CEDH, Cour (première section), AFFAIRE TSOUKALAS c. GRECE, 22 juillet 2010, 12286/08

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Chronologie de l’affaire

Commentaires2

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CEDH · 22 juillet 2010

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CEDH · 16 juillet 2010

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Première Section), 22 juill. 2010, n° 12286/08
Numéro(s) : 12286/08
Type de document : Arrêt
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 13
Identifiant HUDOC : 001-100004
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2010:0722JUD001228608
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Sur les parties

Texte intégral

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE TSOUKALAS c. GRÈCE

(Requête no 12286/08)

ARRÊT

STRASBOURG

22 juillet 2010

DÉFINITIF

22/10/2010

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Tsoukalas c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l'homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Nina Vajić, présidente,
Christos Rozakis,
Khanlar Hajiyev,
Dean Spielmann,
Sverre Erik Jebens,
Giorgio Malinverni,
George Nicolaou, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er juillet 2010,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 12286/08) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Nikolaos Tsoukalas (« le requérant »), a saisi la Cour le 21 février 2008 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant est représenté par Me D. Baratis, avocat à Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les délégués de son agent, M. G. Kanellopoulos, conseiller auprès du Conseil juridique de l'Etat, et Mme G. Papadaki, auditrice auprès du Conseil juridique de l'Etat.

3.  Le requérant allègue en particulier un dépassement du « délai raisonnable » de la procédure (article 6 § 1 de la Convention).

4.  Le 3 septembre 2009, la présidente de la première section a décidé de communiquer les griefs tirés des articles 6 § 1 et 13 de la Convention au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 1 de la Convention, elle a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

5.  Le requérant est né en 1943 et réside à Athènes.

6.  Le requérant était fonctionnaire au ministère de la Défense nationale. Par un acte du 9 septembre 1997, le ministère de l'Economie lui accorda, à compter du 2 juillet 1997, une pension de retraite de 215 950 drachmes (633,75 euros) par mois.

7.  Le requérant ne toucha jamais l'intégralité de cette somme, car à chaque versement l'Etat retenait mensuellement une contribution spéciale à son profit, instituée par l'article 20 § 3 de la loi 2084/1992 (tel que modifié par les lois 2592/1998 et 3234/2004).

8.  Le 13 juillet 2004, le requérant demanda au ministère de l'Economie de cesser de retenir cette contribution et de lui restituer, avec intérêts légaux, les montants ainsi retenus pour la période du 2 juillet 1997 au 1er juillet 2004. A l'appui de ses allégations, il invoquait l'article 1 du Protocole no 1.

9.  Le 15 juillet 2004, le ministère de l'Economie rejeta la demande du requérant. Il précisait qu'une ristourne ne pouvait avoir lieu que sur la base d'une décision définitive de la Cour des comptes.

10.  Le 29 octobre 2004, le requérant saisit la Cour des comptes. Se conformant aux dispositions pertinentes de la loi, le requérant déposa l'acte introductif d'instance à la Comptabilité générale de l'Etat. Invoquant l'article 1 du Protocole no 1, il demandait une ristourne des sommes retenues sur sa pension de retraite pour la période du 2 juillet 1997 au 1er juillet 2004.

11.  En vertu de l'article 2 § 1 de la loi 3408/2005, entrée en vigueur le 4 novembre 2005, le requérant s'est vu restituer certaines sommes pour la période du 1er janvier 2001 au 30 juin 2004.

12.  Le 5 mai 2006, la Comptabilité générale de l'Etat transmit l'acte introductif d'instance à la Cour des comptes. Cette dernière réceptionna l'acte le 24 mai 2006.

13.  Le 22 novembre 2007, le requérant formula une demande invitant la Cour des comptes à examiner son recours en priorité, mais en vain.

14.  Le 7 février 2008, le dossier fut attribué à un juge rapporteur.

15.  Par un arrêt du 17 mars 2008, notifié au requérant le 3 octobre 2008, la Cour des comptes rejeta le recours. Se fondant sur sa jurisprudence antérieure, la Cour des comptes réitéra que les dispositions de l'article 26 de la loi 2592/1998 étaient contraires à l'article 1 du Protocole no 1 et par conséquent le refus du ministre d'interrompre le versement de la contribution était illégal. Toutefois, l'article 1 de la loi 3245/2004 a supprimé cette contribution à partir du 1er juillet 2004 et l'article 2 § 1 de la loi 3408/2005 a réglé la ristourne des sommes retenues sur les pensions des retraites des fonctionnaires du 1er janvier 2001 au 30 juin 2004. La prétention du requérant pour la période allant du 1er janvier 2001 au 30 juin 2004 était donc satisfaite alors que pour la période antérieure, la prétention était prescrite.

16.  Le 24 octobre 2008, le requérant se pourvut en cassation contre cet arrêt devant la même juridiction. En ce qui concerne le grief relatif à l'article 1 du Protocole no 1, il se plaignait de la brièveté du délai de prescription pour les prétentions contre l'Etat, d'une durée de trois ans, qui fut utilisée dans son cas, et qui est prévue par l'article 90 § 2 de la loi 2362/1995 sur la comptabilité publique. Il précisait que la Cour des comptes aurait dû appliquer l'article 90 § 1 de cette loi, qui prévoit une prescription quinquennale. Il soutenait que ses prétentions pour la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2000 n'étaient pas prescrites car l'article 90 § 2 de la loi 2362/1995 était contraire à la Constitution et à l'article 1 du Protocole no 1.

17.  La procédure est encore pendante.

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

18.  L'article 20 § 3 de la loi 2084/1992 relative à la restructuration de la sécurité sociale dispose :

« Une contribution spéciale provisoire et mensuelle au bénéfice de l'Etat est imposée aux pensions de retraite et allocations versées par celui-ci à partir du 1er janvier 1998 comme suit : pour des pensions jusqu'à 120 000 drachmes, un pourcentage de 1%. Pour des pensions de 120 001 à 200 000 drachmes, un pourcentage de 2%. Pour des pensions de 200 001 à 300 000 drachmes, un pourcentage de 3%. Pour des pensions de 300 001 à 400 000 drachmes un pourcentage de 4%. Pour des pensions supérieures à 400 000 drachmes, un pourcentage de 5%. Sont exemptées de cette contribution les pensions inférieures à 120 000 drachmes (...). La date à laquelle cette contribution prendra fin ne sera pas antérieure au 31 décembre 2001 et aura lieu par décret présidentiel (...) »

19.  Cet article a été modifié par l'article 26 de la loi 2592/1998.

20.  L'article 1 § 1 de la loi 3245/2004 a supprimé, à compter du 1er juillet 2004, la contribution spéciale au bénéfice de l'Etat.

21.  L'article 3 § 1 de la loi 3234/2004, mettant à jour les pensions de retraite de l'Etat, dispose que la contribution spéciale mensuelle au bénéfice de l'Etat, qui a été instituée par les dispositions de l'article 20 § 3 de la loi 2084/1992, puis par celles de l'article 26 de la loi 2592/1998 sera supprimée à compter du 1er janvier 2008.

22.  Les dispositions pertinentes de la loi no 2362/1995 prévoient :

Article 86

Prescription des créances dont l'Etat est bénéficiaire

« (...)

2. Une créance dont l'Etat est bénéficiaire, assortie des amendes y afférentes, est prescrite cinq ans après la fin de l'année au cours de laquelle celle-ci avait été enregistrée au sens strict du terme (...).

3. Une créance dont l'Etat est bénéficiaire et

a) qui découle d'un contrat que celui-ci avait conclu (...)

(...)

c) qui concerne des créances périodiques

(...)

est prescrite vingt ans après la fin de l'année au cours de laquelle celle-ci avait été enregistrée au sens strict du terme. »

Article 90

Prescription des prétentions contre l'Etat

« 1. Toute prétention contre l'Etat est considérée prescrite après cinq ans (...).

2. La prétention contre l'Etat pour le remboursement des sommes indûment ou illégalement perçues est prescrite trois ans après le versement.

3. Les prétentions contre l'Etat de tous les fonctionnaires, employés en vertu d'un contrat de droit public ou de droit privé, qui concernent des salaires ou des traitements de toute nature ou des indemnités (...) sont prescrites deux ans après la date de naissance dudit droit.

(...) »

23.  Les articles 105 et 106 de la loi d'accompagnement du code civil se lisent comme suit :

Article 105

« L'Etat est tenu de réparer le dommage causé par les actes illégaux ou omissions de ses organes lors de l'exercice de la puissance publique, sauf si l'acte ou l'omission a eu lieu en méconnaissance d'une disposition destinée à servir l'intérêt public. La personne fautive est solidairement responsable avec l'Etat, sous réserve des dispositions spéciales sur la responsabilité des ministres. »

Article 106

« Les dispositions des deux articles précédents s'appliquent aussi en matière de responsabilité des collectivités territoriales ou d'autres personnes morales de droit public pour le dommage causé par les actes ou omissions de leurs organes. »

24.  Cette disposition établit le concept d'acte dommageable spécial de droit public, créant une responsabilité extracontractuelle de l'Etat. Cette responsabilité résulte d'actes ou omissions illégaux. Les actes concernés peuvent être non seulement des actes juridiques, mais également des actes matériels de l'administration, y compris des actes non exécutoires en principe (Kyriakopoulos, Commentaire du code civil, article 105 de la loi d'accompagnement du code civil, no 23; Filios, Droit des contrats, partie spéciale, volume 6, responsabilité délictuelle 1977, par. 48 B 112 ; E. Spiliotopoulos, Droit administratif, troisième édition, par. 217; arrêt no 535/1971 de la Cour de cassation; Nomiko Vima, 19e année, p. 1414; arrêt no 492/1967 de la Cour de cassation ; Nomiko Vima, 16e année, p. 75). La recevabilité de l'action en réparation est soumise à une condition : la nature illégale de l'acte ou de l'omission.

25.  Par un jugement no 15006/2008 du 31 octobre 2008, le tribunal administratif d'Athènes jugea ainsi :

« (...) l'Etat est tenu à dédommager autrui au titre de l'article 105 de la loi d'accompagnement du code civil, dès lors qu'il y a acte ou omission ou agissement matériel illégal de ses organes, c'est-à-dire lorsque l'acte ou l'omission ou l'agissement viole une règle de droit protégeant un droit précis d'un particulier ou intérêt précis et par conséquent lorsqu'elle viole l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en vertu duquel est institué le droit de chaque individu à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable. La responsabilité de l'Etat à indemniser existe indépendamment de la question de savoir si les organes du pouvoir judiciaire ont contribué à la violation de la disposition en question à cause du délai qu'ils ont mis pour fixer l'audience et juger les affaires devant les juridictions internes ou pour rendre les jugements afférents, car ce délai est fonction du mode d'organisation du système judiciaire (personnel, moyens techniques et infrastructures, organisation des procédures etc.) par l'Etat, qui doit l'organiser de manière à ce que les juridictions satisfassent aux exigences de la disposition précitée. L'éventuelle responsabilité individuelle des magistrats pour le retard apporté lors du jugement d'une affaire au-delà du temps raisonnable ainsi que l'indépendance individuelle et fonctionnelle des magistrats, prévue par la Constitution, ne suffisent pas à dispenser, dans ce cas, l'Etat de sa responsabilité civile. Cette dernière peut être fondée sur l'article 105 de la loi d'accompagnement du code civil, étant donné que le législateur grec n'a pas prévu de voie légale spécifique en vue de la réparation du préjudice subi à cause de ces retards, puisque dans le cas contraire, les personnes lésées auraient été dépourvues de la protection légale à l'égard des juridictions nationales accordée par l'article 20 § 1 de la Constitution (...) ».

26.  Le tribunal administratif a statué ainsi dans le cadre d'une action fondée sur l'article 105 de la loi d'accompagnement du code civil, qu'il a rejeté en l'espèce, et qui était introduite le 6 juillet 2006.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 6 ET 13 DE LA CONVENTION

27.  Le requérant se plaint de la durée de la procédure devant la Cour des comptes. Il se plaint aussi de l'absence d'un recours effectif pour corriger ou réparer les conséquences de la durée déraisonnable de la procédure. Il invoque les articles 6 et 13 de la Convention qui disposent :

Article 6 § 1

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »

A.  Sur la recevabilité

1.  Incompatibilité ratione materiae

28.  Le Gouvernement invite la Cour à rejeter ces griefs comme incompatibles ratione materiae avec la Convention, car la procédure devant la Cour des comptes n'était pas directement déterminante pour les droits de caractère civil du requérant au sens de l'article 6 § 1 de la Convention. Suite à l'adoption de la loi 3245/2004, qui a supprimé la contribution mensuelle spéciale à partir du 1er juillet 2004, et de la loi 3408/2005, qui a réglé la question de la ristourne des sommes indûment versées pour la période du 1er janvier 2001 au 30 juin 2004, la procédure devant la Cour des comptes est devenue purement formelle car la loi avait déjà réglé de manière favorable les prétentions du requérant. En ce qui concerne la période du 2 juillet 1997 au 30 juin 2004, pour laquelle la Cour des comptes a estimé que la prétention du requérant était prescrite par le jeu de l'article 90 § 2 de la loi 2362/1995, le requérant ne pouvait en espérer une issue favorable, la même juridiction ayant déjà tranché la question dans des arrêts antérieurs.

29.  Le requérant prétend que si la thèse du Gouvernement était pertinente, la Cour des comptes n'aurait pas mis quatre ans et trois mois pour rejeter le recours mais l'aurait déclaré immédiatement irrecevable.

30.  La Cour rappelle que selon les principes dégagés par sa jurisprudence, elle doit d'abord rechercher s'il y avait « contestation » sur un « droit » que l'on peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne. Il doit s'agir d'une contestation réelle et sérieuse ; elle peut concerner aussi bien l'existence d'un droit que son étendue ou ses modalités d'exercice. L'issue de la procédure doit être directement déterminante pour un tel droit (voir, parmi beaucoup d'autres, Athanassoglou et autres c. Suisse [GC], no 27644/95, § 43, CEDH 2000‑IV). Enfin, celui-ci doit revêtir un caractère « civil ».

31.  La Cour constate qu'à la suite du refus de l'administration de cesser de retenir la contribution spéciale au profit de l'Etat et de restituer au requérant les montants retenus, une contestation avait surgi entre le requérant et ladite administration. La contestation était sans nul doute réelle et sérieuse car, à la date de la saisine de la Cour des comptes, elle portait sur une partie de la retraite du requérant pour la période allant du 2 juillet 1997 au 1er juillet 2004. La Cour note que, par une loi entrée en vigueur le 4 novembre 2005, une partie de la somme réclamée par le requérant correspondant aux retenues opérées entre le 1er janvier 2001 et le 30 juin 2004, devait lui être restituée. Restent en suspens et le restent encore suite au pourvoi introduit par le requérant à l'encontre de l'arrêt du 17 mars 2008, les sommes correspondantes entre le 2 juillet 1997 et le 31 décembre 2000. L'issue de la procédure était et reste encore déterminante car elle portait sur l'existence du droit du requérant à obtenir une partie de sa pension de retraite.

32.  La Cour rejette donc l'exception dont il s'agit.

2.  Non-épuisement des voies de recours internes

33.  S'agissant de l'article 6, le Gouvernement soutient que le requérant n'a pas épuisé les voies de recours internes, faute d'avoir utilisé le recours prévu à l'article 105 de la loi d'accompagnement du code civil.

34.  Le requérant conteste l'efficacité de ce recours. Il se prévaut de la jurisprudence de la Cour concernant la Grèce, selon laquelle l'ordre juridique hellénique n'offre pas aux intéressés un recours effectif au sens de l'article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d'une procédure (voir, en dernier lieu, Kyriazis c. Grèce, no 35806/07, § 28 ; 4 juin 2009). Le requérant cite aussi plusieurs décisions judiciaires par lesquelles les juridictions internes ont rejeté des actions en dommages-intérêts fondées sur l'article 105 de la loi d'accompagnement du code civil, lorsqu'un juge avait violé l'article 6 de la Convention.

35.  La Cour considère que l'objection du Gouvernement est étroitement liée à la substance du grief énoncé par le requérant sur le terrain de l'article 13. Elle joint donc l'objection au fond.

36.  Par ailleurs, la Cour constate que les griefs relatifs aux articles 6 et 13 ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l'article 35 § 3 de la Convention et qu'ils ne se heurtent à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.

B.  Sur le fond

1.  Article 13

37.  Le requérant réitère les arguments qu'il a développés quant à la question de l'épuisement des voies de recours internes, en se fondant sur la jurisprudence de la Cour et celle des juridictions internes. Selon lui, lorsqu'une procédure dépasse le délai raisonnable, l'ordre juridique interne devrait aussi offrir aux intéressés un recours permettant d'obtenir son accélération.

38.  Le Gouvernement soutient que suite au jugement no 15006/2008 du tribunal administratif d'Athènes, l'ordre juridique national offrait au requérant une protection judiciaire efficace lui permettant de demander réparation du préjudice subi à cause de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention : l'action en dommages-intérêts prévue par l'article 105 de la loi d'accompagnement du code civil. Cette action constitue un recours effectif, suffisant et accessible au sens de la jurisprudence de la Cour. Le gouvernement souligne que les décisions judiciaires citées par le requérant concernent toutes des fautes commises par des magistrats statuant sur le fond des affaires et non des cas de violation du délai raisonnable.

39.  La Cour rappelle que les principes généraux relatifs à l'efficacité des voies de recours internes ont été amplement développés par la jurisprudence des organes de la Convention au regard de l'article 35 § 1 de la Convention (voir notamment Selmouni c. France [GC], no 25803/94, §§ 74-76, CEDH 1999-V et Brusco c. Italie (déc.), no 69789/01, 6 septembre 2001). A l'instar de l'article 35 de la Convention, l'article 13 reflète le principe de subsidiarité sur lequel repose le système européen de protection des droits de l'homme et doit, comme la règle de l'article 35, s'appliquer avec une certaine souplesse.

40.  La Cour rappelle, en outre, que la règle de l'épuisement des voies de recours internes vise à ménager aux Etats contractants l'occasion de prévenir ou de redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne lui soient soumises (voir, parmi beaucoup d'autres, Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 74, CEDH 1999-V). Les dispositions de l'article 35 § 1 de la Convention ne prescrivent cependant que l'épuisement des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l'effectivité et l'accessibilité voulues ; il incombe à l'Etat défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies (voir, parmi beaucoup d'autres, Vernillo c. France, arrêt du 20 février 1991, série A no 198, § 27, et Dalia c. France, arrêt du 19 février 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, § 38). A cela, il faut ajouter que l'épuisement des voies de recours internes s'apprécie en principe à la date d'introduction de la requête devant la Cour (voir, par exemple, Zutter c. France (déc.) no 30197/96, du 27 juin 2000, Van der Kar et Lissaur van West c. France (déc.), nos 44952/98 et 44953/98, 7 novembre 2000, et Malve c. France (déc.), no 46051/99, 20 janvier 2001) soit, en l'espèce, le 23 février 1999.

41.  En matière de « délai raisonnable » au sens de l'article 6 § 1 de la Convention, un recours purement indemnitaire – tel que le recours en responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice dont il est question en l'espèce – est en principe susceptible de constituer une voie de recours à épuiser au sens de l'article 35 § 1, même lorsque la procédure est pendante au plan interne le jour de la saisine de la Cour (voir Mifsud c. France, [GC] (déc.), no 57220/00, 11 septembre 2002; Broca et Texier-Micault c. France (déc.), nos 27928/02 et 31694/02, 21 octobre 2003).

42.  En l'occurrence, la Cour n'est toutefois pas convaincue que le recours invoqué par le Gouvernement était effectif et disponible tant en théorie qu'en pratique et répondait donc aux exigences de l'article 13 de la Convention, et ce pour les raisons suivantes. D'une part, elle relève que la décision fournie par le Gouvernement, à l'appui de sa thèse, est un simple jugement rendu par un tribunal de première instance. Outre le fait qu'il s'agit d'un précédent extrêmement récent, la Cour ne peut pas spéculer sur les chances que ce précédent soit confirmé par les juridictions administratives d'appel, voire par le Conseil d'Etat, au cas où cette question lui serait soumise à l'avenir. Or, comme la Cour l'a déjà souligné, une voie de recours doit exister avec un degré suffisant de certitude, sans quoi lui manquent l'accessibilité et l'effectivité nécessaires (Van Droogenbroeck c. Belgique, arrêt du 24 juin 1982, série A no 50). D'autre part, la Cour note que le jugement du tribunal administratif a été rendu le 31 octobre 2008, donc postérieurement à la date d'introduction de la présente requête. Enfin, la Cour ne perd pas de vue que la procédure dans le cas invoqué par le Gouvernement a duré deux ans et quatre mois (paragraphe ci-dessus), ce qui peut créer des doutes quant à son efficacité (voir, mutatis mutandis, Byrn c. Danemark, no 13156/87, décision de la Commission du 1er juillet 1992, Décisions et rapports (DR) 73).

43.  Dans ces conditions, la Cour estime que la voie de recours susmentionnée ne répondait pas aux exigences de l'article 13 de la Convention, car elle n'existait pas à un degré suffisant de certitude. La Cour n'exclut toutefois pas que l'exercice de ce recours puisse conduire, au terme de l'évolution de la jurisprudence, à un résultat conforme aux prescriptions de l'article 13 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Stratégies et Communications et Dumoulin c. Belgique, no 37370/97, § 56, 15 juillet 2002). En conclusion, la Cour estime qu'il y a lieu de rejeter l'exception de non-épuisement des voies de recours internes et de conclure qu'il y a eu violation de l'article 13 de la Convention en raison de l'absence d'un recours satisfaisant aux exigences de cette disposition.

2.  Article 6 § 1

a)  Période à prendre en considération

44.  Le Gouvernement soutient que le point de départ du délai se situe au 5 mai 2006, date à laquelle la Comptabilité générale de l'Etat a transmis l'acte introductif d'instance à la Cour des comptes. C'est à compter de cette date que la procédure judiciaire à proprement parler a commencé.

45.  La Cour rappelle que le « délai raisonnable » prévu par l'article 6 a d'ordinaire pour point de départ, en matière civile, la saisine du tribunal. On conçoit cependant que dans certaines hypothèses, il puisse commencer plus tôt. Il en est ainsi lorsque la « contestation » à trancher éclate avant que les juridictions compétentes ne puissent être saisies, une procédure administrative préalable étant nécessaire (Jorge Nina Jorge c. Portugal, no 52662/99, § 30, 19 février 2004).

46.  La date à prendre en considération, comme celle du début de la période à examiner au regard de l'article 6 § 1, est donc celle à laquelle le requérant a saisi la Cour des comptes en déposant l'acte introductif d'instance devant la Comptabilité générale de l'Etat, soit le 29 octobre 2004. Ce n'est en effet qu'à ce moment là que la « contestation » à trancher a éclaté. La procédure de cassation est encore pendante devant la Cour des comptes. La procédure en cause s'étale donc sur plus de six ans pour deux degrés de juridiction.

b)  Caractère raisonnable de la durée de la procédure

47.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d'autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

48.  Le Gouvernement soutient que l'on ne saurait qualifier comme excessive la durée de la procédure devant la Cour des comptes, eu égard au fait que, le 28 février 2008, 9 960 recours de ce type étaient pendants devant cette juridiction et que l'objet du litige était de moindre importance pour le requérant à partir du moment où les montants dus pour la période du 1er janvier 2001 au 30 juin 2004 lui avaient été restitués.

49.  Le requérant rétorque qu'il a introduit son recours en octobre 2004, de sorte que l'accumulation postérieure des affaires jusqu'en 2008 ne saurait justifier le délai excessif de la procédure.

50.  La Cour a traité à maintes reprises des affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 6 § 1 de la Convention (voir Frydlender précité).

51.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. La Cour observe en particulier que l'affaire ne présentait pas de difficulté particulière et que le comportement du requérant n'est pas en cause. En revanche, elle constate qu'il a fallu un an et six mois environ pour que la Comptabilité générale de l'Etat transmette l'acte introductif d'instance à la Cour des comptes. La Cour rappelle aussi qu'il est de jurisprudence constante que l'encombrement chronique du rôle d'une juridiction ne constitue pas une explication valable (voir Probstmeier c. Allemagne, arrêt du 1er juillet 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997‑IV, § 64).

52.  S'agissant enfin de l'enjeu du litige pour le requérant, la Cour relève que la procédure portait en l'espèce sur le montant de sa pension de retraite, seul moyen de subsistance dont il disposait selon ses dires. Dès lors, l'affaire doit être considérée comme revêtant un enjeu d'une importance particulière et exigeant à ce titre une diligence spéciale de la part des autorités judiciaires (voir, a contrario, Hadjikostova c. Bulgarie, no 36843/97, §§ 35-36, 4 décembre 2003 ; Jussy c. France, no 42277/98, § 23, 8 avril 2003).

53.  Dès lors, compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'en l'espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l'exigence du « délai raisonnable ».

Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1

54.  Le requérant se plaint d'une atteinte à son droit de propriété en raison du retard de la Cour des comptes à juger son cas et à ordonner un remboursement. Il allègue une violation de l'article 1 du Protocole no 1 qui dispose :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »

55.  La Cour rappelle qu'en présence d'un grief similaire dans l'arrêt Varipati c. Grèce (no 38459/97, 26 octobre 1999), elle s'est prononcée ainsi :

« 32.  La Cour note que le grief de la requérante sous l'angle de cet article se limite à l'impossibilité de bénéficier de l'usage de sa propriété pendant la durée de la procédure devant le Conseil d'Etat. Or, selon la jurisprudence de la Cour, les répercussions patrimoniales négatives éventuellement provoquées par la durée excessive de la procédure s'analysent comme la conséquence de la violation du droit garanti par l'article 6 § 1 de la Convention et ne sauraient être prises en considération qu'au titre de la satisfaction équitable que la requérante pourrait obtenir à la suite du constat de cette violation. »

56.  En l'espèce, la Cour n'aperçoit, dans les faits de l'espèce, aucune raison de s'écarter de cette approche et ce grief est dès lors irrecevable, comme manifestement mal fondé.

57.  A supposer même que le requérant ait eu l'intention de se plaindre du fait de l'utilisation du délai de prescription triennal, la Cour relève que cette question est encore pendante devant la Cour des comptes et que les voies de recours internes ne sont donc pas épuisées à cet égard.

58.  Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être déclarée irrecevable, en application de l'article 35 §§ 1, 3 et 4 de la Convention.

III.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

59.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

60.  Pour préjudice matériel, le requérant demande le remboursement de la somme qui a été retenue de sa pension de retraite pour la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2000. Il réclame, en outre, 10 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu'il aurait subi.

61.  A l'instar du Gouvernement, la Cour n'aperçoit pas de lien de causalité entre les violations constatées et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu'il y a lieu d'octroyer au requérant 5 000 EUR au titre du préjudice moral.

B.  Frais et dépens

62.  Le requérant demande également 3 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.

63.  La Cour observe, avec le Gouvernement, que les prétentions du requérant au titre des frais et dépens ne sont pas accompagnées des justificatifs nécessaires. Il convient donc d'écarter sa demande.

C.  Intérêts moratoires

64.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1.  Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 6 et 13 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;

3.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 13 de la Convention ;

4.  Dit

a)  que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 5 000 EUR (cinq mille euros) pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 juillet 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren NielsenNina Vajić
GreffierPrésidente

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Textes cités dans la décision

  1. Constitution du 4 octobre 1958
  2. Code civil
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CEDH, Cour (première section), AFFAIRE TSOUKALAS c. GRECE, 22 juillet 2010, 12286/08