CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE NISTOR c. ROUMANIE, 2 novembre 2010, 14565/05

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Chronologie de l’affaire

Commentaires2

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CEDH · 2 novembre 2010

Communiqué de presse sur les affaires 40381/05, 36168/09, 38281/08, 31515/04, 37217/03, 24419/04, 14565/05, 21199/03, 38155/02, 24193/07, …

 

CEDH · 25 octobre 2010

Communiqué de presse sur les affaires 1883/03, 2723/03, 4058/03, 40381/05, 36168/09, 38281/08, 31515/04, 37217/03, 24419/04, 14565/05, …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Troisième Section), 2 nov. 2010, n° 14565/05
Numéro(s) : 14565/05
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Albina c. Roumanie, 28 avril 2005, no 57808/00, § 34
Amanalachioai c. Roumanie, no 4023/04, § 101, 26 mai 2009
Bronda c. Italie, 9 juin 1998, § 51, Recueil des arrêts et décisions 1998-IV
Costreie c. Roumanie, no 31703/05, § 56, 75-77 et 81, 13 octobre 2009
D. c. Pologne (déc.), no 8215/02, 14 mars 2006
Elsholz c. Allemagne [GC], no 25735/94, §§ 48 et 52, CEDH 2000-VIII
Gnahoré c. France, no 40031/98, § 59, CEDH 2000-IX
Hokkanen c. Finlande, 23 septembre 1994, §§ 55, 58-60, série A no 299-A
Hoppe c. Allemagne, no 28422/95, § 50 in fine, 5 décembre 2002
Ignaccolo-Zenide c. Roumanie, no 31679/96, §§ 94, 99-100, 102, 106, 111, CEDH 2000-I
Johansen c. Norvège, 7 août 1996, §§ 52 et 78, Recueil des arrêts et décisions 1996-III
Keegan c. Irlande, 26 mai 1994, § 49, série A no 290
Nuutinen c. Finlande, no 32842/96, § 127, CEDH 2000-VIII
Olsson c. Suède (no 2), 27 novembre 1992, § 90, série A no 250
Paroisse gréco-catholique Ticvaniul Mare c. Roumanie, (déc.), no 2534/02, 24 octobre 2006
R.R. c. Roumanie (no 1) (déc.), no 1188/05, 12 février 2008
Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 68, CEDH 2003-VIII
W. c. Royaume-Uni, 8 juillet 1987, § 64, série A no 121
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Partiellement irrecevable ; Violation de l'art. 8 ; Préjudice moral - réparation
Identifiant HUDOC : 001-101509
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2010:1102JUD001456505
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Sur les parties

Texte intégral

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE NISTOR c. ROUMANIE

(Requête no 14565/05)

ARRÊT

STRASBOURG

2 novembre 2010

DÉFINITIF

02/02/2011

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Nistor c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Elisabet Fura,
Corneliu Bîrsan,
Alvina Gyulumyan,
Egbert Myjer,
Ineta Ziemele,
Ann Power, juges,
et de Santiago Quesada, greffier,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 octobre 2010,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 14565/05) dirigée contre la Roumanie et dont trois ressortissants de cet État, Mme Olimpia Doina Nistor (« la première requérante »), Mme Doina Nistor et M. Romulus Vasile Nistor (« les deuxième et troisième requérants »), ont saisi la Cour le 15 avril 2005 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Les requérants sont représentés par Me Vasile Jurj, avocat à Baia Mare. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.

3.  Les requérants, la mère et les grands-parents maternels du mineur H.P, allèguent en particulier une atteinte à leur droit au respect de leur vie familiale en raison du refus des juridictions nationales de leur attribuer la garde de l'enfant, de la limitation de leur droit de visite à l'égard de l'enfant, ainsi que de l'impossibilité dans laquelle ils se trouvent d'exercer ce droit de visite en raison de la passivité alléguée des autorités nationales.

4.  Le 20 octobre 2009, le président de la troisième section a décidé de communiquer au Gouvernement le grief tiré de l'article 8 de la Convention en ce qui concerne la limitation du droit de visite et l'impossibilité alléguée des requérant d'avoir des contacts avec l'enfant. Comme le permet l'article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

5.  Les requérants sont nés respectivement en 1973, 1949 et 1949 et résident à Crucişor.

6.  Les requérants sont la mère et les grands-parents maternels du mineur H.P.

7.  En 1996, la première requérante épousa H.C. Le couple eut un fils, H.P., né le 8 décembre 1998.

8.  En 2000, H.C. partit en Italie pour trouver un emploi. Quelques mois plus tard, la première requérante le rejoignit.

9.  Le 22 janvier 2002, à la suite d'une enquête sociale réalisée par l'autorité de tutelle de la mairie de Târgu Lăpuş, H.V., la grand-mère paternelle de l'enfant, fut nommée curatrice de celui-ci pendant l'absence de ses parents du pays. L'enquête sociale releva que les époux vivaient, lors de la naissance de l'enfant, chez les deuxième et troisième requérants et que lors du départ de H.C. en Italie, en octobre 2000, le mineur avait été confié aux grands-parents paternels.

1.  Le divorce et l'attribution du droit de garde

10.  Le 29 mai 2002, le tribunal de première instance de Târgu Lăpuş prononça le divorce de la première requérante et de H.C. aux torts partagés. Par le même jugement, le tribunal attribua la garde de l'enfant à H.C. et condamna la première requérante à verser une pension alimentaire de 400 000 anciens lei roumains (ROL) jusqu'à la majorité de l'enfant.

11.  L'enquête sociale réalisée dans le cadre de la procédure de divorce releva des faits similaires à ceux retenus par l'enquête réalisée lors de la procédure de curatelle (paragraphe 9 ci-dessus). Elle ajouta que les époux avaient habité, avec l'enfant, chez les parents de H.C. à partir du 3 novembre 1999, que H.C. était parti travailler en Italie et que la première requérante, qui avait continué de vivre chez ses beaux-parents, l'avait rejoint, l'enfant étant resté chez ses grands-parents paternels.

12.  Se fondant sur les dépositions des témoins proposés par les deux parties au litige, ainsi que sur les conclusions de l'enquête sociale, le tribunal constata que la première requérante n'avait pas gardé de contact avec l'enfant après son départ en Italie, à la différence de H.C., qui téléphonait régulièrement et prenait soin de maintenir un contact avec l'enfant et de lui assurer le nécessaire pour son éducation et son développement. Le tribunal constata également que l'enfant s'était attaché plus à son père et à ses grands-parents paternels qu'à sa mère et aux grands-parents maternels, qu'il ne connaissait presque pas, et que les grands-parents paternels étaient ceux qui l'élevaient, en lui assurant des conditions appropriées pour son développement et son éducation. Par ailleurs, le tribunal constata que la mairie de Târgu Lăpuş avait confié la curatelle de l'enfant à H.V.

13.  La première requérante avait demandé qu'une enquête sociale soit réalisée à son domicile, chez ses parents. Le tribunal rejeta sa demande au motif que ni les époux, ni l'enfant n'avaient jamais habité là et que, vu que l'enfant devait être confié à l'un des parents et non aux grands-parents, une enquête sociale au domicile des grands-parents maternels n'était pas nécessaire.

14.  La première requérante interjeta appel lequel fut rejeté comme mal fondé par un arrêt du 17 octobre 2002 du tribunal départemental de Maramureş.

15.  La première requérante ne forma pas de recours.

2.  L'action visant à la modification du droit de garde

16.  A une date non précisée, la première requérante demanda la modification du droit de garde, au motif que H.C. travaillait en Italie et que l'enfant était élevé par ses grands-parents paternels, âgés et malades, entretenant, selon elle, un climat affectif non approprié pour son développement.

17.  Les deux autres requérants et les grands-parents paternels formèrent une demande d'intervention dans la procédure, en demandant également l'attribution du droit de garde, les premiers en raison du refus de H.V. de leur permettre de maintenir des contacts avec l'enfant, et H.V., la grand-mère paternelle, au motif qu'elle avait été nommée curatrice de celui-ci et que seul H.C., son père, s'intéressait du sort de l'enfant. Les grands-parents paternels ajoutèrent que la première requérante ne s'intéressait pas à l'enfant, refusant de lui verser la pension alimentaire fixée par décision de justice, motif pour lequel ils avaient formé une plainte pénale contre elle du chef d'abandon de famille.

18.  La première requérante sollicita du tribunal, par le biais d'un conseil, d'ordonner la réalisation par l'autorité tutélaire d'une nouvelle enquête au domicile de l'enfant et de lui fournir des renseignements concernant les démarches faites pour lui assurer des contacts avec l'enfant. Elle sollicita également d'admettre comme preuve un enregistrement audio fait avec l'accord de la grand-mère paternelle qui prouverait l'attitude négative de cette dernière quant aux relations qui devaient exister entre l'enfant et sa mère. D'après le dossier, cette dernière preuve ne fut pas versée au dossier de l'affaire. La requérante sollicita également l'audition des témoins B.L., P.M., F.F. et B.A. Les témoins B.L., I.M. et B.A. furent entendus par le tribunal.

19.  Par un jugement du 28 octobre 2003, le tribunal de première instance de Târgu Lăpuş rejeta toutes les actions des parties, avec la motivation suivante :

« Par un jugement (...) du 29 mai 2002, le tribunal de première instance de Târgu Lăpuş a prononcé le divorce [de la première requérante et de H.C.], en confiant la garde du mineur [à H.C.].

Ce jugement est devenu définitif le 17 octobre 2002, à la suite du rejet de l'appel et à défaut de recours.

Dans les motifs de ce jugement, le tribunal a retenu qu'à son départ à l'étranger, la partie demanderesse [la première requérante] avait confié le mineur aux grands-parents paternels, y compris H.V., auxquels il s'est attaché, étant élevé par eux depuis son jeune âge, sans que la partie demanderesse maintienne des contacts avec lui-même à l'occasion des fêtes ou anniversaires et sans qu'elle contribue matériellement à son entretien, tandis que la partie défenderesse [H.C.] s'est préoccupée de lui assurer tout ce qui était nécessaire à son entretien et à son éducation.

Le tribunal a également retenu que le mineur était très attaché à la partie défenderesse et à ses grands-parents paternels, alors qu'il ne connaissait presque pas les grands-parents maternels.

Toutes ces circonstances, dont le tribunal a tenu compte pour prononcer le jugement susmentionné, persistent à ce jour, comme il résulte des déclarations des témoins entendus, ainsi que des conclusions de l'enquête sociale réalisée au domicile de la partie défenderesse.

Le témoin B.A., l'institutrice du mineur (...), déclare que depuis deux ans que le mineur fréquente l'école maternelle, seuls la partie défenderesse et ses parents ont manifesté de l'intérêt à son égard, le mineur fréquentant les cours régulièrement et étant bien soigné.

La partie demanderesse a rendu visite au mineur une seule fois et a essayé de parler avec lui au téléphone, mais celui-ci n'a pas toujours accepté (...)

Le témoin I.M. confirme le souci des grands-parents paternels de s'occuper de l'entretien et de l'éducation du mineur, ainsi que les conflits entre eux et les grands-parents maternels dus au souhait de ces derniers de renouer les liens personnels avec le mineur.

Le témoin B.L. confirme également l'existence d'une tension, les grands-parents paternels permettant difficilement aux grands-parents maternels de maintenir des liens avec le mineur, ainsi que le refus du mineur de parler au téléphone avec la partie demanderesse.

(...)

Conformément aux déclarations [de H.C. et de H.V.], le premier a l'intention de retourner au pays, où il a d'ailleurs fait construire une maison, et continue d'envoyer au mineur de l'argent, des vêtements et tout le nécessaire.

L'enquête sociale réalisée à son domicile confirme l'existence des mêmes conditions de vie constatées par le tribunal lors de l'attribution de la garde de l'enfant, ce qui conduit à maintenir cette mesure, d'autant plus que H.V. a été nommée curatrice du mineur depuis le départ de ses parents à l'étranger, une relation étroite se nouant entre elle et l'enfant (...), vu que la partie demanderesse n'a jamais rendu visite au mineur après le prononcé définitif du divorce.

L'enquête sociale réalisée au domicile de la partie demanderesse relève qu'elle et les grands-parents maternels disposent des conditions appropriées pour élever l'enfant (...), ainsi que le fait que la requérante s'est occupée de l'enfant [avant qu'il soit confié à son père] ; elle omet néanmoins de faire référence aux relations entre le mineur et ceux qui sollicitent qu'il soit enlevé du milieu dans lequel il vit actuellement, ainsi qu'aux possibles répercussions quant à son développement.

Le manque d'intérêt de la partie demanderesse pour le mineur après l'attribution de la garde à son père (solution acceptée par l'omission de former recours contre la décision rendue en appel) résulte également de la non exécution volontaire par elle de son obligation de paiement de la pension alimentaire, ce qui a conduit [H.C.] a déposer une plainte pénale pour abandon de famille. La partie demanderesse ne [s'est conformée à cette obligation] que par la suite (...).

La partie demanderesse n'a demandé, ni à l'occasion de l'appel formé [contre le jugement du 29 mai 2002] ni ultérieurement, par le biais d'une demande distincte, en vertu de l'article 43 alinéa 3 du code de la famille, un droit de visite sur le mineur afin de maintenir les liens avec celui-ci.

Compte tenu de ce qui précède, le tribunal constate que les circonstances qui ont conduit à attribuer la garde à la partie défenderesse n'ont pas changé de manière significative, le départ de la partie défenderesse du pays étant temporaire, tout comme celui de la partie demanderesse, motivé exclusivement par des raisons économiques, afin d'obtenir des meilleurs revenus, ce qui est également dans l'avantage du mineur.

Ni la relation du mineur avec les grands-parents paternels ni le comportement de ces derniers, en famille et en société, n'ont connu de changements défavorables au mineur par rapport à la date à laquelle la garde a été confiée [à H.C.], le législateur prévoyant dans l'article 42 alinéa 2 [du code de la famille] la possibilité de confier les mineurs à d'autres proches parents, pour des raisons dûment justifiées (...)

Conformément à l'article 44 du code de la famille, la modification des mesures concernant la garde des mineurs ne peut se faire que dans le cas où les circonstances dont a tenu compte la juridiction qui a prononcé le divorce ont changé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ce qui justifie le rejet tant de la demande principale que des demandes d'intervention ».

20.  Les requérants interjetèrent appel, en demandant que le droit de garde soit confié à la première requérante et, durant la période pendant laquelle elle était à l'étranger, aux deux autres requérants. Ils faisaient valoir que H.C. était dans l'impossibilité objective de s'occuper de l'enfant en raison de son départ en Italie, que ce n'était pas lui, mais ses parents qui s'occupaient de l'enfant, que tant H.C. que H.V. avaient empêché la première requérante de maintenir des liens personnels avec l'enfant, en refusant de recevoir les cadeaux qu'elle envoyait et en lui interdisant de lui rendre visite à l'école maternelle, que la première requérante s'était occupée de l'éducation de l'enfant pendant la période où elle habitait avec l'enfant chez les grands-parents maternels et qu'elle n'avait laissé l'enfant chez les grands-parents paternels que sous la menace de H.C., afin de le suivre en Italie. En outre, ils firent valoir que l'enquête sociale réalisée à leur domicile montrait qu'ils disposaient des conditions matérielles appropriées pour élever l'enfant, que H.V. avait un comportement inadéquat envers celui-ci et que H.G., le grand-père paternel avait été hospitalisé en 1999 dans un hôpital psychiatrique.

21.  Il ressort de cette enquête sociale (paragraphe 20 ci-dessus in fine) qu'après le départ de H.C. en Italie, la première requérante avait vécu environ six mois avec l'enfant chez ses parents, qu'ensuite elle était partie le rejoindre, en laissant l'enfant chez les grands-parents paternels à la demande de H.C. et que les grands-parents paternels s'étaient opposés à plusieurs reprises à ce que les requérants entrent en contact avec l'enfant.

22.  Par un arrêt du 28 juin 2004, rendu par une formation de jugement composée des juges A.I. et A.T., la cour d'appel de Cluj rejeta l'appel, avec la motivation suivante :

« Pour prononcer le jugement critiqué en appel, le tribunal a retenu non seulement le fait que les circonstances [qui ont déterminé l'attribution de la garde à H.C.] n'avaient pas changé, mais également le manque d'intérêt de la partie demanderesse (...), prouvé par l'omission de faire recours contre l'arrêt [du 17 octobre 2002 du tribunal départemental de Maramures], ainsi que par la non exécution volontaire de l'obligation de paiement de la pension alimentaire.

Les motifs de la juridiction de fond sont bien fondés parce que la mesure de changement de la garde de l'enfant d'un parent à l'autre ne peut être prise que lorsque les intérêts du mineur l'exigent, c'est-à-dire lorsque le parent qui détient la garde ne peut plus s'occuper de manière appropriée de l'enfant. Le changement de la garde de l'enfant doit être donc dûment justifié, par des motifs qui puissent démontrer que le maintien de la garde chez le parent auquel l'enfant a été confié peut avoir des conséquences négatives quant à son développement et à son éducation.

Les éléments de preuve examinés en l'espèce par la juridiction du fond et celle d'appel ne prouvent pas le changement des circonstances [examinées par le tribunal ayant rendu le jugement du 29 mai 2002]. Le motif concernant le grand-père paternel ne représente pas non plus un élément nouveau, vu que l'enfant habite chez ses grands-parents paternels depuis le mois de novembre 1999.

La cour estime que le changement de la garde de l'enfant représenterait un changement forcé de son mode de vie actuel, (...) »

23.  Les requérants, représentés par un conseil, formèrent recours, réitérant essentiellement les mêmes motifs qu'en appel. Ils critiquèrent, en outre, le fait que la juridiction d'appel avait retenu de manière erronée le manque d'intérêt de la première requérante, car celle-ci n'avait pas eu connaissance de l'obligation de payer la pension alimentaire en raison d'une erreur de son avocat, qui avait omis de former recours dans la procédure de divorce. Ils firent également valoir que les grands-parents paternels refusaient de se conformer au jugement rendu le 6 mai 2004 par le tribunal de première instance de Târgu Lăpuş, qui leur avaient reconnu un droit de visite à l'égard de l'enfant (voir les paragraphes 30-33 ci-dessous).

24.  Par un arrêt définitif du 14 mars 2005, rendu par la cour d'appel de Cluj dans une formation de jugement composée des juges A.A., C.C. et S.N., le recours fut rejeté avec la motivation suivante :

« (...) le changement de la garde de l'enfant ne peut être ordonné que lorsque de nouvelles circonstances prouvent que le parent auquel l'enfant a été confié n'est plus en mesure de lui assurer un développement approprié (...), il doit être dûment justifié par une meilleure protection des intérêts de l'enfant, des changements forcés dans le mode de vie habituel de l'enfant n'étant pas souhaitables.

[Les requérants] se contredisent dans leurs affirmations, car ils mettent en avant, d'une part, le droit prioritaire de la mère par rapport à celui, subsidiaire, des grands-parents d'exercer ses droits parentaux mais ont sollicité, d'autre part (...), que le mineur soit confié aux grands-parents maternels pendant l'absence de la mère de Roumanie. Ils ne proposent donc pas une solution définitive et favorable au mineur, pour que celui-ci soit sous la garde exclusive d'un de ses parents, mais offrent des solutions temporaires, tout comme celles actuelles, en fonction des périodes pendant lesquelles les deux parents sont à l'étranger. L'affirmation [de la première requérante] selon laquelle elle voudrait rester dans le pays, afin de s'occuper du mineur, tandis que son père est en Italie, est contredite par (...) sa demande que la garde de l'enfant soit confiée aux grands-parents maternels pendant son absence de Roumanie.

Il ne peut pas être retenu que les grands-parents paternels retiennent illégalement le mineur, car la décision [prise par la mairie de Târgu Lăpuş] en vertu de l'article 152 du code de la famille, a désigné H.V. comme curatrice de l'enfant pendant l'absence de son père.

(...)

Les critiques relatives au comportement de H.C. et des grands-parents paternels (...) ne constituent pas des critiques pertinentes pour l'établissement de la situation de fait, car la mère de l'enfant (...) n'a formé une action en attribution d'un droit de visite (...) qu'après l'introduction de la présente action et postérieurement au jugement rendu par le tribunal de première instance. Dès lors, les malentendus et les conflits entre les parties ne peuvent pas constituer une raison suffisante pour justifier le changement de la garde de l'enfant. »

3.  Démarches des requérants pour garder le contact avec l'enfant

25.  Par une lettre du 9 mai 2003, la première requérante informa l'autorité de tutelle que les grands-parents paternels, dont elle mettait en doute la capacité à s'occuper de l'enfant, l'empêchaient, tant elle que les deux autres requérants, de voir l'enfant et de lui donner des cadeaux. Elle demanda que des mesures soient prises pour régler cette situation. Le 10 juin 2003, l'autorité de tutelle suggéra à la première requérante de prendre connaissance du contenu de l'enquête sociale ordonnée par le tribunal de première instance de Târgu Lăpuş dans la deuxième action concernant l'attribution du droit de garde.

26.  Par une nouvelle lettre du 15 juin 2003, la première requérante demanda à l'autorité de tutelle de prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation, en invoquant l'obligation de contrôle qui incombait à celle-ci en vertu des articles 108 et 109 du code de la famille. Le 10 juillet 2003, l'autorité de tutelle informa la requérante que les faits allégués ne ressortaient pas des constats faits au domicile de l'enfant et que, dès lors, il n'était pas nécessaire de prendre d'autres mesures de protection.

27.  Le 6 août 2003, sur demande des requérants, deux représentants du département d'assistance sociale et d'autorité tutélaire livrèrent à H.V. un paquet contenant quatre boîtes de jouets destinés à l'enfant.

4.  L'action en référé en reconnaissance d'un droit de visite

28.  A une date non précisée en 2004, se fondant sur le refus de H.C. et H.V. de leur permettre de rendre visite à l'enfant, les requérants, assistés par un conseil, introduisirent une action en référé en vue de l'attribution d'un droit de visite. Ils sollicitèrent l'autorisation de prendre l'enfant à leur domicile les première et troisième semaines de chaque mois, du vendredi au dimanche, ainsi qu'une semaine pendant les vacances d'hiver et de printemps et un mois pendant les vacances d'été.

29.  Lors de l'audience du 6 mai 2004, les requérants demandèrent que le témoin F.F. soit interrogé. Toutefois, ils renoncèrent par la suite à ce que ce témoin soit interrogé et déclarèrent qu'ils n'entendaient pas produire d'autres preuves. Le tribunal nota que l'audition d'un enregistrement proposé par les requérants n'était pas nécessaire, étant donné l'accord de la partie défenderesse d'accepter un droit de visite en faveur des intéressés.

30.  Par un jugement du 6 mai 2004, le tribunal de première instance de Târgu Lăpuş fit partiellement droit à leur action, en tenant compte du fait que H.C. et H.V. avaient exprimé un accord de principe concernant un droit de visite au domicile de l'enfant. Le tribunal ordonna à H.C. et H.V. de permettre aux requérants d'entretenir des liens avec l'enfant au domicile de ce dernier

« pendant la première et la troisième semaine du mois, le vendredi, le samedi ou le dimanche entre 10h00 et 18h00, avec la possibilité d'emmener le mineur en ville ou dans des aires de loisirs ».

31.  Le tribunal motiva ainsi sa décision :

« Selon l'article 43 alinéa 3 du code de la famille, le parent divorcé garde le droit d'entretenir des liens personnels [avec l'enfant] et celui de veiller à son éducation, à son épanouissement et à sa formation, et l'article 42 alinéa 3 prévoit la possibilité de confier la garde de l'enfant à d'autres parents, pour des raisons justifiées, de telle sorte que la demande des grands-parents maternels est fondée, de la même manière que celle de sa mère.

(...)

Le mineur est resté depuis l'âge de huit mois à la charge des parties défenderesses, donc pendant plus de cinq ans, ce qui a conduit à l'établissement d'une relation affective particulière avec celles-ci (...)

Cette période de cinq ans d'interruption des liens affectifs naturels entre les parties demanderesses et le mineur, peu importe les raisons (...) [conduit] à adopter une solution qui représente un équilibre entre le souhait des parties demanderesses de faire valoir leur droit et l'intérêt supérieur du mineur de ne pas être exposé à des traumas psychiques, à la suite de son départ du domicile où il a commencé à percevoir la réalité, le rétablissement des liens entre lui et les parties demanderesses devant se faire lentement, d'autant plus que le mineur ne peut pas choisir lui-même actuellement la solution qui lui serait la plus favorable.

D'ailleurs, le législateur a prévu à l'article 97 alinéa 2 du code de la famille que les droits parentaux doivent être exercés exclusivement dans l'intérêt des enfants mineurs, après avoir prévu à l'alinéa 1 que les deux parents jouissent des mêmes droits et obligations à l'égard des mineurs. (...).

En raison des relations tendues entre les parties, le tribunal considère que la possibilité d'emmener le mineur en ville ou dans des aires de loisirs pendant les jours sollicités est de nature, d'une part, à éviter les conflits, et d'autre part, à donner satisfaction aux parties demanderesses quant à leur souhait de renouer les liens affectifs avec le mineur ».

32.  Les requérants firent recours, faisant valoir que H.V. les empêchait de maintenir le contact avec le mineur et qu'elle entretenait chez lui une attitude hostile envers eux. Ils ajoutèrent que le droit de visite fixé par le tribunal de première instance était difficilement applicable dans la mesure où le vendredi l'enfant fréquentait l'école maternelle et que la mise en application du droit de visite aurait perturbé le programme scolaire. De plus, la taille réduite de la ville et l'absence d'aires de loisirs non seulement rendait difficile le droit de la première requérante de veiller à son éducation, à son épanouissement et à sa formation, mais imposaient aux requérants, notamment pendant la saison froide, de rendre visite à l'enfant au domicile des grands-parents paternels, avec lesquels ils étaient en conflit.

33.  Par un arrêt définitif du 3 novembre 2004, le tribunal départemental de Maramureş rejeta comme mal fondé le recours, en retenant que

« en formulant cette demande, les parties demanderesses visent à obtenir une mesure définitive et non temporaire, comme le prévoit l'article 581 du code de procédure civile.

D'autre part, il n'y a pas urgence à obtenir une telle mesure, les parties demanderesses montrant qu'elles font des démarches depuis un an pour établir des liens personnels (...) avec le mineur (...)

En conséquence, l'action en référé ne remplit pas les conditions prévues par la loi, le tribunal de première instance ne l'ayant à juste titre accueillie que partiellement, en tenant compte de la position adoptée par les parties défenderesses ».

5.  Démarches des requérants en vue de faire exécuter le jugement fixant le droit de visite

34.  D'après les observations des parties, de 2003 à 2009, la première requérante s'était rendue en Roumanie neuf fois, pour des périodes de trois à quatre semaines. A ces occasions, elle a essayé de rendre visite à l'enfant, au début au domicile des grands-parents paternels, et, ultérieurement à l'école, en raison de la dégradation des relations avec ces derniers.

a)  Plainte pénale pour non-exécution du jugement du 6 mai 2004

35.  Le 3 juillet 2004, les deuxième et troisième requérants se déplacèrent au domicile de l'enfant pour remplir leur droit de visite. Des discussions eurent lieu entre les grands-parents maternels et paternels, à la suite desquelles, ces derniers demandèrent à l'enfant de se diriger vers les requérants. Effrayé, l'enfant refusa de quitter la maison.

36.  Le même jour, les deuxième et troisième requérants saisirent le parquet près le tribunal de première instance de Târgu Lăpuş d'une plainte pénale contre la grand-mère paternelle du chef de refus d'exécuter une décision judiciaire, à savoir le jugement du 6 mai 2004.

37.  Le 31 août 2004, le parquet près le tribunal de première instance de Târgu Lăpuş rendit un non-lieu en faveur de la grand-mère paternelle. Il était fait état dans ce non-lieu du fait qu'il pouvait s'agir d'un incident isolé, l'opposition systématique, condition requise par la loi pour l'existence d'un tel délit, n'étant pas prouvée.

38.  Dans le non-lieu, il était fait mention de ce qu'il devait être communiqué aux deux derniers requérants. Toutefois, ces derniers allèguent qu'ils sont entrés en possession d'une copie du non-lieu, à la suite de leurs propres démarches, le 6 mai 2010. Ils soumettent à la Cour une copie du reçu des frais qu'ils ont dû payer aux autorités afin d'obtenir copie du non-lieu.

b)  Autres tentatives des deux derniers requérants pour avoir des contacts avec l'enfant

39.  Le 16 juillet 2004, les deux derniers requérants se déplacèrent au domicile de l'enfant afin de lui remettre des cadeaux et de l'emmener en ville. Dès que les deux derniers requérants entrèrent dans la cour de la maison, la grand-mère paternelle commença à leur faire des reproches et à leur adresser des mots blessants. L'enfant refusa de quitter la maison.

40.  Le 1er août 2004, les trois requérants accompagnés par la police se déplacèrent au domicile de l'enfant. Il ressort de la déclaration du témoin B.A. faite devant un notaire public, qu'une rixe eut lieu à cette occasion, à la suite de laquelle la grand-mère paternelle fut frappée et ses vêtements déchirés. L'enfant fut emmené par la force par les requérants. Selon le témoin, la police n'intervint pas. A la suite de ces événements, une amende contraventionnelle fut infligée au dernier requérant pour trouble à l'ordre public.

c)  Démarches effectuées par l'intermédiaire d'un huissier de justice

41.  Le 14 juillet 2004, les trois requérants mandatèrent un huissier de justice pour faire exécuter le jugement du 6 mai 2004.

42.  Le 29 juillet 2004, faisant suite à la demande de l'huissier de justice, le tribunal de première instance de Târgu Lăpuş ordonna la mise à exécution du jugement du 6 mai 2004 susmentionné.

43.  Le 13 août 2004, l'huissier de justice, accompagné des requérants et de policiers, tenta de procéder à l'exécution de ce jugement. Le procès-verbal dressé à cette occasion faisait mention de la déclaration des grands-parents paternels selon laquelle l'enfant aurait pleuré et menacé de se jeter par la fenêtre s'il était emmené de force voir les requérants. Il mentionnait également que les requérants avaient cherché l'enfant au domicile d'un voisin, où il se trouvait, et que les requérants avaient l'obligation de le ramener à ses grands-parents paternels le même jour à 18h00.

44.  Les 3 et 8 novembre 2004, l'huissier de justice ordonna la saisie d'un tiers de la pension de retraite de la grand-mère paternelle afin de couvrir les frais d'exécution occasionnés par la mise en exécution du jugement du 6 mai 2004. Les frais d'exécution furent payés le 27 décembre 2004. Par un procès-verbal du 10 janvier 2005, l'huissier de justice constata que le dossier d'exécution avait été finalisé par le paiement des frais d'exécution. Par un procès-verbal du 27 janvier 2005, après avoir constaté que les requérants n'avaient pas engagé de contestation contre les actes d'exécution dans le délai prévu par la loi, l'huissier de justice ordonna l'archivage du dossier.

d)  Examen psychologique de l'enfant

45.  A la demande de son père, le 19 octobre 2004, H.P. fut soumis à un examen psychologique, afin d'établir les causes de son état de stress et d'anxiété. Il ressort d'un certificat médical établi à la suite de cet examen que l'enfant souffrait de troubles émotionnels à la suite des conflits familiaux. Il était recommandé de ne plus exposer l'enfant aux conflits familiaux et de ne plus le contraindre à exécuter le droit de visite.

e)  Démarches effectuées par l'intermédiaire de l'autorité tutélaire

46.  Le 30 novembre 2004, les trois requérants informèrent l'autorité de tutelle des difficultés qu'ils rencontraient pour exercer leur droit de visite tel que reconnu par le jugement du 6 mai 2004. Ils l'informèrent notamment du fait que le 19 novembre 2004, un vendredi, ils s'étaient présentés à 10h00 à l'école où l'enfant était scolarisé, sans toutefois pouvoir l'emmener avec eux, la directrice de l'école s'y étant opposé au motif que l'enfant devait suivre les cours entre 8h00 et 13h00 et qu'à 13h00 il devait être confié aux grands-parents paternels. A cette occasion, ils auraient constaté que l'enfant était agité et effrayé par leur présence, comportement qu'ils expliquaient par l'interdiction de sa grand-mère paternelle d'avoir des contacts avec eux.

47.  Ils demandèrent à l'autorité de tutelle d'intervenir afin de mettre un terme au comportement hostile de H.V., qui interdisait aux requérants de rendre visite à l'enfant et refusait de recevoir les jouets, les vêtements et autres cadeaux qu'ils voulaient lui donner, ainsi que de soumettre l'enfant à un examen psychologique, qui puisse déterminer les causes de son comportement envers eux. Un paquet contenant des vêtements, jouets et bonbons fut confié le 3 décembre 2004 à ce même département par les deuxième et troisième requérants, pour être remis à l'enfant.

48.  Le 29 décembre 2004, l'autorité de tutelle leur répondit que, lors des visites effectués au domicile des grands-parents paternels, il avait été constaté que l'enfant vivait dans un climat familial approprié à son développement, en étant entouré de l'affection de son père et de ses grands-parents ; en outre, elle considéra que l'enfant, âgé de cinq ans à l'époque, était trop petit pour pouvoir être influencé de manière négative en ce qui concernait ses grands-parents maternels ; elle informa également les requérants qu'elle ne pouvait pas intervenir par rapport au comportement hostile de H.V., au motif que celle-ci avait toujours eu un comportement adéquat dans ses relations avec les représentants de l'autorité de tutelle ; elle fit également mention de son initiative d'envoyer un de ses représentants accompagner les grands-parents maternels au domicile de l'enfant, afin de lui transmettre personnellement les cadeaux, ce que ceux-ci auraient refusé, sous le prétexte des relations tendues avec les grands-parents paternels, les cadeaux étant dès lors transmis uniquement par le biais des représentants de l'autorité de tutelle. L'autorité de tutelle considéra que son intervention n'était pas en mesure, à elle seule, de résoudre les conflits entre les parties, l'intervention « d'autres autorités » étant nécessaire pour ce faire.

49.  Par des lettres des 24 mai 2008 et 16 mai 2009, les requérants informèrent la Cour que depuis mai 2007, ils n'ont plus vu l'enfant, afin de ne pas le faire souffrir et d'éviter des conflits.

II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

50.  Les articles pertinents du code de la famille se lisent ainsi :

Article 42

« Le tribunal, lorsqu'il prononce le divorce, désigne le parent auquel la garde des enfants mineurs est, dès lors, confiée (...). Pour en décider, le tribunal entend les parents et l'autorité de tutelle et, en tenant compte des intérêts des enfants (...), décide pour chacun des enfants s'il doit être confié au père ou à la mère.

Pour des raisons dûment justifiées, les enfants peuvent être confiés aux proches parents ou à d'autres personnes, avec leur consentement ou celui des institutions habilitées à veiller sur eux.

En même temps, le tribunal fixe la contribution de chaque parent aux frais concernant leur éducation et leur formation ».

Article 43

« Le parent divorcé qui s'est vu confier la garde de son enfant exerce l'autorité parentale à l'égard de ce dernier. (...)

Le parent divorcé qui ne s'est pas vu confier la garde de son enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ce dernier et de veiller à son éducation, à son épanouissement et à sa formation ».

Article 44

« Lorsque les circonstances changent, le tribunal peut modifier, sur demande de chacun des parents, (...), de l'autorité de tutelle (...), les mesures concernant les droits et les obligations personnelles ou patrimoniales entre les parents divorcés et les enfants. La modification des mesures prises en vertu de l'article 42 alinéas 1 et 2 se fait dans le respect des conditions prévues par ces dispositions ».

Article 99

« Tout désaccord des parents relatif à l'exercice des droits parentaux est réglé par l'autorité de tutelle dans l'intérêt de l'enfant, après avoir entendu les parents. »

Article 108

« L'autorité de tutelle [autoritatea tutelară] doit exercer un contrôle effectif et continu sur la manière dont les parents s'acquittent de leurs obligations concernant la personne et les biens de l'enfant.

Les délégués de l'autorité de tutelle ont le droit de rendre visite aux enfants chez eux et de se renseigner par tous les moyens sur la manière dont les personnes qui en ont la charge s'occupent d'eux, sur leur santé et leur développement physique, leur éducation (...) ; au besoin, ils donnent les instructions nécessaires. »

51.  L'article 581 du code de procédure civile régissant les actions en référé, tel qu'en vigueur à l'époque des faits, est présenté dans l'arrêt Costreie c. Roumanie, (no 31703/05, § 56, 13 octobre 2009).

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

52.  Les requérants se plaignent d'une atteinte à leur droit au respect de la vie familiale, en raison, d'une part, du rejet de leur action concernant la modification du droit de garde de l'enfant et, d'autre part, des décisions rendues par les tribunaux internes restreignant leur droit de visite. Ils se plaignent également de ce que les autorités roumaines n'ont pas pris les mesures adéquates pour assurer l'exécution rapide du jugement du 6 mai 2004 du tribunal de première instance de Târgu Lăpuş qui leur accordait un droit de visite à l'égard de l'enfant. Ils invoquent l'article 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2.  Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

53.  Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.

54.  La Cour constate que ce grief des requérants comporte trois branches : 1) le rejet de l'action des requérants concernant l'attribution de la garde de l'enfant ; 2) l'étendue du droit de visite établi par les juridictions nationales lors de l'action en référé ; 3) le défaut allégué d'assistance de la part des autorités nationales pour faire exécuter le jugement du 6 mai 2004 établissant un droit de visite en faveur des requérants. La Cour les analysera séparément (voir, dans le même sens, Hokkanen c. Finlande, 23 septembre 1994, série A no 299‑A, § 59).

A.  Sur la recevabilité

1.  Sur l'attribution du droit de garde de l'enfant

55.  Les requérants se plaignent du rejet de leur demande visant au changement de la garde de l'enfant. Ils allèguent que la procédure qui a abouti à cette décision a été inéquitable, au motif que les tribunaux internes auraient ignoré les preuves versées aux dossiers par eux. En outre, ils dénoncent la partialité des tribunaux internes, au motif qu'ils ont toléré que l'enfant soit confié à son père et non à sa mère, alors qu'en réalité c'étaient les grands-parents paternels qui exerceraient le droit de garde.

56.  La Cour note que les décisions rendues par les juridictions internes refusant d'octroyer la garde de l'enfant à la première requérante s'analysent en une ingérence dans l'exercice de son droit au respect de la vie familiale garanti par le paragraphe 1 de l'article 8 de la Convention. A supposer même que ces décisions constituent une ingérence dans le droit au respect de la vie familiale des deuxième et troisième requérants, la Cour note qu'en principe, l'ingérence relevée emporte violation de l'article 8 sauf si elle est « prévue par la loi », poursuit un ou plusieurs buts légitimes au sens du paragraphe 2 de cette disposition et peut passer pour « nécessaire dans une société démocratique ».

57.  En l'espèce, l'ingérence était prévue par la loi, à savoir le code de la famille, et poursuivait à l'évidence un but légitime au sens du paragraphe 2 de l'article 8, à savoir la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant.

58.  Pour rechercher si la mesure litigieuse était « nécessaire dans une société démocratique », la Cour examinera, à la lumière de l'ensemble de l'affaire, si les motifs invoqués pour la justifier étaient pertinents et suffisants aux fins du paragraphe 2 de l'article 8 de la Convention. Par ailleurs, la Cour n'a point pour tâche de se substituer aux autorités internes pour réglementer les questions de garde et de visite, car les juridictions nationales sont en principe mieux placées que le juge international pour évaluer les éléments dont elles disposent et jouissent donc d'une grande latitude en la matière (Elsholz c. Allemagne [GC], no 25735/94, § 48, CEDH 2000‑VIII). Il lui incombe en revanche d'apprécier sous l'angle de la Convention les décisions que ces juridictions ont rendues dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation (Hokkanen précité, § 55) et de vérifier si l'ingérence incriminée était « nécessaire », c'est-à-dire si elle était proportionnée au but légitime poursuivi.

59.  En l'occurrence, après le divorce des parents, la garde de l'enfant a été dès le début confiée au père, par un jugement du 29 mai 2002 du tribunal de première instance de Târgu Lăpuş, devenu définitif à la suite du rejet de l'appel de la première requérante et à défaut de recours de sa part.

60.  Par la suite, les juridictions nationales ont considéré qu'il n'y avait pas lieu de modifier l'attribution de la garde, étant donné que la situation de fait n'avait pas connu de changement substantiel par rapport à l'époque où ce jugement avait été rendu, que l'enfant semblait bien intégré dans la famille de ses grands-parents paternels, auxquels il était très attaché, qu'un changement du mode de garde n'aurait pas été dans son intérêt, étant donné notamment le fait que la première requérante, tout comme son ex-époux, avait l'intention de rester travailler à l'étranger et de confier le mineur aux grands-parents respectifs.

61.  La Cour note que les décisions litigieuses ont été prises conformément aux dispositions pertinentes de l'article 44 du code de la famille et qu'elles poursuivaient un but légitime, à savoir la protection des droits de l'enfant ; à cet égard, il ne fait pas de doute que les autorités compétentes ont tenu compte des intérêts du mineur, établis par les rapports des enquêtes sociales réalisées aux domiciles des parties et ressortant également des déclarations des témoins. Tout en admettant que les deux parents, ainsi que les grands-parents disposaient des conditions appropriées pour assurer l'éducation de leur fils et petit-fils, les tribunaux ont constaté que l'enfant éprouvait un fort attachement envers son père et ses grands-parents paternels et qu'il n'y avait pas de raison impérative justifiant le changement du mode de garde, dans le sens de l'intérêt de l'enfant. De plus, afin de rendre leurs décisions, les juridictions nationales ont été en contact direct avec les experts et des témoins, se trouvant dès lors dans une meilleure position que l'instance européenne pour trouver le juste équilibre entre les intérêts en cause (mutatis mutandis Hoppe c. Allemagne, no 28422/95, § 50 in fine, 5 décembre 2002).

62.  La Cour observe en outre que les requérants, représentés par un conseil, ont eu la faculté de faire valoir leurs arguments ainsi que de prendre connaissance de ceux présentés par l'autre partie et de les discuter, et ont pu présenter des preuves. Il convient de rappeler qu'il incombe au premier chef aux autorités nationales d'interpréter les preuves versées au dossier. En l'espèce, la Cour ne décèle aucun élément d'arbitraire dans la manière dont les juridictions nationales ont interprété les preuves et ont motivé leurs décisions. Dès lors, rien n'autorise non plus à penser que le processus décisionnel n'ait pas été équitable ou n'ait pas permis aux requérants de jouer un rôle suffisant pour protéger leurs intérêts. La Cour en déduit que la décision de ne pas changer la garde du mineur était nécessaire à la protection des intérêts de celui-ci et ne saurait passer pour disproportionnée.

63.  Dans ces circonstances, la Cour estime que les tribunaux internes ont fondé leurs décisions sur des motifs pertinents et suffisants aux fins de l'article 8 § 2 de la Convention et n'ont pas excédé leur marge d'appréciation. Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2.  Sur l'étendue du droit de visite établi lors de l'action en référé

a)  Les thèses des parties

64.  Les requérants estiment que les décisions rendues par les tribunaux internes restreignant leur droit de visite sont difficilement applicables en pratique et ne leur permettent pas de développer des relations personnelles avec l'enfant. Ils font valoir qu'afin de limiter leur droit de visite, les juridictions nationales ont accordée un poids excessif aux conditions matérielles de vie du père. Elles ont ainsi ignoré l'intérêt de l'enfant et n'ont pas visé à assurer un équilibre émotionnel et psychologique à l'enfant menacé par le conflit familial. Les requérants estiment que les affirmations de l'autorité tutélaire et du personnel enseignant entendus dans la procédure sont invalidées par un certificat médical daté du 2 juin 2001, qui atteste que l'enfant, pris en charge par ses grands-parents paternels, a été malade à plusieurs reprises, maladies qui, selon les requérants, auraient pu être évitées par un comportement diligent de la part de la grand-mère paternelle.

65.  Les requérants relèvent qu'aucun comportement abusif ne peut leur être reproché, qui pourrait justifier la limitation de leur droit de visite à l'égard de l'enfant. Ils font valoir également que le vendredi, l'enfant fréquente l'école maternelle jusqu'à 13h00, ce qui restreint en réalité la durée de la visite, que les visites à son domicile, qui est en réalité celui de ses grands-parents paternels, ne sont pas possibles en raison des relations conflictuelles avec ces derniers, et que la possibilité d'emmener l'enfant dans des aires de loisirs dans la ville est dépourvue d'applicabilité dans la mesure où la ville n'est pas dotée d'espaces d'agrément fermés et que les températures très basses pendant la saison froide ne permettent pas de sortir l'enfant.

66.  Les requérants ajoutent que dans la procédure qui a donné lieu au jugement du 6 mai 2004, leurs demandes de preuve n'ont pas été admises et que leurs arguments n'ont pas été examinés par le tribunal.

67.  Le Gouvernement note, à titre liminaire, que la manière dont les juridictions nationales ont établi le programme de visite ne constitue pas per se une ingérence dans le droit des requérants au respect de leur vie familiale.

68.  A titre subsidiaire, il considère que les décisions des juridictions nationales, qui déterminent l'étendue du droit de visite des requérants constituent une mesure conforme aux dispositions de la Convention, dans la mesure où elle est prévue par la loi no 272/2004 sur la protection des droits de l'enfant et le code de la famille, poursuit un but légitime à savoir la sauvegarde de l'intérêt supérieur de l'enfant et est nécessaire dans une société démocratique.

69.  Le Gouvernement note également que les motifs retenus par les juridictions nationales pour établir le droit de visite sont pertinents et suffisants. Selon lui, en partant des circonstances concrètes de l'affaire, les juridictions nationales ont tenu compte de l'intérêt supérieur de l'enfant et ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts de ce dernier et ceux des requérants. Il ajoute que dans la procédure, les requérants ont eu un rôle suffisamment important pour défendre leurs intérêts.

b)  L'appréciation de la Cour

70.  La Cour rappelle que, pour un parent et son enfant, être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale, même si la relation entre les parents s'est rompue, et que des mesures internes qui les en empêchent constituent une ingérence dans le droit protégé par l'article 8 de la Convention (voir, entre autres, les arrêts Johansen c. Norvège, 7 août 1996, § 52, Recueil des arrêts et décisions 1996‑III et Bronda c. Italie, 9 juin 1998, § 51, Recueil des arrêts et décisions 1998‑IV). Après divorce, il est généralement dans l'intérêt de l'enfant que les liens entre lui et sa famille soient maintenus (Gnahoré c. France, no 40031/98, § 59, CEDH 2000‑IX).

71.  Dans les circonstances de l'affaire, les décisions établissant le programme de visite des requérants à huit heures par semaine s'analysent en une ingérence dans l'exercice de leur droit au respect de la vie familiale. Il en va de même lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, également des relations entre un enfant ayant vécu pendant un certain temps avec ses grands-parents (Bronda c. Italie, 9 juin 1998, § 51, Recueil des arrêts et décisions 1998‑IV et voir le paragraphe 20 ci-dessus).

72.  L'ingérence était prévue par la loi. Fondée sur les dispositions du code de la famille, la mesure contestée par les requérants visait à l'évidence la protection des intérêts de l'enfant. Elle poursuivait donc un but légitime au sens du paragraphe 2 de l'article 8 de la Convention.

73.  Pour rechercher si la mesure litigieuse était « nécessaire dans une société démocratique », la Cour examinera, à la lumière de l'ensemble de l'affaire, si les motifs invoqués pour la justifier étaient pertinents et suffisants aux fins du paragraphe 2 de l'article 8 précité. Sans doute, l'examen de ce qui sert au mieux l'intérêt de l'enfant est toujours d'une importance cruciale dans toute affaire de cette sorte. Certes, un juste équilibre doit être ménagé entre les intérêts de l'enfant et ceux du parent (voir, par exemple, Olsson c. Suède (no 2), 27 novembre 1992, § 90, série A no 250). Ce faisant, la Cour attachera une importance particulière à l'intérêt supérieur de l'enfant, qui, selon sa nature et sa gravité, peut l'emporter sur celui du parent. En particulier, l'article 8 de la Convention ne saurait autoriser le parent à faire prendre des mesures préjudiciables à la santé et au développement de l'enfant (Johansen précité, § 78).

74.  En l'espèce, les juridictions nationales ont fondé leurs décisions sur l'intérêt supérieur de l'enfant. Elles se sont appuyées sur le fait que la garde de l'enfant avait été attribuée à son père et que le mineur continuait à vivre avec ses grands-parents paternels, avec qui il vivait de longue date, sa grand-mère ayant la curatelle. Elles ont clairement pris en compte le très jeune âge de l'enfant et les conséquences que les changements de ce programme pourraient avoir pour lui. De plus, elles ont jugé que le rétablissement des liens entre l'enfant et les requérants devait se faire lentement. En prenant en compte les relations tendues entre les requérants et les grands-parents paternels, les juridictions nationales ont aménagé le programme de visite afin de permettre aux intéressés de se retrouver seuls avec l'enfant.

75.  Ayant à l'esprit le fait que les autorités nationales bénéficient de rapports directs avec tous les intéressés (Elsholz, précité, § 48), la Cour ne doute pas de la pertinence des motifs retenus par les juridictions nationales. Toutefois, il y a lieu de déterminer, en fonction des circonstances de l'espèce et notamment de la gravité des décisions à prendre, si les requérants ont pu jouer dans le processus décisionnel, considéré comme un tout, un rôle suffisamment important pour leur assurer la protection requise de leurs intérêts (W. c. Royaume-Uni, 8 juillet 1987, § 64, série A no 121, Elsholz, précité, § 52, et Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 68, CEDH 2003‑VIII).

76.  En ce sens, la Cour observe que les requérants, représentés par un conseil, ont eu la possibilité de faire valoir leurs arguments dans la procédure et de présenter des preuves. Les intéressés ont renoncé à l'audition d'un témoin et, par le biais de leur conseil, ils ont affirmé qu'ils n'entendaient pas présenter d'autres preuves. De plus, le tribunal de première instance à rejeté de manière motivée leur demande de preuve concernant un enregistrement audio (paragraphe 29 ci-dessus).

77.  S'agissant de l'allégation des requérants relative au défaut d'analyse de leurs arguments par les juridictions nationales, il ressort du dossier que le tribunal de première instance a examiné leur demande de manière détaillée. Pour ce qui est des moyens de recours des requérants, le tribunal départemental a confirmé la décision de la juridiction inférieure. La Cour estime qu'en statuant ainsi, le tribunal départemental a incorporé les motifs retenus par le tribunal de première instance (a contrario, Albina c. Roumanie, 28 avril 2005, no 57808/00, § 34).

78.  En conclusion, rien n'autorise à penser que le processus décisionnel ayant conduit les juridictions nationales à prendre la mesure litigieuse n'a pas été équitable ou n'a pas permis aux requérants de jouer un rôle suffisant pour protéger leurs intérêts (R.R. c. Roumanie (no 1) (déc.), no 1188/05, 12 février 2008).

79.  Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

3.  Sur la mise en œuvre du droit de visite fixé lors de l'action en référé

80.  La Cour constate que le grief concernant l'impossibilité des requérants de faire exécuter le jugement du 6 mai 2004 portant sur le droit de visite n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

81.  Les requérants se plaignent du fait que les autorités nationales ne les ont pas assistés dans l'exécution du jugement définitif du 6 mai 2004 du tribunal de première instance de Târgu Lăpuş. Ils allèguent que les autorités sont restées passives devant le refus des grands-parents paternels de respecter le droit de visite avec l'enfant.

82.  Pendant ses périodes de présence en Roumanie, la première requérante souligne qu'elle a essayé de rendre visite à son enfant, au début au domicile des grands-parents paternels, et, ultérieurement, en raison de la dégradation des relations avec ces derniers, à l'école. Pendant cette période, les autorités locales compétentes n'ont pas joué un rôle actif dans la médiation du différend existant entre elle et les grands-parents paternels afin de rendre possibles ses rencontres avec son enfant. A supposer même qu'après l'année 2004, elle n'a pas demandé l'assistance des autorités pour l'exécution du jugement du 6 mai 2004, elle estime que les autorités nationales n'ont pas rempli leurs obligations positives d'exercer un contrôle effectif et continu sur la manière dont les droits de l'enfant ont été respectés. Elle souligne qu'en 2003 et 2004, elle a demandée à plusieurs reprises par écrit aux autorités locales de l'assister, mais que ses démarches n'ont eu aucune suite.

83.  Les deux derniers requérants soulignent qu'ils ont été empêchés d'avoir des contacts avec leur petit-fils, comme le leur permettait le jugement du 6 mai 2004, en raison de l'opposition des grands-parents paternels. Ils ajoutent qu'ils ont déposé une plainte pénale auprès de la police locale afin de faire constater le refus des grands-parents paternels de respecter le jugement précité et qu'un non-lieu a été rendu dans l'affaire, cette décision ne leur étant communiquée que le 6 mai 2010, date à laquelle la responsabilité pénale des grands-parents paternels était déjà prescrite. Ils ajoutent que, bien qu'ils se soient présentés à plusieurs reprises au domicile de leur petit-fils, ils n'ont pas pu avoir de contacts avec lui. Ils estiment que les autorités locales, la police et les juridictions nationales, par leur attitude, ont manifesté un parti pris pour les grands-parents paternels. De plus, elles ont découragé le dernier requérant dans ses démarches en lui infligeant une amende contraventionnelle pour trouble à l'ordre public, lors de la visite du 1er août 2004 au domicile de l'enfant (paragraphe 40 in fine ci-dessus).

84.  Les requérants estiment enfin que, compte tenu des décisions définitives déjà rendues dans l'affaire, une nouvelle procédure fondée sur le droit commun pour obtenir un droit de visite définitif ne modifierait pas la situation. Par ailleurs, ils ajoutent que l'enfant est manipulé par son père et ses grands-parents paternels et que ses déclarations lors d'un interrogatoire dans le cadre d'une nouvelle procédure seraient prévisibles. Ils exposent qu'afin d'éviter toute trauma supplémentaire à l'enfant, ils n'ont pas entrepris d'autres mesures d'exécution en acceptant de rendre visite à l'enfant à l'école, dans l'espoir d'améliorer, avec le temps, leurs relations avec H.P.

85.  Le Gouvernement fait remarquer que le droit de visite des requérants a été établi à la suite d'une action en référé, avec un caractère provisoire, jusqu'au moment où l'action au fond serait tranchée. Il relève que l'action en référé a été examinée avec diligence par les juridictions nationales.

86.  Le Gouvernement considère que l'État a mis à la disposition des requérants des moyens suffisants et efficaces pour l'exécution du jugement du 6 mai 2004. Dès lors, il appartenait aux requérants d'agir avec diligence et d'utiliser les moyens mis à leur disposition pour obtenir l'exécution du jugement, ce que, selon lui, ils n'ont pas fait.

87.  A cet égard, il relève que, bien que les requérants aient fait appel à un huissier de justice pour les assister dans l'exécution du jugement du 6 mai 2004, ils n'ont pas engagé de contestation à l'exécution ou une action disciplinaire contre l'huissier afin de contester les actes d'exécution. De plus, ils n'ont pas fait d'autres démarches auprès de l'huissier afin de demander la poursuite de l'exécution du jugement en cause. Par ailleurs, après novembre 2004, les requérants n'ont pas informé l'autorité tutélaire de leur impossibilité de voir l'enfant. En tout état de cause, ces autorités, qui ont suivi la situation de l'enfant, ont noté que la dernière rencontre entre les requérants et H.P. aurait eu lieu le 24 avril 2009, à l'école. Pour ce qui est de la première requérante, il était difficile pour les autorités de prendre les mesures nécessaires, dans la mesure où elle était partie à l'étranger.

88.  Le Gouvernement note enfin qu'à la suite d'un examen psychologique, il a été établi que H.P. souffrait de troubles émotionnels en raison des conflits familiaux. En outre, il a été recommandé de ne plus exposer l'enfant aux conflits familiaux et de ne plus le remettre aux requérants contre son gré.

1.  Appréciation de la Cour

a)  Les principes généraux

89.  La Cour renvoie d'emblée aux principes fondamentaux se dégageant de sa jurisprudence applicables en la matière qu'elle a déjà mentionnés au paragraphe 70 ci-dessus. Elle rappelle qu'il en va de même lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, de relations entre un enfant et ses grands-parents, d'autant plus que ces derniers bénéficient d'une décision de justice reconnaissant leur droit à avoir des contacts avec l'enfant (mutatis mutandis Bronda précité, § 51).

90.  La Cour rappelle à cet égard que si l'article 8 tend pour l'essentiel à prémunir l'individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics, il engendre de surcroît des obligations positives inhérentes à un « respect » effectif de la vie familiale. Dans un cas comme dans l'autre, il faut avoir égard au juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents de l'individu et de la société dans son ensemble ; de même, dans les deux hypothèses, l'État jouit d'une certaine marge d'appréciation (Keegan c. Irlande, 26 mai 1994, § 49, série A no 290).

91.  S'agissant de l'obligation pour l'État d'arrêter des mesures positives, la Cour a déclaré à de nombreuses reprises que l'article 8 implique le droit d'un parent à des mesures propres à le réunir à son enfant et l'obligation pour les autorités nationales de les prendre (voir, par exemple, Ignaccolo‑Zenide c. Roumanie, no 31679/96, § 94, CEDH 2000-I, et Nuutinen c. Finlande, no 32842/96, § 127, CEDH 2000-VIII).

92.   Toutefois, l'obligation pour les autorités nationales de prendre des mesures à cet effet n'est pas absolue, car il arrive que la réunion d'un parent à ses enfants vivant depuis un certain temps avec l'autre parent ne puisse avoir lieu immédiatement et requière des préparatifs. La nature et l'étendue de ceux-ci dépendent des circonstances de chaque espèce, mais la compréhension et la coopération de l'ensemble des personnes concernées en constituent toujours un facteur important. Si les autorités nationales doivent s'évertuer à faciliter pareille collaboration, une obligation pour elles de recourir à la coercition en la matière ne saurait être que limitée : il leur faut tenir compte des intérêts et des droits et libertés de ces mêmes personnes, et notamment des intérêts supérieurs de l'enfant et des droits que lui reconnaît l'article 8 de la Convention. Dans l'hypothèse où des contacts avec les parents risquent de menacer ces intérêts ou de porter atteinte à ces droits, il revient aux autorités nationales de veiller à un juste équilibre entre eux (Hokkanen précité, § 58, et Ignaccolo-Zenide, précité, § 94).

b)  L'application des principes généraux en l'espèce

93.  La Cour note en premier lieu qu'il n'est pas contesté en l'espèce que le lien entre les requérants et H.P. relève de la vie familiale au sens de l'article 8 de la Convention.

i)  Période à prendre en considération

94.  Pour ce qui est du jugement rendu en référé le 6 mai 2004, tel que confirmé par l'arrêt du 3 novembre 2004, le Gouvernement estime que celui-ci a cessé de produire ses effet le 14 mars 2005, date du prononcé de la décision finale dans la procédure portant sur l'attribution de la garde. Selon lui, après cette date, les requérants auraient dû introduire une nouvelle demande pour l'établissement de leur droit de visite définitif.

95.  La Cour a déjà noté que, le droit interne, même s'il définit le caractère temporaire des ordonnances en référé, ne donne aucune précision sur la procédure à suivre dans le cas où la décision finale rendue dans la procédure portant sur la garde de l'enfant ne contient aucune disposition quant au droit de visite du parent qui ne s'est pas vu octroyer la garde de l'enfant (Costreie précité, § 76). En l'espèce, la décision au fond a statué seulement sur la garde de l'enfant et ne s'est pas prononcée sur les droits de visite des requérants.

96.  Toutefois, la Cour estime que la présente affaire se distingue de l'affaire Costreie c. Roumanie précitée. En l'occurrence, à la différence de l'affaire Costreie, les autorités nationales n'ont plus reconnu un caractère exécutoire au jugement de référé du 6 mai 2004, par leurs décisions ou par leurs démarches, après le prononcé de la décision finale dans la procédure concernant la garde de l'enfant (Costreie précité, §§ 75 et 77). En outre, la Cour rappelle qu'elle est arrivée à la conclusion que dans le cadre de la procédure portant sur la garde de l'enfant et celle concernant le droit de visite, le processus décisionnel a été équitable et a permis aux requérants de jouer un rôle suffisant pour protéger leurs intérêts (a contrario Ignaccolo-Zenide, précité, §§ 99-100 ; voir les paragraphes 62 et 76-78 ci-dessus).

97.  Dès lors, compte tenu de ce qui précède, la Cour ne prendra pas en considération la période qui s'est écoulée après le 14 mars 2005, date à laquelle l'action a été tranchée au fond. Après cette date, les requérants auraient pu faire valoir leur droits en engageant une action en justice afin de voir établir en leur faveur un droit de visite définitif.

ii)  Sur la mise en œuvre du droit de visite des requérants

98.  Le point décisif en l'espèce consiste à savoir si les autorités roumaines ont pris, pour faciliter l'exécution du jugement du 6 mai 2004 du tribunal de première instance de Târgu Lăpuş accordant aux requérants le droit de visite sur l'enfant, toutes les mesures que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elles (Hokkanen, précité, § 58).

99.  Il convient de rappeler que dans une affaire de ce genre, le caractère adéquat d'une mesure se juge à la rapidité de sa mise en œuvre. En effet, les procédures relatives au droit de visite, y compris l'exécution de la décision rendue à leur issue, appellent un traitement urgent, car le passage du temps peut avoir des conséquences irrémédiables sur les relations entre l'enfant et le parent qui ne vit pas avec lui (Costreie précité, § 81). En l'espèce, il en va d'autant plus ainsi que l'action introduite par les requérants est une action en référé. Or l'essence d'une telle action est de prémunir l'individu contre tout préjudice pouvant résulter du simple écoulement du temps (Ignaccolo-Zenide, précité, § 102).

100.  A titre liminaire, la Cour note que le Gouvernement indique que la première requérante se trouvait pendant des longues périodes à l'étranger. A l'instar du Gouvernement, la Cour admet qu'étant donné que la réalisation du droit de visite implique par lui-même la présence de la mère de l'enfant, il va de soi qu'en l'espèce, on ne saurait imposer aux autorités une obligation de faire exécuter le jugement du 6 mai 2004 en l'absence de l'intéressée. Toutefois, elle note que les parties ne l'ont pas informée des périodes où la première requérante se trouvait en Roumanie pendant la période allant du 6 mai 2004 au 14 mars 2005. D'après le dossier, elle a mandaté l'huissier de justice en vue de l'exécution et, après le 1er août 2004, elle a participé aux actes d'exécution.

101.  Cela étant, la Cour estime qu'il ne lui appartient de spéculer sur les périodes pendant lesquelles la première requérante était présente en Roumanie. Elle examinera la manière dont les autorités ont pris les mesures nécessaires et adéquates pour faciliter l'exécution du jugement en cause, en prenant en compte qu'il appartient également aux personnes intéressées d'avoir un comportement actif dans l'exécution du jugement (D. c. Pologne (déc.), no 8215/02, 14 mars 2006).

102.  Sur ce point, la Cour note que, bien que le 14 juillet 2004 les requérants aient mandaté un huissier de justice pour faire exécuter le jugement du 6 mai 2004, celui-ci ne fut investi de la formule exécutoire que deux semaines plus tard, à savoir le 29 juillet 2004 (paragraphe 42 ci-dessus), empêchant ainsi les requérants d'exercer leur droit de visite établi par le jugement en cause. Dans le contexte de l'affaire, la Cour n'est pas convaincue qu'un tel laps de temps, lequel n'est aucunement imputable aux requérants, cadre avec l'essence d'une telle action, qui implique l'urgence.

103.  Ultérieurement, bien que le jugement en cause ait prévu en faveur des requérants un droit de visite toutes les deux semaines, l'huissier de justice a fait le nécessaire pour mettre en œuvre le droit de visite des requérants une seule fois, à savoir le 13 août 2004, sans qu'après cette date il ait organisé d'autres rencontres. Il a même clos le dossier d'exécution avant que l'action au fond soit tranchée (paragraphes 44 ci-dessus). Par ailleurs, dans la mesure où le Gouvernement reproche aux requérants de ne pas avoir introduit une action disciplinaire contre l'huissier ou une contestation à l'exécution, la Cour estime que de telles actions ne sauraient passer pour suffisantes, car il s'agit là de voies indirectes d'exécution (mutatis mutandis, Ignaccolo-Zenide précité, § 111). Ainsi, après le 13 août 2004, les requérants n'ont pas pu exercer leur droit de visite tel que prévu par le jugement du 6 mai 2004 du tribunal de première instance de Târgu Lăpuş.

104.  Prenant note de la manière dont les requérants ont réussi à mettre en œuvre leur droit de visite, à savoir en contraignant l'enfant à se soumettre à la décision de justice (paragraphes 40 et 43 ci-dessus), la Cour tient à souligner que des mesures coercitives à l'égard des enfants ne sont pas souhaitables dans ce domaine délicat (Ignaccolo-Zenide précité, § 106). A cet égard, la police et l'huissier de justice qui étaient présents lors de l'exécution, n'ont pas estimé nécessaire de faire intervenir l'autorité spécialisée dans la protection de l'enfance, à savoir l'autorité de tutelle. Qui plus est, cette dernière autorité était déjà informée par la première requérante des relations tendues existant entre les parties (paragraphes 25-26 ci-dessus).

105.  Dans le cadre de leurs démarches, en novembre 2004, les requérants ont informé l'autorité de tutelle de leurs difficultés pour mettre en œuvre leur droit de visite établi par le jugement du 6 mai 2004. Or, cette autorité s'est limitée à transmettre aux requérants une lettre décrivant les relations existant entre les parties, en les assurant du comportement adéquat de la grand-mère paternelle envers les autorités (paragraphe 48 ci-dessus), ce qui ne répondait nullement aux difficultés liées à la mise en œuvre du droit de visite soulevées par les intéressés. L'autorité de tutelle a considéré que son intervention n'était pas en mesure, à elle seule, de résoudre les conflits entre les parties, l'intervention « d'autres autorités » étant nécessaire pour ce faire. Cependant, elle n'a pas informé les requérants de la nature ou du nom de ces « autres autorités » compétentes.

106.  S'il est vrai que l'autorité de tutelle a proposé aux deuxième et troisième requérants de les accompagner afin de remettre des cadeaux à l'enfant, il n'en reste pas moins qu'aucune mesure n'a été proposée pour rendre effectif le droit de visite qui n'avait pas été exercé depuis plusieurs mois. Or, comme la Cour l'a déjà mentionné, les autorités nationales, ayant un contact direct avec toutes les personnes concernées, sont les mieux placées pour déterminer et mettre en place les mesures les plus appropriées pour sauvegarder l'intérêt supérieur de l'enfant.

107.  Étant donné le jeune âge de l'enfant, l'intervention de l'autorité de tutelle était en l'espèce d'autant plus nécessaire qu'à la suite de l'examen psychologique réalisé le 19 octobre 2004, il a été établi que H.P. souffrait de troubles émotionnels à la suite des conflits familiaux et qu'il était recommandé de ne plus contraindre l'enfant à la réalisation du droit de visite. Ce constat alarmant, aurait dû non pas arrêter les autorités compétentes dans leurs démarches, mais les motiver pour organiser des contacts préparatoires entre les parties et l'enfant et solliciter davantage le concours de pédopsychiatres ou de psychologues afin de remédier à la situation (voir, mutatis mutandis, Amanalachioai c. Roumanie, no 4023/04, § 101, 26 mai 2009). L'autorité de tutelle, à laquelle l'article 108 du code de la famille conférait pourtant des pouvoirs suffisants en la matière, s'est bornée à constater que l'enfant était bien chez son père et ses grands-parents paternels et à faire office d'intermédiaire pour lui transmettre des colis. Ainsi, les fondements d'une dégradation potentiellement irrémédiable des relations entre les requérants et l'enfant ont été posés.

108.  La Cour note qu'après le 13 août 2004, aucune mesure n'a été prise par les autorités pour mettre en œuvre le droit de visite des requérants tel que défini dans le jugement du 6 mai 2004. De surcroît, après la lettre adressée par l'autorité de tutelle aux requérants en décembre 2004 (paragraphe 48 ci-dessus) et jusqu'à ce que l'action au fond portant sur le droit de garde soit tranchée, les autorités roumaines saisies de l'exécution du jugement précité ont fait preuve d'une inactivité totale. Or, dans la mesure où les requérants ont valablement saisi les autorités de l'exécution du jugement en cause et des difficultés rencontrées dans sa mise en œuvre, l'inaction des requérants ne pouvait relever les autorités des obligations leur incombant, en tant que dépositaires de la force publique, en matière d'exécution (Ignaccolo-Zenide précité, § 111).

109.  La Cour est consciente que les difficultés rencontrées dans l'exécution du jugement du 6 mai 2004 accordant aux requérants un droit de visite provenaient pour une large part de l'animosité entre les deux parents et leurs familles respectives. Cependant, c'est plus particulièrement lorsque la situation est conflictuelle entre les parties que les autorités sont appelées à intervenir, sans que, bien entendu, une obligation de résultat pèse à leur charge. La Cour ne saurait pourtant admettre, dans les circonstances de l'espèce, que l'on impute aux requérants de l'impuissance des décisions ou mesures pertinentes à instaurer des contacts effectifs (mutatis mutandis, Hokkanen précité, § 60).

110.  Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que les autorités compétentes n'ont pas consenti des efforts raisonnables pour faciliter des contacts réguliers entre les requérants et H.P., dans les conditions prévues par le jugement du 6 mai 2004. Par conséquent, nonobstant la marge d'appréciation dont jouissent les autorités compétentes en la matière, l'impossibilité pour les requérants d'exercer leur droit de visite, s'analyse en l'occurrence en une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie familiale garanti par l'article 8 de la Convention.

111.  Partant, il y a eu violation de l'article 8 de la Convention.

II.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

112.  Invoquant l'article 6 de la Convention, les requérants se plaignent de l'iniquité de la procédure portant sur la modification du droit de garde. Sous l'angle de l'article 13 de la Convention, ils se plaignent de ne pas avoir bénéficié d'un recours effectif, dans la mesure où l'appel et le recours dans la deuxième procédure concernant l'attribution du droit de garde ont été jugés par la même cour d'appel. Sur le terrain de l'article 14 de la Convention et de l'article 5 du Protocole no 7 à la Convention, ils allèguent enfin avoir subi une discrimination injustifiée de la part des tribunaux internes, qui enfreindrait, selon eux, le principe de l'égalité entre époux.

113.  Quant au grief tiré de l'article 6 de la Convention, la Cour note que les requérants ont bénéficié d'une procédure contradictoire. Ils ont pu présenter, aux divers stades de celle-ci, les arguments qu'ils estimaient pertinents pour la défense de leurs intérêts, et les décisions de rejet de leur action ont été motivées par les juridictions nationales. La Cour ne décèle dans la procédure litigieuse, envisagée dans son ensemble, aucune apparence d'iniquité ou d'arbitraire susceptible de poser problème au regard de l'article 6 § 1 de la Convention. Compte tenu également des conclusions auxquelles elle est parvenue sur le terrain de l'article 8 à ce sujet (paragraphe 62 ci-dessus), la Cour constate que le présent grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

114.  Quant au grief tiré de l'article 13 de la Convention, la Cour note qu'il vise en réalité le prétendu défaut d'impartialité des tribunaux internes et qu'il convient de l'analyser sous l'angle de l'article 6 de la Convention. Or, elle rappelle qu'elle a déjà jugé que le fait que la même juridiction statue sur deux voies de recours dans le cadre d'une procédure ne constitue pas un motif de suspicion légitime quant à l'impartialité de cette juridiction, pour autant que les formations de jugement qui ont successivement connu de l'affaire aient été différentes, ce qui était le cas en l'espèce (Paroisse gréco-catholique Ticvaniul Mare c. Roumanie, (déc.), no 2534/02, 24 octobre 2006). Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

115.  La Cour note enfin que les griefs tirés de l'article 14 de la Convention et de l'article 5 du Protocole no 7 à la Convention ne sont pas étayés. Compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n'a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par les articles précités. Par ailleurs, pour ce qui est des deux derniers requérants, ils ne peuvent passer pour avoir subi un quelconque préjudice du fait d'une prétendue inégalité de traitement entre la première requérante et son ex-époux, qui leur permette de se prétendre victimes d'une violation de l'article 5 du Protocole no 7 à la Convention. Il s'ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application des articles 34 et 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

III.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

116.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

117.  La première requérante réclame 25 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu'elle aurait subi. Les deuxième et troisième requérants réclament conjointement 15 000 EUR au titre du préjudice moral.

118.  Le Gouvernement considère que le lien de causalité entre la prétendue violation de la Convention et le préjudice moral invoqué n'a pas été prouvé, et que les sommes sollicitées sont excessives par rapport à la jurisprudence de la Cour en la matière. Selon lui, un éventuel arrêt de condamnation pourrait constituer, par lui-même, une réparation suffisante du préjudice moral prétendument subi.

119.  La Cour note que la seule base à retenir pour l'octroi d'une satisfaction équitable réside en l'espèce dans le constat de violation de l'article 8 de la Convention en raison de l'impossibilité pour les requérants de voir mis en œuvre le droit de visite prévu en leur faveur par le jugement du 6 mai 2004 du tribunal de première instance de Târgu Lăpuş. Elle considère qu'il y a lieu d'octroyer 5 000 EUR à la première requérante et 5 000 EUR, conjointement, aux deuxième et troisième requérants, au titre du préjudice moral.

B.  Frais et dépens

120.  La première requérante demande également 10 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et la Cour.

121.  Le Gouvernement relève que seuls les frais engagés dans les procédures internes qui ont donné lieu à une violation peuvent être remboursés. Il souligne que la requérante n'a pas assorti sa demande des justificatifs pertinents.

122.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens de la procédure nationale, estime raisonnable la somme de 2 500 EUR pour la procédure devant la Cour et l'accorde à la première requérante.

C.  Intérêts moratoires

123.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1.  Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l'article 8 de la Convention pour ce qui est de la mise en œuvre du droit de visite des requérants reconnu par le jugement du 6 mai 2004 du tribunal de première instance de Târgu Lăpuş, et irrecevable pour le surplus ;

2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 8 de la Convention ;

3.  Dit

a)  que l'État défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en monnaie nationale, au taux applicable à la date du règlement :

i. 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, à la première requérante, pour dommage moral ;

ii. 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, conjointement, aux deuxième et troisième requérants, pour dommage moral ;

iii. 2 500 EUR (deux mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour frais et dépens à la première requérante ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 2 novembre 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Santiago QuesadaJosep Casadevall
GreffierPrésident

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE NISTOR c. ROUMANIE, 2 novembre 2010, 14565/05