CEDH, Cour (chambre), AFFAIRE MARGARETA ET ROGER ANDERSSON c. SUÈDE, 25 février 1992, 12963/87

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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CEDH · 25 février 1992

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Chambre), 25 févr. 1992, n° 12963/87
Numéro(s) : 12963/87
Publication : A226-A
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Eriksson c. Suède du 22 juin 1989, série A no 156, p. 24, par. 58, p. 26, par. 71
Arrêt Klass et autres c. République fédérale d'Allemagne du 6 septembre 1978, série A no 28, p. 21, par. 41
Arrêt Kruslin c. France du 24 avril 1990, série A no 176-A, p. 20, par. 26, pp. 20-23, paras. 27, 29 et 30, pp. 21-22, par. 29
Arrêt Olsson c. Suède du 24 mars 1988, série A no 130, pp. 36-37, par. 81
Organisation mentionnée :
  • ECHR
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Oui
Conclusions : Violation de l'article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale (Article 8-1 - Respect de la correspondance ; Respect de la vie familiale) ; Non-violation de l'article 13 - Droit à un recours effectif ; Préjudice moral - réparation (Article 41 - Préjudice moral ; Satisfaction équitable)
Identifiant HUDOC : 001-62304
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1992:0225JUD001296387
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Texte intégral

        En l'affaire Margareta et Roger Andersson c. Suède*,

        La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée,

conformément à l'article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde

des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ("la

Convention")** et aux clauses pertinentes de son règlement, en une

chambre composée des juges dont le nom suit:

        MM. R. Ryssdal, président,

            J. Cremona,

            F. Gölcüklü,

            J. Pinheiro Farinha,

            L.-E. Pettiti,

            A. Spielmann,

            J. De Meyer,

            F. Bigi,

            G. Lagergren, juge ad hoc,

ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier

adjoint,

        Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 27 août

1991 et 20 janvier 1992,

        Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date:

_______________

Notes du greffier

* L'affaire porte le n° 61/1990/252/323.  Les deux premiers

chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les deux

derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis

l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission)

correspondantes.

** Tel que l'a modifié l'article 11 du Protocole n° 8 (P8-11), entré

en vigueur le 1er janvier 1990.

_______________

PROCEDURE

1.      L'affaire a été déférée à la Cour par la Commission

européenne des Droits de l'Homme ("la Commission") puis le

Gouvernement du Royaume de Suède ("le Gouvernement"), les 14 et

17 décembre 1990, dans le délai de trois mois qu'ouvrent les

articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention.  A son

origine se trouve une requête (n° 12963/87) dirigée contre la Suède

et dont deux citoyens suédois, Mme Margareta Andersson et son fils

Roger Andersson, avaient saisi la Commission le 13 février 1987 en

vertu de l'article 25 (art. 25).

        La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48

(art. 44, art. 48) ainsi qu'à la déclaration suédoise reconnaissant

la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46).  Comme

la requête du Gouvernement, elle a pour objet d'obtenir une décision

sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un

manquement de l'Etat défendeur aux exigences de l'article 8

(art. 8), auquel la requête ajoute l'article 13 (art. 13).

2.      En réponse à l'invitation prévue à l'article 33 par. 3 d) du

règlement, les requérants ont manifesté le désir de participer à

l'instance et ont désigné leur conseil (article 30).

3.      La chambre à constituer comprenait de plein droit

Mme E. Palm, juge élu de nationalité suédoise (article 43 de la

Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour

(article 21 par. 3 b) du règlement).  Toutefois, Mme Palm s'est récusée

le 8 janvier 1991 en vertu de l'article 24 par. 2 du règlement; par

une lettre du 22 février, l'agent du Gouvernement a avisé le

greffier du choix de M. Gunnar Lagergren, ancien membre de la Cour,

pour siéger en qualité de juge ad hoc (articles 43 de la Convention

et 23 du règlement) (art. 43).  Le 21 février, le président a tiré

au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. J. Cremona,

F. Gölcüklü, J. Pinheiro Farinha, A. Spielmann, J. De Meyer, I. Foighel

et F. Bigi, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention

et 21 par. 4 du règlement) (art. 43).  Ultérieurement,  M. L.-E. Pettiti,

suppléant, a remplacé M. Foighel, empêché (articles 22 par. 1 et 24 par. 1

du règlement).

4.      Ayant assumé la présidence de la chambre (article 21 par. 5 du

règlement), M. Ryssdal a consulté par l'intermédiaire du greffier

l'agent du Gouvernement, le délégué de la Commission et le conseil

des requérants au sujet de l'organisation de la procédure

(articles 37 par. 1 et 38).

5.      Par la suite et conformément aux ordonnances et directives

du président, le greffier a reçu des requérants et du Gouvernement,

à des dates diverses s'échelonnant du 15 mars au 26 août 1991, leurs

observations respectives, les prétentions des premiers au titre de

l'article 50 (art. 50) de la Convention et différentes pièces.  Par

une lettre du 30 mai, le secrétaire de la Commission l'a informé que

le délégué s'exprimerait de vive voix.

        Les 4 juillet et 5 août 1991, la Commission a produit

plusieurs documents; le greffier l'y avait invitée sur les

instructions du président.

6.      Ainsi qu'en avait décidé celui-ci, les débats se sont

déroulés en public le 26 août 1991, au Palais des Droits de l'Homme

à Strasbourg.  La Cour avait tenu auparavant une réunion

préparatoire.

      Ont comparu:

- pour le Gouvernement

  MM. C.H. Ehrenkrona, conseiller juridique,

        ministère des Affaires étrangères,             agent,

        R. Gustafsson, conseiller juridique,

        ministère de la Santé et des Affaires

        sociales,                                      conseiller;

- pour la Commission

  M. H. Danelius,                                      délégué;

- pour les requérants

  Mmes S. Westerberg, avocat,                          conseil,

       B. Hellwig,                                     conseiller.

        La Cour a entendu en leurs déclarations, ainsi qu'en leurs

réponses à ses questions et à celles de plusieurs juges,

M. Ehrenkrona pour le Gouvernement, M. Danelius pour la Commission

et Mme Westerberg pour les requérants.

7.      Les 5 et 13 septembre 1991, le greffier a reçu des

requérants puis du Gouvernement des réponses écrites complémentaires

aux questions posées à l'audience.

EN FAIT

I.      LES CIRCONSTANCES DE L'ESPECE

     A. La genèse de l'affaire

8.       Nés respectivement en 1951 et 1974, Mme Margareta Andersson

et son fils Roger Andersson sont citoyens suédois.  Ils résidèrent

d'abord à Växjö, mais s'installèrent en 1985 à Nybro.

9.      Le 5 juin 1985, le président de la commission sociale n° 1

du conseil social (socialnämndens socialutskott I) de Växjö décida

la prise en charge immédiate et provisoire de Roger en vertu de

l'article 6 de la loi de 1980 portant dispositions spéciales sur

l'assistance aux adolescents (lagen 1980:621 med särskilda

bestämmelser om vård av unga - "la loi de 1980").  Sa décision

devait permettre à la clinique psychiatrique pour enfants et

adolescents ("la clinique") de Växjö d'étudier la situation de

l'intéressé.  Elle se fondait sur le rapport d'un agent des services

sociaux, de la même date, qui relevait notamment ce qui suit.  Quand

Roger commença de fréquenter l'école en 1981, on avait constaté

qu'il manquait de sociabilité et de maturité; il se montrait fort

timide, inhibé et peu assuré.  Les services sociaux de Växjö avaient

alors formulé, pour l'aider, plusieurs suggestions que Margareta

Andersson écarta.  A partir de décembre 1984, Roger cessa d'aller à

l'école régulièrement.  Sa mère et lui déménagèrent plus tard à une

adresse inconnue des services sociaux mais qu'ils réussirent à

découvrir (à Nybro) après enquête.  Le rapport concluait que le

comportement de la mère perturbant gravement la santé et le

développement de Roger, celui-ci avait subi sans doute longtemps un

traitement préjudiciable à sa condition mentale.  Comme sa santé et

son développement couraient un danger de plus en plus grand et que

Margareta Andersson entraverait l'enquête, la prise en charge

s'imposait d'urgence.

10.     Le 11 juin 1985, les services sociaux résolurent d'interdire

les contacts entre les requérants en attendant que le tribunal

administratif départemental (länsrätten) de Växjö eût statué sur la

question de l'assistance.  Ils autorisèrent toutefois certains

entretiens téléphoniques.  L'interdiction serait réexaminée dès

qu'on ne jugerait plus néfaste pour Roger d'avoir des relations avec

sa mère.

11.     Par deux décisions du 14 juin 1985, le tribunal

administratif confirma l'ordonnance de prise en charge provisoire et

entérina l'interdiction.  Le médecin-chef adjoint de la clinique,

entendu en qualité d'expert, avait déclaré notamment qu'il fallait

réglementer les contacts de Margareta Andersson avec Roger; il

serait "trop dramatique pour Roger de laisser sa mère lui rendre

visite".  Elle ne pouvait supporter sa séparation de lui; elle

avait en réalité besoin d'assistance à l'égal de lui-même.  Ce

n'était pas lui qui avait à s'occuper d'elle.  L'interdiction des

contacts était donc nécessaire tant que Margareta Andersson se

trouverait dans un aussi mauvais état.

        Margareta Andersson attaqua en vain ces décisions devant la

cour administrative d'appel (kammarrätten) de Jönköping.  Le

26 juillet 1985, la Cour administrative suprême (regeringsrätten)

lui refusa l'autorisation de la saisir.

12.     Le conseil social sollicita auprès du tribunal administratif

départemental une ordonnance de prise en charge au titre du deuxième

paragraphe, alinéa 1, de l'article 1 de la loi de 1980.  Après

audience, le tribunal accueillit la demande le 17 juillet 1985,

entre autres par les motifs suivants:

        "L'enquête menée en l'espèce ne révèle aucune raison de

        critiquer la manière dont Margareta Andersson dirige sa

        maison.  A notre connaissance, les conditions matérielles

        [y] sont satisfaisantes.  L'enquête prouve cependant que la

        situation y est de nature à nuire au développement social et

        affectif d'un adolescent.  Devant le tribunal administratif

        départemental, Margareta Andersson a taxé d'inexactitude

        foncière les informations fournies dans la requête du

        conseil social.  Au vu des résultats de la procédure, il

        faut considérer qu'elle confirme ainsi son inaptitude à

        comprendre la situation de Roger.  Le comportement de

        l'enfant montre clairement un développement social et

        affectif perturbé.  Il apparaît dès lors indispensable de

        donner à l'enfant l'aide et le soutien dont il a besoin pour

        surmonter ses difficultés.  Eu égard à l'attitude de

        Margareta Andersson, on ne saurait escompter que les mesures

        nécessaires puissent être adoptées par elle ou avec son

        aval.  En conséquence, on doit confier aux services sociaux

        la réadaptation de Roger.  Il échet donc d'accueillir la

        demande du conseil social."

13.     Ainsi que l'avait décidé le président de la commission

sociale (paragraphe 9 ci-dessus), Roger fut placé à la clinique

de Växjö le 5 juin 1985, mais le 15 juillet il s'en échappa pour

rejoindre sa mère.  Le 26 août, elle conclut avec le conseil un

accord selon lequel l'assistance de Roger se poursuivrait à leur

domicile de Nybro, après un bref séjour à la clinique.

14.     En mars 1986, Roger cessa de fréquenter l'école.  Le

président de la commission sociale lui fit dès lors réintégrer la

clinique, le 29 avril, en vue de le placer dans un foyer d'accueil.

Toutefois, l'enfant s'enfuit à nouveau le 13 mai et alla chez sa

mère où la police le reprit le 5 août 1986.

15.     Dans l'intervalle, le 22 mai 1986, le conseil avait décidé

d'envoyer Roger dans un foyer d'accueil.  Margareta Andersson s'en

plaignit au tribunal administratif départemental, qui la débouta le

19 août après une audience à laquelle elle comparut assistée d'un

conseil, Roger y étant représenté par un avocat commis d'office

(offentligt biträde).  Elle se pourvut alors devant la cour

administrative d'appel, qui rejeta son recours le 17 octobre.  Le

19 décembre 1986, la Cour administrative suprême lui refusa

l'autorisation de la saisir.

        Pendant que se déroulait cette procédure, Roger fut

transféré, le 23 août, dans un foyer d'accueil - chez M. Meijer et

Mme Höjsholt - à Glimåkra, à 120 kilomètres environ de Nybro.  Il y

demeura la plupart du temps, à l'exception de deux séjours à

l'hôpital, jusqu'à la mainlevée de l'ordonnance de prise en charge,

le 27 avril 1988 (paragraphe 45 ci-dessous).  Il fut hospitalisé une

première fois du 3 au 25 février 1987, pour traitement du diabète,

puis du 26 février au 3 mai 1988 parce qu'il avait absorbé une trop

forte dose d'insuline.  Depuis cette dernière date, il vit chez sa

mère à Nybro.

     B. Restrictions aux contacts

        1. Décisions prononçant l'interdiction des contacts

16.     Le 6 août 1986, le chef de district adjoint des services

sociaux de Växjö résolut ce qui suit:

        "Jugeant la chose nécessaire pour atteindre les objectifs de

        l'assistance, l'agent soussigné, dûment autorisé par le

        [conseil] et dans l'attente de la réunion de la commission

        sociale, décide qu'une interdiction des contacts

        (umgängesförbud) entre [les requérants], en application de

        l'article 16 par. 1 de la loi de 1980, entrera en vigueur

        aujourd'hui et vaudra jusqu'à nouvel ordre.

        Un réexamen de la décision aura lieu dès qu'un contact

        personnel entre la mère et l'enfant ne sera plus considéré

        comme préjudiciable à celui-ci."

17.     Dans un rapport du 15 août 1986 au conseil, l'agent des

services sociaux chargé du dossier indiqua les raisons de la

décision précitée et recommanda le maintien de l'interdiction dans

le cadre d'un plan d'assistance pour Roger.  Il invoquait pour

l'essentiel les éléments ci-après:

        a) Margareta Andersson avait été mêlée à chacune des deux

fuites de Roger hors de la clinique.  Elle avait en outre exprimé

l'intention de déménager à une adresse inconnue des pouvoirs publics

ou de quitter le pays, afin d'éviter des "persécutions".

        b) Elle avait exercé une influence négative sur Roger au

cours de ses visites à la clinique; elle avait adopté parfois un

comportement si déplacé que des membres du personnel de la clinique

l'en avaient fait sortir.

        c) Pendant le séjour de Roger à la clinique, il s'était

révélé impossible d'amener Margareta Andersson à une forme

quelconque de coopération.  Alors qu'on lui avait refusé des

contacts avec son fils, elle lui avait néanmoins envoyé de l'argent

et des messages l'incitant à s'échapper; elle les avait cachés dans

des vêtements et jouets qu'elle lui destinait.

        d) Les membres du  personnel du service qui s'occupait de

Roger avaient constaté qu'il se conduisait d'une manière "très

méfiante, mais calme" et qu'il s'était davantage attaché à eux.

Il semblait dominer la situation mieux que sa mère et n'avait pas

demandé à téléphoner à celle-ci.

        e) Pour réaliser les objectifs de la prise en charge, il

fallait empêcher pour un temps Margareta Andersson d'avoir "aucune

forme de contact avec Roger".

18.     D'après le rapport, la décision du 6 août 1986 avait été

communiquée à Margareta Andersson de vive voix le 8 août.

19.     Le 21 août 1986, la commission sociale entérina le plan

d'assistance proposé, y compris l'interdiction des visites.

Elle précisait:

        "[une] interdiction de contacts s'appliquera entre (...)

        Margareta et Roger Andersson, en vertu de l'article 16 par. 1

        [de la loi de 1980], jusqu'à nouvel ordre et jusqu'à ce que

        des contacts appropriés puissent être organisés sans risque

        de nuire à l'enfant."

        Selon la thèse défendue par le conseil pendant la procédure

judiciaire interne ultérieure (paragraphes 34-35 ci-dessous),

l'interdiction englobait non seulement les visites, mais aussi les

communications téléphoniques et la correspondance entre les

requérants.

        2. Visites

20.     Avec l'accord des services sociaux, Margareta Andersson et

Roger se rencontrèrent les 5 octobre et 30 décembre 1986 au domicile

de la famille Helgesson à Sibbhult, près de Glimåkra.  Une visite

prévue pour le 3 décembre n'eut pas lieu parce que Margareta

Andersson n'en accepta pas les modalités.

        Ainsi que l'agent des services sociaux l'expliqua dans un

rapport du 30 mars 1987 au conseil, M. et Mme Helgesson avaient été

désignés comme parents nourriciers de soutien.  Leur tâche

consistait à ménager chez eux des rencontres entre les requérants,

pour faciliter les contacts entre ceux-ci sans provoquer de rupture

dans les relations de Roger avec son foyer d'accueil.  Les

rencontres se déroulaient en présence des Helgesson, du père

nourricier - M. Meijer - et d'un ou deux travailleurs sociaux.

Elles duraient environ deux heures chacune.  Peu après la première,

Roger tenta de s'enfuir du foyer d'accueil.

21.     Une nouvelle réunion était projetée pour le début de février

1987, mais il fallut l'annuler car Roger se trouvait hospitalisé

pour diabète (du 3 au 25 février 1987).  Selon le Gouvernement,

pendant ce séjour à l'hôpital des efforts particuliers furent

consentis pour laisser Margareta Andersson y visiter son fils, mais

il se révéla impossible de s'entendre sur les conditions de ces

rencontres parce qu'elle insistait pour voir Roger seule.  Elle se

rendit toutefois auprès de lui le 19 février 1987.  A cette

occasion, elle eut une violente altercation avec le père nourricier

qui, contre son gré à elle, était venu assister à l'entretien; il

mit un terme à celui-ci en la forçant à quitter la salle.  D'après

le Gouvernement, l'incident se produisit parce que Margareta

Andersson n'avait averti de son arrivée ni l'hôpital, ni les

services sociaux, ni le père nourricier et avait essayé d'emmener

son fils avec elle.  A en croire les requérants, les services

sociaux l'avaient autorisée à voir Roger ce jour-là; elle-même et

son représentant avaient indiqué au personnel que comme Roger se

trouvait beaucoup mieux à l'hôpital que dans son foyer d'accueil,

elle souhaitait qu'il y demeurât.  Il n'y aurait donc jamais eu

aucun risque qu'elle l'enlevât.

22.     Margareta Andersson dénonça le père nourricier à la police,

pour diverses voies de fait, mais le parquet classa la plainte après

enquête.  Sur recours, le chef du parquet de Malmö confirma cette

décision.

23.     D'autres rencontres eurent lieu chez les Helgesson les

24 juin, 13 juillet et peut-être 20 août 1987.  Contrairement aux

précédentes, elles se déroulèrent sous la seule surveillance de

M. et Mme Helgesson, ainsi que le tribunal administratif

départemental l'avait prescrit dans un jugement du 1er juin 1987

(paragraphe 39 ci-dessous).  Selon le Gouvernement il y eut aussi

une réunion le 5 août 1987, mais les requérants le contestent.

24.     Les 2 et 24 avril, 25 juin et 26 octobre 1987, Mme Wintler,

travailleur social désigné par les services sociaux pour assister

Margareta Andersson, lui proposa de participer à l'organisation de

toute rencontre future avec Roger.  La requérante s'y refusa, mais

exprima le désir qu'ils fussent réunis.

25.     Ils se rencontrèrent chez elle le 28 novembre 1987, en

présence des Helgesson et de Mme Wintler.  D'après le Gouvernement,

des réunions semblables eurent lieu également le 20 décembre 1987

ainsi que les 9 et 30 janvier 1988; les requérants le nient.

26.     Le 5 février 1988, la commission sociale décida que des

rencontres se produiraient à raison d'une par mois jusqu'en mai au

domicile de Margareta Andersson et que dans l'intervalle il y en

aurait d'autres chez les Helgesson (paragraphe 43 ci-dessous).  Le

tribunal administratif départemental précisa, le 17 février, que les

secondes se tiendraient au moins deux fois par mois (paragraphe 44

ci-dessous).

27.     Emmené entre temps à l'hôpital le 26 février 1988, Roger y

séjourna jusqu'au 3 mai (paragraphe 15 ci-dessus).  Pendant cette

période, sa mère put lui rendre visite et rester la nuit à son

chevet.  Elle passa au total environ deux semaines dans

l'établissement.

        3. Communications téléphoniques et correspondance

28.     Selon une note du chef de district adjoint, datée du

4 mars 1987, l'interdiction des contacts entre les requérants fut appliquée

de la manière suivante jusqu'à nouvel ordre:

        "L'interdiction englobe les communications téléphoniques et

        la correspondance.  Margareta a la faculté, à certains

        moments de la semaine, d'entrer en rapport par téléphone

        avec le médecin de Roger et Mme Helgesson.  Elle a aussi des

        contacts téléphoniques avec [le père nourricier].  Ses

        lettres à Roger seront d'abord lues par [le père

        nourricier]."

29.     Selon les requérants, Margareta Andersson adressa environ

deux lettres par mois à Roger au foyer d'accueil, mais il n'en reçut

aucune, apparemment parce que le père nourricier les avait gardées

par devers lui.  De plus, alors que son fils se trouvait à l'hôpital

en février 1987, elle lui envoya plusieurs missives qui ne lui

parvinrent pas davantage car le personnel hospitalier les avait

interceptées et transmises au père nourricier.

30.     Le Gouvernement affirme, lui, que dans la mesure où il a pu

l'établir seules furent interceptées deux lettres de la mère, non

datées mais probablement rédigées en février 1987.  Dans l'une, elle

disait avoir parlé de l'affaire à la radio et s'être vu refuser des

contacts téléphoniques avec son fils; elle invitait celui-ci à

informer le médecin de l'hôpital, afin d'obtenir son appui, qu'il

n'était pas content de la famille d'accueil.  Dans l'autre, elle lui

signalait le jour de l'émission et le nom de son nouvel avocat, qui

ne négligerait aucun effort pour qu'il retournât à la maison.  Elle

lui demandait aussi de lui indiquer comment les choses se passaient

à Glimåkra.

31.     Le Gouvernement a donné ces lettres au représentant des

requérants à l'audience du 26 août 1991.  Selon lui, les services

sociaux n'avaient pu les retrouver qu'à la fin d'avril 1991.

32.     Il ressort en outre du dossier que le père nourricier avait

défendu à Roger d'appeler Margareta Andersson ou de lui écrire et

avait pris certaines mesures préventives en ce sens.  L'enfant n'en

expédia pas moins deux lettres à sa mère au cours de l'automne 1986.

33.     Le 5 février 1988, la commission sociale releva les

requérants de l'interdiction de correspondre; elle les autorisa en

outre à communiquer par téléphone, à condition que l'initiative vînt

de Roger (paragraphe 43 ci-dessous).

     C. Première série de procédures contre les restrictions aux

        contacts

34.     Margareta Andersson attaqua la décision du 21 août 1986

(paragraphe 19 ci-dessus) devant le tribunal administratif

départemental; elle réclamait tout à la fois le retrait de

l'interdiction des visites et le droit de parler à Roger par

téléphone.  Une audience eut lieu le 11 septembre 1986; elle y

comparut assistée d'un conseil.  Le lendemain, le tribunal déclara

la seconde requête irrecevable et rejeta la première au fond, par

les motifs que voici:

        "Margareta Andersson a plaidé notamment ce qui suit.

        L'interdiction des contacts imposée par la commission

        sociale irait au-delà de ce qu'exige la mise en oeuvre de

        l'ordonnance de prise en charge.  Elle remonte à une date

        antérieure au transfert de Roger à Glimåkra.  La situation

        aurait changé maintenant que Roger y vit.  Rien ne

        montrerait que [Margareta Andersson] exercerait aujourd'hui

        une influence négative sur lui.  Elle ne se serait pas

        immiscée dans l'actuel placement et n'aurait pas cherché à

        saboter les mesures adoptées à présent.  Le ressentiment

        qu'elle a manifesté découlerait de ce qu'elle ne saisit pas

        pourquoi il fallait prendre son fils en charge.  Sans doute

        les sacs de vêtements apportés par elle à Roger pendant son

        séjour à la clinique (...) renfermaient-ils de l'argent et

        une carte annonçant qu'elle l'aiderait à quitter cet

        endroit, mais il n'en résulterait pas qu'elle l'ait

        encouragé à s'évader; c'était sa manière à elle de lui dire

        qu'elle essaierait de le ramener chez elle en appelant de la

        décision de prise en charge.  Roger rencontrerait beaucoup

        de difficultés dans le foyer d'accueil de Glimåkra.  Par des

        conversations téléphoniques avec les parents nourriciers,

        elle aurait su qu'il reste assis seul dans sa chambre, en

        train de pleurer.  Il voudrait retourner à la maison.  En

        outre, il servirait là-bas de domestique; il devait faire

        vaisselle et ménage.

        D'après le conseil social, les événements ont obligé à

        empêcher les contacts; cela engloberait l'interdiction,

        pour Margareta Andersson, de s'entretenir au téléphone avec

        Roger.  Le conseil aurait déployé de grands efforts pour se

        rapprocher de la mère et instaurer avec elle  une véritable

        coopération.  En vain.  Il entendrait ne pas risquer l'échec

        de nouvelles tentatives.  La clinique (...) aurait souligné

        qu'un tel échec pourrait avoir de graves conséquences pour

        Roger.  Les déclarations de Margareta Andersson prouveraient

        qu'elle est prête à emmener son fils.  Or il se

        développerait bien dans le foyer d'accueil.  Le conseil

        aurait pour but d'améliorer sa coopération avec la mère.

        Dans son esprit, un mois au moins devrait s'écouler entre le

        transfert de l'enfant et tout contact de sa mère avec lui.

        S'il aboutit à un accord convenable avec elle, le conseil

        compte la laisser voir l'enfant à la fin de septembre ou au

        début d'octobre.

        Le tribunal administratif départemental considère ce qui

        suit.  La décision de prendre en charge Roger, en vertu de

        [la loi de 1980], puis de le transférer à Glimåkra repose

        sur l'incapacité de Margareta Andersson à lui dispenser les

        soins nécessaires.  Par deux fois, alors qu'il séjournait à

        la clinique (...), il s'en est échappé et a réussi, avec

        l'aide de sa mère, à en rester longtemps éloigné.  Lors du

        dernier séjour de Roger à la clinique (...), Margareta

        Andersson a essayé de lui donner un message qui, pour lui,

        signifiait qu'elle allait l'enlever.  Cela étant, et vu la

        nécessité de ne pas interrompre un placement à peine

        commencé et d'empêcher Margareta Andersson d'influencer

        Roger, le tribunal administratif départemental estime que la

        commission sociale a de bonnes raisons de décider

        d'interdire les contacts.  Il juge cependant utile de

        préciser que si l'on peut arriver à une coopération

        fructueuse avec Margareta Andersson, il importe qu'une

        rencontre ait lieu entre la mère et son fils comme le

        projette le conseil.

        Selon l'article 20 par. 3 [sans doute par. 4] de [la loi de 1980],

        une décision du conseil se prête à un recours au tribunal

        administratif départemental quand elle a statué, en vertu de

        l'article 16, sur le droit de voir un enfant.  Le tribunal

        constate qu'en prohibant toute communication téléphonique

        avec Roger, le conseil a restreint les contacts de Margareta

        Andersson par application de l'article 11 de la loi.  Or,

        d'après l'article 20, aucun recours ne s'ouvre contre une

        telle décision."

35.     Margareta Andersson saisit alors la cour administrative

d'appel qui, après un nouvel examen de tous les aspects de

l'interdiction litigieuse, la débouta par un arrêt du

11 novembre 1986 fondé, entre autres, sur les motifs suivants:

        "L'article 16 de [la loi de 1980] habilite le conseil social

        à restreindre les contacts du parent investi de la garde

        avec l'enfant, lorsque l'exécution de l'ordonnance de  prise

        en charge l'exige.  Il peut s'agir de l'interdiction des

        communications épistolaires ou téléphoniques entre le parent

        et l'enfant comme de la non-divulgation du lieu de résidence

        de ce dernier.  En appliquant ce texte, on ne doit en

        principe limiter les contacts que dans la mesure strictement

        nécessaire.

        D'après les explications du conseil social à l'audience

        devant le tribunal administratif départemental, la décision

        attaquée (...) comportait l'interdiction des communications

        épistolaires et téléphoniques.  Elle repose en entier sur

        l'article 16 de la loi.  Le tribunal aurait donc dû se

        pencher sur les parties de la décision qui concernaient ces

        communications.  Partant, il échet d'étudier l'appel de

        Margareta Andersson quant à l'interdiction dans son

        ensemble.

        (...)

        Pendant la période de prise en charge, le conseil doit en

        principe s'efforcer de maintenir des contacts entre Roger et

        Margareta Andersson, mais les circonstances peuvent le

        forcer à les restreindre, en vertu de l'article précité de

        la loi.

        Du dossier et de la procédure menée en l'espèce (...) il

        ressort que Margareta Andersson n'aperçoit pas la nécessité

        d'une prise en charge de Roger et qu'elle est hostile au

        placement de l'enfant hors de chez elle.  Elle a déjà déjoué

        des tentatives de le placer ailleurs, en allant le

        rechercher et en séjournant avec lui en un endroit inconnu

        des autorités.  La manière dont s'est passée sa dernière

        rencontre avec lui, et ses propres déclarations devant la

        cour administrative d'appel, portent à croire qu'elle ne

        consentira pas à le voir rester dans la famille d'accueil.

        Or le placement dans le foyer d'accueil ne saurait réussir

        que si l'enfant s'y sent en sécurité.  Les parents

        nourriciers doivent en outre pouvoir régler paisiblement les

        problèmes de Roger.  Dès que sa mère sera à même d'accepter

        la prise en charge et le transfert dans la famille d'accueil

        et qu'elle se montrera coopérative, elle devrait avoir

        l'occasion de voir Roger.  Toutefois, elle a prouvé que pour

        le moment elle n'est pas prête à pareille collaboration.

        Dans ces conditions, le conseil avait de bonnes raisons de

        décider d'interdire tout contact, même par lettre et par

        téléphone."

36.     Le 19 décembre 1986, la Cour administrative suprême refusa à

Margareta Andersson l'autorisation de se pourvoir devant elle contre

l'arrêt précité.

     D. Deuxième série de procédures dirigées, entre autres, contre

        les restrictions aux contacts

37.     Le 9 avril 1987, la commission sociale repoussa des demandes

de Margareta Andersson en mainlevée de l'ordonnance de prise en

charge et de l'interdiction des contacts.  Elle précisa notamment

ceci:

        "l'interdiction des contacts, décidée en vertu de l'article

        16 par. 1 de [la loi de 1980,] restera en vigueur (...) jusqu'à

        ce que des contacts adéquats puissent être organisés sans

        dommage pour l'enfant".

38.     En réexaminant cette décision le 14 mai 1987, elle la

compléta ainsi:

        a) bien que pouvant s'interpréter comme une interdiction

totale des contacts, la décision du 9 avril 1987 se bornait à les

limiter;

        b) ces restrictions devaient continuer conformément à

l'article 16 par. 1 de la loi de 1980.  Toute rencontre entre les

requérants devait être planifiée et se dérouler en consultation avec

les services sociaux locaux de Växjö, chez les Helgesson et en

présence du père nourricier.

39.     Margareta Andersson saisit le tribunal administratif

départemental, réclamant la cessation de la prise en charge ou, en

ordre subsidiaire, des restrictions aux contacts avec l'enfant.  Le

tribunal tint une audience à laquelle les requérants furent l'un et

l'autre représentés par un conseil et où déposèrent le père

nourricier et M. Mats Eriksson, un travailleur social.  Ce dernier

avait surveillé et aidé le foyer d'accueil durant un mois, aussitôt

après le placement de Roger.  Par un jugement du 1er juin 1987, le

tribunal modifia la décision du conseil du 9 avril: désormais,

seuls M. et Mme Helgesson devraient assister aux rencontres.

Ecartant le recours pour le surplus, il statua ainsi quant aux

restrictions aux contacts:

        "Au sujet du droit à des contacts, le conseil social a

        déclaré qu'il n'y a aucune limitation du nombre des

        rencontres pouvant être ménagées.  Parmi les restrictions

        figure l'interdiction de se téléphoner ou de s'écrire.

        L'article 16 de [la loi de 1980] habilite le conseil à

        restreindre le droit du parent investi de la garde à des

        contacts avec l'enfant quand les finalités de la prise en

        charge par l'autorité publique l'exigent.  En appliquant ce

        texte, on doit chercher à ne pas limiter le droit à des

        contacts au-delà du strict nécessaire.

        A l'audience devant le tribunal administratif départemental,

        Margareta Andersson a montré qu'elle n'aperçoit pas la

        nécessité de placer Roger à l'assistance.  Elle a pour seul

        but de le ramener à la maison.  Son attitude crée pour lui

        un conflit de loyauté.  Sa manière d'agir au moment où il

        s'est évadé de la clinique de Växjö, sa tentative à lui de

        s'enfuir après la visite de sa mère à la famille d'accueil

        et son comportement lorsqu'elle lui rendit visite à

        l'hôpital de Kristianstad, attestent qu'il s'impose de

        restreindre leurs contacts pour réussir la prise en charge.

        Le tribunal administratif départemental estime que le

        conseil social a de bonnes raisons de restreindre le droit à

        des contacts, même par lettre ou par téléphone.  Margareta

        Andersson a déclaré qu'elle n'ira pas voir son fils si Henry

        Meijer [le père nourricier] assiste aux rencontres.  Le

        tribunal juge important de modifier la décision du conseil

        pour encourager Margareta Andersson à se rendre auprès de

        son fils.  Au début, on ne pourra y arriver que si Henry

        Meijer n'assiste pas aux rencontres.  Pour faciliter

        l'instauration de contacts, aucune autre personne désignée

        par le conseil ne doit se trouver là.  Pendant la visite,

        qui aura lieu à leur domicile, la présence des époux

        Helgesson suffira.  Il ne faut rien changer d'autre à la

        décision de restreindre les contacts."

40.     Saisie par la requérante, la cour administrative d'appel

confirma le jugement le 10 juillet 1987, après une audience à

laquelle celle-ci et son fils furent représentés comme devant le

tribunal et la première comparut en personne.  L'arrêt motiva ainsi

le maintien des restrictions aux contacts:

        "Pendant les débats, on a signalé que Margareta Andersson

        avait rendu visite à Roger chez les époux Helgesson, à

        Sibbhult, le 24 juin [1987].  La rencontre - la première

        (...) depuis février - s'est bien passée.  Les modalités

        exactes des contacts futurs - ainsi que de la prise en

        charge à l'avenir - dépendent pour beaucoup de l'attitude et

        du comportement de Margareta Andersson.

        La cour administrative d'appel estime que d'autres

        rencontres réussies doivent se dérouler, au foyer des

        Helgesson par exemple, avant que d'autres types de contacts

        puissent être admis."

41.     La requérante sollicita l'autorisation de se pourvoir devant

la Cour administrative suprême, mais celle-ci la lui refusa le

20 août 1987.

      E. Troisième série de procédures dirigées, entre autres, contre

         les restrictions aux contacts

42.     Le 15 décembre 1987, la commission sociale repoussa derechef

une demande de Margareta Andersson en mainlevée de la prise en

charge ou, à titre subsidiaire, des restrictions aux contacts.

43.     Le 5 février 1988, elle décida que des rencontres mensuelles

devaient être organisées chez Margareta Andersson, et non plus

seulement chez les Helgesson.  En outre, elle rapporta

l'interdiction de correspondre et atténua celle de communiquer par

téléphone (paragraphes 26 et 33 ci-dessus).

44.     Dans un recours ultérieur au tribunal administratif

départemental, Margareta Andersson réclama la fin de la prise en

charge; en ordre subsidiaire, le placement de l'enfant chez elle;

en ordre encore plus subsidiaire, l'abrogation des restrictions aux

visites.  Après une audience à laquelle les requérants furent tous

deux représentés par un conseil, le tribunal écarta la demande

principale le 17 février 1988.  Quant aux deux revendications

subsidiaires, il déclara:

        "Le conseil social n'a pas examiné la demande de Margareta

        Andersson tendant à voir le placement se poursuivre à son

        domicile à elle.  Le tribunal ne peut pas davantage en

        connaître car la loi ne l'habilite pas à fixer le lieu de

        résidence de Roger.

        Au sujet des limitations aux contacts, le conseil a exprimé

        l'intention d'étudier dans un esprit libéral la demande de

        Margareta Andersson de rencontrer Roger à Glimåkra.  Il a

        aussi précisé que la restriction n'empêche pas les

        intéressés de se rencontrer en privé, mais signifie qu'un

        membre de la famille Helgesson doit être présent dans la

        maison où ils se réunissent.

        Vu les agissements passés de Margareta Andersson et son

        attitude sur la question du placement, le tribunal estime

        que les restrictions aux contacts doivent subsister.  Il

        faut les concevoir de façon à ne pas contrecarrer

        l'instauration de rapports fructueux.  Le tribunal constate

        qu'il en va bien ainsi de celles qu'a prescrites la

        commission sociale.  Pour éviter toute incertitude, il juge

        bon de spécifier que les rencontres chez les Helgesson, à

        Glimåkra, se dérouleront au moins deux fois par mois.  Pour

        le reste, il confirme la décision du conseil quant au droit

        de visite.  Les dispositions qui précèdent vaudront jusqu'à

        la fin du trimestre scolaire du printemps de 1988, après

        quoi aura lieu un nouvel examen."

45.     Saisie par Margareta Andersson, la cour administrative

d'appel mit fin, le 27 avril 1988, à la prise en charge de Roger.

Elle considéra que si la raison principale de la situation

antérieure de l'enfant - l'incapacité de sa mère à lui offrir des

soins et une sécurité suffisants - demeurait, les objectifs de

l'ordonnance de prise en charge se trouvaient atteints dans une

large mesure, Roger ayant acquis l'aptitude à entretenir de bonnes

relations sociales et une certaine estime de lui-même.  La cour

releva que l'attitude négative de Margareta Andersson à l'endroit

des services sociaux avait plutôt empiré pendant la prise en charge

et qu'il existait un grand risque de la voir continuer à refuser de

coopérer avec eux et avec l'école, même si Roger retournait chez

elle.  Néanmoins, il y avait lieu de croire que ce retour aurait une

influence positive sur le sort de l'adolescent, car on éviterait les

conflits engendrés par les mesures d'assistance.  En outre, Roger

était devenu assez solide et conscient de sa propre situation pour

ne point pâtir d'un manque éventuel de soins de la part de sa mère.

II.     DROIT INTERNE PERTINENT

     A. Décisions de prise en charge

46.     Les règles fondamentales relatives aux responsabilités de la

puissance publique envers les jeunes figurent dans la loi de 1980

sur les services sociaux (socialtjänstlagen 1980:620), laquelle

prévoit des mesures de soutien et de prévention adoptées avec

l'accord des intéressés.  A l'époque des faits de la cause, quand

les parents n'acceptaient pas les mesures nécessaires la loi de 1980

portant dispositions spéciales sur l'assistance aux adolescents

(lagen 1980:621 med särskilda bestämmelser om vård av unga - "la loi

de 1980") permettait d'ordonner une prise en charge d'office.  Une

nouvelle législation l'a remplacée en 1990 (paragraphes 65-66

ci-dessous).

47.     Aux termes de l'article 1 de la loi de 1980:

        "Une personne de moins de dix-huit ans doit être prise en

        charge par l'autorité en vertu de la présente loi si l'on

        peut présumer que les soins nécessaires ne peuvent lui être

        assurés avec le consentement de la ou des personnes qui en

        ont la garde et, s'il s'agit d'un adolescent de quinze ans

        ou plus, avec le sien.

        Un jeune doit bénéficier d'une telle prise en charge

        1.      si sa santé ou son développement se trouvent en

        danger faute de soins ou en raison d'une autre circonstance

        propre à sa famille;

        2.      s'il compromet gravement sa santé ou son

        développement par l'abus d'agents formateurs d'habitudes, un

        comportement criminel ou toute autre attitude comparable.

        (...)"

48.     Il incombe au premier chef à chaque municipalité de

promouvoir un développement favorable chez les jeunes.  A cette fin,

elle est dotée d'un conseil social de district.  Composé de

non-spécialistes assistés de travailleurs sociaux professionnels, il

fonctionne sous la surveillance et le contrôle de la préfecture

(länsstyrelsen) et de la Direction nationale de la santé et de la

protection sociale (socialstyrelsen).

49.     En son article 2, la loi de 1980 précisait que si le conseil

estimait nécessaire la prise en charge d'un enfant, il devait

demander au tribunal administratif départemental de la prononcer.

     B. Application des décisions de prise en charge

        1. Généralités

50.     Une fois rendue l'ordonnance de prise en charge, le conseil

devait l'exécuter et s'occuper des détails d'ordre pratique: lieu

de placement de l'enfant, instruction et autres soins à lui

dispenser, etc. (articles 11 à 16).

51.     L'article 11 de la loi de 1980 se lisait ainsi:

        "(...) le conseil fixe les modalités de la prise en charge

        du jeune concerné et le lieu où celui-ci résidera pendant la

        durée du placement.

        Il peut consentir à ce que l'intéressé reste dans son propre

        foyer si cette solution paraît la mieux indiquée pour

        organiser la prise en charge, mais aux fins de la présente

        loi la prise en charge doit toujours commencer au dehors.

        Le conseil, ou la personne à laquelle il confie la prise en

        charge, maintient le jeune sous surveillance et adopte à son

        égard les décisions nécessaires à la levée du placement."

52.     Quant à la nature des fonctions attribuées au conseil par la

loi de 1980, les travaux préparatoires de celle-ci, tels que les

reproduisait le projet du gouvernement (1979/80:1, partie A,

pp. 596-597), fournissent les indications suivantes:

        "Une fois décidée la prise en charge par l'autorité

        publique, le conseil exerce la puissance parentale avec les

        parents ou à leur place.  Pour autant que l'exige

        l'exécution de la prise en charge, il a les mêmes devoirs et

        la même autorité que les parents.  Comme eux, il peut

        arrêter les mesures voulues pour empêcher le jeune de nuire

        à lui-même ou à autrui (...), [ou] de s'enfuir (...); [il]

        peut aussi trancher (...) des questions privées concernant

        l'enfant, telles que soins ou traitements médicaux et

        autorisations de voyage ou de travail.  Conformément aux

        principes régissant la coopération entre les services

        sociaux et les [intéressés] pour la mise en oeuvre de la

        prise en charge, le conseil doit en la matière consulter les

        parents si les circonstances s'y prêtent.  Le fait qu'il

        assume la responsabilité de la prise en charge du jeune ne

        saurait donc aboutir à priver ceux-ci de toute influence.

        Les parents et le jeune lui-même doivent, dans la limite du

        possible, participer à l'exécution de la prise en charge.

        Dès lors, c'est seulement dans la mesure nécessaire à cette

        exécution que le conseil, de par la décision du tribunal

        administratif départemental, exerce la puissance parentale à

        l'égard du jeune."

        2. Réglementation des contacts

53.     L'article 15 de la loi de 1980 prévoyait la possibilité

d'imposer des restrictions à la correspondance de personnes prises

en charge en vertu du deuxième paragraphe, alinéa 2, de l'article 1,

pour des raisons telles que la toxicomanie ou la délinquance

(paragraphe 47 ci-dessus):

        "Toute lettre ou autre correspondance adressée ou reçue par

        une personne à qui s'applique l'article 13 peut subir un

        contrôle si le souci du bon ordre du foyer ou la situation

        particulière du jeune le justifient.  A cette fin, la

        personne désignée pour la prise en charge au foyer peut

        ouvrir et lire le courrier destiné au jeune ou envoyé par

        lui.  Le courrier à l'arrivée est confisqué s'il contient un

        élément que le jeune n'a pas le droit de posséder.

        La correspondance entre le jeune et une autorité suédoise,

        un avocat ou un conseil commis d'office est acheminée sans

        contrôle préalable."

54.     L'article 16 était ainsi libellé:

        "Si cela se révèle nécessaire à la mise en oeuvre de la

        prise en charge prévue par la présente loi, le conseil peut

        1.   fixer les modalités de l'exercice, par un parent ou une

        autre personne investie de la garde du jeune, de leur droit

        à des contacts avec lui;

        2.   décider que le lieu de résidence du jeune ne sera pas

        indiqué au parent ou à [pareille personne]."

55.     Les travaux préparatoires, tels que les reproduit le projet

de loi (1979/80:1, partie A, p. 601), fournissent l'explication

suivante:

        "Dans la mise en oeuvre de la prise en charge, le conseil

        doit collaborer le plus possible avec les parents et

        contribuer au maintien de leurs contacts avec l'enfant.

        (...) une décision de prise en charge ne doit pas conduire à

        restreindre leur droit à pareils contacts au-delà de ce que

        requiert son exécution.  Les circonstances peuvent cependant

        être de nature à exiger que les parents ne rencontrent pas

        l'enfant pendant la période de prise en charge.  Par

        exemple, il peut exister un risque de les voir s'immiscer

        sans autorisation dans la prise en charge.  Leur situation

        personnelle, par exemple en cas d'abus grave [d'alcool ou de

        drogue] ou de maladie mentale, peut elle aussi commander

        qu'ils ne rencontrent jamais l'enfant (...).  Les

        dispositions projetées sur les restrictions au droit à des

        contacts devraient être appliquées de manière restrictive.

        [Le conseil] ne devrait refuser de révéler aux parents le

        lieu de résidence de l'enfant que dans des hypothèses

        exceptionnelles."

56.     Dans son rapport (Statens offentliga utrednigar - "SOU"

1979/80:44, p. 116), la Commission parlementaire permanente des

questions sociales releva qu'il incombait en principe au conseil

social d'arrêter toutes les décisions relatives aux visites à

l'enfant; cela découlait de sa compétence générale pour décider de

la situation de l'intéressé pendant la prise en charge.  Toutefois,

les parents avaient un droit particulier à voir leur enfant et il

importait de préserver des contacts réguliers entre eux.  La

Commission ajoutait cependant:

        "les circonstances peuvent (...) obliger à interdire aux

        parents toute rencontre avec l'enfant pendant un temps ou

        jusqu'à nouvel ordre."

57.     D'après une circulaire de la Direction nationale de la santé

et de la protection sociale, relative à la loi de 1980 (1981:2,

p. 112), l'article 16 habilitait le conseil à restreindre ou à

supprimer complètement les rencontres des parents avec l'enfant.

58.     Il n'existe encore aucun arrêt de la Cour administrative

suprême sur l'application de l'article 16 de la loi de 1980 aux

conversations téléphoniques et au courrier.  En 1971, elle en a

toutefois rendu un, publié dans son recueil annuel (Regeringsrättens

Årsbok, RÅ 1971, p. 283), au sujet de la disposition correspondante

de la loi de 1960 sur la protection de l'enfance (barnavårdslagen

1960:97, remplacée par la loi de 1980).  En l'espèce, elle rejeta à

l'unanimité un recours contre une interdiction de contacts pendant

un an, laquelle couvrait les visites comme les entretiens

téléphoniques.  A l'époque, la saisine de la Cour administrative

suprême ne dépendait pas d'une autorisation de celle-ci

(paragraphe 64 ci-dessous), de sorte que le recours fut écarté au fond.

L'arrêt ne précisait pas pourquoi.  Ainsi que l'a expliqué le Gouvernement,

l'absence de motifs cadre avec la pratique de la Cour administrative

suprême; elle signifie que cette dernière a souscrit au

raisonnement et aux conclusions de la juridiction inférieure.

        Un bref compte rendu de l'arrêt précité parut dans ledit

recueil en tant que notisfall - catégorie de décisions qui, selon le

Gouvernement, ne constituent pas de véritables précédents

jurisprudentiels mais peuvent aider à résoudre des problèmes

juridiques.

59.     Le Gouvernement a signalé à la Cour les quatre autres

affaires suivantes.

        Le 5 juillet 1982, la cour administrative d'appel de

Sundsvall modifia une interdiction de contacts téléphoniques de

manière à permettre à une mère d'appeler sa fille directement une

fois par quinzaine, au lieu d'une fois par semaine par

l'intermédiaire d'un agent des services sociaux.  La prohibition

allait de pair avec des restrictions aux rencontres.  Ni cet arrêt

ni le jugement de première instance n'indiquaient sur quelle clause

de la loi de 1980 ils s'appuyaient.

        Le 15 juin 1987, la même cour administrative d'appel

confirma, en se référant à l'article 16 de la loi de 1980, la

défense faite à une mère de rencontrer son fils, pour une période de

deux ans, et d'entrer en contact avec lui par téléphone.  Rien ne

montre que la mère eût discuté la légalité de l'interdiction, ni que

la cour en ait douté.

        Le 20 mars 1991, la cour administrative d'appel de Stockholm

a entériné des mesures limitant les contacts d'un père avec sa fille

à une conversation téléphonique chaque dimanche entre 17 h et 18 h.

Le 24 mai 1991, la Cour administrative suprême a refusé d'autoriser

le père à se pourvoir devant elle.  Le litige a été tranché sur la

base de l'article 14 de la loi de 1990, qui a remplacé l'article 16

de celle de 1980 (paragraphes 65-66 ci-dessous).

        Enfin, le tribunal administratif départemental de Göteborg a

rejeté le 3 octobre 1990, en se fondant sur l'article 14 de la loi

de 1990, un recours contre des limitations aux rencontres et aux

contacts téléphoniques d'une mère avec son fils.  Elle ne pouvait

l'appeler que deux fois par semaine, à 17 h au plus tard, et

contestait la légalité des mesures incriminées.  Le tribunal a

déclaré que "la jurisprudence applicable assimile les contacts

téléphoniques aux visites ('umgänge') dont parle l'article 14".

La cour administrative d'appel de Göteborg a confirmé le jugement

le 11 janvier 1991.  La Cour administrative suprême a autorisé un

pourvoi le 23 juillet 1991 et devrait statuer au printemps 1992.

60.     Depuis 1972, il existe en Suède un fichier informatisé de

données, accessible au public; il fournit des renseignements sur

les arrêts de la Cour administrative suprême et des quatre cours

administratives d'appel.  On y trouve, entre autres, la nature de

l'affaire, une brève description des questions soulevées, le nom de

la juridiction et des parties ainsi que la date de la décision.  Les

règles applicables au fichier ont subi au fil des ans des

modifications dont aucune n'entre ici en ligne de compte.  Leur

version actuelle figure dans le règlement de 1990 sur

l'enregistrement et les statistiques des affaires portées devant la

Cour administrative suprême, la Cour suprême de la Sécurité sociale

et les cours administratives d'appel (Föreskrifter om dagbokföring

och statistikregistrering i mål i regeringsrätten,

försäkringsöverdomstolen och kammarrätterna, DVFS 1990:25, B1),

adopté par l'Administration nationale de la Justice (domstolsverket)

le 11 décembre 1990, avec effet au 1er janvier 1991.

     C. Recours

61.     Contre les décisions du tribunal administratif départemental

ordonnant la prise en charge d'un enfant, un recours s'ouvrait, sous

l'empire de la loi de 1980, devant la cour administrative d'appel

puis, moyennant autorisation, devant la Cour administrative suprême.

62.     Un parent pouvait aussi attaquer devant le tribunal

administratif départemental (puis la cour administrative d'appel et,

moyennant autorisation, la Cour administrative suprême):

        a) le refus d'un conseil social de lever la prise en charge

prescrite en application de ladite loi;

        b) les décisions arrêtées par un conseil, en vertu de la

même loi, pour fixer le lieu où commencerait la prise en charge,

modifier une décision de placement, réglementer le droit de visite

des parents (article 16) et ne pas leur indiquer, à eux ou à la

personne investie de la garde, où résidait l'enfant (article 20).

63.     En principe partie à la procédure, l'enfant devait pourtant

avoir atteint l'âge de quinze ans pour posséder la capacité d'ester

en justice (processbehörighet).  Jusque-là, en avait la jouissance

la personne investie de la garde (SOU 1987:7, pp. 66-70); selon

l'article 19 de la loi de 1980, l'enfant devait alors être entendu

si l'instruction de la cause pouvait s'en trouver facilitée et si

l'on ne pensait pas que cela nuirait à l'intéressé.

64.     La saisine de la Cour administrative suprême dépend de

l'autorisation de celle-ci, accordée, aux termes de l'article 36 de

la loi de 1971 sur la procédure administrative

(förvaltningsprocesslagen 1971:291), dans les circonstances

suivantes:

        "1. si l'examen par la Cour administrative suprême revêt de

        l'importance pour aider à interpréter la loi; ou

        2. si des raisons particulières militent en faveur de

        pareil examen, telle l'existence d'un motif de révision ou

        d'une négligence ou erreur graves ayant manifestement influé

        sur l'issue de l'affaire devant la cour administrative

        d'appel."

     D. Nouvelle législation

65.     Depuis le 1er juillet 1990, donc après les faits de

l'espèce, la loi de 1980 est remplacée par celle de 1990 portant

dispositions spéciales sur l'assistance aux adolescents (lagen

1990:52 med särskilda bestämmelser om vård av unga - "la loi de

1990"), qui la modifie et la complète.

66.     La nouvelle loi reprend pour l'essentiel les dispositions

précitées de sa devancière.  Toutefois, son article 14, qui se

substitue à l'ancien article 16 (paragraphe 54 ci-dessus), est ainsi

libellé:

        "Il incombe au conseil social de répondre autant que

        possible aux besoins du jeune d'avoir des contacts avec ses

        parents ou la personne investie de la garde.

        Si la mise en oeuvre de mesures de prise en charge adoptées

        en vertu de la présente loi l'exige, le conseil peut

        1. fixer les modalités d'exercice du droit de visite par

        un parent ou une autre personne investie de la garde, ou

        2. décider que le lieu de résidence du jeune ne doit pas

        être indiqué au parent ou [à une telle personne].

        Il examine au moins une fois tous les trois mois si les

        décisions visées au deuxième paragraphe restent

        nécessaires."

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

67.     Dans leur requête du 13 février 1987 à la Commission

(n° 12963/87), Margareta et Roger Andersson dénonçaient la prise en

charge du second par l'autorité publique, le maintien en vigueur de

l'ordonnance d'assistance, le placement de l'enfant dans un foyer

d'accueil et les restrictions imposées à leurs contacts mutuels,

dont leurs communications épistolaires et téléphoniques.  Ils

alléguaient des infractions à l'article 8 (art. 8) de la Convention.

Ils se plaignaient aussi de l'absence d'un "recours effectif", au

sens de l'article 13 (art. 13), quant auxdites restrictions.  Roger

invoquait en outre les articles 2, 3, 4, 9 et 10 (art. 2, art. 3,

art. 4, art. 9, art. 10) et prétendait avoir subi, au mépris de

l'article 25 (art. 25), une entrave à l'exercice de son droit de

recours devant la Commission.

68.     Le 10 octobre 1989, la Commission a retenu les griefs

relatifs à l'interdiction des contacts, et notamment des

communications épistolaires et téléphoniques (article 8) (art. 8),

ainsi qu'à l'absence de recours effectif (article 13) (art. 13),

mais a décidé de n'adopter aucune mesure quant à ceux tirés de

l'article 25 (art. 25) et a déclaré tous les autres irrecevables.

        Dans son rapport du 3 octobre 1990 (article 31) (art. 31),

elle relève une violation de l'article 8 (art. 8) (unanimité), mais

non de l'article 13 (art. 13) dans le chef de Margareta Andersson

(unanimité) ni de Roger Andersson (dix voix contre deux).  Le texte

intégral de son avis et de l'opinion dissidente dont il s'accompagne

figure en annexe au présent arrêt*.

_______________

* Note du greffier: Pour des raisons d'ordre pratique il n'y

figurera que dans l'édition imprimée (volume 226-A de la série A des

publications de la Cour), mais chacun peut se le procurer auprès du

greffe.

_______________

CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR PAR LE GOUVERNEMENT

69.     A l'audience du 26 août 1991, le Gouvernement a confirmé les

conclusions de son mémoire, invitant la Cour à dire "qu'il n'y a pas

eu violation de la Convention en l'espèce".

EN DROIT

I.      SUR L'OBJET DU LITIGE

70.     Devant la Cour, les requérants ont soulevé en plaidoirie

diverses questions touchant, entre autres, au système éducatif

suédois, aux problèmes scolaires de Roger et à la situation dans le

foyer d'accueil.  Telle que l'a délimitée la décision de la

Commission sur la recevabilité, l'affaire porte toutefois uniquement

sur leurs griefs contre les restrictions à leurs contacts mutuels, y

compris leur correspondance et leurs entretiens au téléphone, au

cours de la période du 6 août 1986 au 27 avril 1988, et contre

l'absence d'un recours effectif quant auxdites restrictions.

II.     SUR LES VIOLATIONS ALLEGUEES DE L'ARTICLE 8 (art. 8)

     A. Introduction

71.     Selon Margareta et Roger Andersson, les restrictions à leurs

contacts, et notamment à leurs communications épistolaires et

téléphoniques, ont enfreint l'article 8 (art. 8), ainsi libellé:

        "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et

        familiale, de son domicile et de sa correspondance.

        2.  Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique

        dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette

        ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une

        mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à

        la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être

        économique du pays, à la défense de l'ordre et à la

        prévention des infractions pénales, à la protection de la

        santé ou de la morale, ou à la protection des droits et

        libertés d'autrui."

        Le Gouvernement combat cette allégation, mais la Commission

y souscrit.

72.     Pour un parent et son enfant, être ensemble constitue un

élément fondamental de la vie familiale et la prise en charge d'un

enfant par les autorités publiques ne met pas fin aux relations

familiales naturelles (voir en dernier lieu l'arrêt Eriksson

c. Suède du 22 juin 1989, série A n° 156, p. 24, par. 58).  En outre,

les conversations téléphoniques entre membres d'une même famille se

trouvent englobées dans les notions de "vie familiale" et de

"correspondance" au sens de l'article 8 (art. 8) (arrêts Klass et

autres c. République fédérale d'Allemagne du 6 septembre 1978,

série A n° 28, p. 21, par. 41, et Kruslin c. France du 24 avril 1990,

série A n° 176-A, p. 20, par. 26).  Il s'ensuit - et le Gouvernement

n'en disconvient pas - que les mesures litigieuses s'analysent en

ingérences dans l'exercice du droit des requérants au respect de

leur vie familiale et de leur correspondance.

73.     Pareille ingérence méconnaît l'article 8 (art. 8) sauf si,

"prévue par la loi", elle poursuit un ou des buts légitimes au

regard du paragraphe 2 (art. 8-2) et apparaît "nécessaire, dans

une société démocratique", pour les atteindre (arrêt Eriksson précité,

série A n° 156, p. 24, par. 58).

     B. "Prévues par la loi"

74.     D'après les requérants, les restrictions imposées à leurs

contacts n'étaient pas "prévues par la loi".  Le Gouvernement

conteste cette thèse; la Commission, elle, ne s'y rallie que pour

les communications téléphoniques et la correspondance.

75.     Les mots "prévues par loi", figurant à l'article 8 par. 2

(art. 8-2), veulent d'abord que la mesure incriminée ait une base en

droit interne, mais ils ont trait aussi à la qualité de la loi en

question: ils exigent l'accessibilité de celle-ci aux personnes

concernées et une formulation assez précise pour leur permettre - en

s'entourant, au besoin, de conseils éclairés - de prévoir, à un

degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les

conséquences pouvant résulter d'un acte déterminé.  Une loi qui

confère un pouvoir d'appréciation ne se heurte pas en soi à cette

exigence, à condition que l'étendue et les modalités d'exercice d'un

tel pouvoir se trouvent définies avec une netteté suffisante, eu

égard au but légitime en jeu, pour fournir à l'individu une

protection adéquate contre l'arbitraire (voir, parmi beaucoup

d'autres, l'arrêt Kruslin précité, série A n° 176-A, pp. 20-23,

paras. 27, 29 et 30).

76.     En l'espèce, la controverse porte sur le point de savoir si

les limitations aux contacts, y compris les communications par

téléphone et la correspondance, avaient un fondement en droit

suédois et étaient prévisibles.

        1. Limitations aux rencontres

77.     Les requérants soulignent qu'on les autorisa, sans plus, à

se rencontrer quelquefois d'août 1986 à mai 1987; d'après eux, les

services sociaux jouissaient en la matière d'un pouvoir

d'appréciation trop large et en usèrent arbitrairement.  Même après

la décision de la commission sociale du 14 mai 1987 (paragraphe 38

ci-dessus), la fréquence et les modalités des réunions seraient

demeurées dans le vague.  Cela équivalait, selon eux, à une

prohibition totale pendant près d'un an, à la fois contraire à la

législation suédoise et imprévisible.

78.     Ainsi que les services sociaux le précisèrent les 6 et

21 août 1986, l'interdiction devait s'appliquer jusqu'à nouvel ordre

et jusqu'à ce que "des contacts appropriés [pussent] être organisés

sans risque de nuire à l'enfant" (paragraphes 16 et 19 ci-dessus).

Les requérants purent se voir le 5 octobre 1986, après quoi

plusieurs réunions eurent lieu pendant la prise en charge.  Elles se

produisirent avec une certaine irrégularité et souvent à de longs

intervalles, mais cela résultait au moins en partie de l'attitude de

Margareta Andersson, qui ne voulait pas accepter les conditions des

réunions, ni contribuer à leur préparation comme le proposaient les

services sociaux (paragraphes 20, 21 et 24 ci-dessus).  La Cour

considère donc, avec le Gouvernement et la Commission, qu'il y eut

interdiction absolue durant deux mois environ seulement: du

6 août 1986, quand le chef de district adjoint décida de prohiber

les contacts, au 5 octobre 1986, date de la première rencontre des

requérants (paragraphes 16 et 20 ci-dessus).

79.     A lire l'article 16 par. 1, on pouvait penser que le conseil

avait compétence pour réglementer les contacts mais non pour les

interdire; les travaux préparatoires indiquaient pourtant

clairement qu'il le pouvait si les circonstances l'exigaient, pour

une période déterminée ou jusqu'à nouvel ordre (paragraphe 56

ci-dessus).  Il ressort aussi de décisions des juridictions

administratives suédoises qu'une prohibition temporaire pouvait se

fonder sur l'article 16 (paragraphes 34, 58 et 59 ci-dessus).  Selon

ce texte, elle ne pouvait être prononcée que dans la mesure

nécessaire pour atteindre l'objectif de la prise en charge.  De

plus, d'après les travaux préparatoires, les limitations apportées

en vertu de l'article 16 devaient s'appliquer restrictivement et le

conseil devait, autant que possible, coopérer avec les parents et

aider au maintien des contacts entre eux et l'enfant (paragraphe 55

ci-dessus).

        2. Limitations aux communications téléphoniques et à la

           correspondance

80.     Requérants et Commission estiment douteux que la législation

suédoise habilitât les services sociaux à étendre aux communications

par lettre et téléphone une restriction aux contacts.  Ils relèvent

que la raison d'être d'une réglementation des rencontres diffère de

celle d'une limitation des contacts par téléphone ou courrier.  Non

expressément prévue à l'article 16 de la loi de 1980, la seconde ne

se trouverait pas davantage mentionnée dans les travaux

préparatoires.  Rien, dans les clauses pertinentes du code parental,

ne montrerait que l'expression rätt till umgänge, telle qu'elle

s'entend en suédois, englobe les contacts par correspondance ou

téléphone.  D'ailleurs, tandis que l'article 15 de la loi de 1980,

qui ne jouait pas en l'espèce, autorisait explicitement le contrôle

de la correspondance, il n'en allait pas de même de l'article 16.

81.     Le délégué de la Commission conteste la possibilité de

tirer, de la jurisprudence citée devant la Cour par le Gouvernement,

des conclusions précises sur le point de savoir si les limitations à

la correspondance et aux communications téléphoniques avaient une

base dans la législation suédoise.  Il rappelle d'abord que dans son

arrêt de 1971, la Cour administrative suprême ne motiva nullement

le rejet du recours; la légalité des restrictions n'avait pas été

discutée et la cour n'indiqua même pas sur quelle disposition elles

s'appuyaient (paragraphe 58 ci-dessus).  De plus, ses refus de

laisser les requérants la saisir ne constitueraient pas un précédent

jurisprudentiel et ne seraient pas davantage motivés (paragraphes 36

et 41 ci-dessus).  Quant aux deux arrêts de la cour administrative

d'appel de Sundsvall (paragraphe 59 ci-dessus), ils ne revêtiraient

guère d'importance, faute d'émaner de la plus haute juridiction et

d'avoir été publiés.  Le délégué en signale un troisième, de 1983:

la cour de Sundsvall s'y fonda sur l'article 11, et non sur

l'article 16, ce qui révélerait un flottement dans sa pratique.  Les

limitations n'auraient donc pas de base précise en droit suédois et

ne seraient pas prévisibles.

82.     En l'espèce, la cour administrative d'appel confirma par

deux fois, en vertu de l'article 16 de la loi de 1980, les

limitations litigieuses aux communications par courrier et

téléphone.  Dans l'un et l'autre cas, la Cour administrative suprême

ne permit pas l'introduction d'un recours devant elle

(paragraphes 36, 41 et 64 ci-dessus).

        Ainsi qu'il ressort de ses dossiers publics, elle avait

alors pris en compte son arrêt précité de 1971.  Il avait rejeté,

après un examen au fond, un recours relatif à l'interdiction, pour

un an, des visites et des communications téléphoniques entre un

parent et son enfant.  On ne saurait présumer que dans l'affaire

Andersson la cour ait négligé de s'assurer de la légalité de

l'interdiction.  Elle a manifestement souscrit au raisonnement et

aux conclusions de la juridiction inférieure (paragraphe 58

ci-dessus).

        Les causes mentionnées par le Gouvernement, autres que la

présente, concernaient toutes des restrictions aux contacts, et

notamment aux communications téléphoniques (paragraphes 58-59

ci-dessus).  Aucune d'elles n'a débouché sur un constat d'illégalité.

Certes, seuls quelques-uns des jugements et arrêts y relatifs ont

précédé les décisions rendues en l'espèce, mais les autres peuvent

en principe illustrer le sens que l'on attribuait antérieurement à

la loi.  Tous les arrêts des cours administratives d'appel sont

informatisés en Suède depuis 1972 (paragraphe 60 ci-dessus).

        Or il incombe au premier chef aux autorités nationales, et

singulièrement aux cours et tribunaux, d'interpréter et appliquer

le droit interne (voir, parmi beaucoup d'autres, l'arrêt Kruslin

précité, série A n° 176-A, pp. 21-22, par. 29).

83.     La Commission exprime en outre l'opinion que l'"incertitude"

sur la portée de la loi se doublait d'un manque de clarté quant à

l'ampleur des interdictions prononcées en vertu de l'article 16, car

les décisions des 6 et 21 août 1986 ne précisaient pas qu'elles

valaient aussi pour les communications téléphoniques et la

correspondance (paragraphes 16 et 19 ci-dessus).  L'ambiguïté aurait

persisté durant la procédure judiciaire ultérieure: le jugement du

tribunal administratif départemental parlait des conversations

téléphoniques mais non de la correspondance; de surcroît, cette

juridiction et la cour administrative d'appel interprétèrent

différemment la situation juridique, la première s'appuyant sur

l'article 11, la seconde sur l'article 16 (paragraphes 34-35

ci-dessus).  Selon le délégué, une décision limitant les droits

fondamentaux doit, pour le moins, indiquer nettement jusqu'où va la

restriction.

84.     A cet égard, la Cour estime qu'il ne faut pas oublier la

base de la décision de la commission sociale du 21 août 1986: le

rapport d'un travailleur social, du 15 août 1986.  Or il

recommandait d'empêcher pour un temps Margareta Andersson d'avoir

"aucune forme de contact avec Roger" (paragraphe 17 ci-dessus).

On ne saurait donc guère douter que l'interdiction imposée au titre

de l'article 16 entendait englober les communications téléphoniques

et épistolaires en sus des visites.  L'argumentation du conseil

social à l'audience du 11 septembre 1986 devant le tribunal

administratif départemental le confirma, tout comme les termes mêmes

de l'arrêt de la cour administrative d'appel du 11 novembre 1986

(paragraphes 34-35 ci-dessus).

85.     En résumé, les limitations incriminées aux contacts, et

notamment aux communications par téléphone et correspondance,

étaient "prévues par la loi" au sens de l'article 8 par. 2 (art. 8-2).

     C. But légitime

86.     D'après les requérants, elles ne cherchaient pas à résoudre

les problèmes scolaires de Roger ni à préserver sa santé, mais à

l'empêcher de raconter à des tiers les conditions d'existence

"terribles" qui régnaient au foyer d'accueil.

87.     Aux yeux de la Cour, la législation suédoise pertinente

avait pour but manifeste de protéger "la santé" ou "la morale" ainsi

que les "droits et libertés" des enfants.  Rien ne donne à penser

qu'elle ait servi à d'autres fins en l'espèce.

    D. "Nécessaires dans une société démocratique"

88.     Selon les requérants, les mesures litigieuses ne sauraient

passer pour "nécessaires dans une société démocratique".  On ne les

aurait pas laissés se rencontrer assez souvent et leurs quelques

réunions auraient eu lieu sous une surveillance telle qu'ils

n'auraient pu jouir d'une "vie familiale" quelconque.  Pour la même

raison, ils critiquent les limitations apportées à leur droit de

communiquer entre eux par téléphone et correspondance.  Le personnel

de l'hôpital et le père nourricier auraient intercepté plusieurs

lettres de la requérante à Roger.  Le second aurait en outre défendu

à l'enfant d'écrire à sa mère et d'utiliser le téléphone.  Non

exigées par les fins de la prise en charge de Roger, ces mesures

auraient en réalité compromis sa santé.  Elles auraient abouti à le

faire attendre deux mois avant de recevoir des soins pour son

diabète.  De plus, comme le Dr Åberg l'a conclu dans un avis médical

produit par les intéressés, le traumatisme psychologique causé à

Roger par sa séparation totale d'avec sa mère aurait probablement

contribué d'une manière tangible, voire déterminante, au diabète

qu'il a contracté.

89.     Pour le Gouvernement, les mesures étaient "nécessaires dans

une société démocratique".

        Il s'appuie sur les raisons exposées dans le rapport

susmentionné du 15 août 1986, base de l'interdiction prononcée le

21, et sur les décisions des juridictions administratives confirmant

les restrictions (paragraphes 17, 34 à 36, 39 à 41 et 44 ci-dessus).

Il renvoie aussi aux motifs de la prohibition de juin 1985

(paragraphes 10-11 ci-dessus).  De plus, il y aurait lieu d'examiner

les ingérences à la lumière des justifications de la prise en charge

et de son maintien en vigueur tout au long de la période

considérée: la Commission a reconnu la compatibilité de

l'ordonnance avec la Convention et toutes les décisions ultérieures,

administratives ou judiciaires, relatives à l'interdiction des

contacts se fondaient pour l'essentiel sur les mêmes faits

(paragraphes 12, 15, 65 et 66 ci-dessus).

        Pour légitimer l'interception de lettres, le Gouvernement

avance en particulier que Margareta Andersson, par son attitude à

l'égard de la prise en charge de son fils et envers le foyer

d'accueil, pouvait déjouer l'objectif des mesures d'assistance,

notamment les efforts déployés pour instaurer une relation de

confiance entre l'enfant et sa famille nourricière: sa manière

d'expliquer la situation à Roger le préoccupait et le bouleversait.

Agé de douze ans, il ne pouvait savoir sur qui compter en

l'occurrence.

        En réponse à la thèse selon laquelle les mesures litigieuses

ont contribué au diabète contracté par Roger, le Gouvernement

invoque un avis médical de la Direction nationale de la santé et de

la protection sociale.  Elle y conclut qu'un traumatisme

psychologique peut constituer un facteur générateur du diabète parmi

beaucoup d'autres, mais que l'expertise produite par les requérants

en exagère beaucoup l'importance quantitative.

90.     Estimant non "prévues par la loi" les restrictions aux

communications par correspondance et téléphone, la Commission ne se

prononce pas sur la question de la "nécessité".

91.     La Cour rappelle que dans de telles affaires, le droit d'un

parent et d'un enfant au respect de leur vie familiale, garanti par

l'article 8 (art. 8), implique un droit à des mesures destinées à

les réunir (arrêt Olsson c. Suède du 24 mars 1988, série A n° 130,

pp. 36-37, par. 81, et arrêt Eriksson précité, série A n° 156,

pp. 26-27, par. 71).

92.     Avant de prohiber les contacts les 6 et 21 août 1986, les

services sociaux avaient échoué dans leurs efforts pour mettre en

oeuvre les mesures d'assistance aussi bien chez Margareta Andersson

qu'au dehors.  Peu après son placement à la clinique en juin 1985,

Roger s'en était échappé avec l'aide de sa mère.  Les services

sociaux avaient alors consenti à exécuter lesdites mesures au

domicile de celle-ci.  L'expérience n'ayant pas réussi, ils avaient

retransféré l'enfant à la clinique en vue de le confier à un foyer

d'accueil.  De nouveau avec le concours de sa mère, il s'était évadé

pour la rejoindre.  La police l'avait ramené à la clinique où il fit

un bref séjour avant d'être installé au foyer d'accueil.  Il faut

ajouter que Margareta Andersson avait signalé aux services sociaux

son intention de déménager à une adresse inconnue ou de quitter le

pays pour éviter des "persécutions".  Elle avait aussi exercé une

influence négative sur son fils lors de ses visites à la clinique

(paragraphes 13, 14 et 17 ci-dessus).

93.     Comme le précisaient les décisions des 6 et 21 août 1986,

l'interdiction devait valoir pour un temps, jusqu'à ce que l'on pût

arranger des contacts sans nuire à Roger.  Le conseil social annonça

assez vite, au plus tard le 11 septembre 1986 (paragraphe 34

ci-dessus), qu'il projetait une rencontre entre les requérants à la fin

de septembre ou au début d'octobre.  Elle eut lieu le 5 octobre,

après quoi Roger essaya de s'enfuir du foyer d'accueil.

        Sans doute les réunions ultérieures se déroulèrent-elles

avec quelque irrégularité et souvent à des intervalles plutôt longs,

mais cela résultait en partie de la propre attitude de Margareta

Andersson.  Il est vrai aussi qu'elles subirent une surveillance

étroite.  Cependant, dès juin 1987 les modalités en furent quelque

peu allégées à cet égard et en novembre de la même année Roger put

se rendre auprès de sa mère.  En février 1988, la commission sociale

résolut d'organiser de pareilles visites mensuellement ainsi que

d'autres, entre temps, chez les Helgesson - à raison de deux au

moins par mois, d'après une décision judiciaire du 17 février.

Roger se trouvant hospitalisé, lui et sa mère se rencontrèrent à

l'hôpital où elle fut autorisée à passer la nuit.  Elle y séjourna

environ deux semaines au total entre le 26 février et le 3 mai 1988

(paragraphes 20 à 27 ci-dessus).

94.     La dégradation de la santé de Roger a eu sans doute, du

moins jusqu'à un certain point, un lien avec le choc émotionnel,

mais rien n'établit que sa cause réside dans les diverses

limitations aux contacts.

95.     En l'occurrence, les sévères restrictions aux rencontres

entre les requérants doivent pourtant être examinées dans le

contexte plus large de l'ensemble des limitations aux contacts

mutuels de ceux-ci.  Une interdiction complète de s'écrire et de se

téléphoner s'y ajouta en effet du 6 août 1986 au 5 février 1988.

Elle fut levée à partir de la seconde date, à ceci près que

l'initiative des appels téléphoniques devait venir de Roger.

Aux yeux de la Cour, les mesures appliquées durant cette période

revêtirent une ampleur particulière.  Pour se justifier sous l'angle

de l'article 8 par. 2 (art. 8-2), elles devaient s'appuyer sur des

raisons solides et cadrer avec le but ultime: réunir la famille

Andersson.

96.     De caractère général, les motifs donnés par le Gouvernement

ne concernent pas spécialement la nécessité d'empêcher

correspondance et conversations au téléphone.  La Cour ne doute pas

de leur pertinence, mais ils ne suffisent pas à montrer qu'il

fallait priver les requérants de presque tout moyen de rester en

contact pendant un an et demi environ.  On peut même s'interroger

sur la compatibilité des ingérences litigieuses avec l'objectif

consistant à réunir les intéressés.

97.     Eu égard aux diverses circonstances du litige, la somme des

restrictions imposées par les services sociaux aux rencontres des

requérants et à leurs communications épistolaires et téléphoniques

se révèle disproportionnée au but légitime poursuivi, donc non

"nécessaire dans une société démocratique".  Partant, il y a eu

violation de l'article 8 (art. 8).

III.    SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L'ARTICLE 13 (art. 13)

98.     Aux termes de l'article 13 (art. 13),

        "Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la

        (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un

        recours effectif devant une instance nationale, alors même

        que la violation aurait été commise par des personnes

        agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles."

        Devant la Commission, Margareta et Roger Andersson

affirmaient n'avoir disposé, en dépit de ce texte, d'aucun recours

effectif quant à leurs plaintes au titre de l'article 8 (art. 8).

Le Gouvernement combat cette thèse; la Commission la rejette.

99.     A l'audience du 26 août 1991 devant la Cour, le conseil des

requérants n'a plus invoqué l'article 13 (art. 13) dans le cas de

Margareta Andersson.  La Cour ne juge pas devoir examiner cette

partie de la question.

100.    En revanche, ledit conseil a déclaré souscrire à l'opinion

d'une minorité de la Commission concluant à un manquement dans le

chef de Roger Andersson.

101.    Il s'agit donc de savoir si Margareta Andersson,

représentant légal de Roger, fut empêchée de saisir les juridictions

suédoises pour son compte à lui.  De l'avis général, l'article 13

(art. 13) n'exige pas qu'un enfant de douze ans ait la capacité

d'ester en justice lui-même; il suffit qu'un représentant légal le

puisse en son nom.  Or, personne ne le conteste, le droit suédois le

permettait et l'avocat désigné d'office pour assister Roger dans les

procédures relatives aux mesures de prise en charge (paragraphes 39,

40 et 44 ci-dessus) n'était nullement habilité à introduire une

instance à la place de l'enfant.

102.    Selon les requérants, Margareta Andersson, privée de

communication avec Roger, ne se trouvait pas en mesure d'avoir

connaissance d'une atteinte éventuelle aux droits fondamentaux de

son fils, donc de le représenter de manière adéquate.

103.    L'argument ne convainc pas la Cour.  Il échet de rappeler

que les requérants se rencontrèrent plusieurs fois pendant la

période à considérer (paragraphes 20 à 27 ci-dessus) et qu'ils

étaient en bons termes.  En conséquence, on ne saurait dire que

Margareta Andersson fût empêchée d'attaquer au nom de Roger les

restrictions aux contacts.

104.    Partant, il n'y a pas eu violation de l'article 13

(art. 13).

IV.     SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 50 (art. 50)

105.    D'après l'article 50 (art. 50) de la Convention,

        "Si la décision de la Cour déclare qu'une décision prise ou

        une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute

        autre autorité d'une Partie Contractante se trouve

        entièrement ou partiellement en opposition avec des

        obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit

        interne de ladite Partie ne permet qu'imparfaitement

        d'effacer les conséquences de cette décision ou de cette

        mesure, la décision de la Cour accorde, s'il y a lieu, à la

        partie lésée une satisfaction équitable."

     A. Dommage

106.    Margareta et Roger Andersson sollicitent d'abord

respectivement un et deux millions de couronnes suédoises.

A l'audience, le conseil a expliqué que la demande de la première se

fondait sur la détresse causée par la séparation et par les

restrictions aux contacts avec son fils; quant au second, le

principal motif de sa prétention résiderait dans le fait d'avoir

contracté le diabète par suite du traumatisme imputable aux mesures

incriminées (paragraphe 88 ci-dessus).

        Gouvernement et délégué de la Commission trouvent ces

revendications excessives.

107.    Les éléments recueillis n'autorisent pas à conclure que la

maladie de Roger résultait des diverses limitations aux contacts

(paragraphe 94 ci-dessus), mais on ne saurait douter que les

ingérences jugées contraires à l'article 8 (art. 8) aient suscité

chez les intéressés une angoisse et une détresse profondes.

        Cela étant, la Cour, statuant en équité comme le veut

l'article 50 (art. 50), accorde 50 000 couronnes à chacun d'eux.

     B. Frais et dépens

108.    Pour frais et dépens, les requérants réclamaient à l'origine

325 000 couronnes suédoises, à savoir:

a)      319 800 couronnes pour 206 heures de travail de leur conseil

(à 1 300 couronnes l'heure) dans la procédure devant la Commission puis

la Cour et pour 40 heures de voyage  - "perte de temps de travail" -

(au même taux) pour comparution à deux audiences à Strasbourg;

b)      5 200 couronnes pour le travail d'un traducteur ayant

contrôlé l'anglais des plaidoiries de leur représentante devant la Cour.

        Cette dernière a toutefois indiqué, pendant les débats,

avoir sous-estimé le temps consacré à préparer lesdites

plaidoiries; il lui aurait fallu en réalité 250 heures.  Elle a

néanmoins maintenu ses honoraires à 325 000 couronnes suédoises.

109.    Le Gouvernement accepte le point b) mais formule plusieurs

objections quant au point a).  Il s'interroge sur la nécessité d'un

temps aussi long.  En outre, le tarif horaire serait trop élevé et

devrait se situer à un niveau plus bas pour les déplacements que

pour le travail.  Il y aurait lieu aussi de considérer que la

Commission a déclaré irrecevable une grande partie des griefs des

requérants.

110.    Eu égard à sa jurisprudence en la matière et aux versements

opérés par le Conseil de l'Europe au titre de l'assistance

judiciaire, la Cour, statuant en équité, estime que les requérants

ont droit conjointement au remboursement de 125 000 couronnes

suédoises pour frais et dépens.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1.      Dit, par huit voix contre une, qu'il y a eu violation de

        l'article 8 (art. 8);

2.      Dit, à l'unanimité, qu'il n'y a pas lieu d'examiner les

        griefs tirés de l'article 13 (art. 13) dans le cas de

        Margareta Andersson;

3.      Dit, par cinq voix contre quatre, qu'il n'y a pas eu

        violation de l'article 13 (art. 13) dans le chef de

        Roger Andersson;

4.      Dit, à l'unanimité, que la Suède doit verser, dans

        les trois mois:

        - à chacun des requérants, 50 000 (cinquante mille)

        couronnes suédoises pour dommage moral;

        - aux requérants conjointement, 125 000 (cent vingt-cinq

        mille) couronnes suédoises pour frais et dépens;

5.      Rejette, à l'unanimité, la demande de satisfaction équitable

        pour le surplus.

        Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience

publique au Palais des Droits de l'Homme, à Strasbourg, le

25 février 1992.

Signé: Rolv RYSSDAL

       Président

Signé: Marc-André EISSEN

       Greffier

        Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles

51 par. 2 (art. 51-2) de la Convention et 53 par. 2 du règlement, l'exposé

des opinions séparées suivantes:

a) opinion en partie dissidente de M. Lagergren;

b) opinion en partie dissidente de M. De Meyer, approuvée par

MM. Pinheiro Farinha, Pettiti et Spielmann.

Paraphé: R. R.

Paraphé: M.-A. E.

         OPINION EN PARTIE DISSIDENTE DE M. LE JUGE LAGERGREN

                             (Traduction)

        Si je marque par ailleurs mon accord avec la majorité de la

Cour, je ne puis souscrire à son opinion selon laquelle les

restrictions temporaires aux contacts, y compris les communications

téléphoniques et la correspondance, étaient contraires à l'article 8

(art. 8).

        Je m'écarte de mes collègues au sujet de la nécessité des

ingérences en cause et de la marge d'appréciation qu'il convient de

reconnaître en la matière aux autorités nationales.

        Le juge Macdonald a dit: "La marge d'appréciation est au

coeur de presque toutes les grandes affaires qui viennent devant la

Cour, que les arrêts la mentionnent expressément ou non." (Ronald

St. John Macdonald: The margin of appreciation in the jurisprudence

of the European Court of Human Rights, Essays in Honour of Roberto

Ago, III, 1987, p. 208.)

        Voici une décennie, Sir Humphrey Waldock a lui aussi

souligné l'importance de la doctrine de la marge d'appréciation dans

sa phrase, souvent citée, où il déclare que cette doctrine "est

l'une des garanties les plus importantes conçues par la Commission

et la Cour pour concilier le fonctionnement effectif de la

Convention avec les pouvoirs souverains et les responsabilités des

gouvernements dans une démocratie." (Human Rights Law Journal 1980,

p. 9).  Cet aval donné par l'un des grands juristes de notre temps à

la retenue judiciaire vaut certainement encore dans le contexte

européen actuel.

        Il est désormais bien établi au sein de la Commission et de

la Cour que le soin d'assurer la jouissance des droits et libertés

que consacre la Convention incombe en premier lieu à chacun des

Etats contractants et que "la Cour n'a point pour tâche de se

substituer aux juridictions internes compétentes, mais d'apprécier

sous l'angle de [la Convention] les décisions qu'elles [rendent]

dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation" (arrêt Handyside

c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976, série A n° 24, pp. 23-24, par. 50).

Les organes de Strasbourg ont aussi reconnu que, "grâce à leurs

contacts directs et constants avec les forces vives de leur pays",

les autorités de l'Etat se trouvent en principe mieux placées que le

juge international pour se prononcer sur le point de savoir si les

droits reconnus par la Convention ou les normes juridiques internes

équivalentes ont été transgressées (voir, ibidem, par. 48).

        Il sera difficile de percevoir toutes les implications de la

marge offerte tant qu'un ensemble juridique plus large et plus

homogène ne se sera pas dégagé.  On trouve pourtant une formulation

de base dans l'affaire Rasmussen c. Danemark: "L'étendue de la

marge d'appréciation varie selon les circonstances, les domaines et

le contexte" (arrêt du 28 novembre 1984, série A n° 87, p. 15,

par. 40; cf. Macdonald, op. cit., p. 206).

        Un problème crucial en l'espèce tient à la nécessité de

procéder à une évaluation délicate de facteurs psychologiques

complexes, à un moment donné et dans un contexte national, et d'en

retirer une impression cohérente sur des personnalités et des

relations humaines.  Une autre difficulté réside dans la recherche

d'un équilibre entre des intérêts privés et des obligations

publiques contradictoires.

        La raison d'être de la doctrine de la marge d'appréciation

étant que les autorités nationales sont considérées comme mieux

placées que le juge international pour décider si des ingérences

dans tel ou tel droit de l'homme sont "strictement nécessaires", il

est utile en l'occurrence de comparer la procédure devant les

juridictions suédoises et celle devant la Cour de Strasbourg - quant

à la manière dont elles se sont effectivement déroulées.

        De la décision du président de la commission sociale n° 1 du

conseil social de Växjö du 5 juin 1985 à la dernière décision

confirmant l'ordonnance d'assistance (le jugement du tribunal

administratif départemental du 17 février 1988), l'affaire de

Margareta et Roger Andersson, dans une suite singulière de

procédures, est venue six fois devant le tribunal administratif

départemental, trois devant la cour administrative d'appel et trois

devant la Cour administrative suprême.  A l'audience devant la Cour

de Strasbourg, le représentant du Gouvernement a dit que les

décisions des juridictions suédoises furent unanimes.  Une procédure

orale a toujours eu lieu en premier et second degrés de juridiction.

Le plus souvent, Margareta Andersson s'y rendit et fut entendue par

le tribunal administratif départemental et la cour administrative

d'appel.  Elle fut assistée d'un conseil en vertu de la loi sur

l'aide judiciaire (rättshjälpslagen), tandis que Roger fut

représenté par un avocat commis d'office (offentligt biträde).

Des agents des services sociaux représentaient le conseil social.

Deux témoins déposèrent devant le tribunal administratif

départemental qui ouït aussi comme expert, dans deux procédures

différentes, le médecin-chef adjoint de la clinique psychiatrique

pour enfants et adolescents de Växjö.

        Margareta Andersson se rendit à la brève audience devant la

Cour de Strasbourg, mais n'y prit point la parole.  La Cour ne put

donc écouter directement, comme le veut le "principe de

l'immédiateté", les déclarations de Margareta Andersson elle-même,

pas plus que celles d'agents des services sociaux ou que la

déposition de témoins.

        A cet égard, le représentant du Gouvernement a dit devant la

Cour que si les faits sur lesquels se fondaient les jugements des

tribunaux nationaux et les décisions des services sociaux et la

nécessité de l'ingérence étaient contestés, il fallait selon lui que

la Cour de Strasbourg entende elle aussi des témoins.  L'audition

des agents des services sociaux et des parents nourriciers aurait pu

être nécessaire en pareil cas.  Il serait très grave de faire

abstraction des décisions en cause sans avoir accès à des

renseignements directs comme ceux-là.

        Vu la situation procédurale et la nature et la complexité

des questions de fait à trancher, les autorités nationales ont à mon

sens droit à une large marge d'appréciation.  Il faut se référer à

cet égard à l'arrêt Brandstetter c. Autriche, dans lequel la Cour a

dit: "Selon [la] jurisprudence [de la Cour], il appartient

normalement aux juridictions nationales d'apprécier les éléments

recueillis par elles" (arrêt du 28 août 1991, série A n° 211, p. 23,

par. 52).  Elle suit une ligne analogue dans l'arrêt markt intern

Verlag GmbH et Klaus Beermann c. Allemagne: "(...) la Cour

européenne des Droits de l'Homme ne saurait substituer en l'espèce

son propre jugement à celui des juridictions nationales qui, par des

motifs raisonnables, ont estimé nécessaires les restrictions en

cause" (arrêt du 20 novembre 1989, série A n° 165, p. 21, par. 37).

        La situation était différente dans l'affaire Olsson qui

concernait entre autres l'application des décisions d'assistance à

l'égard des trois enfants Olsson.  Le point de fait décisif ne

prêtait pas à controverse dans cette affaire: Helena et Thomas se

trouvaient placés à une grande distance de leurs parents et de

Stefan.  La Cour en a conclu que le placement même des enfants

allait à l'encontre de la possibilité de contacts d'une manière qui

ne cadrait pas avec le but ultime: réunir la famille Olsson (arrêt

Olsson c. Suède du 24 mars 1988, série A n° 130, pp. 36-37, par. 81).

        Durant toute la procédure de Strasbourg, le représentant du

Gouvernement a souligné que, bien que les décisions suédoises aient

interdit les contacts, y compris par téléphone et par lettre, ces

interdictions n'étaient pas aussi catégoriques qu'elles peuvent le

paraître.  Les services sociaux pouvaient toujours "autoriser des

visites ou d'autres formes de contacts dans la mesure où ils le

jugeaient possible sans compromettre la finalité de l'assistance ou

sans risque de nuire au bien-être de l'enfant" (voir aussi le

paragraphe 44 de l'arrêt).

        Quant aux restrictions aux communications par correspondance

et téléphone précisément, les déclarations suivantes du représentant

du Gouvernement devant la Commission offrent un certain intérêt:

"Mme Andersson avait toujours la possibilité de s'entretenir avec

les parents nourriciers et avec le foyer d'accueil de soutien ainsi

qu'avec le maître de Roger pour se tenir informée de la santé et de

l'évolution de celui-ci.  Elle en a d'ailleurs usé et a souvent

parlé aux parents nourriciers, ainsi qu'aux parents nourriciers de

soutien (...).  Le Gouvernement ne sait pas bien dans quelle mesure

Roger a eu le loisir de prendre contact avec sa mère par téléphone"

(compte rendu intégral de l'audience du 10 octobre 1989, p. 8; voir

aussi le paragraphe 28 de l'arrêt).  De fait, il est difficile

d'évaluer l'incidence des restrictions sur les communications en

l'espèce puisqu'il existait assurément plusieurs moyens aisés

d'éviter pareilles limitations.

        Les motifs des décisions d'assistance et ceux des

restrictions aux contacts, y compris les communications

téléphoniques et la correspondance, étant pour une large part

analogues, il ne faut pas oublier que la Commission a rejeté pour

défaut manifeste de fondement les griefs relatifs aux décisions

d'assistance (paragraphe 90 de l'arrêt).  Quant au bien-fondé de la

cause, la Commission ne s'est jamais prononcée sur la nécessité des

restrictions aux contacts, aux communications téléphoniques et à la

correspondance.

        A la lumière des considérations qui précèdent - et nulle

raison ne permettant de douter que les juridictions suédoises aient

exercé leur pouvoir d'appréciation avec soin, de bonne foi et à

partir d'une bonne connaissance des faits - je ne suis pas disposé à

dire que les restrictions temporaires dont les autorités nationales,

dans leur position privilégiée, ont frappé les contacts, y compris

les communications téléphoniques et la correspondance, ont

outrepassé les limites de ce qui peut être tenu pour nécessaire dans

une société démocratique au sens de l'article 8 par. 2 (art. 8-2).

        Je considère donc qu'aucun manquement aux exigences de

l'article 8 (art. 8) ne se trouve établi.

  OPINION EN PARTIE DISSIDENTE DE M. LE JUGE DE MEYER, APPROUVEE PAR

         MM. LES JUGES PINHEIRO FARINHA, PETTITI ET SPIELMANN

        A notre avis, l'article 13 (art. 13) de la Convention a été

violé en l'espèce à l'égard de Roger Andersson.

        En effet, l'interdiction des contacts entre les requérants

rendait impossible l'exercice effectif du droit de représentation de

l'enfant par sa mère aux fins de l'exercice du droit de recours

garanti par cette disposition.

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CEDH, Cour (chambre), AFFAIRE MARGARETA ET ROGER ANDERSSON c. SUÈDE, 25 février 1992, 12963/87