CEDH, Cour (chambre), AFFAIRE OLSSON c. SUÈDE (N° 2), 27 novembre 1992, 13441/87

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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CEDH · 27 novembre 1992

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Chambre), 27 nov. 1992, n° 13441/87
Numéro(s) : 13441/87
Publication : A250
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Eriksson c. Suède du 22 juin 1989, série A no 156, p. 24, par. 58, p. 25, par. 65, p. 29, paras. 80-81
Arrêt Margareta et Roger Andersson c. Suède du 22 février 1992, série A no 226-A, pp. 27-28, par. 82
Arrêt Olsson I c. Suède du 24 mars 1988, série A no 130, pp. 25-26, par. 49, p. 28, par. 56, p. 32, par. 68, p. 29, par. 57, p. 38, par. 84, p. 43, par. 104
Arrêt Powell et Rayner c. Royaume-Uni du 21 février 1990, série A no 172, p. 18, par. 41
Arrêt Rieme c. Suède du 22 avril 1992, série A no 226-B, p. 71, par. 69
Arrêt Skärby c. Suède du 28 juin 1990, série A no 180-B, p. 36, par. 27
Arrêt X c. France du 31 mars 1992, série A no 236, pp. 89-90, par. 32
Organisation mentionnée :
  • Comité des Ministres
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Oui
Conclusions : Incompétence ; Non-violation de l'Art. 6-1 ; Non-violation de l'Art. 8 ; Violation de l'Art. 8 ; Violation de l'Art. 6-1 (accès) ; Aucune question distincte au regard de l'Art. 53 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure nationale ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention
Identifiant HUDOC : 001-62345
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1992:1127JUD001344187
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Sur les parties

Texte intégral

       En l'affaire Olsson c. Suède (n° 2)*,

       La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée,

conformément à l'article 43 (art. 43) de la Convention de

sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales

("la Convention")** et aux clauses pertinentes de son règlement,

en une chambre composée des juges dont le nom suit:

       MM.   R. Ryssdal, président,

             F. Matscher,

             L.-E. Pettiti,

             B. Walsh,

             C. Russo,

             S.K. Martens,

       Mme   E. Palm,

       MM.   A.N. Loizou,

             A.B. Baka,

ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier

adjoint,

       Après en avoir délibéré en chambre du conseil les

24 avril et 30 octobre 1992,

       Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date:

_______________

Notes du greffier

* L'affaire porte le n° 74/1991/326/398.  Les deux premiers

chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les

deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour

depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la

Commission) correspondantes.

** Tel que l'a modifié l'article 11 du protocole n° 8 (P8-11),

entré en vigueur le 1er janvier 1990.

_______________

PROCEDURE

1.     L'affaire a été déférée à la Cour par le gouvernement

suédois ("le Gouvernement") le 20 août 1991, dans le délai de

trois mois qu'ouvrent les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1,

art. 47) de la Convention.  A son origine se trouve une requête

(n° 13441/87) dirigée contre le Royaume de Suède et dont deux

ressortissants de cet Etat, M. Stig et Mme Gun Olsson, avaient

saisi la Commission européenne des Droits de l'Homme ("la

Commission") le 23 octobre 1987 en vertu de l'article 25

(art. 25).

       La requête du Gouvernement a pour objet d'obtenir une

décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent

un manquement de l'Etat défendeur aux exigences de l'article 8

(art. 8).

2.     En réponse à l'invitation prévue à l'article 33 par. 3 d)

du règlement, les requérants ont manifesté le désir de participer

à l'instance et ont désigné leur conseil (article 30).

3.     La chambre à constituer comprenait de plein droit

Mme E. Palm, juge élu de nationalité suédoise (article 43 de la

Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour

(article 21 par. 3 b) du règlement).  Le 28 septembre 1991,

celui-ci a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir

MM. F. Matscher, L.-E. Pettiti, B. Walsh, C. Russo, S.K. Martens,

A.N. Loizou et A.B. Baka, en présence du greffier (articles 43

in fine de la Convention et 21 par. 4 du règlement) (art. 43).

4.     Ayant assumé la présidence de la chambre (article 21

par. 5 du règlement), M. Ryssdal a consulté par l'intermédiaire

du greffier l'agent du Gouvernement, le délégué de la Commission

et la représentante des requérants au sujet de l'organisation de

la procédure (articles 37 par. 1 et 38).

       Conformément aux ordonnances rendues en conséquence, le

greffier a reçu les mémoires respectifs des requérants et du

Gouvernement les 23 janvier et 6 février 1992.  Le 6 avril, le

secrétaire de la Commission l'a informé que le délégué

s'exprimerait à l'audience.

       Les 7 et 27 avril, la Commission a fourni plusieurs

documents sollicités par le greffier sur les instructions du

président, y compris certains de ceux dont les requérants avaient

réclamé la production.

5.     Ces derniers et le Gouvernement ont déposé une série de

pièces à diverses dates allant du 3 février au 15 avril 1992.

6.     Ainsi qu'en avait décidé le président, les débats se sont

déroulés le 22 avril 1992, au Palais des Droits de l'Homme à

Strasbourg.  La Cour avait tenu auparavant une réunion

préparatoire.

       Ont comparu:

- pour le Gouvernement

  M.  C.H. Ehrenkrona, conseiller juridique,

      ministère des Affaires étrangères,                  agent,

  Mme I. Stenkula, conseiller juridique,

      ministère de la Santé et des Affaires sociales,

  Mme B. Larson, ancien directeur régional,

      service social de Göteborg,                    conseillers;

- pour la Commission

  M. Gaukur Jörundsson,                                délégué;

- pour les requérants

  Mme S. Westerberg, juriste,                       conseil,

  Mme B. Hellwig,                                   conseiller.

       La Cour a entendu M. Ehrenkrona pour le Gouvernement,

M. Gaukur Jörundsson pour la Commission et Mme Westerberg pour

les requérants, ainsi que des réponses à ses questions et à

celles du président.

EN FAIT

I.     LES CIRCONSTANCES DE L'ESPECE

     A. Introduction

7.     M. Stig et Mme Gun Olsson, mari et femme de nationalité

suédoise, habitent dans leur pays à Angered, près de Göteborg.

Trois enfants sont nés de leur union en juin 1971, décembre 1976

et janvier 1979: Stefan, Helena et Thomas.

8.     Relatif pour l'essentiel à Helena et Thomas, le présent

litige est une séquelle de l'affaire sur laquelle la Cour a

statué par un arrêt du 24 mars 1988 (série A n° 130, "Olsson I").

Elle concernait la période du 16 septembre 1980 - date de la

prise en charge des trois enfants par l'assistance publique - au

18 juin 1987 - date de la levée de la mesure pour Helena et

Thomas (paragraphe 10 ci-dessous).  La question principale

consistait à savoir si la décision de prise en charge, ses

modalités de mise en oeuvre et les refus de la rapporter avaient

violé l'article 8 (art. 8) de la Convention.  Dans le contexte

actuel, il importe de noter comment la Cour la trancha: d'après

elle, "la mise en oeuvre de la décision de prise en charge, mais

non cette décision en soi ni son maintien en vigueur, a[vait]

enfreint l'article 8 (art. 8)" (Olsson I, p. 38, par. 84).

       Pour l'arrière-plan du nouveau différend, la Cour renvoie

en premier lieu à la partie I d'Olsson I (pp. 9-19, paras. 8-32).

     B. Procédures relatives aux demandes des requérants en

     mainlevée de la prise en charge

9.     Le Conseil social de district n° 6 de Göteborg ("le

Conseil") repoussa, le 1er juin 1982, une première demande des

requérants en mainlevée de la prise en charge.  Sa décision fut

confirmée le 17 novembre par le tribunal administratif

départemental (länsrätten), puis le 28 décembre par la cour

administrative d'appel (kammarrätten).  Les intéressés

sollicitèrent en vain l'autorisation de se pourvoir devant la

Cour administrative suprême (regeringsrätten).

       A l'automne 1983, ils introduisirent une deuxième demande

que, d'après le Gouvernement, le Conseil rejeta le

6 décembre 1983.  Ils semblent n'avoir exercé aucun recours.

10.    Une troisième demande, formée apparemment le

16 août 1984, fut écartée par le Conseil le 30 octobre pour

Helena et Thomas puis, après de plus amples investigations, le

17 septembre 1985 pour Stefan.  Les 3 octobre 1985 et

3 février 1986 respectivement, le tribunal administratif

départemental débouta les parents de leur appel après avoir reçu,

les 22 et 30 août 1985, des rapports d'expertise des

médecins-chefs Per H. Jonsson et George Finney ainsi que du

psychologue Göran Löthman et après avoir tenu, le

20 septembre 1985, une audience dans la première affaire.

       Saisie alors par les requérants, la cour administrative

d'appel joignit les deux affaires.  Le 12 février 1986, elle

résolut de consulter la préfecture (länsstyrelsen) qui déposa son

avis le 15 avril.  Des débats, fixés d'abord au 21 août 1986,

eurent lieu en définitive le 4 février 1987.  Après y avoir

entendu M. et Mme Olsson, la Cour statua le 16 février 1987: elle

prononça la levée de la prise en charge de Stefan, mais non de

ses frère et soeur.

       Sur pourvoi des parents, la Cour administrative suprême

ordonna, le 18 juin 1987, la levée de la prise en charge d'Helena

et de Thomas, aucune raison d'une gravité suffisante n'en

justifiant le maintien.

     C. Interdiction de retrait et procédures y relatives

       1. Décision d'interdire le retrait et refus d'en

suspendre la mise en oeuvre

11.    Dans son arrêt précité, la Cour administrative suprême

souligna que pour décider de pareille levée, en vertu de

l'article 5 de la loi de 1980 (arrêt Olsson I précité, pp. 25-26,

par. 49), il fallait déterminer si la prise en charge restait

nécessaire.  Les problèmes liés au départ d'un enfant de son

foyer d'accueil, à ses éventuelles répercussions négatives pour

lui et son retour chez ses parents par le sang appelaient un

examen non pas sous l'angle de l'article 5 mais dans le cadre

d'une procédure distincte: une enquête au titre de

l'article 28 de la loi de 1980 sur les services sociaux

(socialtjänstlagen 1980:620; paragraphe 57 ci-dessous).

12.    Le 23 juin 1987, le Conseil, sur la base dudit

article 28, défendit aux requérants de retirer Helena et Thomas

de leurs foyers d'accueil respectifs.  Il se référait notamment

aux rapports des médecins-chefs Jonsson et Finney (paragraphe 10

ci-dessus).  Le second relevait que Thomas n'était plus

dépressif, mais continuait à présenter des symptômes d'une

enfance troublée: il accusait du retard dans son développement

et les situations inhabituelles lui inspiraient de l'angoisse.

       L'interdiction tenait aussi compte de certaines autres

circonstances.  Depuis longtemps, les enfants ne vivaient pas

sous la garde de leurs parents; ils n'avaient que de très rares

contacts avec eux et avaient fini par s'attacher à leurs familles

d'accueil et à leurs environnements respectifs.  En outre, Thomas

donnait des signes d'une plus grande stabilité, Helena avait

exprimé le voeu de ne pas être transférée et le retour de Stefan

avait placé M. et Mme Olsson devant des contraintes accrues.  Il

y avait donc un risque, non négligeable, de voir la santé

physique et mentale d'Helena et Thomas se détériorer si on les

arrachait à leurs foyers d'accueil.

13.    Le 25 juin 1987, le tribunal administratif départemental

rejeta une demande des requérants en suspension (inhibition) de

cette mesure.  La cour administrative d'appel confirma le

jugement le 2 juillet 1987; le 17 août, la Cour administrative

suprême refusa aux parents l'autorisation de la saisir.

       2. Première série de procédures dirigées contre

l'interdiction de retrait

14.    Dans l'intervalle, M. et Mme Olsson avaient attaqué

l'interdiction de retrait, peu après son prononcé, devant le

tribunal administratif départemental qui consulta les

médecins-chefs Jonsson et Finney.  Dans leurs rapports, datés des

14 juillet et 3 septembre 1987, ils formulèrent l'opinion que la

mesure incriminée correspondait à l'intérêt d'Helena et Thomas,

pour les raisons suivantes:

a)     Helena avait témoigné de l'anxiété à l'idée d'être forcée

       de réintégrer le domicile de ses parents biologiques.

       Ainsi, après avoir su la levée de la prise en charge,

       elle s'était cachée pendant deux jours; en outre, elle

       avait échafaudé avec Thomas des plans d'évasion pour

       l'éventualité d'un renvoi.  Tandis qu'elle se sentait en

       sécurité auprès de ses parents nourriciers et de ses

       amis, elle se montrait extrêmement incertaine, critique

       et hésitante au sujet de ses parents par le sang.  Sans

       doute avaient-ils réclamé son retour, mais selon elle ils

       n'avaient pas manifesté la volonté de bâtir une relation

       avec elle, ce qui la perturbait.  La soustraire à son

       foyer d'accueil contre son gré risquait fort de nuire à

       son moral, ainsi qu'à sa santé physique si, de désespoir,

       elle réalisait son projet de s'enfuir de chez les

       requérants.

b)     Thomas avait connu des troubles infantiles; il s'agissait

       d'un enfant retardé.  C'est surtout sur le plan

       émotionnel qu'il souffrait d'un handicap; très dépendant

       de sa mère nourricière, il traversait une phase délicate

       de son évolution.  Un retrait aurait des effets

       désastreux sur son développement mental, aussi bien du

       point de vue affectif que sur le plan intellectuel.

       De son côté, le psychologue Löthman déclara, dans un avis

soumis au tribunal le 3 septembre 1987, que Thomas avait intérêt

à rester dans son foyer d'accueil.  Il s'y était développé de

manière favorable, bien que demeurant psychologiquement

vulnérable et conservant de grands besoins affectifs.  Il

éprouvait à l'évidence pour sa famille d'accueil un attachement

authentique et profond; il avait exclu l'idée, qui lui inspirait

de la crainte et de l'anxiété, de rejoindre ses parents par le

sang.  Il comptait s'échapper si on lui imposait une telle

mesure.

       Tant le Conseil que le curateur ad litem, M. Åberg,

conclurent au rejet du recours.  Les requérants ne réclamèrent

pas de débats; le 3 novembre 1987, le tribunal les débouta sans

en avoir tenu.

15.    Les requérants attaquèrent le jugement devant la cour

administrative d'appel, l'invitant à lever l'interdiction de

retrait ou, en ordre subsidiaire, à décider qu'elle ne vaudrait

pas au-delà du 6 janvier 1988 au plus tard.  Là encore, ils ne

sollicitèrent pas d'audience.  Statuant le 30 décembre 1987 sur

la base du dossier, la cour écarta l'appel ainsi que l'y avaient

engagée le Conseil et le curateur ad litem.

16.    M. et Mme Olsson s'adressèrent alors à la Cour

administrative suprême, réitérant leur demande de mainlevée ou,

à défaut, de fixation d'une date limite, à savoir le

15 mars 1988.  Ils réclamèrent cette fois une audience.

       La haute juridiction leur accorda, le 4 février 1988,

l'autorisation de la saisir.  Le même jour, elle pria la

direction nationale de la Santé et de la Protection sociale

(socialstyrelsen, "la Direction") et le Conseil de présenter

leurs observations sur le litige, ce qu'ils firent les 22 et

23 mars 1988 respectivement.

       Les deux organes insistèrent sur la nécessité d'interdire

le retrait des enfants.  Le Conseil exprima l'intention d'essayer

d'obtenir le transfert de la garde aux parents nourriciers en cas

de rejet du recours.

       Pour sa part, la Direction souligna que vu la longue

durée du placement des enfants dans des foyers nourriciers et

leur peu de rapports avec les requérants, il fallait organiser

de nouveaux contacts dans des conditions propres à leur épargner

toute angoisse et à prendre en compte leur attachement à leurs

foyers d'accueil et leur sentiment de sécurité au sein de ceux-

ci.  Se référant à l'opinion précitée des psychiatres pour

enfants et du psychologue, elle formula en substance les mêmes

commentaires que ceux résumés plus haut (paragraphes 12 et 14).

A propos de Thomas, elle ajouta qu'un enfant de son caractère

aurait besoin de temps pour développer sa confiance dans les

adultes, mais que sa mère nourricière avait réussi à le doter

d'un environnement sécurisant.  Quant à Helena, elle avait

atteint une phase de puberté et d'émancipation dont le

déroulement normal pourrait se trouver perturbé si on la forçait

à quitter son foyer d'accueil.

       En outre, la relation entre parents par le sang et

enfants revêtait une importance cruciale pour la question du

retrait lorsque, comme en l'occurrence, ces derniers séjournaient

depuis longtemps dans des foyers d'accueil.  L'établissement de

bons rapports exigeait une collaboration entre les parents

biologiques d'un côté, les services sociaux et les parents

nourriciers de l'autre.  Or il ressortait du dossier que,

malheureusement pour les enfants, le conseil des requérants

n'avait pas favorisé une telle coopération.  Entre les enfants

et leurs parents n'avaient donc pu se nouer des liens qui eussent

permis aux premiers de retourner vivre chez les seconds sans

grand risque.  La Direction préconisait l'examen, par le Conseil,

de la possibilité d'un transfert de la garde aux parents

nourriciers.

17.    La Cour administrative suprême refusa de tenir audience

comme le souhaitaient les requérants.  Statuant sur le fond le

30 mai 1988, elle rejeta leur demande en mainlevée de

l'interdiction de retrait mais consentit à limiter au

30 juin 1989 la durée de validité de la mesure,  réformant sur

ce point la décision querellée.  Son arrêt comportait les motifs

suivants:

       "Pour appliquer l'article 28 (...) en l'espèce, il échet

       de peser, d'une part, le respect de la vie privée et

       familiale des époux Olsson et de leurs enfants, et

       notamment des droits parentaux des premiers tels que les

       définit le code parental, et, d'autre part, la nécessité

       de préserver la santé des seconds (voir le chapitre I,

       article 2, troisième paragraphe, de l''instrument de

       gouvernement' [regeringsformen] ainsi que les articles 1

       et 12 de la loi sur les services sociaux; ces textes

       permettent d'assurer la protection de la vie privée et

       familiale, au sens de l'article 8 (art. 8) de la

       Convention (...)) (...)

       (...) En cas de levée de la prise en charge en vertu de

       l'article 5 de la loi de 1980, le regroupement doit

       normalement se produire dès que possible; (...) il faut

       le préparer activement et avec diligence.  Il échet

       d'arrêter les dispositions adéquates aussitôt après la

       fin de la prise en charge, même si une interdiction a été

       prononcée au titre de l'article 28 (...).  Leur nature et

       leur ampleur, ainsi que le délai requis, dépendent des

       circonstances de la cause; au moins une visite des

       enfants au domicile de leurs parents, apprêtée avec soin

       et couronnée de succès, doit avoir eu lieu.  La nécessité

       d'une interdiction de retrait de nature plus permanente

       ne peut normalement s'apprécier qu'après la mise en

       oeuvre de mesures préparatoires appropriées, destinées à

       réunir enfants et parents une fois la prise en charge

       terminée.  Leur choix relève du Conseil.  Il incombe

       notamment à celui-ci de s'efforcer avec constance

       d'obtenir le concours actif des parents et de leur

       avocat, dans l'intérêt des enfants.  Le fait qu'ils

       marquent leur désaccord avec les mesures adoptées par le

       Conseil ou par ses agents, soit en les attaquant soit

       d'une autre manière, ne suffit pas à le dégager de sa

       responsabilité.  D'après l'article 68 de la loi sur les

       services sociaux, la préfecture doit l'assister par ses

       recommandations et veiller à ce qu'il s'acquitte

       correctement de ses tâches.

       Dans l'attente du début et de l'achèvement des

       préparatifs appropriés en vue du regroupement des parents

       et de leurs enfants, la question d'une interdiction de

       retrait moins durable, fondée sur l'article 28 (...),

       peut également surgir.  Il faut considérer pareille

       interdiction comme une mesure transitoire, valable tant

       que l'enfant ne peut être arraché à son foyer d'accueil

       sans courir les risques énoncés audit article.

       (...)

       L'absence de tout préparatif [de ce type] ressort de

       l'examen du dossier.  Le temps écoulé depuis que la Cour

       administrative suprême a levé la prise en charge semble

       avoir servi plutôt à des actions en justice.

       Pour étudier la nécessité d'une interdiction de retrait

       au titre de l'article 28 (...), on ne saurait donc ici

       tenir compte des effets de tels préparatifs.  Dès lors,

       la décision de la Cour administrative suprême doit porter

       sur le genre d'interdictions provisoires de retrait qui,

       conformément à ce qui précède, peuvent être imposées dans

       l'attente de préparatifs plus appropriés.

       Les éléments recueillis - surtout l'avis de la Direction

       et les attestations médicales qu'il cite - révèlent

       nettement la présence actuelle - nulle mesure

       préparatoire n'ayant encore été mise en oeuvre - d'un

       risque non négligeable pour la santé physique et mentale

       d'Helena et de Thomas si on les sépare de leurs foyers

       d'accueil.  Partant, il existe assez de raisons pour

       justifier une interdiction de retrait en vertu de

       l'article 28 (...)

       Au sujet de la durée de l'interdiction, la Cour

       administrative suprême a, dans un arrêt antérieur

       (Regeringsrättens Årsbok, RÅ 1984 2:78), déclaré

       notamment ce qui suit: si, dès le prononcé de

       l'interdiction, on peut estimer avec suffisamment de

       certitude que le risque aura disparu après un laps de

       temps déterminé - pendant lequel des mesures auront été

       prises ou auront pu produire leurs effets -

       l'interdiction ne peut valoir au-delà.  Elle doit, au

       contraire, rester en vigueur jusqu'à nouvel ordre si l'on

       ignore quand l'enfant pourra retourner chez ses parents

       sans courir un risque non négligeable; en pareil cas la

       question du retrait doit être réexaminée plus tard, quand

       l'on pourra mieux apprécier le danger de nuire à la santé

       de l'enfant.

       En l'espèce, l'application de cette règle conduirait à

       interdire le retrait jusqu'à nouvel ordre.  Toutefois,

       les circonstances de la cause diffèrent de celles de la

       précédente, car aucune mesure adéquate de préparation au

       regroupement n'a été prise, en raison du grave conflit

       opposant le Conseil aux parents et à leur représentante.

       De plus, il faut présumer en l'occurrence que seule la

       fixation d'un délai pourrait amener les parties, sans

       nouvelle action en justice, à coopérer à l'adoption de

       mesures préparatoires appropriées, dans l'intérêt des

       enfants.  Si, à l'expiration d'un certain délai, de tels

       préparatifs n'ont pas eu lieu ou ont abouti à des

       résultats inacceptables, le Conseil pourra soulever la

       question d'une interdiction prolongée, fondée sur la

       situation régnant à ce moment-là.

       Dès lors, la Cour administrative suprême estime que la

       mesure d'interdiction de retrait doit rester en vigueur

       jusqu'au 30 juin 1989.

       Dans son arrêt du 24 mars 1988, la Cour européenne des

       Droits de l'Homme a jugé que la Suède avait, sur un

       point, enfreint l'article 8 (art. 8) de la Convention.

       La violation concernait la mise en oeuvre de la décision

       de prise en charge, et notamment le fait que les enfants

       avaient été placés dans des foyers d'accueil trop

       éloignés de leurs parents.  Ici se trouve en jeu une

       autre question; elle consiste à savoir quand et à quelles

       conditions les enfants pourront être réunis à leurs

       parents, eu égard à la mainlevée de la prise en charge,

       prononcée par notre Cour le 18 juin 1987.  Une

       interdiction de retrait (...) ne se heurte donc pas à

       l'arrêt du 24 mars 1988."

       3. Demande de retrait des enfants, fondée sur le

chapitre 21 du code parental

18.    Le 10 août 1987, M. et Mme Olsson avaient réclamé le

retour d'Helena et de Thomas, en vertu de l'article 7 du

chapitre 21 du code parental (föräldrabalken; paragraphe 71 ci-

dessous).  Après avoir tenu audience le 1er mars 1988, le

tribunal administratif départemental de Gävleborg les avait

déboutés par deux jugements du 15, concluant à l'existence d'un

risque non négligeable de nuire à la santé mentale des enfants

si on les séparait de leurs foyers d'accueil.

       La cour administrative d'appel rejeta le recours des

requérants le 11 juillet 1988, après quoi la Cour administrative

suprême leur refusa, le 23 septembre, l'autorisation de se

pourvoir devant elle.

       4. Désignations d'un curateur ad litem

19.    Dans le cadre de la procédure relative à l'interdiction

de retrait, le tribunal de première instance (tingsrätten) de

Göteborg avait désigné, le 17 juillet 1987,

M. Claes Åberg comme curateur ad litem d'Helena et de Thomas, à

la demande du Conseil et sur la base de l'article 2 du

chapitre 18 du code parental.  Il n'avait pas entendu les

requérants et sa décision ne leur fut pas notifiée; leur

représentante n'en prit connaissance que le 4 août, après

l'échéance du délai d'appel.

       M. et Mme Olsson invitèrent le même tribunal à révoquer

le curateur ad litem.  Il le fit le 26 octobre au motif que

M. Åberg avait accompli sa mission en sollicitant auprès du

tribunal administratif départemental, le 31 juillet, l'octroi de

l'assistance judiciaire aux enfants.

20.    Le 27 octobre 1987, le Conseil pria derechef le tribunal

de première instance de nommer M. Åberg curateur ad litem.  A

cette occasion, le tribunal consulta les requérants avant de

statuer.  Il accueillit la demande le 12 février 1988.

       M. et Mme Olsson s'en plaignirent à la cour d'appel

(hovrätten) de Suède occidentale, qui les débouta le

23 août 1988.  Le 8 novembre, la Cour suprême (högsta domstolen)

leur refusa l'autorisation de la saisir.

       5. Deuxième série de procédures dirigées contre

l'interdiction de retrait

21.    Le 28 septembre 1988, les intéressés réclamèrent une

deuxième fois la mainlevée de l'interdiction de retrait.  Ils

invoquaient, à titre d'élément nouveau, l'avis de la Commission

en l'affaire Eriksson c. Suède (annexé à l'arrêt de la Cour du

22 juin 1989, série A n° 156, pp. 38-55).  Le Conseil rejeta leur

requête.

22.    Ils attaquèrent cette décision devant le tribunal

administratif départemental, lequel les débouta le

12 décembre 1988.  S'appuyant sur le raisonnement de l'arrêt de

la Cour administrative suprême du 30 mai 1988 (paragraphe 17

ci-dessus), il releva l'absence de toute mesure appropriée de

préparation au regroupement.  Il estima que les enfants

risquaient toujours de subir un préjudice si l'on rapportait

l'interdiction de retrait.

23.    La cour administrative d'appel rejeta le recours des

requérants le 22 décembre 1988.  Elle nota que M. Olsson avait

rencontré les enfants les 11 et 12 octobre 1988, dans leurs

foyers d'accueil et leurs écoles respectifs, et qu'en compagnie

de leurs parents nourriciers ils avaient rendu visite aux

requérants les 16 et 17 décembre.  Elle se prononça néanmoins en

faveur du maintien de l'interdiction, se ralliant aux motifs du

jugement de première instance.

       Le 14 février 1989, la Cour administrative suprême refusa

aux requérants l'autorisation de se pourvoir devant elle.

       6. Prorogation de l'interdiction de retrait et procédure

y relative

24.    Le 27 juin 1989, quelques jours avant l'expiration de

l'interdiction de retrait, le Conseil décida de la proroger

jusqu'à nouvel ordre.  Il repoussa en outre une demande des

requérants tendant à ce que leurs enfants pussent passer leurs

vacances d'été avec eux à Alingsås et venir les voir à la fin de

chaque semaine sans leurs parents nourriciers (paragraphe 50

ci-dessous).

25.    Sur leur recours, le tribunal administratif départemental

confirma l'interdiction de retrait le 4 septembre 1989, mais

décida qu'elle arriverait à échéance le 31 mars 1990.  Se fondant

là aussi sur le raisonnement développé par la Cour administrative

suprême dans son arrêt du 30 mai 1988, il constata en outre que

peu de mesures avaient été adoptées en vue du retrait.  Il jugea

fort regrettable que deux ans après la décision de mettre fin à

la prise en charge, les conditions de son exécution ne se

trouvassent toujours pas remplies.  D'après lui, il restait des

raisons de maintenir l'interdiction; dès lors, les autorités

judiciaires et administratives suédoises avaient manqué à leur

devoir en la matière.  Sans doute les requérants et leur

représentante n'avaient-ils pas déployé assez d'efforts pour

faciliter le regroupement de la famille, mais l'essentiel de la

responsabilité pesait à cet égard sur le Conseil qui, le tribunal

le souligna, avait aussi l'obligation d'exécuter les décisions

de justice.

26.    Tant les requérants que le Conseil saisirent la cour

administrative d'appel, les premiers pour obtenir d'elle la

mainlevée de l'interdiction, le second pour faire proroger cette

dernière jusqu'à nouvel ordre.  Le 23 janvier 1990, elle confirma

le jugement attaqué mais reporta la date limite au 1er août 1990.

       Le 8 mars 1990, la Cour administrative suprême refusa aux

requérants l'autorisation de se pourvoir devant elle.

       7. Nouvelle prorogation de l'interdiction de retrait et

procédure y relative

27.    Le 12 juillet 1990, le Conseil invita le tribunal

administratif départemental à prononcer derechef une interdiction

de retrait, valable jusqu'à nouvel ordre.  Le 27 juillet, le

tribunal renvoya au 28 février 1991 l'expiration de

l'interdiction en vigueur.  Il releva l'absence de toute mesure

préparatoire de nature à favoriser le regroupement de la famille;

or de telles mesures s'imposaient vu l'atmosphère d'hostilité,

nuisible à Helena et Thomas, qui régnait entre les parties en

cause.  Le maintien de l'interdiction se justifiait donc

pleinement. Sa nécessité ressortait aussi du fait que la question

d'un transfert de la garde aux parents nourriciers devait se

discuter devant le tribunal de première instance à l'automne

(paragraphes 53-54 ci-dessous).

       Les requérants attaquèrent ce jugement devant la cour

administrative d'appel.  Ils paraissent avoir demandé à celle-ci

de suspendre la procédure en attendant l'issue de celle relative

au transfert de la garde.

     D. Contacts des requérants avec leurs enfants après l'entrée

en vigueur de l'interdiction de retrait

28.    Avant la fin de leur prise en charge le 18 juin 1987,

Helena et Thomas n'avaient eu guère de contacts avec leurs

parents par le sang.  Depuis février 1983, ceux-ci n'avaient le

droit de les rencontrer qu'une fois par trimestre dans les foyers

d'accueil.  Toutefois, ils n'en usèrent pas de juin 1984 à avril

1987, date à laquelle M. Olsson, accompagné de son fils aîné

Stefan, rendit visite à ses deux autres enfants (pour plus de

précisions, voir l'arrêt Olsson I précité, pp. 15-16, paras. 21

et 24-26).  Aucune décision officielle sur les possibilités de

contacts ne semble avoir été adoptée en rapport avec celle du

23 juin 1987 interdisant aux requérants de retirer Helena et

Thomas de leurs foyers d'accueil.

       1. Détails concernant les contacts des requérants avec

Helena et Thomas

29.    Depuis le 23 juin 1987, les requérants ont eu avec Helena

et Thomas les rencontres suivantes:

a)     le 22 juillet 1988: rencontre de quelques heures dans un

       parc de Göteborg, chaque enfant étant escorté de l'un de

       ses parents nourriciers;

b)     les 11 et 12 octobre 1988: visites de M. Olsson aux

       foyers d'accueil;

c)     les 16 et 17 décembre 1988: visites des enfants, avec

       leurs mères nourricières, au domicile des requérants;

       nuit passée à l'hôtel;

d)     les 8 et 9 avril 1989: visites des requérants aux foyers

       d'accueil;

e)     les 16 et 17 juin 1989: visites des enfants, accompagnés

       de leurs mères nourricières, au domicile des requérants;

       nuit passée à l'hôtel.

       2. Demandes et procédures relatives au droit de visite

30.    Peu après l'interdiction de retrait prononcée le

23 juin 1987, les requérants, par l'intermédiaire de leur

conseil, avaient invité les services sociaux à faire en sorte

qu'Helena et Thomas vinssent les voir chez eux à Göteborg.  Par

une lettre du 27 octobre 1987, l'agent desdits services les

informa qu'il leur faudrait commencer par se rendre auprès des

enfants afin de les mieux connaître et de préparer leur voyage

à Göteborg, en compagnie des parents nourriciers.  Sauf à se

concerter au préalable avec ces derniers, il leur appartenait de

fixer les modalités de leurs visites aux foyers d'accueil.  La

lettre mentionnait enfin la possibilité d'un remboursement de

leurs frais de déplacement et de séjour.

       Durant l'automne 1987, la question des contacts fit

l'objet d'une correspondance entre le conseil des requérants et

les services sociaux, principalement le directeur régional.  Les

requérants insistaient pour recevoir leurs enfants à leur

domicile sans les parents nourriciers.  Le directeur régional,

lui, se référant aux motifs de l'interdiction de retrait,

soutenait que Mme Olsson n'ayant pas rencontré les enfants depuis

1984, elle et son mari devraient d'abord les rejoindre dans leurs

foyers d'accueil respectifs; en outre, l'un au moins des parents

nourriciers devrait assister à toute visite des enfants chez les

requérants.

31.    Le 18 décembre 1987, la présidente du Conseil n'accepta

pas de permettre à M. et Mme Olsson d'aller voir leurs enfants

hors la présence des parents nourriciers; elle n'aperçut aucune

raison d'amender la décision du directeur régional.  Informé de

son refus le 21 décembre, le Conseil en prit acte mais n'adopta

aucune disposition particulière.

32.    Les requérants saisirent le tribunal administratif

départemental; ils sollicitèrent l'octroi du droit de visite

souhaité par eux.  Il les débouta le 8 mars 1988, au motif que

l'article 73 de la loi sur les services sociaux (paragraphe 60

ci-dessous) n'ouvrait aucun recours contre les dispositions

arrêtées par le Conseil quant aux modalités, à la date et au lieu

des visites.

       La cour administrative d'appel confirma ce jugement le

29 avril 1988: d'après elle, la décision de la présidente ne

relevait pas de l'article 28 de la même loi et n'entrait dans

aucune autre catégorie des mesures que l'on pouvait contester en

vertu de l'article 73.

33.    Les requérants s'adressèrent alors à la Cour

administrative suprême, alléguant que ladite décision, du

18 décembre 1987, était illégale et que l'impossibilité de

l'attaquer violait l'article 13 (art. 13) de la Convention.  La

haute juridiction leur accorda l'autorisation de la saisir, puis

rejeta le pourvoi par un arrêt (beslut) du 18 juillet 1988 où

figurait le passage suivant:

       "Aux termes de l'article 16 de la [loi de 1980] (...), le

       Conseil peut restreindre le droit de visite à l'égard des

       enfants pris en charge par l'autorité au titre de cette

       loi.  La législation pertinente ne l'investit d'aucun

       pouvoir similaire lorsqu'une interdiction de retrait se

       trouve en vigueur.  Faute d'une disposition légale

       l'habilitant à limiter le droit de visite [en pareil

       cas], les instructions données par son président en vue

       de telles limitations restent sans effet juridique.

       Quant à un droit de recours, on ne saurait le tirer ni

       des principes généraux du droit administratif ni de la

       Convention européenne des Droits de l'Homme."

34.    Le 15 août 1988, les requérants introduisirent devant la

cour administrative d'appel un recours municipal (kommunalbesvär;

paragraphe 63 ci-dessous) contre la décision litigieuse du

18 décembre 1987.  La cour estima que celle-ci ne se prêtait pas

à un tel recours, lequel était en outre tardif dans la mesure où

on pouvait le considérer comme dirigé contre l'absence de toute

disposition adoptée par le Conseil une fois informé de ladite

décision (paragraphe 31 ci-dessus).  Elle débouta donc les

intéressés le 10 octobre 1988.

35.    Dans l'intervalle, les 21 mars et 11 avril 1988, les

services sociaux avaient repoussé des demandes du conseil des

requérants tendant à voir permettre à Helena et Thomas d'assister

à l'enterrement de leur grand-mère, ainsi qu'à une cérémonie

funéraire spéciale, et de passer à cette occasion une nuit chez

leurs parents.  Ils avaient notamment souligné que les enfants

connaissaient à peine leur grand-mère et que les contacts

devaient se situer dans un environnement où ils pourraient se

sentir en sécurité et en confiance.

36.    En juin et juillet 1988, l'agent des services sociaux

entra en rapport avec les requérants et arrangea entre M. Olsson

et les parents nourriciers des discussions destinées à organiser

la rencontre du 22 juillet 1988 à Göteborg (paragraphe 29

ci-dessus).  Mme Olsson n'y participa point car elle insistait

pour des contacts conformes à sa propre volonté.  Toutefois, sur

la suggestion de l'agent des services sociaux, la mère

nourricière d'Helena fut invitée au domicile des requérants après

une réunion préparatoire.  Un jour, ledit agent pria M. Olsson

de lui indiquer leur numéro de téléphone afin de faciliter les

contacts, mais il essuya un refus.

       Après la rencontre du 22 juillet 1988, M. Olsson témoigna

de sa déception aux services sociaux: il avait eu l'impression

d'être observé et surveillé et Helena avait appelé sa mère

nourricière "maman".

37.    Le 8 août 1988, les services sociaux rejetèrent une

demande présentée le 2 par les requérants et tendant à ce

qu'Helena et Thomas fussent autorisés à les rejoindre, le 5 ou

au plus tard le 8, pour le reste des vacances d'été; ils

invoquèrent la nécessité d'aménager les rencontres de façon à ne

pas nuire à la santé et au développement des enfants.

38.    Le 11 août 1988, le conseil des requérants réclama pour

Helena et Thomas la permission de passer auprès de leurs parents

tous les week-ends et jours de congés scolaires jusqu'au

30 juin 1989.  Lors d'une rencontre avec deux travailleurs

sociaux le 17 août 1988, M. Olsson montra de la compréhension

pour l'opinion jugeant non indiquées de telles visites; il

déclara qu'il préconiserait la souplesse dans les efforts

déployés pour aboutir à des contacts adéquats.  Suivant sa

suggestion, les rencontres ultérieures furent programmées pour

se dérouler en octobre dans les foyers d'accueil.  Le 18 août,

le Conseil repoussa la demande du 11 août.

39.    Le conseil des requérants la renouvela le lendemain pour

les visites en fin de semaine.  En réponse, l'agent des services

sociaux l'informa de la discussion du 17 août avec M. Olsson

(paragraphe 38 ci-dessus).  Quelques jours après, celui-ci

exprima son mécontentement à des travailleurs sociaux, leur

reprochant de chercher à retarder les contacts au maximum.  Ils

lui rappelèrent qu'il avait lui-même proposé le mois d'octobre

pour la prochaine réunion avec ses enfants.  Les rencontres

eurent lieu les 11 et 12 octobre (paragraphe 29 ci-dessus).  A

cette occasion, les services sociaux réservèrent et payèrent des

billets d'avion et des chambres d'hôtel pour deux personnes, mais

Mme Olsson ne voulut pas se déplacer.

       3. Programmation des visites

40.    Le 7 décembre 1988, le directeur régional saisit le

Conseil d'un projet de programme de rencontres.  Il s'y référait

notamment à deux avis d'experts, datés des 10 et 12 octobre 1988.

L'un d'entre eux émanait du médecin-chef Jonsson, l'autre du

médecin-chef Finney et du psychologue Löthman; ils traitaient

précisément des visites.  Le premier relevait, quant à Helena,

qu'il importait de mettre l'accent sur ses propres voeux, de lui

donner de meilleures occasions de connaître ses parents par le

sang et d'organiser les visites de manière à en faire des

événements banals; il fallait qu'elle rencontrât les requérants

en compagnie de ses parents nourriciers.  Le second soulignait,

à propos de Thomas, que les visites devaient reprendre seulement

s'il le souhaitait - moyennant certaines mesures préparatoires

destinées à le motiver - et en présence des parents nourriciers.

Parents biologiques et parents nourriciers devaient à tout prix

coopérer dans l'intérêt des enfants.

       Le programme de visites se présentait ainsi:

a)     les 16 et 17 décembre 1988: visite des enfants, avec

       leurs mères nourricières, au domicile des requérants; en

       cas de succès:

b)     visite des requérants aux foyers d'accueil pour deux

       jours en février 1989; en cas de succès:

c)     visite des requérants à Thomas dans son foyer d'accueil

       et à Helena, si elle le désirait, en avril 1989; en cas

       de succès:

d)     visite analogue à celle mentionnée au point a. ci-dessus,

       à organiser pour quelques jours de juin 1989, avec

       possibilité de laisser les enfants choisir de passer la

       nuit chez les requérants plutôt qu'à l'hôtel, mais en

       compagnie de leurs mères nourricières;

e)     en outre, les requérants devaient pouvoir arranger des

       visites en accord avec les parents nourriciers.

41.    M. et Mme Olsson rencontrèrent Helena et Thomas selon les

modalités indiquées sous a.  Le 20 décembre 1988, le Conseil

approuva le programme.  Il le communiqua aux requérants et à leur

conseil pour observations, mais ils le contestèrent.

       4. Nouvelles demandes relatives au droit de visite

42.    En 1989 et 1990 M. et Mme Olsson, par l'intermédiaire de

leur conseil, continuèrent à introduire nombre de demandes en la

matière; en particulier, ils exigeaient la venue de leurs enfants

à leur domicile et sans les parents nourriciers.

       Les services sociaux écartèrent plusieurs de ces demandes

au motif, par exemple, que les enfants ne voulaient pas se rendre

auprès de leurs parents et préféraient l'inverse (lettres des

27 septembre 1989 et 7 février 1990), ou que les requérants

n'avaient pas annoncé assez tôt leur projet de visite (lettres

des 28 mars et 13 septembre 1989), ou encore que M. Olsson avait

déclaré vouloir donner aux enfants un certain délai de réflexion

pendant lequel il ne revendiquerait pas son droit de visite

(lettre du 11 octobre 1989).

       Les services sociaux rejetèrent de même, les 21 avril et

26 mai 1989, des requêtes tendant à ce qu'Helena et Thomas

assistassent à la célébration de l'anniversaire de leur grand-

père puis de leur frère Stefan.  Dans le premier cas, ils tinrent

compte du souhait contraire d'Helena; dans le second, de la

circonstance que la date coïncidait avec le dernier jour de

l'année scolaire.

       En outre, le 21 mars 1989, le Conseil refusa aux

requérants le droit de rencontrer leurs enfants aux fins d'un

examen médical, réclamé par eux pour se procurer un certificat

qu'ils entendaient employer devant la Commission.  La décision

se fondait sur un avis de la Direction selon lequel un nouvel

examen des enfants pouvait se révéler préjudiciable pour eux et

n'offrirait aucune utilité dans la procédure en cause.

43.    Dans un rapport du 30 mai 1989 aux services sociaux, le

médecin-chef Finney préconisa la poursuite de certains contacts

entre les requérants et Thomas, dans le foyer d'accueil et non

chez eux.  Le psychologue Löthman exprima une opinion analogue

dans un rapport du même jour.  D'après un rapport du 13 juin,

fourni aux services sociaux par le médecin-chef Jonsson, Helena

regardait un voyage jusqu'au domicile de ses parents comme une

expérience éprouvante et préférait recevoir leur visite.  Selon

le spécialiste, le rôle des contacts consistait à répondre au

besoin de la fillette de rester informée au sujet de ses parents.

       Dans un rapport du 15 juin 1989, le directeur régional se

prononça ainsi sur la question des contacts.  Comme des visites

chez les requérants méconnaîtraient le sentiment des experts mais

aussi les voeux des enfants, les rencontres devaient pour

l'essentiel se dérouler dans les foyers d'accueil.  Si toutefois

l'idée de se rendre auprès de leurs parents intéressait Helena

et Thomas, les services sociaux prêteraient la main à de tels

contacts.  A la lumière de ces considérations, le directeur

régional adopta un programme projetant des visites des parents

aux enfants en août et octobre 1989, puis des seconds aux

premiers en décembre 1989.  Invités à prendre contact avec les

services sociaux à ce propos, les requérants s'en abstinrent.

M. Olsson attribua plus tard son attitude à la circonstance que

le fonctionnaire chargé de leur dossier ne l'avait pas bien

accueilli en une occasion antérieure.

44.    Par une lettre du 16 novembre 1989, les requérants

réclamèrent derechef pour leurs enfants l'autorisation de passer

chez eux tous les week-ends.  Ils sollicitèrent aussi une double

permission: pour eux-mêmes et leur fils Stefan, celle de leur

rendre visite dans l'un des foyers d'accueil, mais en l'absence

des parents nourriciers; pour leur conseil, celle de rencontrer

Helena et Thomas afin de les informer de la situation des

requérants et de Stefan, ainsi que de leur expliquer pourquoi on

les avait confiés à l'assistance publique et pourquoi leurs

parents ne souhaitaient pas les rencontrer dans leurs foyers

d'accueil en présence de leurs parents nourriciers.

       Le chef du service social (socialförvaltningen) de

Göteborg leur répondit, le 20 novembre 1989, que l'assistante

sociale rechercherait dès que possible avec eux une formule

appropriée pour leur prochaine rencontre avec les enfants.

45.    Le 21 novembre 1989, les services sociaux reçurent du

conseil des requérants une lettre réitérant les demandes du 16.

Une nouvelle missive leur parvint le 22 décembre; elle

revendiquait le droit, pour les intéressés, d'aller voir les

enfants dans un des foyers d'accueil en l'absence des parents

nourriciers.  Les services sociaux répondirent au conseil,

le 27 décembre, qu'ils en discuteraient directement avec ces

derniers.

46.    Le 21 décembre 1989, M. et Mme Olsson avaient porté

plainte, auprès du parquet (åklagarmyndigheten) de Göteborg,

contre l'assistante sociale chargée de leur dossier, réclamant

son arrestation immédiate pour abus de pouvoir; ils lui

reprochaient de ne pas avoir déféré à leur requête du

16 novembre 1989.  Le parquet classa l'affaire sans suite

le 30 janvier 1990; d'après lui, rien n'indiquait qu'une

infraction eût été commise.

47.    Par une lettre du 25 janvier 1990, les services sociaux

convièrent les requérants à des pourparlers destinés à trouver

une solution au problème des visites, mais en retour le conseil

des intéressés les informa, le 1er février, que pareils

entretiens seraient vains.

48.    Ledit conseil leur ayant écrit, les 13 février et

2 mars 1990, en réitérant pour l'essentiel les demandes de

novembre et décembre 1989, les services sociaux répondirent, le

8 mars, qu'ils ne s'opposaient pas à des rencontres; ils

engageaient M. et Mme Olsson à prendre langue avec les parents

nourriciers - faute de quoi ces derniers se mettraient en contact

avec eux - afin de conclure des arrangements.

49.    Le 14 mai 1990, la représentante des requérants

revendiqua pour eux l'autorisation de rencontrer leurs enfants

à l'aéroport de Göteborg à diverses dates; le 5 juin, elle la

réclama pour chaque week-end.  Dans l'intervalle, le 17 mai, les

services sociaux leur avaient fait savoir que la mère nourricière

de Thomas leur écrirait; ils les avaient priés d'entrer en

rapport par téléphone avec les parents nourriciers, puisque leur

propre numéro demeurait secret.  Le 6 juin, ladite représentante

invita le Conseil à octroyer à ses clients, aussitôt après le

1er juillet (date d'entrée en vigueur de la loi de 1990;

paragraphes 64 et 67 ci-dessous), le droit de recevoir chez eux

leurs enfants à la fin de chaque semaine, en l'absence des

parents nourriciers.

       Là-dessus, le directeur régional adressa au Conseil un

rapport, du 2 juillet 1990, contenant des observations analogues

à celles du 15 juin 1989 (paragraphe 43 ci-dessus); il concluait

au rejet de la demande.  Il relevait notamment que depuis la

rencontre de juin 1989, les enfants étaient devenus fermement

hostiles à l'idée de visites à leurs parents, mais acceptaient

les leurs.  Les exigences des requérants quant aux modalités des

contacts avaient abouti à creuser le fossé entre eux et leurs

enfants.

       Le 4 septembre 1990, le Conseil refusa aux Olsson le

droit d'accueillir Helena et Thomas chez eux chaque week-end,

estimant préférables des contacts dans les foyers nourriciers,

conformément aux voeux des enfants.

       5. Procédure ultérieure relative au droit de visite

50.    En sa qualité d'administrée de la ville de Göteborg, la

représentante des requérants, Mme Westerberg, saisit la cour

administrative d'appel de deux recours municipaux (paragraphe 63

ci-dessous): l'un contre la décision du Conseil du 27 juin 1989

(paragraphe 24 ci-dessus), dans la mesure où elle concernait les

visites, l'autre contre celle du 20 décembre 1988 approuvant un

programme de rencontres (paragraphes 40-41 ci-dessus).

       Statuant sur le premier le 8 janvier 1990, ladite

juridiction annula, pour cause d'illégalité, la partie contestée

de la décision du 27 juin 1989.

       Quant au second, elle considéra, dans un autre arrêt du

même jour, que l'adoption du programme figurait parmi les

dispositions nécessaires, aux yeux du Conseil, pour permettre de

retirer les enfants sans le moindre risque pour eux.  Le

programme ne constituait pas une décision formelle relative au

droit de visite des requérants, d'autant qu'il leur ménageait la

possibilité de se rendre auprès de leurs enfants selon les

souhaits de ces derniers.

       Les 8 mars et 27 décembre 1990 respectivement, la Cour

administrative suprême refusa à Mme Westerberg et au Conseil

l'autorisation de la saisir de recours dirigés l'un contre le

second arrêt, l'autre contre le premier.

51.    Les requérants s'adressèrent en outre, le

28 juillet 1989, au médiateur parlementaire

(justitieombudsmannen).  Il exprima son avis le 2 mai 1990.

L'étude du dossier lui parut montrer que le Conseil avait agi

dans le seul intérêt des enfants.  Eu égard à ce fait et aux

lacunes de la loi de 1980 sur les services sociaux dans le

domaine de la réglementation du droit de visite (paragraphe 62

ci-dessous) - elles avaient conduit à modifier la législation en

1990 (paragraphes 64 et 67 ci-dessous) - il déclara close la

question.

52.    Les requérants attaquèrent aussi, devant le tribunal

administratif départemental, la décision du Conseil du

4 septembre 1990 (paragraphe 49 ci-dessus).  Il les débouta le

12 décembre 1990.  D'après lui, leur allégation selon laquelle

les parents nourriciers avaient monté les enfants contre eux ne

trouvait aucun appui dans les éléments recueillis; il en

ressortait au contraire qu'Helena et Thomas désiraient rencontrer

leurs parents par le sang, mais à leurs propres conditions.  De

plus, le type de contacts réclamé ne tenait aucun compte des

intérêts des enfants et ne leur serait pas bénéfique.  Il n'y

avait dès lors aucune raison d'accorder aux requérants un droit

de visite pendant les week-ends comme ils le voulaient.  Le

tribunal n'examina pas leur demande de contacts pendant les jours

de congés scolaires, le Conseil n'ayant pas abordé la question.

       M. et Mme Olsson se pourvurent devant la cour

administrative d'appel.  Ils semblent l'avoir priée de laisser

leur recours en suspens jusqu'à l'issue de la procédure relative

au transfert de la garde (paragraphes 53-54 ci-dessous).

     E. Transfert de la garde

53.    Bien que le présent arrêt ne concerne pas ledit

transfert, les décisions des autorités suédoises en la matière

se trouvent décrites ci-dessous dans la mesure où elles peuvent

éclairer l'affaire.

       Le 31 octobre 1989, le Conseil résolut d'inviter le

tribunal de première instance d'Alingsås à transférer la garde

d'Helena et de Thomas au profit de leurs parents nourriciers

respectifs.  Une audience préliminaire eut lieu le

27 février 1990, après quoi le tribunal se prononça en ce sens

le 24 janvier 1991.  Il ordonna que, chaque année, les requérants

recevraient à leur domicile trois visites diurnes de leurs

enfants et pourraient passer trois week-ends avec eux dans leurs

foyers d'accueil.

54.    Les requérants attaquèrent le jugement devant la cour

d'appel de Suède occidentale.  Elle ouït deux travailleurs

sociaux qui s'étaient occupés du dossier, les parents nourriciers

respectifs des enfants, les médecins-chefs Jonsson et Finney,

ainsi qu'Helena et un correspondant (kontaktman) de celle-ci au

sein des services sociaux.  M. et Mme Olsson plaidèrent notamment

que les parents nourriciers ne convenaient pas comme gardiens.

Ils alléguèrent en particulier avoir appris, après le jugement

de première instance, que le père nourricier d'Helena,

M. Larsson, avait été inculpé en 1986-1987 de voies de fait,

atteinte à la pudeur et exploitation sexuelle de mineur sur la

personne d'une autre fille, prénommée Birgitta, qu'on lui avait

confiée.  Le tribunal de première instance de Hudiksvall l'avait

acquitté faute de preuves.  Toutefois, l'intéressé avait reconnu,

au cours de l'enquête de police, avoir agi d'une manière qui,

selon M. et Mme Olsson, s'analysait en une atteinte à la pudeur,

bien que non englobée dans l'inculpation.  Le ministère public

avait interjeté appel contre l'acquittement, mais s'était désisté

par la suite.

       Le 24 janvier 1992, la cour d'appel confirma le jugement

du tribunal de première instance d'Alingsås.  Elle déclara

notamment que compte tenu de l'âge et du degré de maturité

d'Helena et de Thomas,  leur avis sur les questions de la garde

et des visites revêtait une grande importance.  Or tous deux

souhaitaient manifestement demeurer dans leurs foyers d'accueil.

En outre, leurs contacts avec leurs parents avaient été très

sporadiques, surtout au cours des dernières années.  Les

requérants prétendaient avoir été empêchés d'exercer leur droit

de visite, en partie parce qu'ils s'étaient sentis importuns et

que les parents nourriciers avaient manqué d'égards envers eux,

et en partie parce que les services sociaux avaient refusé de

leur fournir une aide financière pour les voyages liés aux

visites.  Toutefois, les agents des services sociaux et les

parents nourriciers avaient réfuté ces assertions.  Aux yeux de

la cour, l'absence de contacts s'expliquait davantage par un

défaut de volonté et d'initiative chez les requérants, qui de

surcroît n'avaient pas divulgué leur numéro de téléphone.

       La thèse de l'inaptitude des parents nourriciers était

principalement dirigée contre M. Larsson, le père nourricier

d'Helena.  Quand il avait témoigné devant la cour, il lui avait

donné une impression de fiabilité et d'honnêteté, nonobstant la

tension qu'il devait avoir ressentie en raison de la maladie de

son épouse et de la manière dont l'avait interrogé le conseil des

requérants.  En outre, les conditions de vie au domicile des

Larsson avaient été examinées avec soin à plusieurs reprises

pendant la période considérée.  Helena entretenait de bonnes

relations avec son entourage et avait depuis peu un

correspondant, que la cour avait entendu; de plus, en mars 1991

elle avait rendu visite aux requérants sans être accompagnée.

Or elle n'avait jamais accusé M. Larsson de lui avoir infligé des

sévices, et son comportement n'indiquait rien de tel.  A

l'audience, elle avait nié avec énergie qu'il se fût mal conduit

envers elle.  Rien n'étayait l'allégation selon laquelle il

s'était livré, ou risquait de se livrer, à des agissements

répréhensibles à son égard.  Quant à l'état de santé de

Mme Larsson, l'intéressée avait passé le plus clair de son temps

chez elle; les dépositions respectives de son mari et d'Helena

montraient que ses liens affectifs avec l'enfant ne s'étaient pas

affaiblis, mais plutôt renforcés, depuis le début de la maladie.

Celle-ci ne pouvait donc constituer un obstacle au transfert de

la garde.  Enfin, l'instruction n'avait nullement révélé que les

parents nourriciers de Thomas, M. et Mme Bäckius, ne convinssent

pas.  Au contraire, il ressortait du dossier que les deux enfants

étaient bien traités dans leurs foyers d'accueil, où ils

trouvaient un environnement sécurisant et stimulant.

       Les requérants saisirent alors la Cour suprême d'un

nouveau recours qui demeure pendant.

II.    LE DROIT INTERNE PERTINENT

     A. La loi de 1960 sur la protection de l'enfance et la

        législation de 1980 qui l'a remplacée

55.    Les décisions concernant les enfants des requérants

furent prises en vertu de la loi de 1960 sur la protection de

l'enfance (barnavårdslagen 1960:97, "la loi de 1960"), de la loi

de 1980 sur les services sociaux (socialtjänstlagen 1980:620) et

de la loi de 1980 portant dispositions spéciales sur l'assistance

aux adolescents (lagen 1980:621 med särskilda bestämmelser om

vård av unga, "la loi de 1980").

       La loi de 1980 sur les services sociaux prévoit des

mesures de soutien et de prévention adoptées avec l'accord des

intéressés.  La loi de 1980 (1980:621), qui permettait des

mesures de prise en charge d'office, la complétait.  A leur

entrée en vigueur, le 1er janvier 1982, elles remplacèrent la loi

de 1960.  En principe, les décisions arrêtées en vertu de celle-

ci et qui restaient valides au 31 décembre 1981 furent réputées

se fonder sur la loi de 1980.  La législation pertinente a été

amendée à compter du 1er juillet 1990 (paragraphes 64-67

ci-dessous).

56.    Il incombe au premier chef à chaque municipalité de

promouvoir un développement favorable chez les jeunes.  A cette

fin, elle est dotée d'un conseil social de district, composé de

non-spécialistes assistés de travailleurs sociaux professionnels.

       1. Interdiction de retrait

57.    Après la levée de la prise en charge (au sujet de la

législation suédoise relative à la prise en charge d'office, voir

l'arrêt Olsson I, pp. 20-27, paras. 35-50), le conseil social

pouvait prononcer une interdiction de retrait en vertu de

l'article 28 de la loi sur les services sociaux, ainsi libellé:

       "Le conseil social peut, pour une période donnée ou

       jusqu'à nouvel ordre, interdire à la personne investie de

       la garde de retirer le mineur du foyer visé à

       l'article 25 [à savoir un foyer d'accueil] s'il existe un

       risque non négligeable de nuire à la santé physique ou

       mentale de l'enfant en le séparant de son foyer

       d'accueil.

       S'il y a des raisons plausibles de croire à pareil risque

       avant même l'achèvement de l'enquête nécessaire, une

       interdiction temporaire peut être prononcée pour quatre

       semaines au plus, dans l'attente de la décision

       définitive.

       Une interdiction prononcée en vertu du présent article

       n'empêche pas de retirer un enfant de son foyer d'accueil

       en application d'une décision rendue au titre du

       chapitre 21 du code parental."

       Les travaux préparatoires correspondants (Prop.

1979/80:1, p. 541) précisaient qu'une perturbation passagère ou

tout autre inconvénient occasionnel pour l'enfant ne suffirait

pas à justifier une interdiction de retrait.  Ils ajoutaient que

parmi les facteurs à considérer figureraient l'âge de l'enfant,

son degré de développement, sa personnalité et ses liens

affectifs, ses conditions de vie actuelles et futures, la durée

de sa séparation d'avec ses parents et les contacts qu'il aurait

eus alors avec eux.  S'il avait quinze ans ou davantage, il

faudrait de bonnes raisons pour aller à l'encontre de ses

préférences, mais même celles d'enfants plus jeunes devraient

compter.

       La commission parlementaire permanente des questions

sociales déclara dans son rapport (Socialutskottets betänkande

1979/80:44, p. 78), notamment, que l'on pourrait prononcer une

telle interdiction dans l'hypothèse où un retrait risquerait de

nuire à la santé physique ou mentale de l'enfant, donc même en

l'absence de critiques sérieuses contre le titulaire de la garde.

Elle souligna en outre que la disposition en cause visait à

protéger les intérêts de l'enfant, lesquels devaient prévaloir,

en cas de conflit, sur ceux du titulaire de la garde quant au

choix du domicile du premier.  Elle partait aussi de l'idée

qu'une séparation risquait en général de porter préjudice à

l'enfant.  Des transferts répétés ou intervenant après une longue

période, quand l'enfant aurait noué des liens étroits avec la

famille d'accueil, ne pouvaient donc être acceptés sans de

solides raisons.  Le besoin de sécurité de l'enfant dans ses

relations et conditions de vie devait constituer l'élément

déterminant.

58.    Tant qu'une interdiction de retrait reste en vigueur, il

incombe au Conseil, d'après la jurisprudence de la Cour

administrative suprême (RÅ 1984 2:78), de veiller à l'adoption

sans retard de mesures appropriées visant à réunir parents et

enfants.

59.    L'article 28 de la loi sur les services sociaux ne valait

pas pour les enfants confiés à des familles d'accueil en vertu

de l'article 1 de la loi de 1980.  Le droit, pour le titulaire

de la garde, de fixer le domicile de l'enfant se trouvait

suspendu tout au long de pareil placement.  Il renaissait en

principe à la fin de ce dernier, mais les services sociaux

pouvaient le suspendre à nouveau en application de l'article 28.

60.    D'après l'article 73 de la loi sur les services sociaux,

une décision adoptée sur la base de l'article 28 pouvait être

attaquée devant les juridictions administratives.  Outre les

parents par le sang, l'enfant et les parents nourriciers se

voyaient en pratique autorisés à introduire un tel recours.  La

juridiction compétente pouvait désigner un curateur ad litem

chargé de défendre les intérêts de l'enfant au cas où ils

entreraient en conflit avec ceux du titulaire de la garde.

       2. Réglementation des visites

61.    Durant la prise en charge d'un enfant au titre de la loi

de 1980, le Conseil pouvait imposer des restrictions aux visites

des parents pour autant que les besoins de la mesure d'assistance

l'exigeaient (article 16).  Les parents comme l'enfant pouvaient

contester pareille décision devant les juridictions

administratives.

62.    Les restrictions édictées sous l'empire d'une

interdiction de retrait obéissaient à un régime différent.  Le

18 juillet 1988, la Cour administrative suprême avait déclaré

sans effet juridique, et insusceptible de recours contentieux

administratif, une décision du Conseil limitant le droit de

visite des demandeurs, M. et Mme Olsson, pendant la période de

validité d'une interdiction de retrait prononcée au titre de

l'article 28 de la loi sur les services sociaux

(paragraphe 33 ci-dessus).

       3. Recours municipal

63.    Par les articles 1 et 2 de son chapitre 7, la loi n° 179

de 1977 sur les communes (kommunallagen) permet à un administré

(medlem, par exemple un résident) d'attaquer une décision

municipale devant la cour administrative d'appel pour l'un des

motifs suivants: inobservation des procédures légales, violation

de la loi, excès de pouvoir, atteinte aux droits de l'appelant

ou autre injustice.  Il doit former son recours (kommunalbesvär)

trois semaines au plus après l'annonce de l'approbation du

procès-verbal de la décision sur le tableau d'affichage communal.

Si la cour lui accorde gain de cause elle peut annuler la

décision, mais non la remplacer par une nouvelle.

     B. La nouvelle législation

64.    Les règles de la loi sur les services sociaux relatives

à l'interdiction de retrait figurent désormais, amendées, dans

la loi de 1990 portant dispositions spéciales sur l'assistance

aux adolescents (lagen 1990:52 med särskilda bestämmelser om vård

av unga, "la loi de 1990"), entrée en vigueur le

1er juillet 1990.

65.    Homologue de l'ancien article 28 de la loi sur les

services sociaux (paragraphe 57 ci-dessus), l'article 24 de la

loi de 1990 habilite le tribunal administratif départemental à

prononcer, sur demande du Conseil, une interdiction de retrait

pour une période donnée ou jusqu'à nouvel ordre, à condition

qu'existe

       "un risque apparent (påtaglig risk) de nuire à la santé

       et au développement de l'adolescent si on le sépare de

       son foyer d'accueil".

       Bien que différant du libellé de l'article 28 de la loi

sur les services sociaux, ce texte n'a pas entendu introduire un

nouveau critère; les travaux préparatoires le précisent (Prop.

1989/90:28, p. 83).

66.    Selon l'article 26 de la loi de 1990, le Conseil examine

au moins tous les trois mois si l'interdiction reste nécessaire.

Dans la négative, il la lève.

67.    D'après l'article 31, il peut réglementer le droit de

visite des parents lorsque les objectifs de l'interdiction le

commandent.  L'article 41 permet d'attaquer pareille décision

devant les juridictions administratives.

     C. Le code parental

68.    Le chapitre 21 du code parental régit l'exécution des

jugements ou décisions relatifs à la garde et autres questions

connexes.

69.    D'après l'article 1, le tribunal administratif

départemental connaît des actions tendant à l'exécution des

jugements ou décisions des juridictions ordinaires en matière de

garde ou de restitution d'enfants ainsi que de visites à ces

derniers.

70.    L'article 5 précise que l'exécution ne peut avoir lieu

contre le gré d'un enfant de douze ans ou plus, sauf si le

tribunal administratif départemental la croit nécessaire dans

l'intérêt de celui-ci.

71.    Aux termes de l'article 7, si l'enfant habite chez un

tiers la personne investie de la garde peut, même en l'absence

de jugement ou de décision au sens de l'article 1, demander au

tribunal administratif départemental de le lui confier.  Pareille

mesure peut être refusée si l'intérêt de l'enfant exige l'examen

de la question de la garde par une juridiction ordinaire.

       Pour statuer en vertu de ce texte, le tribunal respecte

aussi les conditions de l'article 5 (paragraphe 70 ci-dessus).

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

72.    M. et Mme Olsson ont saisi la Commission le

23 octobre 1987.  Ils alléguaient une série de violations de

l'article 8 (art. 8) de la Convention; ils reprochaient notamment

aux services sociaux suédois d'avoir entravé la réunion de leur

famille et de les avoir empêchés d'avoir des contacts avec Helena

et Thomas.  Ils se plaignaient en outre de plusieurs infractions

à l'article 6 (art. 6) et invoquaient de surcroît les

articles 13 et 53 (art. 13, art. 53).

73.    La Commission a retenu la requête (n° 13441/87) le

7 mai 1990.

       Dans son rapport du 17 avril 1991 (article 31) (art. 31),

elle conclut:

       a)     à l'unanimité, qu'il y a eu violation de

              l'article 8 (art. 8) en tant que les restrictions

              aux contacts n'étaient pas "prévues par la loi";

       b)     par dix-sept voix contre trois, qu'il y a eu

              violation de l'article 8 (art. 8) quant à

              l'interdiction de retrait;

       c)     à l'unanimité, qu'il y a eu violation de

              l'article 6 par. 1 (art. 6-1) dans la mesure où

              les requérants n'ont pas eu accès à un tribunal

              pour contester les restrictions aux contacts avec

              leurs enfants;

       d)     par quatorze voix contre six, qu'il n'y a pas eu

              violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) quant

              à la durée de la procédure relative à la levée de

              la prise en charge de Stefan, Helena et Thomas;

       e)     par dix-neuf voix contre une, qu'il n'y a pas eu

              violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) quant

              à la durée de la procédure menée au titre du

              chapitre 21 du code parental;

       f)     par dix-neuf voix contre une, qu'il n'y a pas eu

              violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) en

              tant que la Cour administrative suprême n'a pas

              tenu d'audience à la suite du recours des

              requérants contre la décision d'interdiction de

              retrait;

       g)     à l'unanimité, qu'il n'y a pas eu violation de

              l'article 6 par. 1 (art. 6-1) quant à la première

              désignation d'un curateur ad litem;

       h)     à l'unanimité, qu'il n'y a pas eu violation de

              l'article 6 par. 1 (art. 6-1) quant à la durée de

              la procédure relative à la seconde désignation

              d'un curateur ad litem;

       i)     à l'unanimité, qu'il ne s'impose pas de

              rechercher séparément s'il y a eu violation de

              l'article 13 (art. 13) du fait des restrictions

              aux contacts;

       j)     à l'unanimité, qu'il n'y a pas eu violation de

              l'article 13 (art. 13) quant à la première

              désignation d'un curateur ad litem.

       Le texte intégral de l'avis de la Commission et de

l'opinion dissidente dont il s'accompagne figure en annexe au

présent arrêt*.

_______________

* Note du greffier: pour des raisons d'ordre pratique il n'y

figurera que dans l'édition imprimée (volume 250 de la série A

des publications de la Cour), mais on peut se le procurer auprès

du greffe.

_______________

CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR PAR LE GOUVERNEMENT

74.    A l'audience du 22 avril 1992, le Gouvernement a confirmé

les conclusions de son mémoire: il a reconnu des manquements aux

exigences de la Convention en ce que, pendant une certaine

période, les restrictions aux contacts décidées par le Conseil

n'étaient pas "prévues par la loi" et que nul recours judiciaire

ne s'ouvrait aux requérants pour les combattre; en revanche, il

a invité la Cour à constater l'absence de toute autre infraction.

EN DROIT

I.     SUR L'OBJET DU LITIGE

75.    Telle que la Commission l'a déclarée recevable, la

requête du 23 octobre 1987 soulève une série de griefs concernant

1) l'interdiction de retrait, son maintien en vigueur et les

restrictions imposées au droit de visite des requérants pendant

sa période de validité; 2) la durée de procédures internes et le

défaut d'audience en appel; 3) les violations alléguées du droit

d'accès à un tribunal ou à un recours effectif quant à certaines

décisions (voir la décision de la Commission sur la recevabilité,

sous le titre "Griefs", et les paragraphes 95 et 176-185 du

rapport).

       Par la suite, les requérants paraissent avoir présenté

plusieurs autres doléances relatives a) au transfert de la garde

d'Helena et de Thomas à leurs parents nourriciers respectifs

(paragraphes 53-54 ci-dessus); b) à l'indépendance et à

l'impartialité des juridictions qui l'ont prononcé ou confirmé;

c) à la durée globale des instances internes (commencées en 1980,

elles demeurent inachevées).

       Toufefois, la décision de la Commission sur la

recevabilité ne couvre pas ces nouvelles plaintes.  Sans doute

existe-t-il des tempéraments à la règle selon laquelle pareille

décision circonscrit l'objet du litige devant la Cour (voir

notamment l'arrêt Olsson I précité, p. 28, par. 56), mais les

griefs en cause ne remplissent pas les conditions voulues.  Dès

lors, la Cour n'a pas compétence pour en connaître.

       Elle n'examinera donc pas les allégations accessoires

d'après lesquelles les parents nourriciers d'Helena et de Thomas

étaient, pour diverses raisons, inaptes à la fonction de

gardiens.  Elle présume, comme le Gouvernement l'a manifestement

fait, que les requérants les ont présentées à seule fin d'étayer

leurs critiques contre la procédure de transfert de la garde.

Elle relève pourtant que la cour d'appel de Suède occidentale les

a étudiées avec soin avant de les rejeter (paragraphe 54 ci-

dessus).

II.    SUR LES VIOLATIONS ALLEGUEES DE L'ARTICLE 8 (art. 8) DE

LA CONVENTION

     A. Introduction

76.    Les griefs formulés sur le terrain de l'article 8

(art. 8) se rapportent à la période du 18 juin 1987, jour de la

levée de l'ordonnance de prise en charge d'Helena et de Thomas

(paragraphe 10 ci-dessus), au 24 janvier 1991, date du transfert

de la garde de ceux-ci aux parents nourriciers respectifs

(paragraphes 53-54 ci-dessus).  D'après les requérants,

l'interdiction de retrait, son maintien en vigueur et les

restrictions à leur droit de visite ont enfreint l'article 8

(art. 8), aux termes duquel

       "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et

       familiale, de son domicile et de sa correspondance.

        2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique

       dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette

       ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une

       mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire

       à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au

       bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et

       à la prévention des infractions pénales, à la protection

       de la santé ou de la morale, ou à la protection des

       droits et libertés d'autrui."

       Le Gouvernement reconnaît l'existence d'une violation en

ce que les limitations aux visites manquaient de base légale

jusqu'au 1er juillet 1990, mais pour le surplus il combat la

thèse des requérants.  Si elle aboutit à une conclusion analogue

pour lesdites limitations, la Commission estime que le maintien

en vigueur de l'interdiction de retrait, sans établissement de

véritables contacts entre les requérants et leurs enfants ni

adoption d'aucune autre mesure efficace pour résoudre les

problèmes existants, se heurtait lui aussi à l'article 8

(art. 8).

     B. Sur l'existence d'une atteinte au droit des requérants

au respect de leur vie familiale

77.    L'interdiction de retrait et son maintien en vigueur, de

même que les restrictions aux rencontres, constituaient à

l'évidence, nul ne le conteste, des ingérences dans l'exercice

du droit des requérants au respect de leur vie familiale (voir,

entre autres, l'arrêt Eriksson précité, série A n° 156, p. 24,

par. 58).

       Semblable immixtion enfreint l'article 8 (art. 8) sauf

si, "prévue par la loi", elle poursuit un ou des buts légitimes

au regard de l'article 8 par. 2 (art. 8-2) et se révèle

"nécessaire, dans une société démocratique", pour les atteindre.

     C. Sur la justification des ingérences

       1. "Prévues par la loi"

78.    D'après les requérants, les décisions des autorités

tendaient, au mépris du droit suédois, à empêcher leur réunion

à Helena et Thomas et à contrecarrer leurs contacts avec eux.

En revanche, ils ne semblent pas discuter la légalité des

restrictions aux visites imposées après l'entrée en vigueur, le

1er juillet 1990, de la loi de 1990 (paragraphe 67 ci-dessus).

          a. Interdiction de retrait

79.    La Cour relève que l'interdiction de retrait et son

maintien en vigueur avaient pour base, jusqu'en juillet 1990,

l'article 28 de la loi de 1980 sur les services sociaux, puis

l'article 24 de la loi de 1990, qui l'a remplacé.  En outre, il

ne ressort pas des éléments recueillis que ces mesures aient obéi

à des considérations étrangères aux textes pertinents, à savoir

la protection de la santé des enfants.  Rien ne montre qu'elles

aient cherché à empêcher le regroupement de la famille.

       En outre, les juridictions administratives les

confirmèrent ou prorogèrent selon le cas, même si elles les

assortirent parfois d'un délai (paragraphes 14-17, 22-23 et 25-27

ci-dessus).  A cet égard, il échet de rappeler qu'il revient au

premier chef aux autorités nationales, et singulièrement aux

cours et tribunaux, d'interpréter et appliquer le droit interne

(voir notamment l'arrêt Margareta et Roger Andersson c. Suède du

25 février 1992, série A n° 226-A, pp. 27-28, par. 82).

80.    Avec la Commission et le Gouvernement, la Cour considère

donc que l'interdiction de retrait et son maintien en vigueur

étaient "prévus par la loi".

          b. Restrictions aux visites

81.    D'après un arrêt de principe rendu en l'espèce par la

Cour administrative suprême, au contraire, l'imposition de

restrictions aux visites pendant la période de validité d'une

interdiction de retrait décidée en vertu de la loi de 1980 sur

les services sociaux ne déployait aucun effet juridique, car il

n'existait à l'époque aucune règle de droit suédois pouvant

fonder de telles limitations (paragraphe 33 ci-dessus et arrêt

Eriksson précité, série A n° 156, p. 25, par. 65).  Cette

situation dura du 23 juin 1987 au 1er juillet 1990, date d'entrée

en vigueur de la loi de 1990.  Jusque-là, les limitations

incriminées n'étaient pas, le Gouvernement le concède, "prévues

par la loi" au sens de l'article 8 (art. 8).

82.    Partant, les restrictions aux visites ont violé ce

dernier du 23 juin 1987 au 1er juillet 1990.

       2. But légitime

83.    D'après les requérants, les ingérences incriminées

tendaient à empêcher le retour d'Helena et de Thomas.  En outre,

on ne les aurait pas laissés rencontrer ceux-ci sans témoins, car

services sociaux et parents nourriciers craignaient, de la part

des enfants, des révélations sur les conditions de vie médiocres

régnant dans les foyers d'accueil.

84.    Or, encore une fois (paragraphe 79 ci-dessus), il ne

ressort pas du dossier que l'interdiction de retrait et son

maintien eussent pour objectif de contrecarrer un regroupement;

avec la Commission et le Gouvernement, la Cour considère que l'on

voulait protéger la "santé" et les "droits et libertés" des

enfants.

85.    Quant aux restrictions aux visites, il échet d'en

examiner le but de manière globale, indépendamment de leurs

périodes d'application respectives.  Il n'apparaît pas établi que

l'une quelconque d'entre elles cherchât à mettre obstacle au

rassemblement de la famille ou à la divulgation de renseignements

du genre indiqué par les requérants.  La Cour est au contraire

persuadée qu'elles poursuivaient les mêmes fins légitimes que les

mesures mentionnées au paragraphe précédent.

       3. "Nécessaires dans une société démocratique"

86.    Selon les requérants, il ne s'agissait pas d'ingérences

"nécessaires dans une société démocratique".  Le Gouvernement

combat cette thèse, mais la Commission y souscrit.

87.    Dans l'exercice de son contrôle, la Cour doit déterminer

si les motifs invoqués à l'appui de l'interdiction de retrait et

de son maintien jusqu'au transfert de la garde, ainsi que des

restrictions aux visites en vigueur à l'époque, se révèlent

"pertinents et suffisants" à la lumière de l'ensemble de

l'affaire (arrêt Olsson I précité, p. 32, par. 68).  Il lui faut

pour cela partir de la décision, du 23 juin 1987, par laquelle

le Conseil, aussitôt après que la Cour administrative suprême eut

levé la prise en charge le 18 juin 1987, interdit de retirer

Helena et Thomas de leurs foyers d'accueil respectifs.

       Confirmée à trois degrés par des juridictions

administratives unanimes, qui avaient pu consulter les rapports

de psychiatres pour enfants, d'un psychologue et de services

spécialisés, elle se fondait essentiellement sur l'idée

qu'arracher les enfants à leurs foyers d'accueil créerait, eu

égard aux circonstances, un risque sérieux d'atteinte à leur

santé physique et mentale (paragraphes 12-17 ci-dessus).

       L'interdiction de retrait doit s'apprécier en fonction de

son contexte tel qu'il se dégage du dossier.

       Helena et Thomas se trouvaient depuis longtemps dans

leurs foyers d'accueil.  Confiés à ceux-ci à la fin de 1980, ils

y avaient donc passé la plus grande partie de leur vie.  Ils

n'avaient eu avec leurs parents par le sang que des contacts très

épisodiques: ils n'avaient pas rencontré leur mère depuis 1984,

n'avaient vu leur père qu'une fois depuis lors et n'avaient pas

eu d'autres rapports avec eux.  Fortement attachés à leurs

familles d'accueil et à leurs environnements respectifs, ils y

avaient évolué de manière favorable et harmonieuse.  Ils avaient

exprimé le vif désir d'y rester, avaient montré de l'angoisse

devant la perspective d'un retour forcé auprès de leurs parents

biologiques et avaient annoncé qu'en pareil cas ils

s'enfuiraient.  Helena traversait une phase importante du

développement de sa personnalité, lequel pouvait pâtir d'un

renvoi contraire à ses voeux.  Thomas avait connu certains

troubles infantiles; il demeurait psychologiquement très

vulnérable et émotionnellement dépendant de ses parents

nourriciers, de sorte que l'en séparer lui causerait

probablement un préjudice grave et durable.

       Dès lors, la Cour juge pertinents et suffisants les

motifs pour lesquels on imposa l'interdiction de retrait.

88.    Quant à la durée de celle-ci, elle s'étendit jusqu'au

transfert de la garde, soit un total de trois ans et demi

(juin 1987 - janvier 1991).  L'ordonnance initiale fut confirmée

au cours de trois séries de procédures et prorogée à deux

reprises, en 1989 par le Conseil puis en 1990, en vertu de la loi

de 1990, par le tribunal administratif départemental.  Les

recours introduits, chaque fois, par les requérants furent

écartés à l'unanimité (paragraphes 14-17 et 21-27 ci-dessus).

       Dans toutes ces décisions, les juridictions internes

estimèrent qu'il subsistait un risque sérieux de léser les

enfants si on les ôtait à leurs parents nourriciers; elles

soulignèrent notamment qu'il n'y avait pas eu assez de contacts

préparatoires avec les requérants.

       Les éléments indiqués au paragraphe 87 ci-dessus n'ayant

pour l'essentiel pas changé durant la période sous examen, la

Cour trouve à tout le moins "pertinentes" les raisons avancées

pour laisser en vigueur l'interdiction de retrait.  Quant au

point de savoir si elles étaient aussi "suffisantes", on ne peut

le trancher sans rechercher pourquoi les contacts préparatoires

restèrent constamment inférieurs aux besoins bien que les

juridictions suédoises, dès la première série de procédures

relatives à la mesure en cause, n'eussent cessé d'en souligner

l'importance cruciale.  C'est dans ce contexte qu'il faut

replacer les restrictions aux visites.

89.    Elles se ramenaient à ceci: les requérants pouvaient

aller voir les enfants dans leurs foyers d'accueil aussi souvent

qu'ils le voulaient, mais les rencontres en d'autres lieux

n'étaient organisées ou autorisées que selon des modalités

propres à dissiper les appréhensions d'Helena et Thomas.

       Conformes à l'opinion de deux psychiatres ainsi que d'un

psychologue (paragraphes 40, 43 et 49 ci-dessus) et, surtout, aux

voeux répétés des enfants, les limitations litigieuses se

fondaient sur des raisons analogues à celles sous-jacentes à

l'interdiction de retrait.  Les autorités considéraient que non

seulement les intérêts d'Helena et de Thomas, mais aussi les

droits de ces derniers au titre de l'article 8 (art. 8) de la

Convention, les empêchaient de consentir à des visites devant se

dérouler dans des conditions inacceptables pour eux.

       Eu égard à la situation régnant à l'époque, la Cour

estime que lesdites restrictions reposaient sur des motifs

"pertinents" pour juger de leur "nécessité dans une société

démocratique".  Reste à savoir s'ils étaient aussi "suffisants".

A cette fin, on doit les apprécier dans le contexte indiqué à la

fin du paragraphe 88 ci-dessus.

90.    La Cour relève d'abord qu'en droit suédois comme d'après

l'article 8 (art. 8) de la Convention, la levée de l'ordonnance

de prise en charge impliquait, en principe, le retour d'Helena

et Thomas auprès de M. et Mme Olsson.  Dans des cas comme celui-

ci, l'article 8 (art. 8) garantit aux parents biologiques le

droit à des mesures propres à leur rendre leurs enfants (voir en

dernier lieu l'arrêt Rieme c. Suède du 22 avril 1992, série A

n° 226-B, p. 71, par. 69) et astreint les autorités nationales

à en adopter.

       Toutefois, ni ce droit ni l'obligation correspondante ne

sont absolus, car la réunion de parents par le sang à des enfants

qui vivent depuis un certain temps dans une famille d'accueil ne

saurait se passer de préparatifs.  Leur nature et leur étendue

peuvent dépendre des circonstances de chaque espèce, mais ils

demandent toujours à l'ensemble des personnes concernées une

coopération active et empreinte de compréhension.  Si les

autorités nationales doivent s'évertuer à susciter pareille

collaboration, elles ne peuvent guère en la matière recourir à

la coercition: il leur faut tenir compte des intérêts et des

droits et libertés de ces mêmes personnes, et notamment des

intérêts des enfants et des droits que leur reconnaît

l'article 8 (art. 8).  Dans l'hypothèse où des contacts avec les

parents biologiques y porteraient atteinte, il revient aux

autorités nationales de veiller à un juste équilibre (voir,

mutatis mutandis, l'arrêt Powell et Rayner c. Royaume-Uni du

21 février 1990, série A n° 172, p. 18, par. 41).

       En résumé, le point décisif consiste à savoir si les

autorités nationales ont déployé, pour ménager les préparatifs

nécessaires à un regroupement, les efforts que l'on pouvait

raisonnablement exiger d'elles en l'occurrence.

       Il incombe à la Cour de contrôler le respect de cette

obligation par lesdites autorités, non sans leur réserver une

certaine marge d'appréciation car il lui faut se fonder sur le

dossier tandis qu'elles ont bénéficié de rapports directs avec

tous les intéressés.

91.    A cet égard, la Cour relève d'abord, dans les décisions

rendues par les juridictions suédoises pendant la période sous

examen, certains passages qui pourraient se comprendre comme

reprochant aux services sociaux de ne pas avoir assez contribué

aux préparatifs voulus, mais aussi comme les exhortant à ne pas

se laisser influencer par l'attitude antagoniste des requérants

et de leur conseil.  Toutefois, les jugements et arrêts

ultérieurs, prononcés dans la procédure relative au transfert de

la garde, présentent nettement les requérants comme les

principaux responsables de l'insuffisance des préparatifs en

question.

       Les juridictions suédoises soulignèrent en effet à

maintes reprises que l'instauration de contacts préliminaires

adéquats ne se concevait pas sans une bonne coopération entre les

services sociaux et les parents nourriciers d'une part, les

requérants de l'autre.  Or ces derniers, pourtant conscients que

les restrictions aux visites correspondaient aux voeux des

enfants, refusèrent de les accepter.  Ils ne se rendirent auprès

d'Helena et de Thomas dans les foyers d'accueil que par deux fois

(paragraphe 29 ci-dessus) et négligèrent en outre d'autres formes

possibles de contacts, tel le téléphone.  A la collaboration

préconisée par les juges, ils préférèrent une attitude

d'hostilité permanente: ils ne cessèrent de revendiquer le droit

de recevoir leurs enfants chez eux, hors la présence des parents

nourriciers, tout en sachant que ni les services sociaux ni

Helena et Thomas ne pouvaient y consentir.  De surcroît, ils

ripostèrent au rejet de leurs demandes par des plaintes à la

police et par de nombreux recours (paragraphes 32-34, 46 et 50-52

ci-dessus).

       Les services sociaux, eux, essayèrent de les persuader

d'aller voir les enfants dans leurs foyers d'accueil, leur

proposant de s'occuper des arrangements pratiques et de leur

rembourser les frais de voyage et de séjour.  En outre, ils

organisèrent une rencontre à Göteborg et, après avoir consulté

deux experts, élaborèrent un programme de visites qui ne saurait

passer pour trop restrictif et qui semblait conforme aux

exigences de la situation.  Bien que les requérants l'eussent

repoussé, les services sociaux s'efforcèrent de le mettre en

pratique; ils y réussirent en partie (paragraphes 29 et 41

ci-dessus).

       Dès lors, la Cour, eu égard à la marge d'appréciation à

réserver aux autorités nationales, estime non établi qu'ils aient

manqué à leur obligation de prendre des mesures pour réunir les

requérants à Helena et Thomas.

       Partant, le maintien en vigueur de l'interdiction de

retrait et les restrictions aux visites se fondaient sur des

motifs non seulement "pertinents" mais aussi, vu les

circonstances, "suffisants" (paragraphe 88 ci-dessus).

92.    La question de savoir si les atteintes au droit des

requérants au respect de leur vie familiale étaient "nécessaires"

appelle donc une réponse affirmative, de sorte que le grief tiré

de l'article 8 (art. 8) manque de fondement sur ce point.

III.   SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L'ARTICLE 53 (art. 53) DE LA

       CONVENTION

93.    Les requérants accusent les autorités suédoises d'avoir

continué à empêcher leur réunion à Helena et Thomas, malgré

l'arrêt Olsson I; elles ne les auraient toujours pas laissés

rencontrer ceux-ci dans des conditions qui leur auraient permis

de renouer des relations familiales.  La Suède aurait persisté

à enfreindre l'article 8 (art. 8) et aurait ainsi méconnu

l'article 53 (art. 53), aux termes duquel

         "Les Hautes Parties Contractantes s'engagent à se

       conformer aux décisions de la Cour dans les litiges

       auxquels elles sont parties."

       Le Gouvernement combat cette allégation, sur laquelle la

Commission ne se prononce pas.

       Par sa résolution DH (88) 18 du 26 octobre 1988 sur

l'exécution de l'arrêt Olsson I, le Comité des Ministres, après

s'être "assuré que le gouvernement suédois [avait] payé aux

requérants les sommes prévues dans l'arrêt", a déclaré avoir

"rempli ses fonctions en vertu de l'article 54 (art. 54) de la

Convention".

94.    La Cour relève en outre que les faits et circonstances

sous-jacents au grief invoqué par les intéressés sur le terrain

de l'article 53 (art. 53) soulèvent un problème nouveau, non

tranché par l'arrêt Olsson I (p. 29, par. 57), et coïncident pour

l'essentiel avec ceux qu'elle vient d'examiner sous l'angle de

l'article 8 (art. 8) sans constater de violation (paragraphes 87-

92 ci-dessus).

       Dès lors, nulle question distincte ne se pose au regard

de l'article 53 (art. 53).

IV.    SUR LES VIOLATIONS ALLEGUEES DE L'ARTICLE 6 PAR. 1

       (art. 6-1) DE LA CONVENTION

95.    M. et Mme Olsson se plaignent aussi de plusieurs

infractions à l'article 6 par. 1 (art. 6-1), d'après lequel

         "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue

       (...) dans un délai raisonnable par un tribunal (...) qui

       décidera (...) des contestations sur ses droits et

       obligations de caractère civil (...)"

     A. Contrôle judiciaire et restrictions aux visites

96.    Un premier manquement résulterait de l'impossibilité de

faire contrôler par un tribunal, jusqu'à l'entrée en vigueur de

la loi de 1990, les restrictions à leurs contacts avec Helena et

Thomas (paragraphes 33, 34, 51, 62, 73 et 74 ci-dessus);

Gouvernement et Commission en conviennent.

97.    Pour les raisons indiquées dans son arrêt Eriksson

précité (série A n° 156, p. 29, paras. 80-81), la Cour partage

leur avis.  Il y a eu donc violation de l'article 6 par. 1

(art. 6-1) sur ce point.

     B. Durée de certaines procédures

98.    En second lieu, plusieurs des procédures suivies en Suède

auraient dépassé par leur longueur le délai raisonnable dont

parle l'article 6 par. 1 (art. 6-1).

       Le Gouvernement combat cette thèse, rejetée par la

Commission.

99.    Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure

s'apprécie eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence

de la Cour, dont la complexité de l'affaire, le comportement du

requérant et celui des autorités compétentes.  Sur ce dernier

point, l'enjeu du litige pour l'intéressé entre parfois en ligne

de compte (voir par exemple l'arrêt X c. France du 31 mars 1992,

série A n° 236, pp. 89-90, par. 32).

       1. La procédure relative à l'une des demandes en

mainlevée de la prise en charge

100.   D'après les requérants, il n'a pas été statué dans un

"délai raisonnable" sur une de leurs demandes en mainlevée de la

prise en charge d'Helena, Thomas et Stefan (paragraphe 10 ci-

dessus).

101.   La Cour estime - et la chose n'a pas prêté à controverse

devant elle - que les périodes à considérer commencèrent le

16 août 1984, avec le dépôt de ladite demande auprès du Conseil.

Elles s'achevèrent le 16 février 1987, quand la cour

administrative d'appel mit fin à la prise en charge de Stefan,

et le 18 juin 1987, date à laquelle la Cour administrative

suprême révoqua celle d'Helena et de Thomas.  Elles s'étalent

donc sur à peu près deux ans et demi pour l'une et deux ans et

dix mois pour l'autre.

102.   La procédure relative à Stefan dura quelque treize mois

devant le Conseil, quatre et demi devant le tribunal

administratif départemental et un an devant la cour

administrative d'appel; celle concernant Helena et Thomas demanda

environ dix semaines devant le Conseil, onze mois devant le

tribunal administratif départemental, seize et demi devant la

cour administrative d'appel et quatre devant la Cour

administrative suprême.

       De caractère complexe, elles exigeaient des appréciations

difficiles et des investigations approfondies.  Des audiences se

déroulèrent devant le tribunal administratif départemental dans

le cas d'Helena et Thomas, devant la cour administrative d'appel

pour les trois enfants.

103.   La diligence des autorités compétentes ne peut inspirer

d'hésitations que sur deux points.

       Tout d'abord, le Conseil eut besoin de treize mois pour

se prononcer sur la demande visant Stefan.  Le Gouvernement a

cependant attribué ce laps de temps à certaines enquêtes jugées

nécessaires, argument auquel la Cour se range.

       Ensuite, la cour administrative d'appel renvoya au

4 février 1987 les débats qu'elle avait fixés à l'origine au

21 août 1986.  Tout en reconnaissant ne pouvoir en indiquer avec

certitude les motifs, le Gouvernement signale que du 17 juillet

au 20 novembre 1986 le dossier se trouva entre les mains non de

la cour administrative d'appel mais de la Cour administrative

suprême, saisie par les Olsson d'un autre recours.  Cela ne

suffit pourtant pas à expliquer un ajournement de six mois.  Vu

la nature des intérêts en jeu, une décision rapide revêtait une

grande importance; la Commission le relève elle aussi.

       Néanmoins, eu égard à la complexité de la cause, le délai

ne fut pas assez long pour amener la Cour à juger excessive la

durée globale de la procédure.

       2. La procédure relative à la requête formée par les

requérants au titre du chapitre 21 du code parental

104.   Selon M. et Mme Olsson, la procédure relative à leur

demande tendant au retour d'Helena et de Thomas, en vertu de

l'article 7 du chapitre 21 du code parental (paragraphe 18 ci-

dessus), ne se termina pas davantage dans un délai raisonnable.

       Gouvernement et Commission marquent leur désaccord.

       En ordre principal, le premier conteste l'applicabilité

de l'article 6 par. 1 (art. 6-1): d'après lui, la procédure

litigieuse concernait uniquement la mise en oeuvre de droits

existants et non la détermination de leur existence ou de leur

contenu.

       La Cour arrive à une conclusion différente.  A n'en pas

douter, l'issue de ladite procédure influa de manière décisive

sur l'exercice, par les requérants, d'un élément essentiel de

leurs droits en matière de garde des enfants (voir, parmi

beaucoup d'autres, l'arrêt Skärby c. Suède du 28 juin 1990, série

A n° 180-B, p. 36, par. 27).  En invitant le tribunal

administratif départemental à leur rendre Helena et Thomas, ils

soulevaient donc une "contestation" sur l'un de leurs "droits de

caractère civil", au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1),

lequel dès lors entre ici en ligne de compte.

105.   Quant au respect du délai raisonnable, la Cour constate

que les instances en question s'étalèrent sur treize mois et

demi, répartis sur trois degrés de juridiction.  Avec la

Commission, elle ne juge pas cela excessif au regard de

l'article 6 par. 1 (art. 6-1).

       3. La procédure relative à la seconde désignation d'un

curateur ad litem

106.   Pour les requérants, la procédure concernant la seconde

désignation d'un curateur ad litem (paragraphe 20 ci-dessus)

dépassa également la limite du raisonnable.

       Elle prit un peu plus d'un an et comporta trois degrés de

juridiction.  A l'instar de la Commission, la Cour estime qu'elle

se termina dans un délai raisonnable.

       4. Conclusion

107.   Partant, il n'y a eu violation de l'article 6 par. 1

(art. 6-1) sur aucun des trois points précités.

V.     SUR DIVERSES ALLEGATIONS DE VIOLATION DES ARTICLES 6

PAR. 1 ET 13 (art. 6-1, art. 13)

108.   Devant la Commission, les requérants ont allégué que dans

la première série de procédures dirigées contre l'interdiction

de retrait, la Cour administrative suprême avait enfreint

l'article 6 par. 1 (art. 6-1) en refusant de tenir audience

(paragraphe 17 ci-dessus).  Ils ont affirmé en outre qu'en dépit

de ce texte ils n'avaient pu, faute d'information, attaquer la

première désignation, le 17 juillet 1987, d'un curateur ad litem

(paragraphe 19 ci-dessus).  Enfin, ils n'auraient pas disposé

d'un recours effectif, au sens de l'article 13 (art. 13), pour

combattre la même décision et les restrictions aux visites.

       Ces griefs, qui selon la Commission manquent de fondement

ou n'appellent aucun examen, n'ont pas été mentionnés par les

intéressés devant la Cour et elle ne juge pas nécessaire de les

traiter d'office.

VI.    SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 50 (art. 50)

109.   M. et Mme Olsson réclament une satisfaction équitable en

vertu de l'article 50 (art. 50), ainsi libellé:

         "Si la décision de la Cour déclare qu'une décision

       prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire

       ou toute autre autorité d'une Partie Contractante se

       trouve entièrement ou partiellement en opposition avec

       des obligations découlant de la (...) Convention, et si

       le droit interne de ladite Partie ne permet

       qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de cette

       décision ou de cette mesure, la décision de la Cour

       accorde, s'il y a lieu, à la partie lésée une

       satisfaction équitable."

     A. Préjudice

110.   Les intéressés revendiquent d'abord 5 000 000 couronnes

suédoises pour dommage.  Ils affirment notamment que nonobstant

l'arrêt Olsson I, les autorités suédoises ont continué à les

traiter de la même manière.  La réparation consentie par la Cour

à l'époque n'aurait eu aucun effet; l'octroi d'une somme bien

plus forte s'imposerait donc en l'espèce.

       Le Gouvernement juge la demande "disproportionnée".

Selon lui, si la Cour accueillait sa thèse sur le fond elle ne

devrait allouer qu'un montant symbolique.

111.   Les seules violations relevées par le présent arrêt

portent sur l'article 8 (art. 8), du fait du défaut de base

légale en droit suédois, pendant une certaine période, des

restrictions aux contacts des requérants avec Helena et Thomas,

et sur l'article 6 par. 1 (art. 6-1), en raison de

l'impossibilité pour M. et Mme Olsson de combattre en justice les

limitations dont il s'agit (paragraphes 81-82 et 97 ci-dessus).

La Cour estime que les intéressés doivent en avoir éprouvé un

tort moral, insuffisamment compensé par ces constats.  Se

prononçant en équité, elle leur accorde conjointement

50 000 couronnes de ce chef.

     B. Frais et dépens

112.   Les représentants réclament aussi le remboursement de

1 286 000 couronnes de frais et dépens, à savoir:

a)     1 269 000 couronnes pour 625 heures de travail de leur

       conseil dans le cadre des procédures suivies en Suède et

       à Strasbourg, plus 80 heures réparties entre la

       préparation de sa plaidoirie, sa comparution devant la

       Cour et son voyage à Strasbourg (à 1 800 couronnes

       l'heure dans tous les cas);

b)     frais de déplacement dudit conseil pour rencontrer, dans

       le nord de la Suède, une jeune fille autrefois confiée

       aux Larsson (7 000 couronnes) et pour assister à une

       audience à Gävle (2 000 couronnes);

c)     3 000 couronnes pour un autre voyage, au domicile des

       requérants, une comparution devant le tribunal de

       première instance d'Alingsås ainsi que des frais de

       photocopie et de téléphone;

d)     5 000 couronnes d'honoraires au traducteur qui contrôla

       le texte de la plaidoirie de Mme Westerberg devant la

       Cour.

       Au sujet du point a), le Gouvernement soutient que les

frais relatifs aux instances internes ne justifient aucune

satisfaction au titre de l'article 50 (art. 50): les requérants

auraient pu les recouvrer, en vertu du système suédois d'aide

judiciaire, s'ils avaient sollicité pareille aide.  Il y aurait

lieu, en outre, de prendre en compte la manière dont leur conseil

a mené la procédure devant la Commission.  Le temps que

Mme Westerberg affirme avoir consacré à l'affaire serait

supérieur aux besoins et le taux horaire facturé par elle trop

élevé.

       Quant aux points b) et c), ils sembleraient se rapporter,

au moins en partie, aux procédures internes.  Le Gouvernement se

déclare prêt à payer une somme raisonnable pour le point d).

113.   En ce qui concerne le point a), la Cour souligne que le

conseil des requérants avait accepté de les défendre sans

recourir au système suédois d'aide judiciaire.  Ses clients ont

donc contracté l'obligation de le rétribuer.  Les frais afférents

aux démarches accomplies, sur le plan national comme à

Strasbourg, pour empêcher ou faire redresser les situations que

la Cour a jugées contraires aux articles 6 par. 1 et 8

(art. 6-1, art. 8), correspondaient à une nécessité; il faut, dès

lors, les rembourser dans la mesure où ils ne dépassent pas un

niveau raisonnable (voir par exemple l'arrêt Olsson I, série A

n° 130, p. 43, par. 104).

       Rappelant que seuls ont abouti les griefs mentionnés au

paragraphe 111 ci-dessus et statuant en équité, la Cour considère

qu'il y a lieu d'allouer à cet égard aux requérants

50 000 couronnes, moins les 6 900 francs français déjà reçus du

Conseil de l'Europe par la voie de l'assistance judiciaire.

114.   Il échet d'écarter les points b) et c) car rien ne montre

la nécessité des dépenses en question.  En revanche, la Cour ne

doute pas de celle des frais de traduction visés au point d), ni

du caractère raisonnable de leur montant.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1.     Dit, par six voix contre trois, qu'il n'y a pas eu

       violation de l'article 8 (art. 8) quant à l'interdiction

       de retrait;

2.     Dit, à l'unanimité, qu'il y a eu violation du même

       article (art. 8) du fait des restrictions apportées aux

       visites du 23 juin 1987 au 1er juillet 1990;

3.     Dit, par six voix contre trois, que les restrictions

       ultérieures n'ont pas enfreint ledit article (art. 8);

4.     Dit, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de

       l'article 6 par. 1 (art. 6-1) en ce que les requérants

       n'ont pu attaquer en justice les restrictions apportées

       aux visites du 23 juin 1987 au 1er juillet 1990;

5.     Dit, à l'unanimité, qu'il n'y a eu violation du même

       article (art. 6-1) sur aucun des autres points soulevés

       par les requérants devant la Commission puis la Cour;

6.     Dit, par sept voix contre deux, que nulle question

       distincte ne se pose sur le terrain de l'article 53

       (art. 53);

7.     Dit, à l'unanimité, qu'il ne s'impose pas d'examiner les

       autres griefs formulés par les requérants, sur le terrain

       des articles 6 par. 1 et 13 (art. 6-1, art. 13), devant

       la Commission mais non repris par eux devant la Cour;

8.     Dit, à l'unanimité, que la Suède doit verser

       conjointement aux requérants, dans les trois mois, 50 000

       (cinquante mille) couronnes suédoises pour dommage moral

       et, pour frais et dépens, 55 000 (cinquante-cinq mille)

       couronnes moins 6 900 (six mille neuf cents) francs

       français, à convertir en couronnes au taux applicable à

       la date du prononcé du présent arrêt;

9.     Rejette, à l'unanimité, la demande de satisfaction

       équitable pour le surplus.

       Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience

publique au Palais des Droits de l'Homme, à Strasbourg,

le 27 novembre 1992.

Signé: Rolv RYSSDAL

       Président

Signé: Marc-André EISSEN

       Greffier

       Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux

articles 51 par. 2 (art. 51-2) de la Convention et 53 par. 2 du

règlement, l'exposé de l'opinion en partie dissidente de

M. Pettiti, approuvée par MM. Matscher et Russo.

Paraphé: R. R.

Paraphé: M.-A. E.

    OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE M. LE JUGE PETTITI,

        APPROUVEE PAR MM. LES JUGES MATSCHER* ET RUSSO

_______________

* Sauf en ce qui concerne l'avant-dernier alinéa de la page 46.

_______________

       Je n'ai pas voté avec la majorité de la chambre pour la

non-violation de l'article 8 (art. 8) de la Convention européenne

des Droits de l'Homme en ce qui concerne l'interdiction de

retrait et les limitations aux visites (points 1 et 3 du

dispositif).  Je considère au contraire qu'il y a une grave

violation de cet article (art. 8), dans la ligne même de l'arrêt

Olsson I, notamment au paragraphe 81 qui avait conclu au non-

respect par la Suède dudit article 8 (art. 8), tant pour

l'interdiction de retrait que pour les restrictions postérieures

au 1er juillet 1990.

       Il paraît évident que les agents des services sociaux

n'ont pas accompli tous les efforts qui étaient indispensables

à la lumière de cet arrêt pour favoriser l'exercice du droit de

visite et du droit d'hébergement qui aurait préparé au retour de

garde.

       Lorsque l'enfant a été séparé de ses parents pendant une

longue période (ce fut le cas ici et en fonction d'une certaine

responsabilité des services sociaux au cours de la période visée

par l'arrêt Olsson I), des dispositions souples et intelligentes

doivent être prises.

       Il faut, pour mieux situer la réflexion sur l'arrêt

Olsson II, rappeler le considérant majeur de l'arrêt Olsson I

(reconnaissant la violation par douze voix contre trois):

       "82.   Rien ne donne à penser que les autorités suédoises

       n'aient pas agi de bonne foi en exécutant la décision de

       prise en charge, mais cela ne suffit pas à rendre une

       mesure 'nécessaire' au regard de la Convention (...): il

       faut appliquer en la matière une norme objective.

       L'examen de la thèse du Gouvernement porte à croire que

       les décisions incriminées découlaient en partie de

       difficultés administratives; or dans un domaine aussi

       essentiel que le respect de la vie familiale, de telles

       considérations ne sauraient jouer qu'un rôle secondaire.

       83.    En conclusion, sur les points précités plus haut

       et malgré le manque de coopération des requérants (...),

       les dispositions arrêtées en vertu de la décision de

       prise en charge ne se fondaient pas sur des raisons

       'suffisantes' de nature à les justifier comme

       proportionnées au but légitime poursuivi.  Nonobstant la

       marge d'appréciation des autorités internes, elles

       n'étaient donc pas 'nécessaires dans une société

       démocratique'."

       Le Comité des Ministres s'est borné à constater que les

condamnations pécuniaires au titre de l'article 50 (art. 50) de

la Convention avaient bien été réglées par le Gouvernement.

       Pour toutes les périodes considérées, il eût fallu

prévoir: la préparation psychologique des enfants, l'organisation

progressive et répétée au moins chaque mois de rencontres d'abord

de brève durée, au besoin même en présence d'un psychologue, puis

d'une journée, d'un week-end, d'une partie des vacances, dans

d'autres conditions que celles assurées lors des cinq séries de

visites.  Ceci pour éviter que l'enfant conditionné par la

famille nourricière d'accueil n'opposât une mauvaise volonté à

la réussite de ces visites, ce qui présentait évidemment une

difficulté.  Il eût été utile aussi de mieux préparer les parents

à des étapes progressives en tenant compte de leur frustration,

de certaines résistances maladroites de leur part, et aussi des

difficultés de déplacement tenant au mauvais choix géographique

de la résidence des familles d'accueil.  Le plus important était

de constater l'effort persistant des parents pour obtenir le

retour des enfants, malgré tous les obstacles, ce qui confirmait

leur attachement parental et leur légitime et constante

revendication.  Ni les services sociaux ni la majorité de la Cour

européenne statuant en chambre n'ont pris suffisamment en compte,

à mon avis, la valeur et la portée de cet attachement.  Du

23 juin 1987 au 16 juin 1989 il n'y eut que cinq réunions

effectives (paragraphe 29), puis il n'y en eut plus pendant la

période à considérer.

       Certes, depuis l'arrêt Olsson I, ces cinq essais de

visites ont eu lieu et ont eu un résultat négatif qui pouvait

être temporaire.

       Mais compte tenu du passif des malentendus accumulés

pendant des années, ces tentatives n'avaient aucune chance

d'aboutir sans une préparation psychologique adéquate des parties

en cause.  C'est le devoir des services sociaux, l'A.B.C. des

méthodes d'assistance éducative en pratique en Europe où ce type

de conflits est fréquent, de prévoir des modalités particulières.

       On ne peut en quelques heures surmonter des années

d'incompréhension réciproque.  Des milliers d'ouvrages de juges,

avocats, médecins, psychiatres, psychologues ont été écrits sur

ce sujet.  L'utilisation de lieux de rencontres neutres,

d'entretiens progressifs est couramment pratiquée sous le

contrôle de magistrats.  En tout cas, il est toujours négatif de

devoir rencontrer ses enfants au lieu de la famille d'accueil ou

en présence de celle-ci, car cela conduit à l'échec de la

tentative.

       Les services sociaux ont manifesté un quasi-mépris aussi

bien envers les juridictions nationales qu'envers la Cour

européenne.  On est surpris de ce que ni les juridictions ni les

autorités gouvernementales n'aient pu parvenir à faire céder

"l'impérialisme" des services sociaux.

       A aucun moment ces services sociaux n'ont manifesté la

moindre attention pour l'amour que voulaient exprimer les parents

envers leurs enfants, confirmé par des années de combats de

procédure pour tenter d'obtenir la réintégration dans leurs

droits les plus sacrés.

       Certes, les parents Olsson ont manifesté une certaine

intransigeance dans leur comportement, surtout à partir de 1989,

et ont encouru de ce fait une part de responsabilité.  Mais il

faut tenir compte de leur désarroi après les échecs répétés

qu'ils subissaient même après les décisions favorables de la Cour

européenne et des juridictions nationales (paragraphes 53 et

suivants).

       Ils ont, adoptant la tactique de leurs conseils, peut-

être trop radicale, raidi leur position, mais ils avaient

juridiquement quelques raisons valables.  En tout cas, il

appartenait aux autorités d'exercer, par leur compréhension et

leurs interventions répétées, une influence positive au lieu de

consolider les malentendus.

       En ce domaine, il faut multiplier les tentatives de

visites, instruire les enfants comme les parents, désamorcer les

conflits.  Il n'est pas équitable de privilégier l'obstination

des enfants et des familles d'accueil.

       Dans cette voie, les longs délais séparant chaque

procédure ou intervention ont aggravé la situation, alors que

dans d'autres Etats et juridictions, on aurait utilisé des

procédures d'audition à dates rapprochées au titre de l'action

du juge des enfants pour statuer en urgence.  On garde le

sentiment que les autorités se satisfaisaient de l'intransigeance

des parents pour fortifier la position des services sociaux, bien

que ceux-ci n'aient pas caché leur préférence a priori pour les

familles d'accueil, privilégiant presque le confort matériel sur

les liens paternel et maternel.

       Vu de l'extérieur, on peut avoir l'impression qu'une

telle attitude à l'égard des parents a été quelque peu

"inhumaine".

       On peut regretter que dans le cadre de l'application de

la Convention des Nations Unies sur les droits des enfants, il

n'y ait pas eu intervention des enfants assistés de leurs

conseils; ceux-ci auraient pu assurer un rôle utile de

médiateurs.

       En tout cas, le comportement général et global des

autorités a été tel que les parents sont définitivement séparés

de leurs enfants, et que cette situation est désormais

irréparable, par l'impossibilité ainsi créée de visites qu'on ne

refuse pas même à des parents criminels en d'autres pays.  Les

parents Olsson se trouvent définitivement coupés de toute

relation familiale.  Il est difficile de connaître des cas de

violation plus graves des droits fondamentaux protégés par

l'article 8 (art. 8).

       Puisque j'ai voté pour la violation concernant

l'interdiction de retrait et la privation de visites avant et

après 1990, je conclus également qu'il y avait lieu pour la Cour

d'examiner l'affaire sous l'angle de l'article 53 (art. 53), et

d'analyser la décision du Comité des Ministres, par rapport à

l'arrêt de la Cour européenne dans la première affaire Olsson.

       Il est paradoxal qu'en l'année de mise en oeuvre de la

Convention des Nations Unies sur les droits des enfants, qui

privilégie les rapports famille-enfants, un tel échec soit

enregistré dans l'application de l'article 8 (art. 8) de la

Convention européenne.

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CEDH, Cour (chambre), AFFAIRE OLSSON c. SUÈDE (N° 2), 27 novembre 1992, 13441/87