeaux ordonna le classement d'une procédure d'assistance éducative précédemment ouverte, au motif qu'en l'état Tamara n'était pas en danger et qu'il n'y avait pas lieu en l'état à intervention au titre de l'assistance éducative.

d) Enfin, interrogé par le directeur de l'école de Lussac, le procureur de la République de Libourne lui adressa le 20 novembre 1997 une télécopie ainsi rédigée :

"En confirmation de notre entretien téléphonique de ce jour, j'ai l'honneur de vous indiquer qu'actuellement et en particulier aujourd'hui, doit s'appliquer l'ordonnance de Mme le juge aux affaires familiales de Libourne rendue début septembre 1997, ordonnance je vous le rappelle qui supprimait tous droits de visite à M. Bitri.

En ce qui concerne l'arrêt rendu le 22 octobre 1997 par la cour d'appel de Bordeaux, arrêt confirmant le jugement de divorce prononcé par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 5 février 1997 (sic) et accordant des droits de visite à M. Bitri, cet arrêt n'est pas à ce jour exécutoire, il ne le sera que lorsqu'il aura été valablement signifié à la mère de l'enfant et ce, par exploit d'huissier.

Il appartient à M. Bitri de faire procéder à cette diligence."

Procédure pénales

a) contre le requérant

Mme G. porta plainte contre le requérant pour soustraction d'enfant mineur par ascendant légitime (article 227-7 du Code pénal). Le requérant fut placé en garde à vue du 26 février 1997 à 19 h 30 au 27 février 1997 à 14 h 30.

Le 1er avril 1997, le tribunal correctionnel de Libourne le condamna à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve avec obligation de soins (suivi psychiatrique) pendant une durée de trente-six mois. Le tribunal motiva ainsi sa décision :

"Attendu que les faits reprochés à M. Bitri s'inscrivent dans un contexte relationnel très conflictuel, qui témoigne de l'incapacité des deux parents à communiquer dans l'intérêt de leur petite fille ;

Attendu que, pour autant que l'exercice du droit de visite du père se soit déroulé, semble-t-il, avec quelques difficultés dans le courant de l'année 1996, le père a aujourd'hui la possibilité de voir son enfant très régulièrement, en vertu du jugement de divorce rendu le 5 février 1997 (...) ;

Que, dans ce contexte, la décision prise unilatéralement par M. Bitri de changer son enfant d'école, décision qui l'a poussé sous l'effet de la colère à soustraire sa fille à l'autorité parentale de la mère le 26 février 1997, caractérise une volonté délibérée d'affirmer son autorité par la violence et non par le dialogue, le juge aux affaires familiales pouvant toujours être saisi, même après le divorce, de toute question relative à l'exercice de l'autorité parentale ;

Qu'une telle attitude est radicalement contraire à l'équilibre et à l'épanouissement de sa petite fille, alors même que le juge du divorce a pris soin de ménager tous les droits du père de la même façon que ceux de la mère, afin de préserver la cohésion familiale (...)"

Par ailleurs, le tribunal correctionnel condamna le requérant à verser à Mme G., qui s'était constituée partie civile, la somme de 2 000 F à titre de dommages-intérêts.

Il ressort du dossier que, le 5 mars 1998, la cour d'appel de Bordeaux a confirmé ce jugement et que le requérant a formé un pourvoi en cassation, en demandant la recevabilité immédiate du pourvoi.

b) contre Mme G.

Par jugement du 22 juillet 1997, le tribunal correctionnel de Libourne reconnut Mme G. coupable de non-représentation d'enfant les 2 et 25 mai 1997 et la condamna à deux mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant dix-huit mois. Elle ne fit pas appel.

c) Par ailleurs, le requérant a déposé de très nombreuses plaintes notamment contre Mme G., des avocats, des magistrats du siège ou du parquet. Ces plaintes ont, soit été classées sans suite par le procureur de la République, soit donné lieu à des ordonnances de refus d'informer.

Contacts avec le Secrétariat de la Commission

Le 30 octobre 1997, le requérant s'est rendu dans les locaux du Secrétariat de la Commission, où il a déposé un dossier composé de nombreux documents, mais sans lettre ni requête.

 Le 3 novembre 1997, le Secrétariat lui a adressé le texte de la Convention, en lui demandant de fournir les renseignements énumérés dans la notice explicative jointe, et en attirant son attention sur la nécessité de poursuivre la procédure dans les meilleurs délais, au regard des exigences de l'article 26 de la Convention.

Par lettre datée du 4 mars 1998, parvenue au Secrétariat le 18 mars 1998, le requérant a articulé ses griefs à l'encontre des autorités françaises en indiquant qu'il saisissait la Commission d'une requête.

B.Eléments de droit interne

Code civil

Article 247

"Le tribunal de grande instance statuant en matière civile est seul compétent pour se prononcer sur le divorce et ses conséquences.

Un juge de ce tribunal est délégué aux affaires familiales. Il est plus spécialement chargé de veiller à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs.

Ce juge a compétence pour prononcer le divorce, quelle qu'en soit la cause. Il peut renvoyer l'affaire en l'état à une audience collégiale. Ce renvoi est de droit à la demande d'une partie.

Il est également seul compétent, après le prononcé du divorce, pour statuer sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale et sur la modification de la pension alimentaire, ainsi que pour décider de confier les enfants à un tiers. Il statue alors sans formalité et peut être saisi par les parties intéressées sur simple requête."

Article 256

"S'il y a des enfants mineurs, le juge se prononce sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale. Il peut également décider de les confier à un tiers. Il se prononce également sur le droit de visite et d'hébergement et fixe la contribution due pour leur entretien et leur éducation par le parent chez lequel les enfants ne résident pas habituellement ou qui n'exerce pas l'autorité parentale."

GRIEFS

1.Le requérant allègue tout d'abord la violation de "l'esprit de patrimoine commun de prééminence du droit" mentionné dans le Préambule de la Convention.

2.Il estime être victime de traitements inhumains et dégradants, au motif que des infractions pénales très nombreuses sont commises à son égard et que les forces de l'ordre  ne font jamais respecter ses droits. Il invoque en substance l'article 3 de la Convention.

3.Il considère qu'il n'a jamais été entendu équitablement par les tribunaux, et que les décisions rendues étaient "à sens unique". Il expose que se défendre lui-même est devenu impossible et fait valoir qu'il n'a jamais commis d'infractions sur la personne de son enfant, ce que des témoins peuvent facilement confirmer. Il invoque en substance l'article 6 par. 1 de la Convention.

4.Se plaignant d'être discriminé par les décisions de justice, il allègue en substance la violation de l'article 14 de la Convention.

5.Invoquant en substance l'article 8 de la Convention, il considère que ses droits envers son enfant sont totalement bafoués. Il se réfère notamment à la télécopie envoyée par le procureur de la République le 20 novembre 1997.

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

La requête a été enregistrée le 20 mai 1998.

Les 29 mai et 2 juin 1998, le requérant a demandé que la Commission applique l'article 36 de son Règlement intérieur et indique au Gouvernement français, à titre de mesure provisoire, le transfert à son domicile de la résidence principale de son enfant.

Le 10 juin 1998, le Président de la Commission a décidé de ne pas appliquer l'article 36 du Règlement intérieur.

EN DROIT

1.La Commission estime nécessaire d'examiner en premier lieu la question de la date d'introduction de la requête.

Le requérant demande que cette date soit fixée au 21 novembre 1997, date à laquelle il n'avait "aucune possibilité offerte par la loi de communiquer, contacter et prendre soin de (son) enfant".

Selon sa pratique établie, la Commission considère que la date de l'introduction d'une requête est celle de la première communication par laquelle le requérant formule, ne serait-ce que sommairement, les griefs qu'il entend soulever. Ainsi qu'elle l'a déjà relevé, "il serait contraire à l'esprit et au but poursuivi par la règle des six mois édictée à l'article 26 de la Convention que, par une communication initiale quelconque, un requérant soit en mesure de mettre en mouvement la procédure prévue à l'article 25 de la Convention pour ensuite demeurer inactif sans explication (...)" (cf. N° 12158/86, déc. 7.12.87, D.R. 54, pp. 178, 181).

La Commission examinera donc les circonstances particulières de la présente affaire pour décider de la date à considérer comme date d'introduction de la requête.

Elle note à cet égard que si le requérant est venu, le 30 octobre 1997, déposer des documents auprès du Secrétariat, lesdits documents n'étaient accompagnés d'aucune lettre ni requête formulant, même de façon succincte, ses griefs. Ce n'est que par lettre datée du 4 mars 1998, parvenue le 18 mars 1998, que le requérant a exposé ses griefs à l'égard des autorités françaises et indiqué qu'il voulait saisir la Commission d'une requête.

Ces circonstances conduisent la Commission à fixer la date d'introduction de la requête au 4 mars 1998.

2.Le requérant allègue tout d'abord la violation de "l'esprit de patrimoine commun de prééminence du droit" mentionné dans le Préambule de la Convention.

 La Commission observe toutefois que le Préambule lui-même ne contient aucune disposition normative créant des droits au profit des particuliers et dont le requérant serait susceptible de se prévaloir à l'encontre des autorités françaises.

Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé, au sens de l'article 27 par. 2 de la Convention.

3.Le requérant estime être victime de traitements inhumains et dégradants, au motif que des infractions pénales très nombreuses sont commises à son égard et que les forces de l'ordre  ne font jamais respecter ses droits. Il invoque en substance l'article 3 de la Convention.

Cet article dispose :

"Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants."

Telle qu'interprétée par les organes de la Convention, la notion de traitements inhumains et dégradants au sens de la Convention doit correspondre à un seuil minimum de gravité pour tomber sous le coup de l'article 3. L'appréciation de ce minimum est relative par essence et dépend de l'ensemble des données de la cause (cf. Cour eur. D.H., affaire Irlande c. Royaume-Uni, arrêt du 18 janvier 1978, série A n° 25, p. 65, par. 162).

Quelque pénible que soit la situation du requérant, la Commission estime qu'elle n'atteint pas le seuil de gravité mentionné ci-dessus.

Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé, au sens de l'article 27 par. 2 de la Convention.

4.Le requérant considère qu'il n'a jamais été entendu équitablement par les tribunaux, et que les décisions rendues étaient "à sens unique". Il invoque en substance l'article 6 par. 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent ainsi :

"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)"

La Commission rappelle que l'équité d'une procédure doit s'envisager globalement et observe que la cour d'appel de Bordeaux est actuellement saisie de l'appel formé par le requérant contre le jugement du 5 février 1997.

Il s'ensuit que ce grief est prématuré et que cet aspect de la requête est, en l'état, manifestement mal fondé, au sens de l'article 27 par. 2 de la Convention.

5. Se plaignant d'être discriminé par les décisions de justice, le requérant allègue en substance la violation de l'article 14 de la Convention, qui est ainsi libellé :

"La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation."

La Commission examinera ce grief sous l'angle des articles 8 et 14 combinés de la Convention. Elle observe que le requérant, français d'origine albanaise, fait référence dans ses écrits à la xénophobie dont il fait l'objet.

Toutefois, à supposer même que le requérant ait épuisé les voies de recours internes sur ce point, la Commission considère que les documents en sa possession ne lui permettent pas d'arriver à la conclusion que le requérant aurait fait l'objet d'une différence de traitement injustifiée fondée sur sa nationalité d'origine.

Il s'ensuit qu'en tout état de cause, cette partie de la requête est manifestement mal fondée, au sens de l'article 27 par. 2 de la Convention.

6.Invoquant en substance l'article 8 de la Convention, il considère que ses droits envers son enfant sont totalement bafoués.

L'article 8 de la Convention est ainsi rédigé :

"1.Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2.Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui."

Le requérant fait valoir qu'il n'a plus de contact avec son enfant depuis fin 1997. Par ailleurs, il  se plaint essentiellement de ce que la résidence habituelle de l'enfant a été fixée chez Mme G., alors qu'il s'estime mieux à même de s'occuper de Tamara.

a)S'agissant des mesures provisoires actuellement applicables, la Commission observe, en premier lieu, qu'aux termes des ordonnances du juge aux affaires familiales du 2 septembre 1997 et du conseiller de la mise en état du 22 octobre 1997, le requérant bénéficie d'un droit de visite deux samedis par mois dans le cadre du Point Rencontre de Libourne. Le fait que la télécopie du procureur de la République mentionne par erreur la suppression de tout droit de visite n'a pas d'incidence sur l'étendue des droits du requérant.

 La Commission est d'avis que le fait de suspendre le droit d'hébergement du requérant et de restreindre son droit de visite à deux après-midis par mois dans les locaux d'une association constitue une ingérence dans son droit au respect de sa vie familiale avec sa fille.

Cette ingérence est prévue par la loi (article 256 du Code civile), et vise un but légitime, à savoir l'intérêt de l'enfant, au sens de l'article 8 par. 2 de la Convention, ainsi qu'il ressort de l'ordonnance du 2 septembre 1997.

La Commission doit établir si cette mesure peut être qualifiée de "nécessaire dans une société démocratique", au sens de l'article 8  par. 2 précité. Elle observe que le juge s'est fondé sur les motifs suivants :

"les multiples procédures (que le requérant) diligente, attrayant son épouse dans différentes instances, l'instabilité dont il fait preuve dans l'exercice de son droit d'hébergement en remettant l'enfant unilatéralement dans des établissements scolaires où elle n'est pas inscrite, compromettent gravement l'équilibre de Tamara qui ne doit en aucun cas être prise en otage par les multiples conflits provoqués par son père."

La Commission rappelle que les autorités nationales compétentes sont en principe mieux placées que les organes de la Convention pour évaluer les éléments dont elles disposent (cf. notamment Cour eur. D.H., arrêt Olsson c. Suède (n° 2) du 27 novembre 1992, série A n° 250, pp. 35-36, par. 90 ; arrêt Hokkanen c. Finlande du  23 septembre 1994, série A n° 299, p. 24, par. 64).

La Commission estime qu'en l'espèce les autorités françaises ont tenu compte de raisons pertinentes et suffisantes aux fins de l'article 8 par. 2 de la Convention et n'ont pas excédé leur marge d'appréciation, au regard notamment du fait qu'il s'agit de mesures provisoires.

Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée, au sens de l'article 27 par. 2 de la Convention.

b)S'agissant des conséquences du divorce, la Commission observe que le requérant a fait appel du jugement de divorce et que l'arrêt que la cour d'appel est appelée à rendre statuera non seulement sur le principe dudit divorce, mais également sur ses conséquences en matière d'autorité parentale, de résidence habituelle ainsi que de droit de visite et d'hébergement.

Il s'ensuit que, sur ce point, le requérant n'a pas encore épuisé les voies de recours internes et que ce grief doit être rejeté en application des articles 26 et 27 par. 3 de la Convention.

Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

       M.-T. SCHOEPFER                                J.-C. GEUS

          Secrétaire                                                 Président

    de la Deuxième Chambre                    de la Deuxième Chambre

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