CEDH, Cour (chambre), AFFAIRE CASTILLO ALGAR c. ESPAGNE, 28 octobre 1998, 28194/95

  • Tribunal militaire·
  • Impartialité·
  • Gouvernement·
  • Juge·
  • Récusation·
  • Code pénal militaire·
  • Ordonnance·
  • Commission·
  • Délit·
  • Loi organique

Chronologie de l’affaire

Commentaires3

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Conclusions du rapporteur public · 29 juillet 2020

WN° 432969 Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) 2e et 7e chambres réunies Séance du 15 juillet 2020 Lecture du 29 juillet 2020 CONCLUSIONS M. Guillaume Odinet, rapporteur public L'application des règles du procès équitable à la répression administrative est – si vous nous passez l'expression – tout un poème – et encore plutôt à la façon de Saint-John Perse qu'à celle de Victor Hugo. Elle mêle le volet pénal de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention EDH, la jurisprudence que la Cour de Strasbourg a construite sur la base de cette stipulation, celle que vous avez …

 

Conseil Constitutionnel · Conseil constitutionnel · 9 mars 2017

Décision n° 2016-616/617 QPC Articles L. 561-41 et L. 561-42 du code monétaire et financier Procédure de sanction devant la Commission nationale des sanctions Dossier documentaire Source : services du Conseil constitutionnel © 2017 Sommaire I. Dispositions législatives ............................................................................... 4 II. Constitutionnalité de la disposition contestée .................................... 23 Table des matières I. Dispositions législatives …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Chambre), 28 oct. 1998, n° 28194/95
Numéro(s) : 28194/95
Publication : Recueil 1998-VIII
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Akdivar et autres c. Turquie du 1er avril 1998 (article 50), Recueil 1998-II, pp. 723-724, § 47
Arrêt Botten c. Norvège du 19 février 1996, Recueil 1996-I, p. 140, § 36
Arrêt Gasus Dosier- und Fördertechnik GmbH c. Pays-Bas du 23 février 1995, série A n° 306-B, p. 45, § 48, § 49
Arrêt Hauschildt c. Danemark du 24 mai 1989, série A n° 154, p. 21, § 47, § 48, p. 22, § 50
Arrêt Incal c. Turquie du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, p. 1574, § 65
Arrêt Oberschlick c. Autriche (n° 1) du 23 mai 1991, série A n° 204, pp. 13 et 15, §§ 16 et 22
Organisation mentionnée :
  • Comité des Ministres
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Exception préliminaire rejetée (non-épuisement) ; Violation de l'Art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; Remboursement frais et dépens - procédure nationale ; Remboursement frais et dépens - procédure de la Convention
Identifiant HUDOC : 001-62808
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1998:1028JUD002819495
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Texte intégral

AFFAIRE CASTILLO ALGAR c. ESPAGNE

(79/1997/863/1074)

ARRÊT

STRASBOURG

28 octobre 1998


En l’affaire Castillo Algar c. Espagne[1],

La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses pertinentes de son règlement A[2], en une chambre composée des juges dont le nom suit :

MM.R. Bernhardt, président,
F. Gölcüklü,
F. Matscher,
A. Spielmann,
MmeE. Palm,
MM.J.M. Morenilla,
G. Mifsud Bonnici,
U. Lōhmus,
V. Butkevych,
ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P.J. Mahoney, greffier adjoint,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 27 juin et 24 septembre 1998,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCéDURE

1.  L’affaire a été déférée à la Cour par le gouvernement espagnol (« le Gouvernement ») le 4 août 1997, dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 § 1 et 47 de la Convention. A son origine se trouve une requête (n° 28194/95) dirigée contre le Royaume d’Espagne et dont un ressortissant de cet Etat, M. Ricardo Castillo Algar, avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 3 août 1995 en vertu de l’article 25.

La requête du Gouvernement renvoie aux articles 44 et 48 d) de la Convention et 32 du règlement A. Elle a pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention.


2.  En réponse à l’invitation prévue à l’article 33 § 3 d) du règlement A, le requérant a exprimé le désir de participer à l’instance et a désigné son conseil (article 30). Le président a autorisé celui-ci, ainsi que l’agent du Gouvernement, à employer la langue espagnole dans la procédure devant la Cour (article 27 §§ 2 et 3).

3.  La chambre à constituer comprenait de plein droit M. J.M. Morenilla, juge élu de nationalité espagnole (article 43 de la Convention), et M. R. Ryssdal, alors président de la Cour (article 21 § 4 b) du règlement A). Le 27 août 1997, en présence du greffier, celui-ci a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir M. F. Gölcüklü, M. F. Matscher, M. A. Spielmann, Mme E. Palm, M. G. Mifsud Bonnici, M. U. Lōhmus et M. V. Butkevych (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 5 du règlement A).

4.  En sa qualité de président de la chambre (article 21 § 6 du règlement A), M. Ryssdal a consulté, par l’intermédiaire du greffier, l’agent du Gouvernement, le conseil du requérant et le délégué de la Commission au sujet de l’organisation de la procédure (articles 37 § 1 et 38). Conformément à l’ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu les mémoires du requérant et du Gouvernement les 2 et 9 février 1998 respectivement.

5.  Ultérieurement, M. R. Bernhardt, élu président de la Cour à la suite du décès de M. Ryssdal, survenu le 18 février 1998, a remplacé celui-ci à la présidence de la chambre (article 21 § 6, second alinéa, du règlement A).

6.  Ainsi qu’en avait décidé M. Ryssdal, les débats se sont déroulés en public le 23 juin 1998, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.

Ont comparu :

–pour le Gouvernement
M.J. Borrego Borrego, chef du service juridique
pour la Commission et la Cour européennes
desDroits de l’Homme, ministère de la Justice,agent ;

–pour la Commission
M.F. MartÍnez,délégué ;

–pour le requérant
MeG. Muñiz Vega, avocat au barreau de Madrid,conseil.

La Cour a entendu en leurs déclarations M. Martínez, Me Muñiz Vega et M. Borrego Borrego.

EN FAIT

I.LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

7.  M. Ricardo Castillo Algar est né en 1947 et réside à Madrid. A l’époque des faits, il était lieutenant-colonel d’infanterie attaché à la Légion espagnole.

8.  Par une ordonnance (auto de procesamiento) rendue le 18 décembre 1989, le juge d’instruction n° 1 (juez togado militar central) près le tribunal militaire central de Madrid (tribunal militar central) inculpa le requérant pour avoir créé, au détriment du trésor militaire et en contravention à l’article 189 § 1 du code pénal militaire, un fonds privé non réglementé, soustrait à l’imposition et au contrôle fiscal.

9.  Le requérant en appela au tribunal militaire central, qui infirma l’ordonnance attaquée puis rendit un non-lieu, les 19 mars et 12 juillet 1990 respectivement.

10.  Le ministère public se pourvut alors en cassation. Par un arrêt du 20 janvier 1992, la chambre militaire du Tribunal suprême cassa et annula la décision de non-lieu du tribunal militaire central, estimant que les faits de la cause « pouvaient être considérés, aux seules fins de l’instruction (…) et sans préjudice de toute qualification ultérieure qui pourrait être retenue, comme constitutifs du délit contre le trésor militaire prévu à l’article 189 § 1 du code pénal militaire ». Le Tribunal suprême ajouta cependant que cette conclusion, quoique suffisante pour écarter le non-lieu attaqué, ne devait pas pour autant conditionner les décisions des juridictions appelées à statuer sur le fond de l’affaire.

11.  Le requérant forma un recours constitutionnel (recurso de amparo) contre l’arrêt du 20 janvier 1992, que le Tribunal constitutionnel rejeta le 23 mars.

12.  Par conséquent, le juge d’instruction rendit le 6 mai 1992 une seconde ordonnance inculpant à nouveau le requérant de la même infraction.

13.  Le 11 mai 1992, l’intéressé interjeta appel de cette seconde ordonnance. En réitérant les moyens qu’il avait présentés à l’occasion de son premier recours devant le tribunal militaire central, le requérant arguait notamment de la divergence entre les décisions rendues en l’espèce, malgré l’identité des faits sur lesquels elles reposaient et l’absence de nouvelles preuves. Faisant valoir le caractère définitif de la décision du 19 mars 1990 (paragraphe 9 ci-dessus), il soutenait que le juge d’instruction l’avait inculpé une seconde fois d’une manière arbitraire, en méconnaissance de ladite décision, et ce à l’image du Tribunal suprême qui, de son côté, avait cassé le non-lieu prononcé par le tribunal militaire central (paragraphe 10 ci-dessus) sans en avoir apprécié le bien-fondé.

14.  Le 7 juillet 1992, ce dernier tribunal débouta l’intéressé de sa demande et confirma l’ordonnance du 6 mai. La chambre qui statua comprenait notamment trois magistrats militaires (vocales togados generales militares), dont le président (auditor presidente general consejero togado) E.S.G. et le juge (vocal togado general auditor) R.V.P. Elle considéra notamment :

« (...) Il suffit de lire [l’arrêt rendu le 20 janvier 1992 par le Tribunal suprême] pour en déduire que dans sa partie « en droit », celui-ci se réfère à l’existence d’indices suffisants permettant de conclure qu’un délit militaire a été commis, à l’inexistence de raisons juridiques d’écarter la qualification de délit (tipicidad) retenue dans la procédure originaire et à l’absence de fondement suffisant pour annuler [l’ordonnance d’inculpation] et supprimer l’apparence de délit (...) sur laquelle [ladite ordonnance] s’appuie. »

A la lumière de l’arrêt du Tribunal suprême et des éléments constitutifs du délit prévu à l’article 189 § 1 du code pénal militaire, la chambre estima que l’ordonnance attaquée répondait aux conditions de validité requises par la loi organique n° 2/1989 et que le juge d’instruction avait procédé à une appréciation raisonnable et exempte d’arbitraire des faits de la cause.

15.  Le 6 avril 1994, le collège des trois juges militaires du tribunal militaire central (paragraphe 13 ci-dessus) rendit une ordonnance (providencia) fixant l’audience dans l’affaire du requérant au 18 mai. Il y était également indiqué que les noms des deux membres officiers (vocales militares) devant compléter la chambre qui allait juger l’affaire seraient déterminés par tirage au sort (insaculación). En effet, la loi prévoyait une chambre mixte (escabinado) constituée de trois juges militaires (vocales togados) et de deux officiers.

Cette ordonnance fut notifiée, le jour même, à l’avocat du requérant, et le 13 avril, celui-ci fut avisé du nom des deux membres officiers.

16.  Par un jugement du 25 mai 1994, la chambre du tribunal militaire central constituée dans l’affaire du requérant reconnut ce dernier coupable des faits reprochés et le condamna à une peine d’emprisonnement de trois mois et un jour. Cette chambre était présidée par E.S.G. et comprenait, entre autres, le juge militaire R.V.P., qui agit en qualité de rapporteur.

17.  Le requérant se pourvut en cassation devant le Tribunal suprême. Il soutenait que la chambre qui l’avait jugé ne pouvait passer pour un tribunal impartial, en ce que deux de ses membres, les juges E.S.G. et R.V.P., avaient auparavant siégé à la chambre qui s’était prononcée sur son appel contre l’ordonnance d’inculpation du 7 juillet 1992.


18.  Le 14 novembre 1994, la chambre militaire du Tribunal suprême rejeta le pourvoi. Pour parvenir à sa décision, elle releva notamment que l’intéressé avait omis de récuser les juges qu’il taxait de partialité, alors qu’il aurait pu le faire puisque l’avocat du requérant avait été informé de la composition de la chambre en cause au moment de sa constitution et avant les débats oraux du 18 mai 1994 (paragraphes 22-23 ci-dessous).

Cela étant, la chambre militaire examina quand même le bien-fondé du moyen tiré de l’absence d’impartialité du tribunal militaire central. D’après elle, le rejet opposé à l’appel du requérant ne pouvait pas être considéré comme une intervention dans l’instruction de son affaire. Dans ses motifs, le tribunal militaire central se bornait en effet à noter que le Tribunal suprême n’était pas en désaccord avec l’appréciation du juge instructeur sur l’existence d’indices de culpabilité. Aux yeux de la chambre militaire, le rejet de l’appel ne pouvait, dès lors, être considéré comme une mesure d’instruction susceptible de porter atteinte à l’impartialité objective de la chambre qui avait statué sur le fond de l’affaire.

19.  Le requérant saisit alors le Tribunal constitutionnel d’un recours d’amparo fondé, entre autres, sur l’article 24 § 2 de la Constitution (paragraphe 21 ci-dessous), en faisant valoir son droit à ce que sa cause fût entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial.

20.  Le 20 février 1995, le Tribunal constitutionnel, souscrivant entièrement aux motifs retenus par la chambre militaire du Tribunal suprême, rejeta le recours de l’intéressé.

ii.LE DROIT INTERNE PERTINENT

A.La Constitution

21.  Aux termes de l’article 24 de la Constitution :

« 1.  Toute personne a le droit d’obtenir la protection effective des juges et des tribunaux pour exercer ses droits et ses intérêts légitimes, sans qu’en aucun cas elle puisse être mise dans l’impossibilité de se défendre.

2.  De même, toute personne a droit au juge ordinaire déterminé préalablement par la loi ; elle a le droit de se défendre et de se faire assister par un avocat, d’être informée de l’accusation portée contre elle, de bénéficier d’un procès public sans délais injustifiés et assorti de toutes les garanties, d’utiliser les moyens de preuve appropriés pour sa défense, de ne pas témoigner contre elle-même ni se reconnaître coupable et d’être présumée innocente. (…) »


B.La loi organique n° 2/1989 sur les procédures pénales militaires

22.  Les dispositions pertinentes de la loi organique n° 2/1989 du 13 avril 1989 sur les motifs de récusation se lisent ainsi :

Article 51

« Les juges, présidents et membres du tribunal militaire (…) doivent s’abstenir de participer à une procédure judiciaire lorsqu’apparaît l’un des motifs énoncés à l’article 53, faute de quoi ils pourront être récusés. »

Article 53

« Les motifs ci-dessous constituent des motifs d’abstention et, le cas échéant, de récusation :

(…)

5.  Avoir agi comme défenseur ou représentant d’une des parties, avoir rédigé en qualité d’avocat un rapport dans la procédure ou dans une procédure analogue, ou être intervenu dans la procédure comme représentant du ministère public, expert ou témoin ;

6.  Etre ou avoir été dénonciateur ou accusateur d’une des parties ; les membres des forces armées qui se sont limités à traiter (…) la plainte à l’origine de la procédure ne relèvent pas de cet alinéa ;

(…)

11.  Etre intervenu dans la même procédure en une autre qualité. »

Article 54

« (…)

Si le tribunal ou le juge estime que l’abstention n’est pas justifiée, il ordonnera à celui qui l’a invoquée de continuer à examiner l’affaire, sans préjudice du droit des parties de demander la récusation.

Cette décision n’est pas susceptible de recours. »

23.  Aux termes de l’article 56, la récusation doit être exercée au début de la procédure ou dès que l’intéressé a connaissance du motif de récusation, et au moins quarante-huit heures avant les débats, sauf si pareil motif apparaît ultérieurement.


24.  Au sujet des ordonnances d’inculpation (auto de procesamiento) et des appels interjetés contre celles-ci, la  loi organique dispose :

Article 164

« Lorsque des indices raisonnables de culpabilité existent contre une ou plusieurs personnes déterminées, le juge d’instruction prononce l’inculpation (…)

L’inculpation est prononcée par une ordonnance (auto), dans laquelle il sera fait mention des faits punissables imputés à l’inculpé, du délit présumé constitué par ceux-ci (…) et des dispositions légales [y afférentes] (…), et ensuite de l’inculpation ainsi que des mesures de liberté ou de détention provisoire applicables à l’inculpé (…) »

Article 165

« (…) L’inculpé et les autres parties pourront former contre l’ordonnance d’inculpation (…) un appel, non suspensif, dans les cinq jours suivant la notification [de l’ordonnance] (…) »

Article 263

« (…) s’il est fait droit à l’appel contre l’ordonnance d’inculpation (…), il est ordonné la constitution d’un dossier séparé (…) et la délivrance d’une attestation exhaustive de l’ordonnance entreprise, ainsi que de tous les éléments que le juge estimera nécessaire de verser au dossier ou qui auront été mentionnés dans le mémoire introductif d’appel. »

C.La jurisprudence du Tribunal suprême

25.  Dans un arrêt rendu le 8 février 1993, le Tribunal suprême s’est prononcé dans une affaire où le tribunal ayant rendu le jugement au fond était présidé par un juge qui avait antérieurement émis l’ordonnance d’inculpation contre l’intéressé. Le Tribunal suprême concluait en ces termes :

« (…) Partant, si un juge, après avoir siégé dans un tribunal ayant prononcé une ordonnance d’inculpation, dont la nature suppose nécessairement un jugement sur la culpabilité – fût-il provisoire –, et si, pour ce faire, il a dû entendre au préalable l’intéressé ou examiner de façon détaillée le [résultat des] investigations entreprises pour apprécier provisoirement la responsabilité pénale (…) et que ce juge siège ensuite au tribunal appelé à juger et décider sur le fond de la même affaire (…), il est [légitime] de penser que [la personne] inculpée puis jugée par [ledit juge] peut s’inquiéter de voir sa cause examinée et jugée sans les garanties maximales d’impartialité (…) »

PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION

26.  M. Castillo Algar a saisi la Commission le 3 août 1995. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, il se plaignait de ce que sa cause n’avait pas été entendue par un tribunal impartial.

27.  La Commission a retenu la requête (n° 28194/95) le 16 octobre 1996. Dans son rapport du 9 avril 1997 (article 31), elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1. Le texte intégral de son avis figure en annexe au présent arrêt[3].

CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR

28.  Dans son mémoire, le requérant prie la Cour de constater qu’il y a eu méconnaissance de l’article 6 § 1 de la Convention et de lui allouer une satisfaction équitable au titre de l’article 50.

29.  De son côté, le Gouvernement invite la Cour à déclarer que les voies de recours internes n’ont pas été épuisées et, à titre subsidiaire, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1.

en droit

I.sur L’exception préliminaire du gouvernement

30.  Le Gouvernement soutient que le requérant a été informé, au moment de la constitution de la chambre, de l’identité des trois juges militaires appelés à y siéger, notamment E.S.G. et R.V.P. (paragraphe 15 ci-dessus). En conséquence, avant l’ouverture du procès, le requérant pouvait contester l’impartialité des deux juges en question au motif qu’ils avaient siégé dans la chambre ayant confirmé l’ordonnance d’inculpation (auto de procesamiento) du 6 mai 1992 (paragraphe 14 ci-dessus). Il n’aurait donc pas épuisé les voies de recours internes comme l’exige l’article 26 de la Convention et son grief devrait, par conséquent, être déclaré irrecevable.


31.  De son côté, le requérant affirme qu’on ne saurait lui reprocher de n’avoir pas contesté l’impartialité d’E.S.G. et R.V.P. avant le procès. Selon lui, en effet, l’identité des trois juges militaires devant siéger à  la chambre ne pouvait pas se déduire des signatures figurant sur l’ordonnance du 6 avril 1994 (paragraphe 15 ci-dessus), puisque la composition de la chambre qui fixe la date du procès n’est pas nécessairement la même que celle de la chambre qui connaît de l’affaire.

Le requérant fait valoir en outre que le droit interne ne lui aurait pas permis de contester l’impartialité d’E.S.G. et R.V.P. L’article 53 de la loi organique n° 2/1989 dresse la liste exhaustive des motifs de récusation des juges. Bien que l’exigence d’impartialité du tribunal soit garantie par l’article 24 § 2 de la Constitution (paragraphe 21 ci-dessus), le fait pour un magistrat de ne pas agir « avec impartialité » ne figure pas sur cette liste. Au demeurant, ce serait en premier lieu aux juges qu’il appartiendrait de s’abstenir, obligation qu’ils ne sauraient éluder sous prétexte que le requérant n’a pas contesté leur impartialité.

32.  La Commission relève que le Tribunal suprême et le Tribunal constitutionnel ont tous deux déclaré que la décision de rejeter l’appel du requérant ne pouvait pas être considérée comme une intervention dans l’instruction de l’affaire ni perçue comme une mesure susceptible de porter atteinte à l’impartialité objective du tribunal de première instance. En conséquence, la requête ne pouvait pas être écartée pour défaut d’épuisement des recours internes puisqu’une récusation fondée sur l’impartialité des deux juges en question n’aurait pas été suivie d’effet.

33.  La Cour rappelle que le but de l’exigence de l’épuisement des voies de recours internes est de ménager aux Etats contractants l’occasion de prévenir ou redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne soient soumises aux organes de la Convention. Cela signifie que le grief dont on entend saisir la Commission doit d’abord être soulevé, au moins en substance et dans les formes et délais prescrits par le droit interne, devant les juridictions nationales appropriées (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Gasus Dosier- und Fördertechnik GmbH c. Pays-Bas du 23 février 1995, série A n° 306-B, p. 45, § 48).

34.  A cet égard, la Cour remarque que, dans son pourvoi devant le Tribunal suprême, le requérant soutenait que la chambre du tribunal militaire central constituée pour connaître de son affaire ne pouvait passer pour un tribunal impartial, en ce que deux de ses membres avaient auparavant siégé à la chambre qui s’était prononcée sur son appel contre l’auto de procesamiento du 6 mai 1992 le renvoyant devant le tribunal militaire central (paragraphe 12 ci-dessus).


Dans son arrêt du 14 novembre 1994, le Tribunal suprême a écarté le pourvoi, estimant notamment que la démarche suivie par le tribunal militaire central pour rejeter l’appel du requérant (paragraphe 14 ci-dessus) ne pouvait pas être considérée comme relevant d’une mesure d’instruction susceptible de compromettre l’impartialité objective de la chambre qui a ensuite statué sur le fond de l’affaire (paragraphe 18 ci-dessus).

Le requérant saisit alors le Tribunal constitutionnel d’un recours d’amparo, alléguant une méconnaissance de son droit de faire entendre équitablement sa cause par un tribunal indépendant et impartial. Le 20 février 1995, le Tribunal écarta le recours, considérant notamment que le rejet de l’appel formé contre l’auto de procesamiento ne pouvait s’analyser en une intervention dans l’instruction de l’affaire (paragraphe 19 ci-dessus).

35.  Dans ces conditions, nonobstant le fait que le requérant ou son avocat n’ont pas demandé la récusation des deux juges concernés avant l’ouverture du procès, les tribunaux de l’Etat défendeur ne sauraient passer pour n’avoir pas eu l’occasion de redresser la violation alléguée de l’article 6 § 1 (voir, mutatis mutandis, les arrêts Gasus Dosier- und Fördertechnik GmbH précité, p. 45, § 49, et Botten c. Norvège du 19 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-I, p. 140, § 36).

En conséquence, la Cour rejette l’exception préliminaire soulevée par le Gouvernement.

II.sur la violation alléguée de l’article 6 § 1 de la convention

36.  Le requérant allègue n’avoir pas pu faire entendre sa cause par un « tribunal impartial » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé dans sa partie pertinente :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, (…) par un tribunal (…) impartial (…) qui décidera (…) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) »

La Commission formule l’avis qu’il y a eu violation de cette disposition, conclusion que conteste le Gouvernement.

A.Thèses des comparants

1.Le requérant

37.  Le requérant soutient qu’une auto de procesamiento est, par définition, un acte de procédure par lequel le juge d’instruction déclare formellement que la responsabilité d’un délit incombe à une personne donnée. Cette déclaration présupposant une accusation en justice, il affirme
que l’inculpé est fondé à craindre de n’être pas jugé impartialement par le juge qui, avant d’examiner l’affaire, a déjà décidé de lui imputer le délit présumé.

38.  Le requérant renvoie au fait que la jurisprudence espagnole interdit au juge qui a délivré l’auto de procesamiento de faire partie du tribunal appelé à juger l’affaire au fond. De la même façon, les juges qui confirment l’auto de procesamiento en appel ne devraient pas non plus, d’après M. Castillo Algar, siéger au tribunal, car ils pourraient passer pour acquiescer à l’appréciation de culpabilité faite par le juge d’instruction.

39.  Quant aux faits de l’espèce, le requérant souligne qu’après l’arrêt du Tribunal suprême du 20 janvier 1992, le juge d’instruction a émis une nouvelle ordonnance à son encontre sans recueillir aucune preuve. En décidant de confirmer cette nouvelle auto de procesamiento, le tribunal militaire central a écarté les mêmes arguments qu’une autre chambre de cette juridiction avait auparavant acceptés en cassant la première ordonnance (paragraphe 13 ci-dessus). Aussi le requérant soutient-il qu’E.S.G. et R.V.P. sont arrivés à l’audience avec des idées préconçues sur sa culpabilité. Il fait valoir en outre que tout observateur raisonnable estimerait que leur présence ne pouvait que susciter de sa part malaise et appréhension.

2.Le Gouvernement

40.  Selon le Gouvernement, les craintes du requérant ne sauraient passer pour avoir une justification objective. En effet, une auto de procesamiento est une ordonnance avant dire droit qui se borne à estimer si, à première vue, il y a preuve de culpabilité. Les juridictions de recours contre ces ordonnances ne réexaminent pas l’intégralité de l’affaire. Elles ne considèrent que l’objet de l’appel, l’acte lui-même et les moyens invoqués par les parties, ce qui ne leur donne qu’une connaissance très limitée du dossier.

41.  En l’espèce, en rejetant le recours du requérant contre l’ordonnance du 6 mai 1992, la chambre du tribunal militaire central a axé son examen de l’affaire sur les effets et l’interprétation de l’arrêt rendu par le Tribunal suprême le 20 janvier 1992 (paragraphe 14 ci-dessus). Comme elle n’a pas tenu d’audience ni pris aucune mesure d’instruction, ses membres n’ont eu qu’une connaissance restreinte de l’affaire. Dès lors, selon le Gouvernement, le fait que deux membres de la juridiction de jugement aient antérieurement fait partie de la chambre du tribunal militaire central qui confirma l’auto de procesamiento ne saurait raisonnablement avoir compromis son impartialité objective.

3.La Commission

42.  La Commission estime, sur la base de la jurisprudence de la Cour, que, dans les circonstances de la cause, l’impartialité du tribunal militaire central pouvait légitimement être mise en doute et que les craintes du requérant à cet égard pouvaient passer pour objectivement justifiées.

B.Appréciation de la Cour

43.  La Cour souligne qu’aux fins de l’article 6 § 1, l’impartialité doit s’apprécier selon une démarche subjective, essayant de déterminer la conviction personnelle de tel juge en telle occasion, et selon une démarche objective amenant à s’assurer qu’il offrait les garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime à cet égard (voir, entre autres, l’arrêt Incal c. Turquie du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, p. 1574, § 65).

44.  S’agissant de la démarche subjective, la Cour rappelle que l’impartialité personnelle d’un magistrat se présume jusqu’à preuve du contraire (arrêt Hauschildt c. Danemark du 24 mai 1989, série A n° 154, p. 21, § 47). Or, en dépit de la thèse du requérant selon laquelle E.S.G. et R.V.P. nourrissaient des idées préconçues sur sa culpabilité (paragraphe 39 ci-dessus), la Cour n’est pas persuadée de l’existence d’éléments prouvant que l’un ou l’autre des deux juges ait agi avec un préjugé personnel. Dès lors, on ne peut que présumer l’impartialité personnelle des intéressés.

45.  Quant à l’appréciation objective, elle consiste à se demander si, indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l’impartialité de ce dernier. En la matière, même les apparences peuvent revêtir de l’importance. Il y va de la confiance que les tribunaux d’une société démocratique se doivent d’inspirer aux justiciables et notamment aux prévenus. Doit donc se récuser tout juge dont on peut légitimement craindre un manque d’impartialité. Pour se prononcer sur l’existence, dans une affaire donnée, d’une raison légitime de redouter chez un juge un défaut d’impartialité, l’optique de l’accusé entre en ligne de compte mais ne joue pas un rôle décisif. L’élément déterminant consiste à savoir si les appréhensions de l’intéressé peuvent passer pour objectivement justifiées (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Hauschildt précité, p. 21, § 48).

46.  En l’occurrence, la crainte d’un manque d’impartialité tenait au fait que deux des juges ayant siégé dans la juridiction de jugement avaient auparavant siégé à la chambre qui confirma en appel l’auto de procesamiento (paragraphes 14-16 ci-dessus). Pareille situation peut susciter chez le prévenu des doutes sur l’impartialité des juges. Cependant, la réponse à la question de savoir si l’on peut considérer ces doutes comme objectivement justifiés varie suivant les circonstances de la cause ; le simple
fait qu’un juge ait déjà pris des décisions avant le procès ne peut donc, en soi, justifier des appréhensions quant à son impartialité (arrêt Hauschildt précité, p. 22, § 50).

47.  A cet égard, la Cour observe que, selon l’auto de procesamiento rendue par le juge d’instruction le 6 mai 1992, il y avait contre le requérant un commencement de preuve que l’intéressé avait participé à un délit contre le trésor militaire au sens de l’article 189 § 1 du code pénal militaire. Le requérant interjeta appel de l’auto, en réitérant les moyens qu’il avait présentés à l’occasion de son premier recours devant le tribunal militaire central, mais celui-ci le débouta le 7 juillet 1992 (paragraphes 13-14 ci-dessus).

48.  Dans son mémoire, le Gouvernement fait valoir que cette décision du tribunal militaire central se limitait aux conséquences procédurales de l’arrêt rendu par le Tribunal suprême le 20 janvier 1992. Cependant, selon le tribunal militaire central, il suffisait de lire cet arrêt du 20 janvier 1992 pour en déduire « l’existence d’indices suffisants permettant de conclure qu’un délit militaire a[vait] été commis (…) et (…) l’absence de fondements suffisants pour annuler [l’auto de procesamiento ] et supprimer l’apparence de délit (…) sur laquelle [ladite ordonnance] s’appuie » (paragraphe 14 ci-dessus). En dépit du fait que le Tribunal suprême avait estimé, dans son arrêt du 14 novembre 1994, que la démarche suivie par le tribunal militaire central ne pouvait pas être considérée comme une mesure d’instruction susceptible de porter atteinte à l’impartialité objective de la juridiction de jugement (paragraphe 18 ci-dessus), les termes employés par la chambre du tribunal militaire central qui statua sur l’appel de l’auto de procesamiento, laquelle comprenait notamment les juges E.S.G. et R.V.P., pouvaient facilement donner à penser qu’elle faisait finalement sien le point de vue adopté par le Tribunal suprême dans son arrêt du 20 janvier 1992, selon lequel il existait « des indices suffisants permettant de conclure qu’un délit militaire a[vait] été commis » (paragraphe 14 ci-dessus).

49.  Or les juges E.S.G. et R.V.P. siégèrent ensuite respectivement comme président et juge rapporteur de la chambre du tribunal militaire central qui, le 25 mai 1994, reconnut le requérant coupable et le condamna à une peine d’emprisonnement. A cet égard, la situation ressemble à celle en cause dans l’affaire Oberschlick, où un juge ayant participé à l’annulation d’une ordonnance de non-lieu prit part ultérieurement à l’examen de l’appel dirigé contre la condamnation du requérant (arrêt Oberschlick c. Autriche (n° 1) du 23 mai 1991, série A n° 204, pp. 13 et 15, §§ 16 et 22).

50.  La Cour estime en conséquence que, dans les circonstances de la cause, l’impartialité de la juridiction de jugement pouvait susciter des doutes sérieux et que les craintes du requérant à cet égard pouvaient passer pour objectivement justifiées.

51.  La Cour en conclut qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

III.sur l’application de l’article 50 de la convention

52.  Le requérant prie la Cour de lui accorder une satisfaction équitable au titre de l’article 50 de la Convention, ainsi libellé :

« Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable. »

A.Préjudices, et frais et dépens

53.  Le requérant réclame 5 000 000 pesetas en réparation du dommage matériel et moral qu’il a subi à raison de sa détention après condamnation par le tribunal militaire central. Dans ce montant figurent les frais de justice encourus dans la procédure interne et devant les institutions de Strasbourg, soit 765 600 pesetas.

54.  Le Gouvernement soutient, quant aux prétentions du requérant pour le préjudice matériel et moral, que si la Cour devait conclure à une violation de la Convention, cette décision constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante. En revanche, il ne conteste pas les sommes réclamées par le requérant pour frais et dépens.

55.  Le délégué de la Commission estime que le requérant a droit à réparation pour les préjudices matériel et moral mais laisse à la Cour le soin d’en décider le montant.

56.  Sur la question du préjudice matériel, la Cour ne saurait spéculer sur ce qu’aurait été l’issue d’une procédure conforme à l’article 6 § 1. Elle relève en outre que les prétentions du requérant à cet égard ne sont étayées par aucun élément. En conséquence, elle ne voit pas de raison d’allouer une quelconque somme au titre du préjudice matériel allégué.

En ce qui concerne la réparation du dommage moral, la Cour estime que le constat de violation de l’article 6 § 1 de la Convention constitue en soi une satisfaction équitable suffisante dans les circonstances de la cause.

57.  Quant aux frais et dépens, la Cour estime que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En conséquence, elle alloue au requérant l’intégralité de la somme réclamée, augmentée de toute taxe éventuelle sur la valeur ajoutée.

B.Autres demandes

58.  Le requérant réclame l’annulation de la condamnation prononcée le 25 mai 1994 par le tribunal militaire central et une ordonnance obligeant
l’Etat défendeur à le promouvoir général de brigade, ce qui aurait été son grade s’il n’avait pas été condamné.

59.  Ni le Gouvernement ni le délégué de la Commission n’ont exprimé de point de vue sur ces demandes.

60.  La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’Etat défendeur l’obligation juridique au regard de la Convention de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (restitutio in integrum). Cependant, lorsque cette dernière est impossible, les Etats défendeurs sont libres de choisir les moyens dont ils useront pour se conformer à un arrêt constatant une violation. Il appartient au Comité des Ministres de surveiller l’exécution de l’arrêt sous cet angle, en vertu de la compétence que lui confère l’article 54 de la Convention (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Akdivar et autres c. Turquie du 1er avril 1998 (article 50), Recueil 1998-II, pp. 723-724, § 47). En conséquence, il y a lieu de rejeter les demandes formulées par l’intéressé à cet égard.

C.Intérêts moratoires

61.  Selon les informations dont dispose la Cour, le taux d’intérêt légal applicable en Espagne à la date d’adoption du présent arrêt est de 7,5 % l’an.

Par ces motifs, la cour, à l’unanimité,

1.Rejette l’exception préliminaire du Gouvernement et dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

2.Dit,

a)que le constat de violation de l’article 6 § 1 constitue en soi une satisfaction équitable suffisante au titre du préjudice moral allégué ;

b)que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 765 600 (sept cent soixante-cinq mille six cents) pesetas pour frais et dépens, plus la taxe éventuelle sur la valeur ajoutée ;

c)que cette somme sera à majorer d’un intérêt simple de 7,5 % l’an à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement ;

3.Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 28 octobre 1998.

Signé : Rudolf Bernhardt
Président

Signé : Herbert Petzold
Greffier


[1]Notes du greffier

.  L’affaire porte le n° 79/1997/863/1074. Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l’année d’introduction, les deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l’origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.

[2].  Le règlement A s’applique à toutes les affaires déférées à la Cour avant l’entrée en vigueur du Protocole n° 9 (1er octobre 1994) et, depuis celle-ci, aux seules affaires concernant les Etats non liés par ledit Protocole. Il correspond au règlement entré en vigueur le 1er janvier 1983 et amendé à plusieurs reprises depuis lors.

[3].  Note du greffier : pour des raisons d’ordre pratique il n’y figurera que dans l’édition imprimée (Recueil des arrêts et décisions 1998), mais chacun peut se le procurer auprès du greffe.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Constitution du 4 octobre 1958
  2. CODE PENAL
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Cour (chambre), AFFAIRE CASTILLO ALGAR c. ESPAGNE, 28 octobre 1998, 28194/95