CEDH, Cour (troisième section), KUCHAR ET STIS c. la REPUBLIQUE TCHEQUE, 23 mai 2000, 37527/97

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Troisième Section), 23 mai 2000, n° 37527/97
Numéro(s) : 37527/97
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 3 juillet 1997
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Akdivar et autres c. Turquie du 16 septembre 1996, Recueil 1996-IV, p. 1211, par. 68, 69
Arrêt Cardot c. France du 19 mars 1991, série A n° 200, p. 18, par. 34
Arrêt Dalia c. France du 19 février 1998, Recueil 1998-I, pp. 87-88, par. 38
Arrêt Remli c. France du 23 avril 1996, Recueil 1996-II, p. 571, par. 33
Arrêt Van Oosterwijck c. Belgique du 6 novembre 1980, série A n° 40, p. 18, par. 35
No 23131/93, déc. 4.3.96, D.R. 85, pp. 65-83
No 23889/93, Nohejl c. la République Tchèque, déc. 13.5.96, non publiée
No 24559/94, déc. 6.9.95, D.R. 82, pp. 76, 82
No 29008/95, Cervenak et autres c. la République Tchèque, déc. 28.2.96, non publiée
Polak et Polakova c. la République Tchèque, (déc.), n° 36974/97, 7.3.2000, non publiée Comm. Eur. D.H. No 23063/93, Jonas c. la République Tchèque, déc. 13.5.96, non publiée
Quinn c. Royaume-Uni, (déc.), n° 33644/96, 31.8.99, non publiée
Organisation mentionnée :
  • Comité des Ministres
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Recevable
Identifiant HUDOC : 001-31373
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2000:0523DEC003752797
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Sur les parties

Texte intégral

TROISIÈME SECTION

DÉCISION FINALE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 37527/97
présentée par Jiří KUCHAŘ et Petr ŠTIS
contre la République Tchèque

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 23 mai 2000 en une chambre composée de

MJ.-P. Costa, président,
M.W. Fuhrmann,
M.P. Kūris,
MmeF. Tulkens,
M.K. Jungwiert,
SirNicolas Bratza,
M.K. Traja, juges,
et deMmeS. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite devant la Commission européenne des Droits de l’Homme le 3 juillet 1997 et enregistrée le 28 août 1997,

Vu l’article 5 § 2 du Protocole n° 11 à la Convention, qui a transféré à la Cour la compétence pour examiner la requête,

Vu la décision partielle de la Commission le 21 octobre 1998,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :


EN FAIT

Les requérants sont des ressortissants tchèques, nés respectivement en 1960 et 1957 et résidant à Prague.

A.Les circonstances de l’espèce

Les faits, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le 20 octobre 1991, les requérants fondèrent, en vertu du Code économique (hospodářský zákoník), un consortium (konsorcium) dont le but était de créer, financer, produire, distribuer et vendre le vidéo-programme dénommé « Guérisseurs publics ».

Le 19 août 1992, les requérants saisirent la cour régionale de commerce de Prague (krajský obchodní soud) (« la cour de commerce ») d’une demande en réparation des dommages causés par M.B. qui n’avait pas respecté ses obligations découlant d’un contrat d’association conclu avec eux en vue de ladite œuvre d’art. Ils réclamèrent une somme de CZK 125,865.

Entre-temps, le 31 décembre 1992, la République fédérative tchèque et slovaque fut dissoute par voie constitutionnelle en deux Etats distincts - la République tchèque et la République slovaque.

Par lettre du 1er 1993, adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, le Gouvernement tchèque manifesta le souhait de devenir membre du Conseil de l’Europe et déclara que « conformément aux principes en vigueur du droit international, la République tchèque, en tant qu’Etat successeur de la République fédérative tchèque et slovaque, se considérait liée à partir du 1er janvier 1993 par les traités internationaux multilatéraux auxquels la République fédérative tchèque et slovaque était Partie à cette date, y compris les réserves et les déclarations concernant leurs dispositions faites par la République fédérative tchèque et slovaque ». Le Gouvernement signifia que « sans préjuger de la question d’appartenance de la République tchèque au Conseil de l’Europe après le 1er janvier 1993, la République tchèque s’estimait liée par la Convention et les déclarations au sens des articles 25 et 46 de la Convention ». Il indiqua également que « la République tchèque se déclarait disposée à respecter les décisions des divers organes de contrôles internationaux établis conformément aux conventions mentionnées » dans sa lettre.

Par décision du 30 juin 1993, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe décida que la République tchèque était à considérer comme Partie à la Convention avec effet au 1er janvier 1993 et que cet Etat était lié à compter de cette date par les déclarations formulées par la République fédérative tchèque et slovaque au titre des articles 25 et 46 de la Convention.

Le 27 avril 1994, la cour de commerce invita les requérants à compléter leur action en présentant un justificatif de paiement de la taxe judiciaire de CZK 6,036 afférente à l’ouverture de l’instance. Les requérants payèrent la taxe judiciaire le 20 mai 1994.

Le 1 février 1995, la cour de commerce invita M.B. à présenter son mémoire en réplique, ce qu’elle fit le 6 mars 1995.

Les 10 et 28 mars, 12 mai, 23 juin et 13 juillet 1995, cinq audiences eurent lieu devant la cour de commerce. Après la dernière audience du 13 juillet 1995, la cour de commerce rendit son jugement, en rejetant l’action des requérants.

Le 6 octobre 1995, les requérants interjetèrent appel de ce jugement devant la Cour de cassation de Prague (Vrchní soud) qui, le 4 juin 1996, confirma le jugement de première instance.

Le 25 octobre 1996, les requérants introduisirent un recours constitutionnel (ústavní stížnost) alléguant la violation de l’article 11 de la Charte des droits et libertés fondamentaux (Listina základních práv a svobod) et de l’article 1 du Protocole n° 1 à la Convention dans la mesure où les décisions des tribunaux ordinaires les avaient privés de CZK 125,865. Ils se plaignirent également, sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, de ce que les tribunaux n’avaient pas examiné leur affaire équitablement et dans un délai raisonnable. Ils faisaient valoir que l’action avait été soumise à la cour de commerce le 19 août 1992 et que la première audience devant cette cour avait eu lieu le 10 mars 1995, à savoir plus de deux ans et demi plus tard.

Par décision du 29 janvier 1997, la Cour constitutionnelle (Ústavní soud) déclara le recours des requérants manifestement mal fondé. La Cour ne répondit pas au grief des requérants tiré de la durée de la procédure. Le 6 février 1997, la décision de la Cour constitutionnelle fut notifiée à l’avocat des requérants.

B.Le droit interne pertinent

Droit constitutionnel

Selon l’article 10 de la Constitution de la République tchèque, les traités sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales ratifiés et promulgués qui lient la République tchèque, sont immédiatement obligatoires et priment la loi.

Selon l’article 1 de la loi constitutionnelle n° 542/1992 sur la dissolution de la République fédérative tchèque et slovaque, après le 31 décembre 1992, la République fédérative tchèque et slovaque cessa d’exister. Ses Etats successeurs étaient la République tchèque et la République slovaque.

L’article 4 de la loi constitutionnelle n° 4/1993 sur les mesures liées à la disparition de la République fédérative tchèque et slovaque dispose, entre autres, que les droits de propriété et les autres droits de la République fédérative tchèque et slovaque ont passé, le jour de sa disparition, à la République tchèque dans l’étendue indiquée par la loi constitutionnelle de l’Assemblée fédérale ou le traité entre la République tchèque et la République slovaque. Selon l’article 5-2, la République tchèque a repris les droits et obligations non spécifiés dans l’article 4, découlant du droit international pour la République fédérative tchèque et slovaque le jour de sa disparition, sauf les obligations de la République fédérative tchèque et slovaque liées au territoire sous la souveraineté de la République fédérative tchèque et slovaque mais non sous la souveraineté de la République tchèque. Les prétentions de la République tchèque envers la République slovaque, émanant de l’accomplissement des obligations de droit international de la République fédérative tchèque et slovaque que la République tchèque avait repris selon cette disposition, sont restés intacts.

L’article 38 § 2 de la Charte des droits et libertés fondamentaux dispose entre autres que chacun a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement, sans délais déraisonnables et en sa présence et à pouvoir se prononcer sur toutes les preuves administrées.

Loi n° 182/1993 sur la Cour constitutionnelle, entrée en vigueur le 1er juillet 1993

Selon l’article 72, le recours constitutionnel peut être introduit par toute personne physique, qui se prétend victime d’une violation commise par « une autorité publique » des droits ou libertés fondamentaux reconnus dans une loi constitutionnelle ou dans un traité international en vertu de l’article 10 de la Constitution.

Selon l’article 82, par arrêt, la Cour constitutionnelle donne suite au recours constitutionnel au mois partiellement ou le rejette. Lorsqu’elle donne suite au recours, la Cour constitutionnelle spécifie quels droits ou libertés constitutionnaux et quelles dispositions de la loi constitutionnelle ou du traité international au sens de l’article 10 de la Constitution ont été violées, de quelle manière et par quelle autorité des pouvoirs publics. Lorsque la Cour constitutionnelle donne suite au recours d’une personne physique ou morale, elle annule la décision de l’autorité des pouvoirs publics, ou, lorsque la violation des droits ou libertés fondamentaux garantis par la Constitution consiste dans une autre atteinte que la décision, elle interdit à l’autorité concernée de continuer à violer les droits et libertés et ordonne de rétablir, dans la mesure du possible, l’état des faits avant la violation.

Loi n° 436/1991 sur certaines mesures dans la juridiction, élection des juges assesseurs, leur dispense et révocation de leur fonction, et sur l’administration d’Etat des tribunaux de la République tchèque

L’article 18 dispose que l’administration d’Etat des cours de cassation, régionales et des tribunaux de district est effectuée par le ministère [de la Justice] directement ou par l’intermédiaire des présidents de ces cours et tribunaux ; l’administration des tribunaux de district peut également être effectuée par l’intermédiaire des présidents des cours régionales. L’administration d’Etat de la Cour suprême est assurée par son président.

Selon l’article 21-2c), le ministère [de la Justice] règle les plaintes des personnes physiques et morales concernant les actions des tribunaux ainsi que les autres plaintes. Selon les articles 22-2c), 23-2c) et 24-2c), le président de la Cour suprême et les présidents des cours régionales et tribunaux de district règlent les plaintes.

Selon l’article 26, les personnes physiques et morales sont habilitées à s’adresser aux autorités administratives d’Etat avec leurs plaintes dans les cas prévus par l’article 6-1 de la loi n° 335/1991.

Selon l’article 29, le ministère [de la Justice] règle les plaintes contre les cours de cassation et cours régionales, alléguant des retards dans la procédure ou un comportement déplacé de leurs présidents respectifs ou des atteintes de ces derniers au respect de la procédure. Il règle également les plaintes exprimant le désaccord avec la façon dont la plainte, portée dans la même affaire, a été réglée par le président de la Cour suprême, le président de la Cour de cassation ou le président de la cour régionale.

Les articles 31a) et 31b) disposent que le président de la cour régionale règle les plaintes alléguant des retards dans la procédure ou un comportement déplacé du vice-président de la cour, des juges, autres administrateurs et juges assesseurs ou leurs atteintes au respect de la procédure. Il règle également les plaintes exprimant le désaccord avec la façon dont une plainte contre un tribunal de district portant sur des retards dans la procédure ou sur un comportement déplacé du président du tribunal ou ses atteintes au respect de la procédure.

Selon l’article 32, le président d’un tribunal de district règle les plaintes sur des retards dans la procédure, un comportement déplacé du vice-président du tribunal, des juges, autres administrateurs et juges assesseurs, ou sur leurs atteintes au respect de la procédure.

L’article 33 dispose que l’autorité administrative d’Etat est obligée de vérifier les faits exposés dans la plainte. Lorsqu’une vérification appropriée s’impose, elle interroge le requérant, les personnes contre lesquelles la plainte est dirigée, et éventuellement d’autres personnes qui peuvent contribuer à clarifier l’affaire.

L’article 34-1 dispose que toutes les plaintes doivent être réglées dans le délai de deux mois à partir de leur notification à l’autorité administrative d’Etat du tribunal ou de la cour compétents. Dans ce délai, le requérant doit être informé du règlement de sa plainte. Selon l’article 34-3, lorsque la plainte a été jugée fondée, au moins partiellement, le requérant doit être informé des mesures adoptées afin de porter remède aux défauts constatés.

Loi n° 335/1991 sur les tribunaux et juges

L’article 6-1 dispose que les autorités administratives d’Etat des tribunaux ne peuvent être saisies des plaintes relatives aux actes des tribunaux que dans la mesure où elle mettent en cause des retards dans la procédure, comportements déplacés du personnel judiciaire ou atteintes au respect de la procédure.

C.Jurisprudence de la Cour constitutionnelle relative à la durée de la procédure

Arrêt n° IV. ÚS 55/94. Par arrêt du 14 septembre 1994, la Cour constitutionnelle a examiné un recours concernant, entre autres, la durée d’une procédure de restitution qui s’est terminée par une décision de non-lieu à statuer. Elle a conclu à la violation de l’article 38 § 2 de la Charte ainsi que de l’article 6 § 1 de la Convention en relevant qu’il appartient à l’Etat d’organiser ses juridictions pour que les principes garantis par la Charte et la Convention soit respectés et que les défauts éventuels ne puissent être mis à la charge des citoyens qui attendent à juste titre du tribunal que la protection judiciaire leur soit offerte dans un délai raisonnable.

Arrêt n° I. ÚS 11/95. Le 7 septembre 1995, la Cour constitutionnelle rejeta un recours du requérant qui se plaignait également de la durée d’une procédure civile terminée par une décision de non-lieu à statuer. Elle releva que la durée de cette procédure, en l’occurrence un peu plus de trois ans et un mois, ne constituait pas, eu égard aux circonstances de l’espèce, une violation de l’article 38 § 2 de la Charte.

Arrêt n° IV. ÚS 173/94. Par arrêt du 22 mars 1995, la Cour constitutionnelle  conclut à la violation de l’article 6 §§ 1 et 3d)  de la Convention dans une affaire concernant l’équité et la durée de plus de quatre ans d’une procédure pénale terminée. Elle considéra, inter alia, que le nombre insuffisant du personnel ne pouvait justifier la durée de la procédure qui, par ailleurs, n’avait pas été complexe.

Arrêt n° III. ÚS 169/96. Le 31 juillet 1995, la Cour constitutionnelle rejeta un recours d’un condamné qui se plaignait également de la durée d’une procédure pénale terminée. La Cour constata que le requérant n’avait pas épuisé les voies de recours dans la mesure où il n’avait pas introduit la plainte en application de la loi n° 436/1991.

Arrêt n° I. ÚS 5/96. Par arrêt du 5 novembre 1996, la Cour constitutionnelle, ayant constaté la violation de l’article 38 § 2 de la Charte du fait de retards dans une procédure civile pendante devant le tribunal de district d’Ústí nad Labem, ordonna à ce tribunal de ne pas continuer à retarder la procédure civile.

Arrêt n° IV. ÚS 215/96. Le 12 février 1997, la Cour constitutionnelle rejeta le recours d’une requérante qui se plaignait de la durée et l’équité de la procédure devant la cour régionale de commerce de Prague et la Cour de cassation. La Cour constata que le droit de la requérante à un procès dans un délai raisonnable garanti par l’article 38 § 2 de la Charte et l’article 6 § 1 de la Convention avait été violé. Elle releva que ce fait ne constituait pas, néanmoins, une raison pour annuler les décisions judiciaires. La Cour ajouta que la loi ne l’autorise pas d’accorder une autre satisfaction qu’une opinion que ce droit avait été violé.

Arrêt n° I. ÚS 142/96. Par arrêt du 22 avril 1997, la Cour constitutionnelle constata que l’inactivité de la cour régionale de commerce de Brno aboutit à la violation des droits du requérant garantis par l’article 36 § 1 de la Charte. Elle interdit à la cour de commerce de continuer de violer le droit du requérant et lui ordonna de procéder, dans les meilleurs délais, à l’inscription dans le registre de commerce.

Arrêt n° I. ÚS 272/96. Le 7 mai 1997, la Cour constitutionnelle ordonna au tribunal de district de Jablonec nad Nisou de ne pas continuer de retarder la procédure civile pendante devant lui et d’agir.

Arrêt n° I. ÚS 16/97. Par arrêt du 14 mai 1997, la Cour constitutionnelle examina un recours relatif, entre autres, à la durée d’une procédure civile qui s’est terminée par une décision de non-lieu à statuer. La Cour conclut à la violation de l’article 36 et seq. de la Charte ainsi que de l’article 6 § 1 de la Convention.

Arrêt n° I. ÚS 313/97. Par arrêt du 11 décembre 1997, la Cour constitutionnelle conclut que, par l’inactivité de la cour municipale de Prague, les droit du requérant garantit par l’article 38 § 2 de la Convention ainsi que l’article 5 § 4 de la Convention, et interdit à cette cour de retarder la procédure pénale et lui ordonna de procéder.

Arrêt n° I. ÚS 345/96. Le 10 mars 1998, la Cour constitutionnelle rejeta un recours d’un requérant qui se plaignait des retards dans une procédure civile terminée. La Cour constata que les retards dans la procédure n’avaient pas été suffisamment importants pour constituer une violation des droits du requérant.

Arrêt n° I. ÚS 112/97. Par arrêt du 10 mars 1998, la Cour constitutionnelle ordonna au tribunal de district de Český Krumlov de ne pas continuer de retarder la procédure civile d’exécution pendante devant lui et d’agir.

Arrêt n° IV. ÚS 466/97. Par arrêt du 11 mars 1998, la Cour constitutionnelle ordonna à la cour régionale de commerce de Brno de ne pas continuer de retarder la procédure commerciale pendante devant elle et d’agir.

Arrêt n° IV. ÚS 358/98. Par arrêt du 10 novembre 1998, la Cour constitutionnelle ordonna à la cour régionale de commerce de Prague de ne pas continuer de retarder la procédure commerciale pendante devant elle et d’agir.

Arrêt n° I. ÚS 209/98. Par arrêt du 12 janvier 1999, la Cour constitutionnelle ordonna au tribunal de district de Teplice de ne pas continuer de retarder la procédure civile pendante devant lui et d’agir.

Arrêt n° II. ÚS 445/98. Par arrêt du 12 mai 1999, la Cour constitutionnelle ordonna à la cour régionale de commerce de Brno de ne pas continuer de retarder la procédure commerciale devant elle et d’agir.

EN DROIT

Les requérants se plaignent d’une violation de leur droit à ce que leur cause soit entendue dans un délai raisonnable, tel que garanti par l’article 6 § 1 de la Convention dont la partie pertinente se lit comme suit :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. »

A titre préliminaire, le Gouvernement soulève deux exceptions d’irrecevabilité fondées, l’une sur l’absence partielle de compétence ratione temporis de la Cour au sens de l’article 34 de la Convention (l’ancien article 25) et l’autre sur le non-épuisement des voies de recours internes.

S’agissant de la première exception, le Gouvernement observe que la procédure s’est étalée sur une période de quatre ans et cinq mois, mais que la requête est incompatible ratione temporis pour la période du 19 août au 31 décembre 1992, car la Convention n’est entrée en vigueur à l’égard de la République tchèque que le 1er janvier 1993.

Quant à la deuxième exception, il soutient que les requérants n’ont jamais invoqué les retards dans la procédure, n’ayant utilisé aucune des voies de recours interne que la législation mettait à leur disposition afin de remédier immédiatement à leur situation et accélérer la procédure. Le Gouvernement fait valoir que les requérants auraient pu se plaindre des retards dans la procédure devant le ministère de la Justice et le Président de la cour régionale en vertu des articles 29 et 31a) de la loi n° 436/1991, et qu’ils auraient, le cas échéant, eu la possibilité d’introduire un recours devant la Cour constitutionnelle conformément à l’article 72-1a) de la loi n° 182/1993 en alléguant la violation de l’article 38 § 2 de la Charte des droits et libertés fondamentaux, qui garantit le droit à un procès dans un délai raisonnable.

Selon le Gouvernement, le recours constitutionnel introduit par les requérants le 25 octobre 1996, une fois que la procédure judiciaire soit définitivement terminée, ne peut être considéré efficace, d’autant plus que les requérants n’y alléguaient que les retards dans la procédure devant la cour de première instance pour la période entre le 19 août 1992 et le 10 mars 1995.

Pour leur part, les requérants contestent les arguments du Gouvernement. Selon eux, la durée de la procédure ne répondait pas à l’exigence du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention.

a)La Cour considère d’emblée que l’objection du Gouvernement, tiré de l’incompatibilité ratione temporis de la requête pour la période du 19 août au 31 décembre 1992, relève plutôt de l’incompatibilité ratione personae. En fait, avant le 1er janvier 1993, la République tchèque faisait partie de la République fédérale tchèque et slovaque qui seule était signataire de la Convention. Avant cette date, toute requête introduite contre la République tchèque aurait été déclarée irrecevable non parce que relative aux faits survenus avant la ratification de la Convention par cet Etat, mais parce que dirigé contre un Etat qui n’était pas et ne pouvait pas être Partie contractante à la Convention.

En l’occurrence, la question se pose de savoir si la République tchèque, en tant que l’un des Etats successeurs de la République fédérative tchèque et slovaque, est liée par la Convention et ses Protocoles pour la période du 18 mars 1992 (date de la ratification de la Convention par la République fédérative tchèque et slovaque) au 31 décembre 1992 (date de la dissolution de la République fédérative tchèque et slovaque), période au cours de laquelle l’Etat fédéral était Partie contractante à la Convention.

La Cour note qu’à l’occasion de l’admission de la République tchèque en tant que membre à part entière du Conseil de l’Europe, le 30 juin 1993, le Comité des Ministres a décidé que cet Etat était à considérer comme Partie contractante à la Convention avec effet au 1er janvier 1993, et qu’il était lié à compter de cette date, entre autres, par la déclaration formulée par la République fédérative tchèque et slovaque au titre de l’article 25 de la Convention.

La Cour observe qu’aux termes de la législation nationale relative à la substitution de pouvoirs liée à la dissolution de la République fédérative tchèque et slovaque, en particulier de l’article 5-2 de la loi constitutionnelle n° 4/1993 et de l’article 1 de la loi constitutionnelle n° 542/1992, la République tchèque, en tant que l’un des Etats successeurs, a repris, selon le principe territorial, tous les droits et obligations découlant du droit international pour la République fédérative tchèque et slovaque au jour de sa disparition, à l’exception des obligations de la République fédérative tchèque et slovaque liées au territoire sous souveraineté de l’Etat fédéral mais non sous souveraineté de la République tchèque.

La République tchèque s’exprimait dans le même sens au plan du droit international. En effet, par lettre du 1er janvier 1993, adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, le Gouvernement tchèque déclara que « conformément aux principes en vigueur en droit international, la République tchèque, en tant qu’Etat successeur de la République fédérative tchèque et slovaque, se considère liée à partir du 1er janvier 1993 par les traités internationaux auxquels la République fédérative tchèque et slovaque était Partie à  cette date, y compris les réserves et les déclarations faites par la République fédérative tchèque et slovaque ».

La Cour note également que le 5 juillet 1995, la Commission européenne des Droits de l’Homme a communiqué au Gouvernement de la République tchèque deux premières affaires relatives tant à des faits antérieurs au 1er janvier 1993 qu’à des faits postérieurs à cette date[1]. Néanmoins, aucune objection d’incompétence ratione personae de la Commission pour examiner ces affaires ne fut soulevée par le Gouvernement. Dans ces circonstances, la Cour considère que le Gouvernement de la République tchèque a tacitement confirmé sa responsabilité en tant que l’un des Etats successeurs pour les faits relatifs à la période du 18 mars au 31 décembre 1992. Par ailleurs, le Gouvernement de la République slovaque a expressément confirmé sa responsabilité pour la même période dans une autre affaire introduite contre la République slovaque[2].

La Cour estime dès lors qu’elle est compétente ratione personae pour examiner cette affaire quant à la période du 18 août au 31 décembre 1992.

b)En ce qui concerne, en second lieu, l’objection du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes, la Cour rappelle tout d’abord qu’un recours hiérarchique qui ne confère pas à son auteur un droit personnel à obtenir de l’Etat l’exercice de ses pouvoirs de surveillance ne constitue pas un recours efficace (cf. n° 24559/94, Gibas c. Pologne, déc. 6.9.1995, D.R. 82, pp. 76, 82). La Cour a examiné la nature du recours hiérarchique en droit tchèque. Elle relève que, conformément aux dispositions pertinentes des lois n° 335/1991 et n° 436/1991, un recours hiérarchique est une plainte en vue de critiquer, entre autres, des retards dans la procédure, adressée au président de l’instance judiciaire devant laquelle se déroule la procédure en cause, ou le cas échéant au président de l’instance judiciaire supérieure et, éventuellement, au ministère de la Justice.

Un tel recours est en fait une information que l’on soumet à l’autorité administrative de contrôle en lui demandant de faire usage de ses pouvoirs si elle le juge utile. Le requérant est entendu dans le cadre de l’examen de sa plainte « lorsqu’une vérification appropriée le demande » ce qui, selon la Cour, ne semble pas être le cas d’une plainte relative aux retards allégués dans la procédure car l’autorité de contrôle dispose en principe du dossier judiciaire contenant tous les actes de procédure effectués par le tribunal concerné. Le requérant est en droit d’obtenir des informations sur la façon dont l’autorité de contrôle a donné suite à son recours hiérarchique, mais le recours hiérarchique ne lui confère pas un droit personnel à obtenir de l’Etat qu’il exerce ses pouvoirs de surveillance. En conséquence, il ne s’agit pas d’une voie de recours efficace au sens de l’article 35 § 1 de la Convention.

c)Le Gouvernement soutient également que les requérants auraient pu faire avancer la procédure judiciaire en saisissant la Cour constitutionnelle, ce qu’ils n’ont pas fait. Selon lui, leur recours constitutionnel, introduit après que la procédure judiciaire soit terminée, ne pouvait pas être considéré comme efficace, d’autant plus qu’il ne portait que sur la période du 19 août 1992 au 10 mars 1995.

La Cour rappelle que la finalité de l'article 35 est de ménager aux Etats contractants l’occasion de prévenir ou redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne soient soumises aux organes de la Convention (voir l’arrêt Remli c. France du 23 avril 1996, Recueil 1996-II, p. 571, § 33). Néanmoins, cette disposition ne prescrit l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l'accessibilité voulues ; il incombe à l’Etat défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies (voir l’arrêt Dalia c. France du 19 février 1998, Recueil 1998-I, pp. 87-88, § 38). Il incombe au Gouvernement excipant du non-épuisement de convaincre la Cour que le recours était effectif et disponible tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits, c’est-à-dire qu’il était accessible, était susceptible d’offrir au requérant le redressement de ses griefs et présentait des perspectives raisonnables de succès. Cependant, une fois cela démontré, c’est au requérant qu’il revient d’établir que le recours évoqué par le Gouvernement a en fait été employé ou bien, pour une raison quelconque, n’était ni adéquat ni effectif compte tenu des faits de la cause ou encore que certaines circonstances particulières le dispensaient de cette obligation (voir l’arrêt Akdivar et autres c. Turquie du 16 septembre 1996, Recueil 1996-IV, p. 1211, § 68).

La Cour rappelle également que l'article 35 doit s’appliquer avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif (voir l’arrêt Cardot c. France du 19 mars 1991, série A n° 200, p. 18, § 34). En plus, la règle de l'épuisement des voies de recours internes ne s’accommode pas d’une application automatique et ne revêt pas un caractère absolu ; en en contrôlant le respect, il faut avoir égard aux circonstances de la cause (voir l’arrêt Van Oosterwijck c. Belgique du 6 novembre 1980, série A n° 40, p. 18, § 35). Cela signifie notamment que la Cour doit tenir compte de manière réaliste, non seulement des recours prévus en théorie dans le système juridique de la Partie contractante concernée, mais également du contexte juridique et politique dans lequel ils se situent ainsi que de la situation personnelle des requérants (arrêt Akdivar et autres précité, p. 1211, § 69).

Dans le cas d’espèce, la Cour observe que la Cour constitutionnelle est compétente, sur recours constitutionnel d’une partie à une procédure civile ou pénale pendante devant une instance judiciaire ordinaire, pour ordonner à cette instance de ne pas continuer à retarder la procédure et d’agir. La Cour et la Commission ont, d’ailleurs, reconnu et appliqué ce principe dans les plusieurs affaires introduites devant elles (voir n° 29008/95, déc. 28.2.1996, non-publiée ; n° 33644/96, déc. 31.8.1999, Troisième Section ; n° 36974/97, déc. 7.3.2000, Troisième Section). Il ne ressort pourtant pas de sa jurisprudence que la Cour constitutionnelle, saisie d’un recours relatif à la durée prétendument excessive d’une procédure judiciaire une fois terminée, aurait reproché aux requérants de n’avoir pas évoqué devant elle les retards dans la procédure avant la fin de celle-ci, bien que dans tels cas, elle ne peut que constater la violation éventuelle du droit à un procès dans un délai raisonnable au sens de l’article 38 § 2 de la Charte ou l’article 6 § 1 de la Convention.

La Cour observe également que la Cour constitutionnelle de la République tchèque n’a pris ses fonctions que le 1er juillet 1993, à savoir plus que dix mois après que les requérants aient saisi la cour régionale de commerce, et bien que la Cour constitutionnelle de la République fédérative tchèque et slovaque ait fonctionné jusqu’au 31 décembre 1992, il est difficile de reprocher aux requérants de ne pas l‘avoir saisie si leur affaire n’était à cette époque pendante devant la cour régionale de commerce que depuis un peu plus de quatre mois.

Par ailleurs, la disposition de l’article 82 de la loi sur la Cour constitutionnelle ne spécifie ni qui sont les « autorités publiques » vis-à-vis desquelles la Cour constitutionnelle peut exercer sa compétence en leur « ordonnant de ne pas continuer à violer les droits et libertés fondamentaux », ni en quoi, à part en une décision, peut consister une atteinte de l’autorité des pouvoirs publics. Selon les informations recueillies par la Cour, le premier arrêt par lequel la Cour constitutionnelle, en reconnaissant le tribunal de première instance comme étant une autorité publique au sens dudit article, a interdit à ce dernier de ne pas continuer à retarder la procédure civile pendante devant lui et, en conséquence, à violer le droit des requérants à un procès équitable dans un délai raisonnable au sens de l’article 38 § 2 de la Charte, et lui a ordonné de procéder, a été rendu le 2 novembre 1996, soit cinq mois après que la Cour de cassation avait rendu sa décision dans la présente affaire.

La Cour constate enfin que les requérants, suivant la jurisprudence de la Cour constitutionnelle existante à l’époque des faits, ont saisi la juridiction constitutionnelle d’un recours fondé, entre autres, sur la durée excessive de la procédure, invoquant en particulier la partie de cette procédure se déroulant devant la cour régionale de commerce, et se référant expressément à l’article 6 § 1 de la Convention. Néanmoins, l’arrêt du 29 janvier 1997 de la Cour constitutionnelle n’a pas répondu à leur grief.

Au vu de ce qui précède, la Cour n’est pas convaincue qu’à l’époque des faits, le recours constitutionnel était effectif et disponible pour les requérants, tant en théorie qu’en pratique. L’objection de non-épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement doit donc être rejetée.

Quant au fond, la Cour note que la procédure a débuté le 19 août 1992, date de l’introduction de l’action des requérants devant la cour régionale de commerce, et s’est terminée le 6 février 1997 avec la notification de la décision de la Cour constitutionnelle. Elle a donc duré quatre ans, cinq mois et 19 jours. La Cour estime qu’à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence des organes de la Convention en matière de « délai raisonnable » (complexité de l’affaire, comportement des requérants et des autorités compétentes), et compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, ce grief doit faire l’objet d’un examen au fond.

Par ces motifs, la Cour, à la majorité,

DÉCLARE LE RESTANT DE LA REQUÊTE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés.

S. DolléJ.-P. Costa
GreffièrePrésident


[1] N° 23063/93,  Jonáš c. la République tchèque, déc. 13 mai 1996 ; n° 23889/93, Nohejl c. la République               tchèque, déc. 13 mai 1996

[2] N° 23131/93, Brezný & Brežný c. la République slovaque, déc. 4 mars 1996, D.R. 85,  pp. 65-83

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Textes cités dans la décision

  1. Constitution du 4 octobre 1958
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CEDH, Cour (troisième section), KUCHAR ET STIS c. la REPUBLIQUE TCHEQUE, 23 mai 2000, 37527/97