CEDH, Cour (première section), AFFAIRE PFEIFER c. AUTRICHE, 15 novembre 2007, 12556/03

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Chronologie de l’affaire

Commentaires10

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Roseline Letteron · Liberté, Libertés chéries · 31 mai 2023

L'arrêt Mesic c. Croatie, rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 30 mai 2023, considère qu'un article publié en ligne et mettant en cause le requérant pour des faits de corruption ne porte pas atteinte à sa vie privée. Des pots-de-vin En l'espèce le requérant est l'ancien Président croate, Stjepan Mesic. En 2013, en Finlande, trois employés de la société finlandaise Patria ont été inculpés pour corruption aggravée, dans le cadre d'un contrat d'achat de véhicules blindés par l'armée croate. En février 2015, deux d'entre eux ont été condamnés à des peines d'emprisonnement …

 

Dreyfus · 30 juillet 2020

Tant que l'Internet n'existait pas, votre entreprise, ou vous-même, demeuriez à l'abri des critiques publiques, à l'exception de celles émanant de la plume de journalistes, ou d'acteurs économiques gravitant autour de votre activité. Pas de médias en ligne, de Twitter, Facebook, Instagram, et encore moins de moteur de recherche, et par conséquent, pas de capacité à rassembler une population autour de réseaux pour discuter de votre activité ! Tant que l'Internet n'existait pas, votre entreprise, ou vous-même, demeuriez à l'abri des critiques publiques, à l'exception de celles émanant de la …

 

Merryl Hervieu · Dalloz Etudiants · 30 octobre 2019
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Première Section), 15 nov. 2007, n° 12556/03
Numéro(s) : 12556/03
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Abeberry c. France (déc.), n° 58729/00, 21 septembre 2004
Oberschlick c. Autriche (n° 2), arrêt du 1 juillet 1997, Recueil 1997-IV, p. 1276, § 33
De Haes et Gijsels c. Belgique, arrêt du 24 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, p. 236, § 47
Chauvy et autres c. France, n° 64915/01, § 70, CEDH 2004-VI
Fayed et the House of Fraser Holdings plc c. Royaume-Uni, n° 17101/90, décision de la Commission du 15 mai 1992
Feldek c. Slovaquie, n° 29032/95, §§ 72-74 et 75-76, CEDH 2001-VIII
Gunnarsson c. Islande (déc.), n° 4591/04, 20 octobre 2005
Jerusalem c. Autriche, n° 26958/95, § 43, CEDH 2001-II
Minelli c. Suisse (déc.), n° 14991/02, 14 juin 2005
Leempoel & S.A. ED. Ciné Revue c. Belgique, n° 64772/01, § 67, 9 novembre 2006
Scharsach et News Verlagsgesellschaft c. Autriche, n° 39394/98, § 30 et § 40, CEDH 2003-XI
Schüssel c. Autriche (déc.), n° 42409/98, 21 février 2002
Von Hannover c. Allemagne, n° 59320/00, §§ 50, 53 et 58, CEDH 2004-VI
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Oui
Conclusions : Violation de l'art. 8 (absence de protection de la réputation du requérant) ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Frais et dépens (procédures nationale et de la Convention) - remboursement partiel
Identifiant HUDOC : 001-83295
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2007:1115JUD001255603
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Sur les parties

Texte intégral

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE PFEIFER c. AUTRICHE

(Requête no 12556/03)

ARRÊT

STRASBOURG

15 novembre 2007

DÉFINITIF

15/02/2008

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Pfeifer c. Autriche,

La Cour européenne des droits de l'homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Loukis Loucaides, président,
Nina Vajić,
Anatoly Kovler,
Khanlar Hajiyev,
Dean Spielmann,
Sverre Erik Jebens, juges,
Heinz Schäffer, juge ad hoc,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 18 octobre 2007,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 12556/03) dirigée contre la République d'Autriche et dont un ressortissant de cet Etat, M. Karl Pfeifer (« le requérant »), a saisi la Cour le 7 avril 2003 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant a été représenté par Mes Lansky et Ganzger, avocats à Vienne. Le gouvernement autrichien (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, l'ambassadeur F. Trauttmansdorff, chef du département de droit international au ministère fédéral des Affaires étrangères.

3.  Le requérant alléguait que les tribunaux autrichiens n'avaient pas protégé sa réputation contre des allégations diffamatoires formulées dans un magazine.

4.  La requête a été attribuée à la cinquième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d'examiner l'affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l'article 26 § 1 du règlement. Mme Elisabeth Steiner, juge élue au titre de l'Autriche, s'est déportée (article 28 du règlement). En conséquence, le Gouvernement a désigné M. H. Schäffer pour siéger en tant que juge ad hoc (articles 27 § 2 de la Convention et 29 § 1 du règlement).

5.  Le 4 novembre 2005, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Conformément aux dispositions de l'article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé d'examiner conjointement la recevabilité et le fond de la requête.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

6.  Le requérant est un journaliste indépendant et réside à Vienne. De 1992 à 1995, il fut rédacteur en chef du magazine officiel de la communauté juive de Vienne.

A.  La genèse de l'affaire

7.  Au début de l'année 1995, l'académie du Parti libéral autrichien (Freiheitliche Partei Österreichs) publia dans son annuaire un article de P., professeur de sciences politiques à l'université de Münster. Intitulé « Internationalisme contre nationalisme : une hostilité mortelle éternelle ? », l'article affirmait que les Juifs avaient déclaré la guerre à l'Allemagne en 1933, et banalisait les crimes du régime nazi.

8.  En février 1995, le requérant fit paraître dans le magazine de la communauté juive de Vienne ses commentaires sur l'article de P. Intitulé « Le ton (néo-)nazi de l'annuaire 1995 du Parti libéral », l'article du requérant reprochait sévèrement à P. d'employer une terminologie nazie et de diffuser des idées classiques du « IIIe Reich ». Plus spécifiquement, il accusait P. de raviver le vieux mensonge nazi du complot juif mondial et de confondre coupables et victimes.

9.  A la suite de cela, P., se fondant sur l'article 111 du code pénal (Strafgesetzbuch), engagea contre le requérant une procédure en diffamation. Le tribunal pénal régional (Landesgericht für Strafsachen) de Vienne relaxa le requérant. Le 4 mai 1998, ce jugement fut confirmé par la cour d'appel (Oberlandesgericht) de Vienne, laquelle considéra que les critiques du requérant constituaient un jugement de valeur doté d'une base factuelle suffisante, compte tenu des nombreux passages extraits de l'article de P. Eu égard au fait que l'article de P. était paru dans l'annuaire d'un parti politique et vu le caractère extrêmement sensible de son sujet, les critiques du requérant, bien que sévères, n'étaient pas excessives.

10.  Deux ans plus tard, en avril 2000, le parquet de Vienne engagea une procédure pénale contre P. en vertu de la loi relative à l'interdiction du national-socialisme (« la loi d'interdiction » – Verbotsgesetz). S'appuyant sur de nombreux extraits de l'article publié par P. dans l'annuaire 1995 du Parti libéral, le parquet estimait que l'écrit en question s'analysait en une activité national-socialiste au sens de l'article 3g de la loi d'interdiction. Peu avant la date fixée pour le procès, P. mit fin à ses jours.

11.  Le 8 juin 2000, l'hebdomadaire Zur Zeit, magazine de droite dont le rédacteur en chef, M., était l'ancien président de l'académie du Parti libéral, publia sur deux pages et demie un article intitulé « La terreur mortelle de la vertu » (« Tödlicher Tugendterror »). Evoquant les commentaires critiques du requérant parus en 1995, il alléguait qu'ils avaient déclenché une chasse à l'homme qui s'était soldée par la mort de la victime. Il qualifiait le requérant et un certain nombre d'autres personnes, essentiellement des personnalités politiques du Parti socialiste autrichien ou du parti des Verts, ainsi que plusieurs journalistes, un historien et un professeur de sciences politiques, de membres d'une « association de chasse » qui se servait de la loi d'interdiction pour attaquer les personnes proches du Parti libéral et qui avait pourchassé l'une de ses victimes jusqu'à la mort. L'article était accompagné de photographies des membres de l'« association de chasse », notamment du requérant.

12.  Ce dernier engagea contre la maison d'édition propriétaire de Zur Zeit une procédure en diffamation fondée sur l'article 6 de la loi sur les médias (Mediengesetz).

13.  Le 20 mars 2001, le tribunal pénal régional de Vienne jugea que l'article en cause remplissait les critères de la diffamation et ordonna à la prévenue de verser des dommages-intérêts au requérant en vertu de l'article 6 de la loi sur les médias. Le tribunal enjoignit également à la prévenue de publier le jugement.

14.  Le tribunal régional releva que l'article litigieux accusait le requérant d'être moralement responsable de la mort de P. Si certains faits étaient incontestables (le requérant avait écrit des commentaires critiques sur l'article de P., et ce dernier avait été inculpé sur le fondement de la loi d'interdiction et était décédé avant l'ouverture du procès), l'allégation selon laquelle le requérant appartenait à une « association de chasse », c'est-à-dire à un groupe de personnes qui s'était acharné sur P. jusqu'à provoquer sa mort, s'analysait en une déclaration factuelle dont la véracité n'avait pas été démontrée. En particulier, la prévenue n'avait nullement prouvé l'existence d'un lien de causalité entre l'article du requérant et le décès du professeur. A supposer que la déclaration en cause fût à considérer comme un jugement de valeur, elle était excessive car elle présentait une conclusion allant bien au-delà de ce que l'on pouvait raisonnablement fonder sur les faits à l'origine du grief. Ainsi, elle outrepassait les limites de la critique permise par l'article 10 de la Convention.

15.  Le 15 octobre 2001, sur appel de la maison d'édition, la cour d'appel de Vienne infirma le jugement.

16.  Elle estima que l'article litigieux contenait un jugement de valeur mais que celui-ci n'était pas excessif. Le terme « association de chasse » ne renvoyait pas à des activités coordonnées d'un groupe de personnes ayant visé à anéantir l'existence de P. Si l'article pouvait être interprété comme insinuant que les actes du requérant et d'autres personnes avaient fini par entraîner le décès de P., il n'accusait pas les individus en question d'avoir prévu ou planifié une telle issue. La base factuelle était suffisante pour que l'on puisse, quant à la mort de P., attribuer une certaine responsabilité morale au requérant et à un certain nombre d'autres personnes qui avaient joué un rôle actif en critiquant P. dans les médias ou en l'attaquant en justice. Concernant le requérant, l'article évoquait ses critiques sur la publication de P., ce qui permettait au lecteur de déterminer s'il partageait ou non l'opinion exprimée dans l'article litigieux. De plus, le lecteur était conscient que l'article avait été écrit à partir d'un point de vue politique et idéologique et qu'il comportait une certaine dose d'exagération. En conclusion, il restait dans les limites de la critique admissible définies par l'article 10 de la Convention.

B.  La procédure en cause

17.  En février 2001, M. adressa aux abonnés de Zur Zeit une lettre de trois pages sollicitant leur soutien financier. Pour motiver sa demande, il indiquait aux lecteurs que l'hebdomadaire était mis à rude épreuve par les antifascistes qui, après avoir fait campagne contre Kurt Waldheim, Jörg Haider et d'autres « indésirables », avaient fait de Zur Zeit leur nouvelle cible. M. alléguait que le groupe en question cherchait à nuire à l'hebdomadaire en faisant de la désinformation dans les médias et en entamant une multitude de procédures pénales et civiles.

Le passage pertinent de cette lettre se lit ainsi :

« Et puis, il y a l'affaire Karl Pfeifer c. Zur Zeit. Après la disparition du professeur P. [patronyme intégral], Karl Pfeifer, qui depuis bien longtemps publie le magazine de la communauté religieuse juive, a été identifié comme étant membre de l'association de chasse qui a conduit le politologue conservateur à la mort. Il était notoire qu'un procès fondé sur la loi d'interdiction du nazisme allait s'ouvrir contre P. en raison de la prise de position de celui-ci dans l'annuaire 1995 du Parti libéral. Le journaliste juif Karl Pfeifer avait condamné ces déclarations pour leur ton nazi, déclenchant ainsi une avalanche judiciaire contre P. Lorsque Zur Zeit a eu l'audace de montrer que telle était la cause du suicide de P., Pfeifer a porté plainte. Des procédures extrêmement complexes, longues et onéreuses – bien sûr relayées par une campagne dans les torchons branchés de gauche – sont toujours en cours. »

18.  Le 15 mars 2001, le requérant engagea une nouvelle action en diffamation contre M. et la maison d'édition de Zur Zeit ; il se fondait respectivement sur l'article 111 du code pénal et l'article 6 de la loi sur les médias.

19.  Le 4 septembre 2001, le tribunal pénal régional de Vienne décida de surseoir à statuer en attendant l'arrêt de la cour d'appel de Vienne dans le cadre de la première action en diffamation. La juridiction d'appel rendit son arrêt le 15 octobre 2001 (paragraphes 15 et 16 ci-dessus), à la suite de quoi le tribunal régional reprit la procédure.

20.  Le 31 janvier 2002, le tribunal régional relaxa les prévenus. Il observa que les deux actions en diffamation portaient sur des questions de fait et de droit très semblables. Comme dans l'article « La terreur mortelle de la vertu », le requérant était désigné comme un membre d'une « association de chasse » ayant poussé P. au suicide. Ainsi, le tribunal estimait qu'il y avait un lien de causalité entre la critique du requérant relative à l'article de P. et le décès de ce dernier. Les considérations qui avaient amené la cour d'appel à relaxer les prévenus à l'issue de la première action valaient également dans la deuxième. Souscrivant au point de vue exprimé dans l'arrêt de la juridiction d'appel en date du 15 octobre 2001, le tribunal régional jugea que la lettre litigieuse contenait un jugement de valeur doté d'une base factuelle suffisante. A cet égard, il releva que même si les destinataires de la lettre n'avaient pas lu l'article « La terreur mortelle de la vertu », ils avaient sous les yeux un résumé de son contenu qui leur permettait de se forger une opinion sur la pertinence des accusations portées. Le jugement de valeur en question n'était pas excessif, même si les faits à l'origine du grief étaient commentés à partir d'un point de vue farouchement idéologique. Dès lors, la publication en cause était protégée par l'article 10 de la Convention.

21.  Le 1er août 2002, la cour d'appel de Vienne rejeta le recours formé par le requérant, confirmant ainsi l'avis du tribunal régional que les deux actions étaient étroitement liées, au point que les principes et considérations exposés dans son arrêt du 15 octobre 2001 valaient également dans cette procédure.

22.  Cet arrêt fut signifié à l'avocat du requérant le 7 octobre 2002.

II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

23.  L'article 111 du code pénal (Strafgesetzbuch) est ainsi libellé :

« 1.  Est puni d'une peine privative de liberté de six mois au plus ou d'une peine pécuniaire (...) quiconque, d'une manière telle qu'un tiers puisse le remarquer, prête à une autre personne une qualité ou des sentiments méprisables, ou l'accuse d'une attitude contraire à l'honneur ou aux bonnes mœurs et de nature à rendre cette personne méprisable ou à la rabaisser aux yeux de l'opinion publique.

2.  Est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire (...) quiconque commet l'acte dans un imprimé, par le moyen de la radiodiffusion ou de toute autre manière qui rend la diffamation accessible à un large public.

3.  L'auteur n'est pas puni si l'assertion s'avère exacte. Dans le cas visé à l'alinéa 1, il ne l'est pas non plus si sont prouvées des circonstances lui ayant donné des raisons suffisantes de tenir l'assertion pour vraie. »

24.  Selon l'article 6 de la loi sur les médias, l'éditeur assume une responsabilité objective en matière de diffamation ; la victime peut donc lui réclamer des dommages-intérêts. Dans ce contexte, le terme « diffamation » doit être interprété tel que défini à l'article 111 du code pénal.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

25.  Le requérant se plaint que les tribunaux autrichiens n'ont pas protégé sa réputation contre les accusations portées dans la lettre de M. aux abonnés de Zur Zeit. Il invoque l'article 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2.  Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

26.  Le Gouvernement conteste cet argument.

A.  Sur la recevabilité

27.  La Cour observe que la requête n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention et qu'aucun autre motif d'irrecevabilité ne peut être relevé. Il convient donc de déclarer la requête recevable.

B.  Sur le fond

1.  Les thèses des parties

28.  Selon le requérant, c'est à tort que les tribunaux autrichiens ont qualifié la déclaration litigieuse de jugement de valeur. A ses yeux, l'accusation selon laquelle il était « membre d'une association de chasse » présupposait des actions coordonnées de plusieurs personnes en vue de pousser le professeur P. à la mort ; elle s'analysait en une allégation factuelle qui n'était étayée par aucune preuve, dès lors que, agissant seul et en l'absence de coopération ou de coordination avec d'autres personnes, lui‑même n'avait rien fait d'autre que publier un article critiquant les prises de position de P. Il avait fait cela en 1995, donc plusieurs années avant que P. fût poursuivi en vertu de la loi d'interdiction et décidât finalement de se donner la mort. Il n'y avait manifestement aucun lien de causalité entre son propre article et le suicide de P.

29.  Par ailleurs, il faut d'après le requérant tenir compte du fait que P. l'avait à l'époque attaqué en justice mais avait été débouté, les tribunaux ayant jugé que M. Pfeifer était resté dans les limites de la critique acceptable. En fait, le requérant n'avait pas accusé P. d'être un néo-nazi ou d'avoir commis des infractions relevant de la loi d'interdiction, mais lui avait simplement reproché d'employer un ton nazi.

30.  Dans l'hypothèse où la déclaration en cause serait considérée comme un jugement de valeur, le requérant l'estime dépourvue de base factuelle suffisante. Il considère que la liberté en matière de discours politique atteint ses limites dans une affaire comme celle-ci, où ses adversaires ont entaché sa réputation en formulant des allégations dénuées de fondement.

31.  Le Gouvernement admet que les obligations de l'Etat découlant de l'article 8 peuvent s'étendre à l'adoption de mesures visant au respect de la vie privée dans les relations des individus entre eux. Il ajoute que, lorsque l'on met en balance le droit du requérant à la protection de sa vie privée et le droit à la liberté d'expression, le point déterminant est de savoir si, et le cas échéant dans quelle mesure, la déclaration en cause a contribué à un débat d'intérêt général. La déclaration litigieuse contenue dans la lettre aux abonnés de Zur Zeit et l'article à l'origine de celle-ci doivent être replacés dans le contexte d'une discussion politique qui opposait des personnes aux convictions idéologiques différentes.

32.  Invoquant la jurisprudence de la Cour relative à l'article 10 de la Convention, le Gouvernement affirme qu'eu égard à l'intérêt que présente le libre échange des opinions politiques, y compris de celles qui heurtent, choquent ou inquiètent, les tribunaux autrichiens pouvaient raisonnablement considérer que la déclaration désignant le requérant comme un « membre d'une association de chasse qui a[vait] fini par provoquer le suicide de P. » constituait un jugement de valeur doté d'une base factuelle suffisante. Bien qu'il ne fût pas un homme politique, le requérant avait pris part à un débat politique et devait donc lui-même faire preuve d'un degré plus élevé de tolérance vis-à-vis des critiques. En conclusion, en accordant plus de poids à la liberté d'expression qu'à l'intérêt du requérant à voir protéger sa réputation, les tribunaux autrichiens n'auraient pas porté atteinte aux droits du requérant découlant de l'article 8.

2.  Appréciation de la Cour

33.  En ce qui concerne l'applicabilité de l'article 8, la Cour rappelle que la « vie privée » comprend des éléments se rapportant à l'identité d'une personne tels que son nom ou son droit à l'image, et couvre de plus son intégrité physique et morale ; la garantie offerte par l'article 8 de la Convention est principalement destinée à assurer le développement, sans ingérences extérieures, de la personnalité de chaque individu dans les relations avec ses semblables. Il existe donc une zone d'interaction entre l'individu et des tiers qui, même dans un contexte public, peut relever de la « vie privée » (voir Von Hannover c. Allemagne, no 59320/00, § 50, CEDH 2004‑VI, et les références qui y sont citées).

34.  La Cour a jugé que la publication de la photographie d'une personne relevait de sa vie privée même si l'intéressé était un personnage public (Schüssel c. Autriche (déc.), no 42409/98, 21 février 2002, et Von Hannover précité, § 53).

35.  La présente espèce porte sur une publication qui a porté atteinte à la réputation du requérant. Il est déjà admis dans la jurisprudence des organes de la Convention que le droit d'une personne à la protection de sa réputation est couvert par l'article 8 en tant qu'élément du droit au respect de la vie privée. Dans Chauvy et autres c. France (no 64915/01, § 70, CEDH 2004‑VI), qui concernait une requête fondée sur l'article 10, la Cour a jugé que la réputation d'une personne – en l'occurrence entachée par la publication d'un ouvrage – était protégée par l'article 8 en tant qu'élément de la vie privée et devait être mise en balance avec le droit à la liberté d'expression (cette approche a été suivie dans Abeberry c. France (déc.), no 58729/00, 21 septembre 2004, et Leempoel & S.A. ED. Ciné Revue c. Belgique, no 64772/01, § 67, 9 novembre 2006). Dans White c. Suède (no 42435/02, §§ 19 et 30, 19 septembre 2006), qui concernait un grief tiré de l'article 8, il a été considéré que le droit d'une personne à la protection de sa réputation contre des déclarations selon elle diffamatoires parues dans la presse relevait de la « vie privée » (voir également, mutatis mutandis, Minelli c. Suisse (déc.), no 14991/02, 14 juin 2005, dans laquelle il a été jugé qu'un grief relatif au manquement allégué à protéger une personne contre un article de journal critique relevait de la « vie privée » telle que protégée par l'article 8 ; en revanche, la question de savoir si cette disposition consacrait en soi un droit à la protection de la réputation et de l'honneur n'a pas été tranchée dans Gunnarsson c. Islande (déc.), no 4591/04, 20 octobre 2005). Enfin, dans Fayed and the House of Fraser Holdings plc c. Royaume-Uni (no 17101/90, décision de la Commission du 15 mai 1992), la Commission européenne des droits de l'homme a estimé que la publication de certaines conclusions dans un rapport établi par les pouvoirs publics constituait une atteinte au droit des requérants au respect de leur vie privée. La Cour considère que la réputation d'une personne, même si cette personne est critiquée dans le cadre d'un débat public, fait partie de son identité personnelle et de son intégrité morale et dès lors relève aussi de sa « vie privée ». L'article 8 trouve donc à s'appliquer, ce que les parties ne contestent pas.

36.  La Cour observe que le requérant ne se plaint pas d'une action de l'Etat, mais du manquement de celui-ci à protéger sa réputation contre l'ingérence de tiers.

37.  Elle réitère que si l'article 8 a essentiellement pour objet de prémunir l'individu contre les ingérences arbitraires des pouvoirs publics, il ne se contente pas de commander à l'Etat de s'abstenir de pareilles ingérences : à cet engagement négatif peuvent s'ajouter des obligations positives inhérentes au respect effectif de la vie privée et familiale. Elles peuvent nécessiter l'adoption de mesures visant au respect de la vie privée et familiale jusque dans les relations des individus entre eux. La frontière entre les obligations positives et négatives de l'Etat au regard de l'article 8 ne se prête pas à une définition précise ; les principes applicables sont néanmoins comparables. En particulier, dans les deux cas, il faut prendre en compte le juste équilibre à ménager entre l'intérêt général et les intérêts de l'individu, l'Etat jouissant en toute hypothèse d'une marge d'appréciation (voir Von Hannover précité, § 57, et les références qui y sont citées).

38.  La principale question qui se pose en l'espèce est de savoir si l'Etat, dans le cadre de ses obligations positives découlant de l'article 8, a ménagé un juste équilibre entre le droit du requérant à la protection de sa réputation, qui constitue un élément de sa « vie privée », et le droit de la partie adverse à la liberté d'expression garantie à l'article 10 de la Convention (ibidem, § 58 ; voir également Chauvy et autres, précité, § 70).

39.  La présente affaire doit être replacée dans le contexte d'une bataille qui se déroulait dans les médias et devant les tribunaux autrichiens.

40.  Elle a commencé par la contribution de P. à l'annuaire 1995 du Parti libéral autrichien et les commentaires du requérant parus dans le magazine officiel de la communauté juive de Vienne et critiquant P. pour le ton (néo)-nazi qu'il avait employé. P. a été débouté de son action en diffamation contre le requérant fondée sur l'article 111 du code pénal, les tribunaux ayant jugé que les critiques du requérant, bien que sévères, constituaient un jugement de valeur doté d'une base factuelle suffisante (paragraphe 9 ci‑dessus).

41.  Après le déclenchement par le parquet, en avril 2000, de poursuites contre P. en vertu de la loi d'interdiction et en raison de l'article paru dans l'annuaire 1995, puis le suicide du professeur juste avant le procès, la bataille a continué en juin 2000 avec la publication dans l'hebdomadaire Zur Zeit d'un article qui qualifiait le requérant et un certain nombre d'autres personnes de membres d'une « association de chasse » ayant pourchassé P. jusqu'à la mort. Le requérant a été débouté de son action en diffamation. Si la juridiction de première instance a jugé que la déclaration en question était une déclaration factuelle dont la véracité n'avait pas été démontrée ou bien un jugement de valeur excessif (paragraphes 13 et 14 ci-dessus), la juridiction d'appel a en revanche considéré cette déclaration comme un jugement de valeur non excessif. En substance, elle a estimé que les actes du requérant et d'autres individus concernant P. offraient une base factuelle suffisante pour que l'on puisse tenir ces personnes pour moralement responsables de la mort du professeur (paragraphes 15 et 16 ci-dessus).

42.  Dans la procédure ici en cause, les tribunaux nationaux devaient déterminer si les affirmations contenues dans la lettre de M. aux abonnés de Zur Zeit, accusant derechef le requérant d'être « membre d'une association de chasse » qui avait poussé P. au suicide, remplissaient les critères de la diffamation. Souscrivant à l'approche suivie dans la précédente action, ils ont considéré la déclaration en cause comme un jugement de valeur doté d'une base factuelle suffisante. En résumé, ils ont estimé que la déclaration, bien que partant d'un point de vue farouchement idéologique, n'était pas excessive (paragraphes 20 et 21 ci-dessus).

43.  Tenant compte du contexte de l'affaire, la Cour rappelle sa jurisprudence relative à l'article 10 et au rôle essentiel que joue la presse dans une société démocratique : si la presse ne doit pas franchir certaines limites, s'agissant notamment de la protection de la réputation et des droits d'autrui, il lui incombe néanmoins de communiquer, dans le respect de ses devoirs et responsabilités, des informations et des idées sur toutes les questions d'intérêt général (voir, parmi de nombreux précédents, Scharsach et News Verlagsgesellschaft c. Autriche, no 39394/98, § 30, CEDH 2003‑XI, et Von Hannover précité, § 58). La liberté journalistique comprend aussi le recours possible à une certaine dose d'exagération, voire de provocation (ibidem).

44.  Dans ces circonstances, la Cour estime que l'obligation pour l'Etat, au regard de l'article 8, de protéger la réputation d'une personne peut s'imposer dans le contexte de déclarations outrepassant les limites de ce qui est considéré comme une critique admissible au regard de l'article 10. Elle recherchera donc si les tribunaux autrichiens ont manqué à protéger le requérant contre une critique excessive.

45.  Pour les principes généraux relatifs à la liberté de la presse dans le cadre d'un débat politique, la Cour renvoie au résumé de sa jurisprudence constante qui se trouve dans les arrêts Feldek c. Slovaquie (no 29032/95, §§ 72-74, CEDH 2001‑VIII ; voir aussi les références qui y sont citées) et Scharsach et News Verlagsgesellschaft (précité, § 30). Elle rappelle que l'article 10 § 2 de la Convention ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d'expression dans le domaine du discours politique ou des questions d'intérêt général (voir, parmi bien d'autres, Feldek précité, § 74). Par ailleurs, la Cour observe que le requérant était lui-même une personne en vue, dont les critiques sur la publication de P. étaient formulées de manière virulente (voir, mutatis mutandis, Minelli précitée).

46.  Le différend entre les parties dans la présente affaire porte pour une large part sur la qualification – déclaration de fait ou jugement de valeur – à donner au texte en cause. La Cour rappelle à cet égard sa jurisprudence constante selon laquelle la matérialité des faits peut se prouver mais les jugements de valeur ne se prêtent pas à une démonstration de leur exactitude. Lorsqu'une déclaration s'analyse en un jugement de valeur, la proportionnalité de l'ingérence peut être fonction de l'existence d'une base factuelle suffisante car, faute d'une telle base, un jugement de valeur peut lui aussi se révéler excessif (voir, par exemple, Feldek précité, §§ 75-76 ; Jerusalem c. Autriche, no 26958/95, § 43, CEDH 2001‑II ; De Haes et Gijsels c. Belgique, 24 février 1997, § 47, Recueil 1997-I ; et Oberschlick c. Autriche (no 2), 1er juillet 1997, § 33, Recueil 1997‑IV). Ainsi que la Cour l'a fait remarquer dans de précédentes affaires, la différence tient au niveau de preuve factuelle à établir (Scharsach et News Verlagsgesellschaft, précité, § 40).

47.  La Cour n'est pas convaincue par l'appréciation des tribunaux nationaux selon laquelle les déclarations en cause sont des jugements de valeur. La déclaration « après la disparition du professeur P. (...), Karl Pfeifer (...) a été identifié comme étant membre de l'association de chasse qui a conduit le politologue (...) à la mort » implique manifestement un lien de causalité entre, d'une part, les actes du requérant et de tiers, et, d'autre part, le suicide de P. en 2000. Les juridictions internes l'ont expressément admis dans la présente affaire (paragraphe 20 ci-dessus). La question de savoir si un acte présente ou non un rapport de causalité avec un autre acte n'est pas un sujet de spéculation mais constitue un fait qui se prête à une démonstration de son exactitude. Il n'est pas contesté que le requérant a écrit en 1995 une critique sur l'article de P. et que, des années plus tard, en 2000, P. a été inculpé à raison du même article sur le fondement de la loi d'interdiction et qu'il s'est donné la mort ; toutefois, la partie prévenue n'a nullement prouvé l'existence du lien de causalité allégué entre l'article du requérant et la mort du professeur. Il est vrai que même une déclaration qui heurte ou choque l'opinion publique ou une personne donnée est protégée par le droit à la liberté d'expression en vertu de l'article 10. Cependant, la déclaration litigieuse est allée au-delà de cela, assurant que le requérant avait provoqué la mort de P. en finissant par le pousser au suicide. Par ces mots, la lettre de M. aux abonnés de Zur Zeit a outrepassé les limites acceptables car elle a en fait accusé le requérant d'avoir commis des actes équivalant à un comportement criminel.

48.  Même si la déclaration en cause devait être comprise comme un jugement de valeur en ce qu'elle laisse entendre que le requérant et d'autres personnes sont moralement responsables de la mort de P., la Cour estime qu'elle est dépourvue de base factuelle suffisante. L'emploi des termes « membre d'une association de chasse » suppose que le requérant ait agi de concert avec d'autres personnes dans le but d'attaquer et de harceler P. Or, rien n'indique que le requérant, qui a simplement écrit un article au tout début d'une chaîne d'événements et qui n'a rien fait d'autre par la suite, ait agi de telle manière ou dans un tel dessein. De plus, il faut tenir compte du fait que l'article du requérant n'a pas, pour sa part, outrepassé les limites de la critique admissible.

49.  Dans ces conditions, la Cour n'est pas convaincue que les motifs avancés par les tribunaux nationaux en faveur de la protection de la liberté d'expression primaient le droit du requérant à la protection de sa réputation. Elle estime donc que les juridictions internes n'ont pas ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents qui se trouvaient en jeu.

En conséquence, il y a eu violation de l'article 8 de la Convention.

II.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

50.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

51.  Le requérant demande 30 000 euros (EUR) au titre du dommage moral. Il avance que compte tenu de son histoire personnelle (il est juif, a dû fuir l'Autriche en 1938, et de nombreux membres de sa famille ont été tués sous le régime nazi) il a particulièrement souffert du fait que les tribunaux ne l'ont pas protégé contre l'accusation injustifiée selon laquelle il avait, de concert avec d'autres personnes, poussé P. à la mort.

52.  Le Gouvernement estime qu'un constat de violation offrirait une réparation suffisante pour tout dommage moral subi par le requérant.

53.  La Cour admet que le manquement à protéger la réputation du requérant contre les accusations en question a dû lui causer des sentiments de détresse. Statuant en équité, elle alloue à l'intéressé 5 000 EUR en réparation du dommage moral.

B.  Frais et dépens

54.  Le requérant sollicite par ailleurs 6 572,72 EUR pour les frais et dépens engagés devant les tribunaux nationaux et 5 551,38 pour ceux exposés devant la Cour. Ces montants incluent la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

55.  Le Gouvernement estime que les frais engagés pour deux demandes de sursis à statuer doivent être déduits des frais relatifs à la procédure interne dès lors qu'ils n'ont pas servi à prévenir la violation alléguée. De plus, il juge excessif le montant réclamé pour la procédure fondée sur la Convention. Compte tenu des montants dus en vertu du droit interne, seule une somme de 3 205, 62 EUR, TVA comprise, s à rembourser.

56.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.

57.  En l'espèce, eu égard aux informations dont elle dispose et aux critères exposés ci-dessus, la Cour juge raisonnable d'allouer au requérant la somme de 10 000 EUR, qui couvre tous les frais confondus.

C.  Intérêts moratoires

58.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1.  Déclare, à l'unanimité, la requête recevable ;

2.  Dit, par cinq voix contre deux, qu'il y a eu violation de l'article 8 de la Convention ;

3.  Dit, par cinq voix contre deux,

a)  que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 5 000 EUR (cinq mille euros) pour dommage moral et 10 000 EUR (dix mille euros) pour frais et dépens ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4.  Rejette, à l'unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en anglais, puis communiqué par écrit le 15 novembre 2007, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren NielsenLoukis Loucaides
GreffierPrésident

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l'exposé des opinions séparées suivantes :

–  opinion dissidente du juge Loucaides ;

–  opinion dissidente du juge Schäffer.


OPINION DISSIDENTE DU JUGE LOUCAIDES

(Traduction)

Je ne puis souscrire à la conclusion de la majorité selon laquelle il y a eu en l'espèce violation de l'article 8 à raison du manquement à protéger le requérant contre des critiques diffamatoires excessives dommageables à sa réputation.

Dans le cadre de la présente opinion, il n'est pas inutile, je pense, de rappeler les circonstances essentielles de l'espèce.

Au début de l'année 1995, P. (professeur de sciences politiques) publia un article dans lequel il affirmait que les Juifs avaient déclaré la guerre à l'Allemagne en 1933, et banalisait les crimes du régime nazi. En février 1995, le requérant fit paraître ses commentaires sur cet article. Il reprochait sévèrement à P. d'employer une terminologie nazie et de diffuser des idées classiques du « IIIe Reich » ; plus spécifiquement, il accusait P. de raviver le vieux mensonge nazi du complot juif mondial et de confondre coupables et victimes. A la suite de cela, P. engagea contre le requérant une procédure en diffamation mais fut débouté, les tribunaux ayant jugé que les critiques du requérant constituaient un jugement de valeur doté d'une base factuelle suffisante tirant sa source dans l'article du professeur.

En avril 2000, l'article écrit par P. valut à celui-ci une inculpation fondée sur la loi d'interdiction du national-socialisme. Peu avant la date fixée pour son procès, P. se donna la mort.

En juin 2000, l'hebdomadaire Zur Zeit publia un article évoquant les critiques du requérant parues en 1995 et alléguant qu'elles avaient déclenché une chasse à l'homme qui s'était soldée par la mort de la victime. L'article de Zur Zeit qualifiait le requérant et un certain nombre d'autres personnes de membres d'une « association de chasse » qui s'était acharnée sur P. jusqu'à provoquer sa mort. En février 2001, cette déclaration fut réitérée dans une lettre adressée aux abonnés de Zur Zeit. Le requérant engagea une action en diffamation au sujet de l'article et de la lettre en question ; il fut débouté, les tribunaux autrichiens compétents ayant jugé que ces écrits contenaient un jugement de valeur qui n'était pas excessif et qui avait une base factuelle suffisante.

Il apparaît que la déclaration diffamatoire dont se plaignait le requérant était celle consistant à dire qu'il appartenait à une « association de chasse » ayant poussé P. au suicide et qu'il y avait un lien de causalité entre les critiques du requérant sur l'article de P. et le décès de ce dernier.

Il est vrai que la déclaration litigieuse était formulée dans un style agressif et hostile. Cela ne suffit pas, toutefois, pour que l'on puisse en conclure qu'elle s'analyse en une violation du droit du requérant au respect de sa réputation.

Pour déterminer si la déclaration incriminée était diffamatoire au point de pouvoir s'analyser en une violation du droit en question, il est important de comprendre son sens et son effet dans le contexte des faits exposés ci‑dessus. A mon avis, la déclaration en cause ne peut raisonnablement être interprétée comme signifiant que le requérant a tué P. ou a intentionnellement agi de manière à provoquer sa mort.

Etant donné que P. s'est suicidé, la pire interprétation qui puisse être faite de la déclaration en question revient à dire qu'elle relie, d'un côté, la décision de P. de mettre fin à ses jours et, de l'autre, les critiques émises par le requérant et d'autres personnes ainsi que les poursuites pénales engagées contre P. Autrement dit, elle peut uniquement être comprise comme voulant dire que ces incidents ont bouleversé P. au point de le mener au suicide. A mon sens, il s'agit là d'un jugement de valeur prenant la forme d'une opinion fondée sur la suite des événements, et cette opinion peut passer pour exprimer une possibilité que l'on ne saurait juger déraisonnable. Il importe de relever que la déclaration litigieuse n'accusait pas le requérant d'avoir projeté, par le biais de son article, de pousser P. à se donner la mort. D'ailleurs aucune personne sensée ne pourrait interpréter la déclaration en cause comme sous-entendant pareille accusation. Si cette déclaration peut raisonnablement être interprétée comme signifiant que l'article du requérant, d'autres critiques similaires ou les procédures judiciaires engagées par des tiers contre P. ont poussé ce dernier au suicide sans que cela ait été l'intention d'aucune de ces personnes, je ne vois aucune diffamation à l'encontre du requérant qui puisse justifier un constat de violation de l'article 8 de la Convention. Concernant l'emploi de la formule « association de chasse », je souscris à l'avis de la cour d'appel de Vienne selon lequel le terme ne renvoie pas nécessairement à un groupe de personnes qui auraient coordonné leurs actes aux fins d'anéantir l'existence de P. Dans le contexte des faits exposés ci-dessus, on peut raisonnablement le comprendre comme visant diverses personnes qui par leurs actes – par exemple la rédaction d'articles – ont blessé P. et peuvent de ce fait être regroupées en une seule catégorie (l'« association de chasse »). Le terme « chasse » est excessif s'il est pris littéralement, mais à mon avis il a été employé avant tout comme figure de style et pour qualifier l'attitude hostile de ces personnes envers P.

En résumé, je souscris à la décision finale des tribunaux nationaux : j'estime que la déclaration litigieuse, qui selon le requérant a porté atteinte à sa réputation, était l'expression d'une opinion, d'un « jugement de valeur » qui reposait sur la suite des événements pertinents et présentait une base factuelle suffisante. A mon sens, l'interprétation que le requérant et la majorité donnent de cette déclaration est exagérée et irréaliste. Il me semble que, si elle a offensé le requérant, elle n'a pas outrepassé les limites de la liberté d'expression garantie à l'article 10 de la Convention. A cet égard, je tiens à répéter un passage classique sur la liberté d'expression, qui est apparu pour la première fois dans l'arrêt Handyside c. Royaume-Uni (§ 49, série A no 24) :

« La liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels de [la] société [démocratique], l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l'article 10, elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'Etat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de « société démocratique. »

Pour finir, je tiens à exprimer ma grande satisfaction face à la clarté et à la fermeté avec lesquelles, pour la première fois, un arrêt de la Cour indique que le droit d'une personne à la protection de sa réputation est couvert par l'article 8 en tant qu'élément du droit au respect de la vie privée, position à laquelle j'ai toujours souscrit.


OPINION DISSIDENTE DU JUGE SCHÄFFER

(Traduction)

1.  A mon sens, les tribunaux autrichiens n'ont pas manqué ou failli à protéger les droits et libertés du requérant en vertu de la Convention. Je souscris sans réserve aux délibérations de la Cour (majorité) et à l'avis de celle-ci que la protection de la réputation d'une personne est couverte par le champ d'application et la notion de « vie privée » (article 8 de la Convention). De plus, et c'est important, ce point n'a pas été contesté par les parties.

2.  La question de savoir si la Convention, en plus de garantir des droits et libertés aux individus, impose également des obligations positives aux Etats membres ne peut probablement pas recevoir la même réponse pour l'ensemble des droits et libertés ; dès lors, il n'est pas possible d'énoncer une formule dogmatique générale. L'on ne saurait toutefois négliger le fait qu'une interprétation adéquate de la Convention dépend d'un juste équilibre entre différents droits, en particulier d'un équilibre entre la protection de la « vie privée » (notamment de la réputation) d'une personne et le droit à la liberté d'expression d'autrui, position que traduisent et concrétisent d'emblée les réserves à ces deux droits formulées dans les dispositions pertinentes (les articles 8 et 10 contiennent les mêmes valeurs et presque les mêmes termes dans leurs réserves respectives, puisque ces deux dispositions font référence aux « droits et libertés d'autrui »).

3.  Bien souvent, nous devons nous pencher sur des rapports juridiques bipolaires (voire multipolaires) que l'on ne peut évaluer que par « concordance pratique » (comparer, par exemple, Konrad Hesse, Grundzüge des Verfassungsrechts der Bundesrepublik Deutschland, 20e édition, 1995, RN 72 et 317 (en général), 393 et 400 (concernant en particulier la liberté d'information), et la jurisprudence récente de la Cour constitutionnelle autrichienne (ÖVfGH, 1er décembre 2006, B 551/06, au sujet de l'article 10 de la Convention : « ... die konkurrierenden Grundrechtspositionen [sind] unter Berücksichtigung der in den Gesetzesvorbehalten angesprochenen Rechtsgüter gegeneinander abzuwägen und auf diese Weise die damit zusammenhängenden Interessen der Parteien zu einem angemessenen Ausgleich zu bringen »). Ainsi, premièrement, il appartient et incombe tout d'abord au législateur national d'établir un juste équilibre entre les valeurs protégées par la loi et les intérêts en jeu, et il revient ensuite aux tribunaux nationaux de veiller à ce que cet équilibre soit dans chaque cas respecté et mis en œuvre. Bien entendu, le législateur et les tribunaux doivent agir à la lumière et dans l'esprit de la Convention.

4.  Cette observation vise à souligner que la Cour européenne des droits de l'homme doit faire preuve d'une grande circonspection lorsqu'elle statue sur les obligations positives des Etats. Elle doit ménager un équilibre juste et adéquat entre la protection de la vie privée d'une personne et la liberté d'expression d'une ou de plusieurs autres, deux éléments qui sont essentiels dans une « société démocratique » (telle que nous la concevons en Europe). Peut-être y a t-il une légère différence entre les cas où la garantie de la vie privée est en conflit avec une œuvre d'art et les cas où la protection de la vie privée se trouve en concurrence avec la liberté d'un débat politique ouvert. Si les œuvres d'art – quand bien même elles peuvent heurter – enrichissent la culture et la vie sociale, la liberté d'expression – quand bien même elle peut choquer ou provoquer (dans certaines limites) – est indispensable dans une société démocratique.

5.  En d'autres termes, lorsque ces deux valeurs sont en jeu, le résultat de l'exercice de mise en balance par la Cour ne doit pas dépendre de l'article particulier de la Convention qui est invoqué dans l'affaire en question. La liberté d'expression ne prévaut pas forcément sur les droits d'autrui lorsqu'un requérant se plaint devant la Cour d'une atteinte à son droit à la liberté d'informer. Et à l'inverse, la protection de la vie privée ne primera pas nécessairement la liberté d'expression si le requérant se plaint devant la Cour de la violation de son droit au respect de la vie privée (par exemple d'un manquement à protéger sa réputation). Bien entendu, cette mise en balance doit toujours tenir compte de l'ensemble des éléments et principes qui ressortent de la jurisprudence constante de la Cour. Il faut toutefois appliquer ces critères avec sensibilité et équité, et avec respect et attention à l'égard de la marge d'appréciation dont disposent les autorités nationales.

6.  Si l'on garde cela à l'esprit, il apparaît qu'effectivement la présente affaire doit être replacée dans le contexte d'une bataille entre tenants de différentes positions et convictions idéologiques qui se déroulait dans les médias et devant les tribunaux autrichiens (voir le paragraphe 39 de l'arrêt). Tous les problèmes, dans cette affaire, ont débuté par un article du professeur P. (qui par la suite a mis fin à ses jours) publié dans l'annuaire 1995 du Parti libéral autrichien (FPÖ). Notons que l'un des trois corédacteurs de cet annuaire (M.) a été l'adversaire du requérant (M. Pfeifer) dans la procédure en diffamation consécutive. En tant que corédacteur, il avait une motivation compréhensible pour participer au débat public suscité par la publication susmentionnée et pour exprimer son avis quant au traitement et aux commentaires dont avait été l'objet l'auteur aujourd'hui décédé (P.).

7.  A mes yeux, les mêmes critères valent pour la liberté d'expression du requérant (M. Pfeifer) et pour celle du prévenu (M.). Et, de fait, les tribunaux autrichiens ont estimé dans les deux cas – en se référant à la jurisprudence de la Cour – que les formules employées constituaient des critiques sévères mais non excessives (affaire P., cour d'appel de Vienne (Oberlandesgericht), arrêt du 4 mai 1998, évoqué au paragraphe 9 de l'arrêt ; affaire M., cour d'appel de Vienne, arrêt du 15 octobre 2001, et tribunal régional de Vienne, jugement du 31 janvier 2002, évoqués aux paragraphes 15, 16 et 20 de l'arrêt). Dans les deux cas, les tribunaux autrichiens ont jugé que les termes utilisés s'analysaient en un « jugement de valeur doté d'une base factuelle suffisante ».

8.  Pour pouvoir décrire et expliquer une situation ou un fait (de caractère social), mais aussi pour pouvoir apprécier un concept donné – tel celui de « Jagdgesellschaft » (« association de chasse »), en l'occurrence –, il faut au préalable savoir de quoi l'on parle et à quelle notion précise cela renvoie. L'existence d'un concept n'implique pas forcément que ce concept correspond de façon empirique à quelque chose. Un phénomène tel que la « Jagdgesellschaft » doit exister réellement dans l'environnement social et ne pas être une simple formule. En conséquence, « Jagdgesellschaft » ne dénote pas un fait.

9.  Quoiqu'il en soit, en allemand « Jagdgesellschaft » (association de chasse / partie de chasse) – en tant qu'énoncé – ne renvoie pas nécessairement à un groupe organisé de personnes qui coopèrent activement et consciemment ; bien souvent, il se réfère à un phénomène social spontané : des actions parallèles ou une foule agitée. Il arrive que différents facteurs et individus soient actifs de telle manière qu'il en résulte une sorte de collaboration et que, bien que l'on ne puisse attribuer l'ensemble des effets ou la responsabilité concrète à une personne unique, il y ait néanmoins une certaine causalité sociale. L'on ne peut déduire du suicide de P. que la cause soupçonnée (insinuée) est bien à l'origine de ce suicide. L'énoncé de cette possibilité limitée de corrélation entre « cause » et « effet » est bien connu dans le domaine des sciences sociales. La réaction aurait peut-être également existé si la cause soupçonnée n'avait pas été présente (on parle du « contrefactuel »).

10.  Le fait de décrire et critiquer pareille situation – même en usant d'un terme injurieux comme jugement de valeur – a été considéré comme étant possible et (compte tenu d'une base factuelle) non excessif dans le cadre d'une société démocratique et en vertu de la liberté d'expression, en particulier dans l'exercice de la liberté journalistique (comparer avec Oberschlick c. Autriche (no 2), 1er juillet 1997, §§ 33-34, Recueil des arrêts et décisions 1997‑IV, arrêt dans lequel la Cour a indiqué que le terme « Trottel » (idiot), insulte manifeste, était un « élément du débat politique (...) et s'analys[ait] en une opinion, laquelle ne se prêt[ait] pas à une démonstration de véracité »). Pareille appréciation doit rester valable sans préjugé favorable ou défavorable à une idéologie ou à un camp politique donnés.

11.  Une personne blessée par des critiques mais qui elle-même a précédemment formulé publiquement des critiques sévères doit donc accepter de faire l'objet de dures critiques en retour. Cela vaut pour la présente espèce, puisqu'il faut tenir compte de l'ensemble du contexte (et non pas seulement du grief du requérant). Je ne puis souscrire à l'avis de la majorité selon lequel la lettre de M. aux abonnés de Zur Zeit « a outrepassé les limites acceptables car elle a en fait accusé le requérant d'avoir commis des actes équivalant à un comportement criminel » (paragraphe 47 de l'arrêt). Affirmer qu'une personne a poussé une autre au suicide constitue en effet un reproche sévère, mais pareille déclaration doit néanmoins être possible dans une société ouverte ; si une pression sociale qui conduit un individu à se supprimer est condamnable, elle ne peut en aucun cas être le fondement d'une inculpation ou d'une sanction pénale. Dès lors, il n'est pas vrai que les critiques sévères formulées doivent être interprétées comme une accusation de comportement criminel. Et si cela n'est pas vrai, alors la mise en balance par la majorité des valeurs en jeu n'est ni juste ni satisfaisante (au regard des principes mêmes de la Cour).

12.  Lorsque la teneur d'une contribution à un débat d'intérêt général (même rejetée par la majorité de la société) se limite à un jugement de valeur sur la conduite d'une personne dans une discussion publique, et si la personne en question a activement et de son plein gré engagé ou nourri cette discussion, le principe volenti non fit injuria trouve à s'appliquer. En pareille situation, les pouvoirs publics ne peuvent être condamnés, vu l'existence d'une base factuelle suffisante, pour avoir privilégié la liberté d'expression par rapport au droit d'un individu à la protection de sa réputation.

13.  En résumé, je ne souscris pas à l'avis de la majorité de la Cour. Les considérations qui précèdent m'amènent à conclure que les tribunaux nationaux n'ont pas manqué à protéger la réputation du requérant contre les ingérences de tiers et qu'en conséquence il n'y a pas eu violation du droit de l'intéressé au respect de sa vie privée au regard de l'article 8 de la Convention.

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CEDH, Cour (première section), AFFAIRE PFEIFER c. AUTRICHE, 15 novembre 2007, 12556/03