CEDH, Cour (deuxième section), AFFAIRE HAMER c. BELGIQUE, 27 novembre 2007, 21861/03

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Chronologie de l’affaire

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Conclusions du rapporteur public · 9 mai 2012

No 308996 Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique c/ Société EPI 3e, 8e, 9e et 10e sous-sections réunies Séance du 6 avril 2012 Lecture du 9 mai 2012 CONCLUSIONS Julien Boucher, rapporteur public Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuel es doivent respecter les règles fixées par le code de la propriété intel ectuel e. Par ail eurs, toute redif usion, commerciale ou non, est subordonnée à l'accord du rapporteur public qui en est l'auteur. La liberté du législateur de …

 

CEDH · 27 novembre 2007

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section), 27 nov. 2007, n° 21861/03
Numéro(s) : 21861/03
Publication : Recueil des arrêts et décisions 2007-V (extraits)
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Beyeler c. Italie [GC], no 33202/96, § 100, CEDH 2000-I
Van de Hurk c. Pays-Bas, arrêt du 19 avril 1994, série A no 288, § 66
A.P., M.P. et T.P. c. Suisse, arrêt du 29 août 1997, Recueil 1997-V, § 39
Oneryildiz c. Turquie, [GC], no 48939/99, arrêt du 30 novembre 2004
Chassagnou et autres c. France du 29 avril 1999, [GC], nos. 25088/94, 28331/95 and 28443/95, § 75, ECHR 1999 III
Fotopoulou c. Grèce, no 66725/01, 18 novembre 2004
Fredin c. Suède (no1), du 18 février 1991, série A no 192, § 48
Gaygusuz c. Autriche du 16 septembre 1996, Recueil 1996-IV, p. 1142, § 42
Gratzinger et Gratzingerova c. République tchèque (déc.) [GC], no 39794/98, § 69, CEDH 2002-VII
Hozee c. Pays-Bas du 22 mai 1998, Recueil 1998-III, § 43
Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 1999-I
Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI
James et autres c. Royaume-Uni, du 21 février 1986, série A no 98, p. 34, § 50
Kyrtatos c. Grèce, no 41666/98, 22 mai 2003, § 52
N.A. et autres c. Turquie, no 37451/97, CEDH 2005-X
Pine Valley Developments Ltd et autres c. Irlande, du 29 novembre 1991, série A no 222, § 57
Prince Hans-Adam II de Liechtenstein c. Allemagne [GC], no 42527/98, § 83, CEDH 2001-VIII
Saliba c. Malte, no 4521/02, 8 novembre 2005
Wloch c. Pologne du 19 octobre 2000, Recueil 2000-XI, § 144
Zwierzynski c. Pologne, no 34049/96, § 63, CEDH 2001-VI
Niveau d’importance : Publiée au Recueil
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6-1 - Délai raisonnable) ; Non-violation de l'article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation
Identifiant HUDOC : 001-83494
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2007:1127JUD002186103
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Sur les parties

Texte intégral

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE HAMER c. BELGIQUE

(Requête no 21861/03)

ARRÊT

STRASBOURG

27 novembre 2007

DÉFINITIF

27/02/2008

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Hamer c. Belgique,

La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

András Baka, président,
Françoise Tulkens,
Rıza Türmen,
Mindia Ugrekhelidze,
Vladimiro Zagrebelsky,
Antonella Mularoni,
Dragoljub Popović, juges,
et de Sally Dollé, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 18 septembre et 6 novembre 2007,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 21861/03) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont une ressortissante néerlandaise, Mme Judith Hamer (« la requérante »), a saisi la Cour le 3 juillet 2003 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  La requérante est représentée par Me C. Raymaekers, avocat à Anvers. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. D. Flore, conseiller général au Service public fédéral de la justice. Informé de son droit de prendre part à la procédure (articles 36 § 1 de la Convention et 44 § 1 du règlement), le gouvernement néerlandais n'a pas répondu.

3.  La requérante se plaignait de la longueur, déraisonnable à son sens, des poursuites engagées contre elle (article 6 § 1) pour maintien d'une maison de vacances érigée sans permis et abattage illégal d'un certain nombre d'arbres, d'une discrimination par rapport à des propriétaires voisins n'ayant pas été poursuivis (articles 6 § 1 et 14 combinés) et d'une atteinte disproportionnée à son droit de propriété (article 1 du Protocole no 1) ainsi qu'à son droit au respect de son domicile (article 8).

4.  Par une décision du 11 mai 2006, une chambre de l'ancienne première section a déclaré la requête recevable. Après un remaniement de la composition des sections, l'affaire a été attribuée à la deuxième section.

5.  Tant la requérante que le Gouvernement ont déposé des observations écrites complémentaires (article 59 § 1 du règlement).

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

6.  La requérante est née en 1955 et réside à Amsterdam.

7.  En 1967, ses parents érigèrent sans permis une maison de vacances sur un terrain sis à Zutendaal (Belgique). Une controverse existe entre les parties quant à la date d'érection de la construction : 1962 selon la requérante, 1973 selon le Gouvernement.

8.  A la suite du décès de sa mère, un acte de partage fut établi le 6 janvier 1986 entre la requérante (qui, héritant de sa mère, devint nue-propriétaire de la moitié du bien) et son père. Cet acte, qui mentionne expressément l'existence de la construction, fut enregistré au ministère des Finances auprès du receveur des hypothèques, qui perçut un droit d'enregistrement.

9.  Le père de la requérante décéda le 21 août 1993 et elle devint pleine et unique propriétaire de la totalité du bien. Lors de la succession, la parcelle fut expressément déclarée par la requérante comme maison de vacances dans l'acte notarié de partage de succession. Des actes furent enregistrés auprès des autorités publiques et la requérante s'acquitta des droits de succession. A partir de ce moment, la requérante paya annuellement un précompte immobilier ainsi qu'un impôt pour seconde résidence afférant à cette maison de vacances. Selon la requérante, il va de soi que son père avait également payé des impôts relatifs à cette maison.

10.  La requérante rénova la maison pour un montant de 50 000 euros (EUR) et fit par ailleurs abattre des arbres se trouvant sur le terrain attenant à la maison.

11.  En 1994, la société flamande semi-publique d'alimentation en eau effectua des travaux de raccordement de la maison aux réseaux d'égouttage et de distribution d'eau. Les autorités publiques n'eurent aucune réaction à cette occasion.

12.  Le 27 janvier 1994, un procès-verbal fut établi par un policier, qui constata que des arbres avaient été abattus dans la propriété en violation de l'article 81, alinéa 3, du décret flamand du 13 juin 1990 sur les forêts.

13.  Le 22 février 1994, un procès-verbal fut établi par un policier, qui constata que la maison de vacances avait été érigée en 1967 sans permis et qu'elle se situait dans une région forestière dans laquelle aucun permis ne pouvait être délivré. Ce procès-verbal constatait également que l'extérieur et le toit de la maison avaient été rénovés.

14.  Le 8 août 1994, la requérante se rendit spontanément à la police pour faire une déposition, qui fut actée dans un procès-verbal.

15.  Par une décision du 11 octobre 1994, le collège des bourgmestre et échevins de la commune demanda à l'inspecteur urbaniste de donner un avis sur l'éventuelle mesure de réparation à prendre. Par une lettre du 19 juin 1995, celui-ci sollicita auprès du procureur du Roi la remise en état des lieux.

16.  Deux procès-verbaux datés des 26 mars 1996 et 8 janvier 1997 font état de ce que les policiers manifestèrent la volonté d'interroger à nouveau la requérante mais eurent des difficultés à la joindre et qu'elle fut temporairement dans l'incapacité de se déplacer en raison de problèmes de santé.

17.  A la requête du procureur du Roi de Tongres, la requérante fut entendue à Amsterdam le 25 mars 1997 par un policier néerlandais. Un procès-verbal fut établi à cette occasion.

18.  Le 18 mai 1998, le procureur du Roi demanda à la police locale de vérifier si la construction litigieuse subsistait.

19.  Le 16 juin 1998, un procès-verbal constata que la situation n'avait pas évolué.

20.  La requérante fut citée à comparaître le 12 mai 1999 par le procureur du Roi de Tongres pour avoir, d'une part, maintenu entre le 27 janvier 1994 et le 28 avril 1999 une résidence de week-end érigée sans permis, et, d'autre part, abattu une cinquantaine de pins en violation du décret flamand sur les forêts précité. Selon la requérante, il y a, dans la même zone forestière, au moins quatre autres maisons érigées sans permis, lesquelles n'auraient fait l'objet ni de procès-verbaux de constat d'infraction ni de poursuites.

21.  Le 25 juin 1999, le tribunal correctionnel de Tongres rendit un jugement interlocutoire par défaut, la requérante n'ayant pas été régulièrement convoquée.

22.  Le 6 janvier 2000, celle-ci fut à nouveau citée devant le tribunal correctionnel de Tongres.

23.  Le 26 mai 2000, ce tribunal acquitta la requérante du chef des préventions précitées. Il jugea notamment qu'après vingt-sept ans la requérante pouvait légitimement supposer, comme toute citoyenne raisonnablement prévoyante, que le maintien de la construction litigieuse n'était plus punissable. Le tribunal considéra également qu'il était sans compétence pour connaître de la demande de remise en état des lieux formée par l'inspecteur urbaniste. Le ministère public interjeta appel.

24.  Par un arrêt du 6 février 2002, la cour d'appel d'Anvers confirma le jugement en tant qu'il acquittait la requérante du chef de l'abattage des arbres. En revanche, il la condamna du chef du maintien d'une construction érigée sans permis, en application de l'article 146 du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire et porta la période incriminée du 22 août 1993 au 28 avril 1999, eu égard à la date du décès du père de la requérante.

25.  Dans ses conclusions, la requérante avait invoqué la violation du délai raisonnable garanti par l'article 6 § 1 de la Convention, estimant que les poursuites pénales étaient intervenues en dehors de ce délai et qu'après l'écoulement d'un si grand laps de temps, ses droits de la défense étaient entravés, notamment en raison de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de démontrer que la maison avait été bâtie dès avant 1962. Elle avait également critiqué la passivité des autorités, indiquant que ses parents avaient payé des impôts pour seconde résidence, qu'un acte notarié dans lequel il avait été fait mention du bâtiment avait été enregistré par les autorités, qu'elle avait payé des droits de succession portant notamment sur la construction, que d'importants travaux d'infrastructure avaient été effectués par une société semi-publique sans réaction de la part des autorités publiques et que pendant de longues années il n'y avait pas eu de poursuites judiciaires. Elle avait également plaidé la violation du principe de légitime confiance du citoyen et s'était plainte d'une discrimination par rapport à des propriétaires voisins.

26.  La cour d'appel releva qu'un acte de partage établi en 1986 et signé par la requérante établissait que la maison de vacances avait été érigée en 1967 et concordait par ailleurs avec les constatations contenues dans le procès-verbal établi le 22 février 1994. La cour d'appel estima que la requérante savait ou devait savoir que la construction avait été érigée sans permis. En tant que citoyenne raisonnable et prudente et, même en tenant compte de l'attitude des autorités telle qu'elle l'avait décrite, la requérante ne pouvait pas en déduire que la situation était totalement légale et qu'aucune poursuite ne serait entamée à son encontre. La cour d'appel considéra que la requérante s'était montrée très imprudente en procédant à la rénovation des lieux après le décès de son père et que la circonstance que, dans la même région forestière, quatre autres habitations avaient également été érigées sans permis sans que leurs propriétaires ne soient poursuivis n'était pas constitutive d'une discrimination.

27.  S'agissant plus particulièrement du respect du délai raisonnable, la cour d'appel constata que les poursuites pénales avaient duré plus que de raison mais que la preuve de l'infraction n'en avait nullement été entravée et que la requérante vivait depuis 1994 sous le coup de poursuites. Considérant, d'une part, que le dépassement du délai raisonnable ne conduisait nullement à l'extinction des poursuites, et, d'autre part, qu'il fallait tenir compte des circonstances concrètes de l'espèce et notamment du fait que le casier judiciaire de l'intéressé était vierge, la cour d'appel prononça une simple déclaration de culpabilité de la requérante.

28.  Faisant suite à la requête formée par l'inspecteur urbaniste en application des articles 149 et suivants du décret du 18 mai 1999 précité, qu'elle jugea raisonnable, la cour d'appel ordonna à la requérante de remettre les choses dans leur ancien état et de démolir la construction litigieuse dans un délai d'un an après le passage de l'arrêt en force de chose jugée, avec une astreinte de 125 EUR par jour de retard. Elle donna en outre le pouvoir au collège des bourgmestre et échevins ou à l'inspecteur urbaniste d'exécuter l'arrêt aux frais de la requérante en cas de non-exécution de l'ordre de démolition. La requérante fut également condamnée à payer les frais et dépens de la procédure.

29.  La requérante se pourvut en cassation.

30.  Par un arrêt du 7 janvier 2003, la Cour de cassation rejeta le pourvoi.

31.  Par un moyen pris de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention, la requérante faisait valoir que la durée de la procédure pénale avait dépassé le délai raisonnable et qu'il fallait en déduire que l'action publique était éteinte.

32.  La Cour de cassation jugea que le dépassement du délai raisonnable n'impliquait pas l'extinction de l'action publique et que, par conséquent, la cour d'appel ne devait pas motiver sa décision sur ce point.

33.  La requérante soutenait également que, compte tenu de ce que la cour d'appel avait simplement prononcé une déclaration de culpabilité à son encontre, elle ne pouvait pas être tenue à la remise en état des lieux, ni au paiement des frais de la procédure.

34.  La Cour de cassation répondit que la remise des lieux dans leur état d'origine ne constituait pas une peine, mais une mesure d'ordre civil, de même que le paiement forfaitaire des frais de procédure, et que par conséquent ces mesures n'étaient pas incompatibles avec une simple déclaration de culpabilité.

35.  La cour rejeta également le moyen tiré de l'article 8 de la Convention et de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention, par lequel la requérante alléguait que les autorités ne pouvaient plus, au bout d'une période de trente ans durant laquelle elles avaient toléré la situation, créant ainsi une situation de légalité apparente, se prévaloir de l'intérêt général pour justifier une atteinte à la jouissance paisible de son droit de propriété et au respect de sa vie privée.

36.  La Cour de cassation releva que la cour d'appel avait souverainement jugé que la requérante avait été fort imprudente de maintenir la maison sans permis, que la mesure sollicitée par l'inspecteur urbaniste était raisonnable et que, par conséquent, le moyen était irrecevable.

37.  La maison fut démolie en juillet 2004, en vertu d'une exécution forcée. La valeur de la maison était alors de 62 635 EUR selon un expert. Les frais de démolition s'élevèrent à 3 025 EUR.

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

38.  Le décret flamand du 18 mai 1999 (entré en vigueur le 1er octobre 1999) dispose ce qui suit.

Article 107

« Le Gouvernement flamand détermine les conditions auxquelles doit satisfaire une demande pour pouvoir être considérée comme complète. Lorsque la demande a trait à des travaux, des opérations ou des modifications tels que visés à l'article 158, l'entrepreneur mentionne exactement quels sont les travaux, les opérations ou les modifications qui ont été effectués, faits ou continués sans autorisation et pour quels de ces travaux, opérations ou modifications une autorisation urbanistique est demandée.

Le Gouvernement flamand peut permettre le dépôt conjoint à la commune des dossiers de demande de permis dans le cadre du présent décret et dans le cadre du décret du 28 juin 1985 sur le permis écologique. Le Gouvernement flamand peut déterminer les modalités de composition du dossier. »

CHAPITRE I. ‑ Dispositions pénales
Section 1. ‑ Sanctions
Article 146

« Est punie d'un emprisonnement de 8 jours à 5 ans et d'une amende de (26 EUR) à (400 000 EUR) ou de l'une de ces peines, quiconque :

1o  exécute, poursuit ou maintient les opérations, travaux ou modifications définis aux articles 99 et 101, soit sans permis préalable, soit en contravention du permis, soit après déchéance, annulation ou échéance du délai du permis, soit en cas de suspension du permis ;

(...) »

Article 147

« Toutes les dispositions du premier Livre du Code pénal, en ce compris le Chapitre VII et l'article 85 s'appliquent aux infractions visées à l'article 146. »

Section 2. ‑ Contrôle
Article 148

« Sans préjudice des compétences des agents et des officiers de police judiciaire, les inspecteurs urbanistes, les autres fonctionnaires désignés par le Gouvernement flamand, ainsi que les fonctionnaires de la province et des communes de sa province désignés par le gouverneur, sont compétents pour dépister les infractions définies dans le présent titre et pour les constater par un procès-verbal. Les procès-verbaux établissant les infractions décrites dans le présent titre restent valables jusqu'à preuve du contraire.

Les agents, officiers de police judiciaire et fonctionnaires visés au premier alinéa ont accès au chantier et aux bâtiments pour effectuer toutes les recherches et constatations nécessaires.

(...) »

Section 3. ‑ Mesures de réparation
Article 149

« § 1er.  Outre la peine, le tribunal ordonne, sur requête de l'inspecteur urbaniste, ou du Collège des bourgmestre et échevins de la commune sur le territoire de laquelle les travaux, opérations ou modifications visés à l'article 146 ont été exécutés, de remettre le lieu en son état initial ou de cesser l'utilisation contraire, et/ou d'exécuter des travaux de construction ou d'adaptation et/ou de payer une amende égale à la plus-value acquise par le bien suite à l'infraction.

La plus-value ne peut plus être réclamée dans les cas suivants :

1o  en cas de répétition d'une infraction, rendue punissable par le présent décret ;

2o  en cas de non-respect d'un ordre de cessation ;

3o  lorsque l'infraction provoque des nuisances urbanistiques inadmissibles pour les voisins ;

4o  lorsque l'infraction constitue une violation grave des prescriptions urbanistiques essentielles en matière de destination en vertu du plan d'exécution spatial ou du plan d'aménagement.

Le Gouvernement flamand peut déterminer d'autres modalités pour les cas où la plus-value ne peut être réclamée.

Lorsque les actions de l'inspecteur urbaniste et du Collège des bourgmestre et échevins ne correspondent pas, l'action du premier cité est prioritaire.

Pour l'exécution des mesures de réparation, le tribunal fixe un délai qui ne peut dépasser un an et après l'expiration de ce délai d'exécution, sur requête de l'inspecteur urbaniste ou du Collège des bourgmestre et échevins, une astreinte par journée de retard dans la mise en œuvre de la mesure de réparation.

§ 2.  L'action en réparation est introduite auprès du parquet par lettre ordinaire, au nom de la Région flamande ou du Collège des bourgmestre et échevins, par les inspecteurs urbanistes et les préposés du Collège des bourgmestre et échevins.

§ 3.  Lorsque l'action porte sur une demande de travaux de construction ou d'adaptation et/ou le paiement d'un montant égal à la plus-value, cette action doit être explicitement motivée du point de vue de l'aménagement du territoire, de la compatibilité avec l'environnement immédiat et de la gravité de l'infraction.

§ 4.  La requête mentionne au moins les prescriptions applicables, et une description de la situation préalable à l'infraction. Un extrait récent du registre des plans sera joint à la requête.

Le Gouvernement flamand peut déterminer des conditions supplémentaires auxquelles la lettre, visée au § 2, alinéa premier, ainsi que le dossier joint à ce courrier doivent répondre.

§ 5.  Le tribunal détermine le montant de la plus-value.

En cas de condamnation au paiement d'un montant égal à la plus-value, la personne condamnée peut s'acquitter valablement en remettant les lieux dans l'état initial ou en mettant fin à l'utilisation contraire, dans l'année suivant le jugement.

Le Gouvernement flamand détermine le mode de calcul du montant à réclamer et de paiement de la plus-value. »

Article 150

« Lorsque l'action en réparation de la partie civile d'une part, et celle de l'inspecteur urbaniste ou du Collège des bourgmestre et échevins d'autre part, ne correspondent pas, le tribunal détermine la mesure de réparation requise qu'il juge appropriée. »

Article 151

« L'inspecteur urbaniste et le Collège des bourgmestre et échevins peuvent également devant le Tribunal de première instance, siégeant en matière civile, dans le ressort duquel les travaux, opérations ou modifications visés à l'article 146 sont totalement ou partiellement exécutés, requérir les mesures de réparation telles que définies à l'article 149, § 1er. Les dispositions de l'article 149, § 1er, alinéa deux, §§ 3, 4 et 5 et de l'article 150 sont également d'application. »

Section 4. ‑ Exécution du jugement
Article 152

« Le contrevenant informe immédiatement, par lettre recommandée ou par remise contre récépissé, l'inspecteur urbaniste et le Collège des bourgmestre et échevins lorsqu'il a volontairement exécuté la mesure de réparation imposée. Ensuite, l'inspecteur urbaniste dresse immédiatement et après contrôle sur place un procès-verbal de constatation.

L'inspecteur urbaniste envoie une copie du procès-verbal de constatation à la commune et au contrevenant.

Sauf preuve du contraire, seul le procès-verbal de constatation tient lieu de preuve de la réparation et de la date de réparation. »

Article 153

« Lorsque le lieu n'est pas remis en état dans le délai fixé par le tribunal, qu'il n'est pas mis fin dans le délai fixé à l'utilisation contraire ou que les travaux de construction ou d'adaptation ne sont pas exécutés dans ce délai, la décision du juge visée aux articles 149 et 151, ordonne que l'inspecteur urbaniste, le Collège des bourgmestre et échevins et le cas échéant, la partie civile peuvent pourvoir d'office à l'exécution.

L'autorité ou le particulier qui exécute le jugement ou l'arrêt, est habilité à vendre, transporter et enlever les matériaux et objets provenant de la remise en état des lieux ou de la cessation de l'utilisation contraire.

Le contrevenant qui reste en demeure, est tenu d'indemniser tous les frais d'exécution, sous déduction du produit de la vente des matériaux et objets, sur présentation d'un état, établi par l'autorité visée à l'alinéa deux, ou budgétisé et déclaré exécutoire par le juge des saisies du Tribunal civil. »

Article 158

« Lorsque l'infraction visée à l'article 146 ne consiste pas en l'exécution de travaux ou l'accomplissement ou la poursuite d'opérations ou de modifications qui sont contraires aux plans d'exécution spatial ou plans d'aménagement ou à l'exécution des règlements établis en vertu du présent décret ou aux prescriptions d'un permis de lotir, et lorsque par après, soit, l'autorisation urbanistique est obtenue en vue de ces travaux, opérations et modifications, soit le lieu est réparé en son état original et l'utilisation en infraction est arrêtée, l'inspecteur urbaniste peut trouver un compromis avec le contrevenant à condition qu'il a payé le montant de la transaction dans le délai fixé par l'inspecteur urbaniste.

L'inspecteur urbaniste ne peut proposer un compromis qu'après l'accord écrit préalable du procureur du Roi.

En payant la somme de transaction, l'action pénale et le droit des autorités de réclamer la réparation échoient. »

39.  Par un arrêt du 3 juin 2005, la Cour de cassation a rappelé ainsi l'étendue du pouvoir de contrôle des cours et tribunaux lorsqu'ils sont saisis d'une demande fondée sur l'article 149 du décret du 18 mai 1999 :

« L'article 149 § 1 alinéa 1er, modifié, du décret, doit être lu dans le contexte de l'article 159 de la Constitution, en vertu duquel les cours et tribunaux n'appliquent pas les actes administratifs non conformes aux lois ; (...) Qu'en vertu de cette dernière disposition, il relève de la compétence du juge d'apprécier la légalité externe et interne de la requête visée à l'article 149 modifié et d'examiner si elle est conforme à la loi ou si elle repose sur un abus ou un détournement de pouvoir ; (...) Que plus particulièrement, le juge est tenu d'examiner si la décision de l'administration de requérir une mesure de réparation déterminée a été prise dans le seul but du bon aménagement du territoire ; (...) Que s'il apparaissait que la requête se fonde sur des motifs étrangers à l'aménagement du territoire ou sur une vision manifestement déraisonnable du bon aménagement du territoire, le juge doit laisser cette requête sans suite ; (...) Qu'il ne lui appartient, toutefois, pas d'apprécier l'opportunité de la mesure demandée ; que le juge est tenu d'accueillir la mesure de réparation demandée si celle-ci est conforme à la loi. »

40.  Le 13 septembre 2005, la Cour de cassation releva dans un autre arrêt que « le juge est tenu d'ordonner la remise en état des lieux dès que cela s'avère nécessaire pour faire disparaître les conséquences de l'infraction ».

41.  L'article 12 de l'arrêté royal du 28 décembre 1972 relatif à la présentation et à la mise en œuvre des projets de plans et des plans de secteur définit ainsi la zone forestière :

« Les zones forestières sont les zones boisées ou à boiser destinées à l'exploitation. Elles peuvent comporter des constructions indispensables à l'exploitation et à la surveillance des bois ainsi que les refuges de chasse et de pêche, à la condition que ces derniers ne puissent être utilisés pour servir de résidence, même à titre temporaire. La reconversion en zone agricole est admise conformément aux dispositions de l'article 35 du Code rural relatif à la délimitation des zones agricoles et forestières. »

42.  L'article 65 de la loi organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme du 29 mars 1962 dispose :

« 1. Outre la pénalité, le tribunal ordonne, à la demande du fonctionnaire délégué ou du Collège des bourgmestres et échevins, mais moyennant leur commun accord dans les cas visés aux b et c :

a) soit la remise en état des lieux ;

b) soit l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement ;

c) soit le paiement d'une somme représentative de la plus-value acquise par le bien à la suite de l'infraction ;

(...) »

43.  Par un arrêt du 26 novembre 2003 (no 154/2003), la Cour d'arbitrage a estimé que bien qu'elle ait un caractère civil, la mesure de réparation est liée à l'ordre public et est, par certains aspects, un accessoire indivisiblement lié à la sanction pénale ; en effet, cette mesure est le prolongement de celle-ci puisqu'elle tend – au-delà de la condamnation pénale – à empêcher que subsiste une situation perpétuant l'infraction. La jurisprudence de la Cour de cassation va dans un sens contraire (arrêts des 8 septembre 1998 et 16 janvier 2003).

44.  L'article 21 ter de la loi du 17 avril 1878, entré en vigueur le 12 décembre 2000, contenant le titre préliminaire du code de procédure pénale, est rédigé comme suit :

« Si la durée des poursuites pénales dépasse le délai raisonnable, le juge peut prononcer la condamnation par simple déclaration de culpabilité ou prononcer une peine inférieure à la peine minimale prévue par la loi.

Si le juge prononce la condamnation par simple déclaration de culpabilité, l'inculpé est condamné aux frais et, s'il y a lieu, aux restitutions. La confiscation spéciale est prononcée. »

45.  Le Gouvernement a produit, relativement à la poursuite des infractions urbanistiques, des statistiques couvrant les années 1998-2003. Pour la seule région flamande, ces statistiques établissent qu'en moyenne 2 580 procès-verbaux sont dressés chaque année et que 251 jugements de remise en état ont été prononcés en 1998 (sur 453 décisions), 141 en 1999 (sur 329), 183 en 2000 (sur 328), 105 en 2001 (sur 193), 76 en 2002 (sur 129) et 131 en 2003 (sur 264).

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

46.  La requérante se plaint d'un dépassement du délai raisonnable. Elle fait observer qu'alors que la construction date de 1967 au plus tard, qu'elle a hérité de la maison en 1993 et que le procès-verbal constatant l'infraction date de 1994, elle n'a été condamnée qu'en 2000. Elle considère qu'à partir du moment où la cour d'appel avait constaté qu'il y avait dépassement du délai raisonnable en l'espèce elle aurait dû conclure à l'extinction de l'action publique. Elle soutient par ailleurs que la condamnation à la remise en état des lieux et aux frais de la procédure étaient contraires à la simple déclaration de culpabilité prononcée à son encontre. Elle invoque l'article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes sont rédigées comme suit :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

47.  Selon le Gouvernement, la remise en état des lieux constitue non pas une peine, mais une mesure de réparation de l'atteinte portée à l'environnement, dès lors qu'elle peut être prononcée tant par le juge répressif que par le juge civil, conformément à l'article 151 du décret du 18 mai 1999. Il ne s'agirait pas de sanctionner le propriétaire des lieux maintenus mais bien d'empêcher que la situation d'infraction ne perdure. La mesure se justifierait pleinement pour préserver l'intérêt général et réparer un préjudice environnemental. La portée strictement réparatrice d'un ordre de démolir une construction illégale serait d'ailleurs confirmée par la jurisprudence même de la Cour, notamment par l'arrêt Saliba c. Malte (no 4521/02, 8 novembre 2005). Il s'agirait d'une mesure civile, et non pas d'une sanction pénale.

48.  Le Gouvernement plaide que le prononcé d'une simple déclaration de culpabilité, non assortie de la moindre peine, constitue, au regard de la jurisprudence de la Cour, une conséquence admissible du constat de dépassement du délai raisonnable. La réparation du préjudice subi à raison du dépassement d'un tel délai ne pourrait empêcher la réparation du préjudice résultant, pour l'intérêt général, des faits constitutifs d'une infraction.

49.  Le Gouvernement considère que la durée de la procédure est sans incidence sur la régularité d'une construction au regard des prescriptions urbanistiques arrêtées dans le souci de l'intérêt général. La requérante aurait été poursuivie pour le maintien d'une construction illégale, ce qui constituerait un délit continu et imprescriptible. Tant que l'infraction perdurait faute de démolition, la mesure de réparation ne pouvait être écartée au titre de la réparation d'un préjudice subi à raison du dépassement du délai raisonnable. Il conviendrait encore de relever que même si la juridiction interne avait, à titre de sanction pour le dépassement du délai raisonnable, déclaré les poursuites irrecevables, rien n'aurait empêché l'inspecteur urbaniste ou le collège des bourgmestre et échevins de poursuivre la démolition devant les juridictions civiles.

50.  La requérante conteste cette thèse. Elle fait valoir que les juridictions belges ont reconnu le dépassement du délai raisonnable mais que ce dépassement n'a pas été compensé suffisamment par ce constat, dans la mesure où elle a été condamnée à démolir sa maison de vacances sous menace d'astreinte. Elle explique que, persuadée de la légalité de la construction, elle a exposé des frais de rénovation considérables et a dû faire face à des frais importants pour assurer la remise en état des lieux. Eu égard au caractère pénal de l'infraction principale et à la gravité de la mesure imposée pour le justiciable, la mesure litigieuse serait en réalité une peine. La requérante estime par ailleurs que l'arrêt, en tant qu'il prononce une simple déclaration de culpabilité s'agissant de l'infraction de maintien d'une construction illégale et lui impose par ailleurs de remettre les lieux en état, est entaché d'une contradiction. La mesure ne serait pas constitutive d'une réparation car il n'y aurait pas eu en l'espèce d'atteinte au paysage, la maison n'étant pas visible et les autorités ayant toléré la construction pendant plus de trente ans.

51.  La Cour estime d'emblée nécessaire de rappeler et souligner les faits suivants.

52.  En ce qui concerne l'infraction de maintien d'une construction érigée sans permis, la cour d'appel, tenant compte du dépassement du délai raisonnable de l'article 6 de la Convention, a prononcé une simple déclaration de culpabilité à l'encontre de la requérante, en application de l'article 21 ter du code d'instruction criminelle. Selon cette disposition, le juge peut, en cas de dépassement du délai raisonnable, prononcer une simple déclaration de culpabilité ou une peine inférieure au minimum prévu par la loi.

53.  La cour d'appel a par ailleurs ordonné à la requérante de remettre les choses dans leur ancien état et donc de démolir la construction litigieuse.

54.  Cette « mesure de réparation », consistant en la remise en état des lieux, est prévue par l'article 149 du décret du 18 mai 1999 (paragraphe 38 ci-dessus), qui prévoit qu'outre la « peine » le juge pénal ordonne la remise des lieux dans leur état initial, sur requête de l'inspecteur urbaniste. Le juge ne dispose d'aucun pouvoir d'initiative à cet égard (il ne peut donc prononcer la mesure d'office) et exerce un contrôle de légalité et non d'opportunité. Par ailleurs, la mesure ne peut être prononcée qu'à raison d'une infraction à la législation sur l'urbanisme et suit donc le sort de l'action pénale.

55.  En l'espèce, la cour d'appel, bien qu'elle ait conclu au dépassement du délai raisonnable au sens de l'article 6 de la Convention, n'en a tiré aucune conséquence quant à la mesure de réparation, demandée par l'inspecteur urbaniste compétent au procureur du Roi en juin 1995, et a ordonné la démolition de la maison litigieuse.

56.  Le Gouvernement allègue que la « mesure de réparation », de nature strictement civile, n'est pas visée par l'article 21 ter du code d'instruction criminelle et ne suit pas le sort des poursuites pénales en cas de dépassement du délai raisonnable.

57.  La Cour note que même à supposer que la mesure se rattache au volet civil de l'article 6, elle n'en reste pas moins assujettie à la condition de jugement dans un délai raisonnable. Elle constate par ailleurs que la qualification de la mesure de réparation en droit interne fait l'objet de controverses, tant doctrinales que jurisprudentielles (voir notamment les arrêts de la Cour de cassation du 16 janvier 2003 selon lesquels il ne s'agit pas d'une peine mais d'une mesure civile et l'arrêt de la Cour d'arbitrage du 26 novembre 2003 selon lequel, bien que civile, la mesure est indissociablement liée à l'action publique – paragraphe 43 ci-dessus). En l'espèce, la requête de l'inspecteur urbaniste est née du fait de l'exercice des poursuites pénales et a eu des conséquences très lourdes pour la requérante.

58.  Dans sa décision sur la recevabilité du 11 mai 2006, la Cour avait conclu que le fait qu'eu égard au dépassement du délai raisonnable la cour d'appel n'avait prononcé qu'une simple déclaration de culpabilité à l'encontre de la requérante n'enlevait pas à l'intéressée la qualité de victime dès lors qu'il lui avait été ordonné dans le même temps de remettre les lieux en état.

59.  La Cour réaffirme l'autonomie de la notion « d'accusation en matière pénale » telle que la conçoit l'article 6. Dans sa jurisprudence, elle a établi qu'il faut tenir compte de trois critères pour décider si une personne est « accusée d'une infraction pénale » au sens de l'article 6 : d'abord la qualification de l'infraction en droit interne, puis la nature de l'infraction et, enfin, la nature et le degré de gravité de la sanction encourue (voir, entre autres, A.P., M.P. et T.P. c. Suisse, 29 août 1997, § 39, Recueil des arrêts et décisions 1997-V).

60.  Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour estime que cette mesure de démolition peut être regardée comme une « peine » au sens de la Convention.

61.  Si la durée de la procédure au fond (un peu plus de 3 ans et demi pour 3 degrés de juridictions entre mai 1999 et janvier 2003) n'apparaît pas en soi déraisonnable, le procès-verbal constatant le caractère illégal de la construction date de février 1994. Or c'est à partir de ce constat que l'infraction continue consistant dans le maintien d'une construction érigée sans permis a été constituée et que la requérante s'est trouvée sous le coup de poursuites pénales, et donc accusée au sens de la jurisprudence. Dès lors, c'est à la date dudit procès-verbal que le délai raisonnable a débuté (Hozee c. Pays-Bas, 22 mai 1998, § 43, Recueil 1998-III ; Wloch c. Pologne, 19 octobre 2000, Recueil 2000-XI, § 144). Considérée dans son ensemble, la procédure a donc duré entre 8 et 9 ans pour 3 degrés de juridictions, dont plus de 5 ans au stade de l'instruction, qui pourtant ne revêtait pas une complexité particulière.

62.  Par ailleurs, la Cour n'aperçoit aucun élément propre à démontrer qu'à un quelconque stade de la procédure la requérante ait mis obstacle au bon déroulement de l'instruction. Dans ces conditions, la Cour ne saurait estimer raisonnable un laps de temps de plus de cinq ans pour la seule phase de l'instruction.

63.  Il y a donc eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 6 § 1 ET 14 DE LA CONVENTION COMBINÉS

64.  Invoquant l'article 6 § 1 précité combiné à l'article 14 de la Convention, la requérante se plaint de faire l'objet d'une discrimination. L'article 14 est rédigé comme suit :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

65.  La requérante soutient qu'elle a fait l'objet de poursuites pour des raisons tout à fait fortuites et arbitraires. Elle rappelle que pendant des années ni son père ni elles ne furent inquiétés. Par ailleurs, dans la même zone forestière, quatre autres maisons auraient également été construites sans permis, et elles n'auraient jamais fait l'objet de poursuites.

66.  Selon le Gouvernement, le critère justifiant les poursuites est celui de la violation de la loi du 29 mars 1962 organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme. Par ailleurs, ce que la requérante dénoncerait, en réalité, ce serait une violation du principe d'égalité en matière de politique de poursuites : elle reprocherait aux autorités de ne pas avoir poursuivi d'autres personnes qu'elle estimerait dans une situation infractionnelle comparable. Le grief ainsi précisé serait totalement étranger à la question de l'égalité dans la jouissance d'un droit reconnu par la Convention, l'article 6 consacrant des garanties procédurales en cas de poursuite et ne visant pas la garantie d'être ou de ne pas être poursuivi. De plus, la différence de traitement alléguée résulterait exclusivement de ce que les autorités compétentes n'auraient pas eu connaissance, pour initier les poursuites, de l'existence d'autres constructions illégales.

67.  La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante, une différence de traitement est discriminatoire si elle « manque de justification objective et raisonnable », c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un « but légitime » ou s'il n'y a pas un « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ». Par ailleurs, les Etats contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d'autres égards analogues justifient des distinctions de traitement (voir, par exemple, Gaygusuz c. Autriche, 16 septembre 1996, § 42, Recueil 1996-IV).

68.  En l'espèce, la Cour rappelle que la maison de la requérante avait été érigée illégalement sans permis dans une zone forestière. La protection de l'intérêt général exigeait donc que les autorités prissent les mesures nécessaires pour faire cesser une situation délictuelle qui durait. Le fait que les quatre autres propriétaires de maisons situées dans le même secteur n'avaient pas fait l'objet des mêmes poursuites que la requérante était dû au fait – comme l'indique le Gouvernement – que l'administration flamande compétente semblait ignorer à l'époque l'existence de ces constructions. D'ailleurs, les poursuites contre la requérante ont été déclenchées après un constat de travaux d'abattage d'arbres et d'aménagement de la construction. Enfin, des statistiques produites par le Gouvernement concernant les années 1998 à 2003 démontrent bien que les poursuites engagées contre la requérante n'étaient pas un acte isolé, fortuit ou arbitraire, mais faisaient partie d'une politique cohérente et systématique des autorités compétentes de lutte contre les infractions à la législation relative à la protection des zones forestières. En effet, il ressort de ces statistiques qu'en région flamande il y a eu pendant ces années 887 jugements de remise en état (paragraphe 45 ci-dessus).

69.  La requérante n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle a subi une distinction de traitement contraire aux articles 6 et 14 combinés de la Convention.

70.  Partant, il n'y a pas eu violation de ces articles.

III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1

71.  La requérante se plaint d'une violation de son droit de propriété garanti par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »

72.  Selon le Gouvernement, les autorités locales ne procèdent pas à un examen de tous les actes de succession, ni au contrôle de toutes les déclarations fiscales et de toute demande de raccordement aux réseaux de distribution d'eau en vue de vérifier si les immeubles visés sont ou non couverts par un permis d'urbanisme. De plus, immuniser de toute taxation les constructions érigées sans permis reviendrait à encourager ce type d'infraction. Les sociétés de distribution d'eau ne seraient pas davantage compétentes pour vérifier le caractère licite des constructions qu'elles raccordent à leur réseau. Par ailleurs, les éléments de publicité avancés par la requérante dateraient des années 1993-1994, époque à laquelle le premier procès-verbal d'infraction aurait été dressé. L'interdiction de bâtir qui affecterait le terrain de la requérante ne constituerait en rien une expropriation puisqu'elle conserverait tous les droits afférant au droit de propriété. Par ailleurs, les Etats parties pourraient réglementer l'usage des biens pour des raisons d'aménagement du territoire et d'urbanisme, qui toucheraient à l'intérêt général, et se doter d'instruments efficaces assurant la pertinence des mesures ainsi adoptées. Au rang de ces instruments se trouveraient la démolition et la remise en état des lieux des constructions érigées en violation de la législation imposant un permis d'urbanisme. Il conviendrait d'avoir à l'esprit que la maison de la requérante n'était pas régularisable car bâtie dans une zone forestière, non constructible. Certes la requérante n'aurait pas bénéficié d'une compensation en l'espèce mais ce serait en pleine connaissance de cause que son père aurait construit la maison en zone non bâtissable. Contrairement aux faits de l'affaire Őneryildiz c. Turquie ([GC], no 48939/99, arrêt du 30 novembre 2004), aucune incertitude n'aurait pesé en droit belge sur la situation juridique de la maison en cause. En outre, aucune négligence ne pourrait être imputée à l'Etat belge. En l'espèce, la situation de la requérante n'aurait fait l'objet d'aucune publicité qui aurait permis de présumer la tolérance des autorités.

73.  Le Gouvernement indique que l'ingérence qui résulte d'un ordre de démolir pris sur la base de la législation sur l'aménagement du territoire a bien pour objectif de protéger l'environnement. Il s'agirait là d'un dessein légitime, conforme à l'intérêt général aux fins du second alinéa de l'article 1 du Protocole no 1, comme la Cour l'aurait déjà affirmé dans l'arrêt Pine Valley Developments Ltd et autres c. Irlande du 29 novembre 1991 (série A no 222, § 57). La requérante ne pourrait invoquer une quelconque espérance légitime déduite de l'ancienneté du bâtiment. Elle aurait hérité d'un bien en situation infractionnelle et y aurait immédiatement posé des actes nécessitant eux-mêmes un permis d'urbanisme, sans prendre soin de solliciter ce permis ou de s'assurer que la construction pourrait être régularisée. Elle ne pourrait, dès lors, invoquer une quelconque tolérance à l'égard de tiers qui aurait préjudicié à ses propres droits. La mesure critiquée ne serait donc nullement disproportionnée.

74.  Selon la requérante, il faut considérer que les autorités belges avaient connaissance de l'existence de la construction litigieuse, notamment en raison du fait qu'elle s'est acquittée, de 1994 à 2005, d'un impôt pour seconde résidence ainsi que du précompte immobilier et que des actes mentionnant la construction ont fait l'objet d'un enregistrement. Le Gouvernement belge, qui n'aurait pris aucune mesure quant à cette maison pendant plus de trente ans, ne pourrait se prévaloir de sa mauvaise organisation. L'intérêt général requerrait une action cohérente, claire et rapide des autorités. Les circonstances de l'espèce montreraient que celles-ci avaient renoncé à leur action en la matière. Partant, il y aurait lieu de considérer qu'elles ne pouvaient revenir soudainement sur leur décision, sauf à porter atteinte au principe de confiance légitime des citoyens. La démolition forcée aurait donc porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété de la requérante.

75.  La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle la notion de « biens » prévue par la première partie de l'article 1 du Protocole no 1 a une portée autonome qui ne se limite pas à la propriété des biens corporels et qui est indépendante des qualifications formelles du droit interne : ce qui importe est de rechercher si les circonstances d'une affaire donnée, considérées dans leur ensemble, peuvent passer pour avoir rendu le requérant titulaire d'un intérêt substantiel protégé par cette disposition (voir, mutatis mutandis, Zwierzyński c. Pologne, no 34049/96, § 63, CEDH 2001-VI). Ainsi, à l'instar des biens corporels, certains autres droits et intérêts constituant des actifs peuvent aussi être considérés comme des « droits de propriété », et donc comme des « biens » aux fins de cette disposition (Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 1999-II, et Beyeler c. Italie [GC], no 33202/96, § 100, CEDH 2000-I). La notion de « biens » ne se limite pas non plus aux « biens actuels » et peut également recouvrir des valeurs patrimoniales, y compris des créances, en vertu desquelles le requérant peut prétendre avoir au moins une « espérance légitime » et raisonnable d'obtenir la jouissance effective d'un droit de propriété (voir, par exemple, Prince Hans-Adam II de Liechtenstein c. Allemagne [GC], no 42527/98, § 83, CEDH 2001-VIII, et Gratzinger et Gratzingerova c. République tchèque (déc.) [GC], no 39794/98, § 69, CEDH 2002-VII).

76.  En l'espèce, la construction litigieuse a existé pendant vingt-sept ans avant que l'infraction ne soit constatée par les autorités internes. Or, le constat des manquements à la législation urbanistique relève incontestablement de la responsabilité des autorités, de même que l'affectation des moyens qui sont nécessaires pour ce faire. On pourrait même considérer que les autorités avaient connaissance de l'existence de la construction litigieuse puisque la requérante a notamment payé des impôts relatifs à cette construction, comme son père l'avait d'ailleurs fait avant elle. A cet égard, l'Etat belge ne peut à bon droit se prévaloir de son organisation interne et d'une distinction entre les autorités de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme et les autorités fiscales. Il faut donc considérer que les autorités ont toléré la situation pendant vingt-sept ans (1967-1994) et que celle-ci a perduré encore dix ans après que l'infraction eut été constatée (1994-2004, date de démolition de la maison). Après l'écoulement d'une telle période, l'intérêt patrimonial de la requérante à jouir de sa maison de vacances était suffisamment important et reconnu pour constituer un intérêt substantiel et donc un « bien » au sens de la norme exprimée dans l'article 1 du Protocole no 1. Par ailleurs, la requérante avait une « espérance légitime » de pouvoir continuer à jouir de ce bien.

77.  La Cour rappelle que la maison de la requérante a fait l'objet d'une démolition à l'initiative des autorités internes. Il s'agit incontestablement d'une atteinte au « bien » de la requérante. Cette atteinte était prévue par la loi (le décret du 18 mai 1999). Elle avait en outre pour but de réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général puisqu'il s'agissait de remettre le bien en conformité avec un plan d'aménagement instituant une zone forestière, non constructible. Le débat se noue donc au niveau de la proportionnalité de cette ingérence. A cet égard, il appartient à la Cour de rechercher si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu. La recherche de pareil équilibre se reflète dans la structure de l'article 1er tout entier, donc aussi dans le second alinéa ; il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Chassagnou et autres c. France, 29 avril 1999 [GC], nos 25088/94, 28331/95 et 28443/95, § 75, CEDH 1999‑III). Cet équilibre est rompu si la personne concernée a eu à subir « une charge spéciale et exorbitante » (voir, notamment, James et autres c. Royaume-Uni, 21 février 1986, § 50, série A no 98).

78.  La Cour relève que la présente affaire concerne des règles applicables en matière d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement, domaines dans lesquels les Etats jouissent d'une grande marge d'appréciation.

79.  Elle rappelle à cet égard que si aucune disposition de la Convention n'est spécialement destinée à assurer une protection générale de l'environnement en tant que tel (Kyrtatos c. Grèce, no 41666/98, § 52, 22 mai 2003), la société d'aujourd'hui se soucie sans cesse davantage de le préserver (Fredin c. Suède (no1), 18 février 1991, § 48, série A no 192). L'environnement constitue une valeur dont la défense suscite dans l'opinion publique, et par conséquent auprès des pouvoirs publics, un intérêt constant et soutenu. Des impératifs économiques et même certains droits fondamentaux, comme le droit de propriété, ne devraient pas se voir accorder la primauté face à des considérations relatives à la protection de l'environnement, en particulier lorsque l'Etat a légiféré en la matière. Les pouvoirs publics assument alors une responsabilité qui devrait se concrétiser par leur intervention au moment opportun afin de ne pas priver de tout effet utile les dispositions protectrices de l'environnement qu'ils ont décidé de mettre en œuvre.

80.  Ainsi, des contraintes sur le droit de propriété peuvent être admises, à condition certes de respecter un juste équilibre entre les intérêts – individuel et collectif – en présence (voir, mutatis mutandis, Fotopoulou c. Grèce, no 66725/01, 18 novembre 2004).

81.  La Cour n'a donc aucun doute quant à la légitimité du but poursuivi par la mesure litigieuse : protéger une zone forestière non bâtissable.

82.  Reste à déterminer si l'avantage pour le bon aménagement du territoire et la protection de la zone forestière où était située la maison de la requérante peut être considéré comme proportionné à l'inconvénient causé à celle-ci. A cet égard, différents éléments doivent être pris en compte.

83.  D'une part, la Cour note qu'un très grand laps de temps s'était écoulé depuis la survenance du fait infractionnel. La requérante et, avant elle, son père ont ainsi eu la jouissance paisible et ininterrompue de la maison de vacances pendant une durée totale de trente-sept ans. L'acte de partage établi le 6 janvier 1986 entre la requérante et son père fut enregistré au ministère des Finances auprès du receveur des hypothèques, qui perçut un droit d'enregistrement (paragraphe 8 ci-dessus). Au décès du père de la requérante en 1993, l'acte notarié de partage de succession mentionnait expressément la maison comme maison de vacances et la requérante s'acquitta des droits de succession. La requérante payait depuis lors annuellement un précompte immobilier ainsi qu'un impôt pour seconde résidence afférent à cette maison (paragraphe 9 ci-dessus). La société d'alimentation en eau effectua des travaux de raccordement de la maison aux réseaux d'égouttage et de distribution d'eau, sans que les autorités publiques réagissent (paragraphe 11 ci-dessus). De plus, lorsque l'infraction a été constatée, après vingt-sept ans, les autorités ont encore laissé s'écouler une période de cinq ans avant d'exercer l'action publique, n'y accordant donc aucune importance urgente. Il est dès lors évident que les autorités connaissaient ou auraient dû connaître de longue date l'existence de la maison de la requérante. Toutefois, nonobstant les dispositions de la législation pertinente, elles ont omis de prendre les mesures qui s'imposaient pour s'y conformer. Elles ont ainsi contribué à pérenniser une situation qui ne pouvait être que préjudiciable à la protection de la zone forestière que cette législation visait à protéger.

84.  D'autre part, la Cour rappelle que les articles 107 et 158 combinés du décret du 18 mai 1999 prévoient, de manière générale, la possibilité d'introduire une demande visant à la régularisation d'une construction non couverte par un permis d'urbanisme. En revanche, il ressort clairement des termes de l'article 158 qu'une régularisation ne peut être accordée à l'égard d'une construction érigée en violation d'un plan d'aménagement (paragraphe 38 ci-dessus). Or la maison de la requérante était située dans une zone forestière et, selon l'article 12 de l'arrêté royal du 28 décembre 1972, cette zone ne peut comporter que des constructions indispensables à l'exploitation et à la surveillance des bois et les refuges de chasse et de pêche, à condition que ceux-ci ne puissent être utilisés pour servir de résidence, même à titre temporaire (paragraphe 41 ci-dessus).

85.  Par ailleurs, le fait que la requérante n'était pas propriétaire des lieux au moment de la construction de la maison et l'absence de réaction dont ont fait preuve les autorités pendant une longue période ne pouvaient pas créer chez la requérante l'impression d'être à l'abri des poursuites, l'infraction relevée étant imprescriptible selon le droit belge et le procureur pouvant à tout moment décider d'appliquer la loi.

86.  Enfin, la Cour ne voit pas quelle autre mesure que la remise en état l'inspecteur urbaniste aurait pu demander en l'espèce, d'autant plus qu'aucune des mesures énumérées à l'article 149 § 1 du décret du 18 mai 1999 (ordre de cesser toute utilisation contraire, injonction d'exécuter des travaux de construction, paiement de la plus-value acquise par le bien suite à l'infraction – paragraphe 38 ci-dessus) ne semblait appropriée dans les circonstances particulières de la cause, à savoir l'atteinte incontestable à l'intégrité d'une zone forestière non constructible.

87.  A titre subsidiaire, la Cour souligne la différence entre la présente affaire et les affaires dites du « littoral turc » (voir, parmi beaucoup d'autres, N.A. et autres c. Turquie, no 37451/97, CEDH 2005-X). Dans ces affaires, le bien immobilier des requérants était inscrit au registre foncier, les intéressés avaient obtenu du ministère de la Culture et du Tourisme un certificat d'investissement touristique en vue d'y construire un hôtel et l'Institut de la planification d'Etat leur avait accordé, en vue de la construction de l'hôtel, un certificat d'incitation à l'investissement. Il ne s'agissait donc pas là d'un simple consentement implicite des autorités, comme en l'espèce, où la maison litigieuse avait été érigée sans permis par les parents de la requérante.

88.  Tous ces éléments conduisent la Cour à conclure que la requérante n'a pas subi une atteinte disproportionnée à son droit de propriété

89.  Il n'y a donc pas eu violation de l'article 1 du Protocole no 1.

IV.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

90.  La requérante se plaint également d'une atteinte injustifiée à son droit au respect de sa vie familiale garanti par l'article 8 de la Convention, qui en ses parties pertinentes est ainsi libellé :

« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale [et] de son domicile (...).

2.  Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, (...) ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

91.  Le Gouvernement admet que la mesure contestée constitue une atteinte au droit de la requérante au respect de son domicile, même s'il fait observer qu'il s'agit d'une maison de vacances et non de la résidence principale de l'intéressée. Il considère en revanche que cette mesure était strictement nécessaire, dans une société démocratique, pour la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales ainsi que pour la protection des droits et libertés d'autrui à travers la protection de l'environnement, qui constituent des buts légitimes au sens de la disposition visée. Il renvoie pour le surplus à l'argumentation développée dans le cadre du grief précédent.

92.  La requérante soutient que sa vie privée et familiale a été atteinte de manière disproportionnée par la démolition forcée de sa maison de vacances.

93.  La Cour constate que ce grief porte sur les mêmes faits que ceux examinés sous l'angle de l'article 1 du Protocole no 1 et considère qu'il ne soulève aucune question distincte de celle déjà posée sur le terrain de cette disposition. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de l'examiner séparément au fond.

V.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

94.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

95.  La requérante estime avoir subi un dommage matériel important. Le bien litigieux étant resté vingt-sept ans sans faire l'objet de mesures, elle aurait entamé de bonne foi la restauration du terrain et de la maison et aurait consenti des investissements considérables. Au moment où elle aurait hérité la maison de son père, celle-ci aurait été en mauvais état ; elle aurait décidé alors de la restaurer, n'ayant aucun doute quant à sa légalité. Son dommage s'élèverait ainsi à 62 635 EUR pour la perte de la maison, 43 865,46 EUR pour les investissements et 3 025 EUR pour les frais de démolition.

96.  La requérante considère aussi avoir subi un dommage moral, qu'elle chiffre « ex aequo et bono » à 25 000 EUR. D'abord, elle serait privée des vacances et des moments de repos qu'elle prenait dans sa seconde demeure. Ensuite, seule chose héritée de son père, la maison aurait eu une valeur particulière à ses yeux.

97.  Le Gouvernement estime que la somme indiquée par la requérante comme représentant la valeur vénale de son bien n'est pas réaliste. D'après lui, la maison était dépourvue de toute valeur sur le marché immobilier. Les articles 141 et 142 du décret du 18 mai 1999 consacreraient en effet l'obligation, lors de toute vente d'immeuble, d'informer l'acheteur de l'existence d'un permis d'urbanisme. A défaut de pouvoir justifier d'un tel permis, la requérante n'aurait pu trouver acquéreur. Sa maison n'aurait ainsi conféré aucune valeur supplémentaire au terrain, dont elle n'aurait toutefois pas été dépossédée. Ses prétentions pour dommage matériel devraient donc être rejetées.

98.  Quant au dommage moral, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Cour.

99.  La Cour souligne que la violation constatée concerne le dépassement du délai raisonnable. Elle n'aperçoit toutefois aucun lien de causalité entre cette violation et le préjudice matériel allégué. Elle rejette donc la demande sur ce point.

100.  Quant au préjudice moral, la Cour estime que la durée déraisonnable de l'instruction litigieuse a engendré une incertitude prolongée quant au sort de la maison. Cette situation d'incertitude justifie l'octroi d'une indemnité. Statuant en équité, comme le veut l'article 41, la Cour alloue à la requérante 5 000 EUR pour le dommage moral ainsi subi.

B.  Frais et dépens

101.  La requérante sollicite à ce titre 21 240,74 EUR, dont 6 616,26 EUR pour frais de défense déjà dépensés, 10 000 EUR pour provision de tel frais et 4 624,48 EUR pour frais de procédure.

102.  Le Gouvernement s'en remet sur ce point à la sagesse de la Cour.

103.  La Cour rappelle que l'allocation des frais et dépens au titre de l'article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). En outre, les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation constatée (Van de Hurk c. Pays-Bas, 19 avril 1994, § 66, série A no 288).

104.  Le présent arrêt constate une violation de la Convention au seul titre de la durée de la procédure. Les prétentions de la requérante se rapportant à la préparation de la requête dans son intégralité, la Cour juge qu'il n'y a pas lieu d'accorder la totalité du montant y figurant. Elle alloue globalement 2 500 EUR à la requérante au titre de ses frais et dépens.

C.  Intérêts moratoires

105.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;

2.  Dit qu'il n'y a pas eu violation des articles 6 § 1 et 14 combinés de la Convention ;

3.  Dit qu'il n'y a pas eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 ;

4.  Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément au fond le grief tiré de l'article 8 de la Convention ;

5.  Dit

a)  que l'Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i.  5 000 EUR (cinq mille euros) pour dommage moral,

ii.  2 500 EUR (deux mille cinq cents euros) pour frais et dépens,

iii.  plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur lesdites sommes ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 27 novembre 2007, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Sally DolléAndrás Baka
GreffièrePrésident

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Textes cités dans la décision

  1. CODE PENAL
  2. Code rural ancien
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CEDH, Cour (deuxième section), AFFAIRE HAMER c. BELGIQUE, 27 novembre 2007, 21861/03