CEDH, Cour (cinquième section), AFFAIRE HAVELKA ET AUTRES c. REPUBLIQUE TCHEQUE, 21 juin 2007, 23499/06

  • Enfant·
  • Gouvernement·
  • République tchèque·
  • Éviction·
  • Famille·
  • Ingérence·
  • Établissement·
  • Mineur·
  • Parents·
  • Alcool

Commentaires3

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

CEDH · 21 juin 2007

.s32B251D { margin:0pt; text-align:center } .s7D2086B4 { font-family:Arial; font-size:12pt; font-weight:bold } .s8AD2D3F6 { margin:0pt; text-align:right } .s746C8714 { margin:0pt; text-align:justify } .sB8D990E2 { font-family:Arial; font-size:12pt } .s2A6CF492 { font-family:Arial; font-size:6.67pt; vertical-align:super } .s38C10080 { font-family:Arial; font-size:12pt; font-style:italic; font-weight:bold } .sEA881CDF { font-family:Arial; font-size:8pt; vertical-align:super } .sFAA3B3C6 { width:169.21pt; text-indent:0pt; display:inline-block } .s78FE0D9B { width:402.93pt; text-indent:0pt; …

 

CEDH · 15 juin 2007

.s32B251D { margin:0pt; text-align:center } .s7D2086B4 { font-family:Arial; font-size:12pt; font-weight:bold } .s8AD2D3F6 { margin:0pt; text-align:right } .sB8D990E2 { font-family:Arial; font-size:12pt } .s746C8714 { margin:0pt; text-align:justify } .sF97C7C07 { font-family:Arial; font-size:12pt; text-decoration:underline } .s38C10080 { font-family:Arial; font-size:12pt; font-style:italic; font-weight:bold } .sEA881CDF { font-family:Arial; font-size:8pt; vertical-align:super } .sF8BFA2BC { font-family:Arial; font-size:12pt; font-weight:normal } .s74399D67 { font-family:Arial; …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Cinquième Section), 21 juin 2007, n° 23499/06
Numéro(s) : 23499/06
Type de document : Arrêt
Date d’introduction : 30 mai 2006
Jurisprudence de Strasbourg : Couillard Maugery c. France, no 64796/01, §§ 237, 242 et 307, 1 juillet 2004
Fiala c. République tchèque, no 26141/03, § 99, 18 juillet 2006
Haase c. Allemagne, no 11057/02, § 93, CEDH 2004-III (extraits)
H.F. c. Slovaquie, no 54797/00, §§ 41-42, 8 novembre 2005
Kutzner c. Allemagne, no 46544/99, §§ 56, 58, 61 et 69, CEDH 2002-I
Reigado Ramos c. Portugal, no 73229/01, § 53, 22 novembre 2005
Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 148, CEDH 2000-VIII
Sommerfeld c. Allemagne [GC], no 31871/96, §§ 66 et 68, CEDH 2003-VIII (extraits)
K. et T. c. Finlande [GC], no 25702/94, §§ 151, 154 et 173, CEDH 2001-VII
Wallová et Walla c. République tchèque, no 23848/04, §§ 37-46, 47, 72, 73 et 74-75, 26 octobre 2006
Références à des textes internationaux :
Convention relative aux droits de l'enfant;Recommandation Rec (2005) 5 du Comité des Ministres aux Etats membres relatives aux droits des enfants vivant en institution;Recommandation Rec (2006) 19 du Comité des Ministres aux Etats membres relative aux politiques visant à soutenir une parentalité positive
Organisation mentionnée :
  • Comité des Ministres
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Oui
Conclusions : Violation de l'art. 8 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens - procédures nationale et de la Convention
Identifiant HUDOC : 001-81271
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2007:0621JUD002349906
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE HAVELKA ET AUTRES c. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

(Requête no 23499/06)

ARRÊT

STRASBOURG

21 juin 2007

DÉFINITIF

21/09/2007

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Havelka et autres c. République tchèque,

La Cour européenne des Droits de l'Homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

M.P. Lorenzen, président,
MmeS. Botoucharova,
MM.K. Jungwiert,
R. Maruste,
J. Borrego Borrego,
MmeR. Jaeger,
M.M. Villiger, juges,
et de Mme C. Westerdiek, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 29 mai 2007,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 23499/06) dirigée contre la République tchèque et dont quatre ressortissants de cet Etat, M. Antonín Havelka et ses enfants mineurs, Šárka Havelková, Tomáš Havelka et Eliška Havelková, (« les requérants »), ont saisi la Cour le 30 mai 2006 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Les requérants, qui ont été admis au bénéfice de l'assistance judiciaire, sont représentés par Me D. Strupek, avocat au barreau tchèque. Le gouvernement tchèque (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. V.A. Schorm.

3.  Les requérants alléguaient en particulier que la décision de la prise en charge des enfants par l'Etat avait porté atteinte à leur droit au respect de leur vie familiale et que la procédure ayant abouti à cette mesure n'avait pas respecté les exigences d'équité.

4.  Le 20 juin 2006, le président de la chambre a décidé de traiter la requête par priorité (article 41 du règlement).

5.  Le 4 septembre 2006, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

6.  Le premier requérant, M. Antonín Havelka, est né en 1950 et réside à Prague. De son mariage avec B.H. naquirent en 1992, 1993 et 1994 trois enfants, Šárka Havelková, Tomáš Havelka et Eliška Havelková, qui sont les deuxième, troisième et quatrième requérants ; ceux-ci sont actuellement placés dans un établissement public à Radenín.

7.  Selon les informations fournies par le Gouvernement, l'éducation des enfants du couple fut soumise à une surveillance judiciaire en vertu d'un jugement rendu le 11 janvier 1994.

8.  Depuis octobre 1995, date à laquelle B.H. quitta le domicile conjugal, le premier requérant s'occupait seul des autres requérants et de trois autres enfants mineurs de B.H.

9.  Par le jugement du tribunal d'arrondissement (Obvodní soud) de Prague 10 daté du 11 avril 1996, la garde des trois requérants mineurs ainsi que d'un autre enfant de B.H., V.V., fut confiée au premier requérant. Par le jugement du 11 mai 1998 prononçant le divorce, il fut décidé que cette réglementation s'appliquerait également à l'avenir.

10.  Dès 2002, le département de la protection sociale auprès de l'office d'arrondissement de Prague 15 (ci-après « l'autorité sociale compétente »), chargé de surveiller l'éducation des enfants, commença à informer le tribunal d'une mauvaise coopération du premier requérant ; à certaines occasions, celui-ci n'aurait pas laissé les assistantes entrer dans l'appartement et se serait comporté de manière inconvenable envers elles, il aurait tendance à consommer de l'alcool et aurait avoué craindre l'éviction de l'appartement pour non-paiement du loyer. L'autorité sociale compétente admit néanmoins que l'intéressé s'occupait des enfants dans la mesure de ses possibilités, coopérait avec les médecins et les écoles fréquentées par eux et que leurs liens familiaux étaient très bons.

11.  Le 10 juillet 2003, l'autorité sociale compétente fit savoir au tribunal que les informations sur une consommation excessive de l'alcool par le premier requérant se multipliaient, qu'une procédure d'éviction était en cours et que l'intéressé n'était pas en mesure de résoudre la question du logement. Pour ces raisons, ladite autorité demanda au tribunal de recourir à des mesures appropriées ou d'entamer une procédure relative à la prise en charge des mineurs, car la mesure de surveillance n'atteignait plus son but.

12.  Deux audiences eurent lieu les 21 août et 13 novembre 2003. B.H. ainsi que le premier requérant s'opposèrent à la prise en charge ; par ailleurs, les deux sœurs de ce dernier déclarèrent ne pas pouvoir l'héberger avec les enfants.

13.  Par la suite, l'autorité sociale compétente se désista de sa demande du 10 juillet 2003, au motif qu'il n'était pas sûr si et quand l'éviction de la famille allait avoir lieu et qu'il existait, le cas échéant, la possibilité de loger les mineurs dans un établissement géré par une organisation non-gouvernementale.

Par conséquent, l'extinction de la procédure fut prononcée le 13 novembre 2003.

14.  Le 31 mars 2004, l'autorité sociale compétente demanda au tribunal d'arrondissement d'adopter une mesure provisoire ordonnant le placement des enfants dans un établissement d'assistance éducative, conformément à l'article 76a du code de procédure civile. Elle affirmait à l'appui de cette demande que si, au début, les soins dispensés par le premier requérant avaient été bons, des manquements apparurent par la suite et la coopération avec lui était problématique. De surcroît, les conditions économiques et sociales de la famille allaient en dégradant et le premier requérant n'était plus à même de subvenir aux besoins fondamentaux des enfants car, faute de paiement des charges, l'alimentation de l'appartement en électricité et en gaz avait été interrompue et les toilettes ne fonctionnaient pas. S'y ajoutaient la procédure d'éviction, le fait que l'intéressé ne travaillait pas et consommait de l'alcool. Pour ces raisons, l'autorité sociale compétente estima que la santé et le développement favorable des enfants étaient gravement menacés.

15.  Le même jour, cette demande fut accueillie par le tribunal ; désormais, les deuxième, troisième et quatrième requérant ainsi que V.V. étaient placés dans un établissement à R. Le requérant fit appel, en vain.

16.  Le 18 mai 2004, le tribunal d'arrondissement entama d'office une procédure relative à la prise en charge des mineurs. L'autorité sociale compétente, auteur de la demande de mesure provisoire susdite, fut désignée tuteur des enfants aux fins de cette procédure.

17.  Le 15 juin 2004, une audience eut lieu en l'affaire, en l'absence de B.H. et du premier requérant. Ce dernier, bien que cité à comparaître, ne se présenta pas car il supposait que son représentant, qu'il avait choisi le 15 avril 2004 dans le cadre de la procédure relative à la mesure provisoire, avait également été convoqué (ce qui ne fut pas le cas). Lors de cette audience, le tuteur insista sur la prise en charge des enfants, au motif que l'éducation dispensée par leurs parents avait échoué. Admettant qu'il y avait de forts liens affectifs entre les requérants, il fit valoir néanmoins que le premier requérant avait une dette sur le loyer, qu'il n'y avait pas d'électricité dans son appartement, qu'il ne s'efforçait pas de trouver un emploi et qu'il consommait de l'alcool.

18.  Par le jugement du 15 juin 2004, le tribunal d'arrondissement décida de reconduire le placement des deuxième, troisième et quatrième requérants dans un établissement d'assistance éducative. S'appuyant sur des rapports du tuteur, le tribunal considéra comme établi que l'éducation des parents avait complètement échoué. Il releva que le premier requérant avait accumulé des dettes qu'il n'était pas capable de rembourser, qu'il était menacé par l'éviction et que son appartement n'était plus alimenté en énergie. Il aurait en outre renoncé aux tâches ménagères et consommerait une quantité excessive d'alcool. Depuis 2002, ses soins auraient ainsi connu une tendance dégressive. Le tribunal nota également qu'il n'y avait pas d'autres personnes prêtes à assumer l'éducation des mineurs.

19.  Le 10 novembre 2004, le premier requérant interjeta appel dudit jugement. Il se plaignait que son représentant n'avait pas été convoqué à l'audience du 15 juin 2004 ; puis, se référant à une décision rendue dans une autre affaire (voir paragraphe 26 ci-dessous), il dénonçait le fait que l'autorité sociale qui avait formé la demande de la prise en charge avait été investie du rôle du tuteur des mineurs. L'intéressé alléguait également que le tribunal n'avait pas dûment établi l'état des faits car il s'était fondé uniquement sur les informations fournies par ledit tuteur, sans les avoir complétées ou vérifiées à l'aide de l'audition des parents, des pédagogues et médecins et surtout des enfants eux-mêmes, ou par une enquête sur les lieux. Le requérant contestait en même temps la véracité de la plupart de ces informations et le fait que son éducation avait échoué ; il affirmait également que le manque d'électricité n'avait pas affecté la qualité de ses soins. Il faisait enfin valoir qu'il coopérait avec un centre de consultation gratuite dont les employés étaient prêts à l'assister lors de l'éducation des enfants et de la recherche d'un logement, qu'il cherchait activement un emploi (ce qui était difficile en raison de son invalidité partielle) et qu'il allait négocier un calendrier de paiement de sa dette. Plus tard, il soumit au tribunal une promesse d'un hébergement social provisoire (d'un an) pour lui et ses enfants.

20.  Lors de l'audience en appel, le premier requérant rapporta qu'il occupait toujours l'appartement concerné par l'éviction, qu'il avait contacté quelques employeurs et qu'il était capable d'assurer aux enfants un bon environnement familial.

Le tuteur observa, entre autres, que l'hébergement social était limité pour la période d'un an et que la question de savoir si l'intéressé consommait ou non de l'alcool n'avait pas encore été entièrement élucidée.

Dans son rapport dressé le 13 avril 2005, la directrice de l'établissement de R. observa entre autres :

« (...) nous comprenons et soutenons les efforts du père tendant à mettre fin à la séparation constante entre lui et les enfants (...). Ceux-ci ont été informés de la possibilité de retourner auprès du père par téléphone et par leur sœur aînée R. qui est la seule avec qui M. Havelka communique. Ces informations remplies d'un grand espoir réjouissent les enfants mais elles apportent aussi des doutes et ambiguïtés desquels ils parlent ouvertement (...).

(...) les enfants sont influencés par les expériences et opinions de leurs frères et sœurs aînés concernant le style de vie du père. Malgré leur affection pour le père ils craignent que lors d'un retour « chez eux » dans un logement social, le père pourrait ne pas se conformer au règlement interne (...) de manière à exclure tout changement éventuel ainsi que leur retour dans l'établissement public. (...)

Cela constitue une raison sérieuse pourquoi les [deuxième, troisième et quatrième requérants], à l'exclusion de toute influence extérieure, tendent à penser qu'il vaut mieux attendre une autre possibilité de retourner dans les conditions familiales permanentes et invariables (...). »

21.  Le 28 avril 2005, le tribunal municipal (Městský soud) de Prague confirma le jugement attaqué. Il observa d'abord que le formulaire de pouvoir soumis à l'époque par le représentant de l'intéressé se rapportait uniquement à la procédure relative à la mesure provisoire, c'est pourquoi celui-ci n'avait pas été cité à comparaître à l'audience du 15 juin 2004. Le tribunal considéra ensuite que le tribunal de première instance avait rassemblé des données suffisantes et qu'il en avait tiré des conclusions appropriées. Selon lui, les circonstances de l'espèce n'avaient pas connu, depuis l'adoption du jugement attaqué, un changement important tel qu'il justifierait sa réformation : le requérant n'évoquait que des hypothèses et n'avait soumis aucun contrat de travail, et le logement provisoire qu'il avait trouvé (consistant en une seule chambre) ne pouvait pas être considéré comme un environnement stable et approprié pour accueillir trois enfants.

22.  Le 16 septembre 2005, les quatre requérants introduisirent un recours constitutionnel, alléguant que la décision de placement n'était pas conforme à la loi et violait les articles 6 et 8 de la Convention ainsi que la Convention relative aux droits de l'enfant. Selon eux, cette ingérence n'était pas nécessaire dans une société démocratique, faute de satisfaire au critère de proportionnalité. Ils alléguaient que les tribunaux n'avaient pas dûment établi l'avis des requérants mineurs ni n'avaient donné à leurs parents une occasion suffisante de participer au processus décisionnel ; l'objection concernant le tuteur ad litem fut également réitérée. Les intéressés faisaient valoir que la mesure de placement était motivée uniquement par des carences matérielles, sans pour autant que les autorités s'acquittent envers eux de leurs obligations positives, sous forme de conseil ou d'assistance, ou qu'elles envisagent des mesures alternatives (comme le placement dans un établissement pour les enfants ayant besoin des soins immédiats). Selon les requérants, l'ingérence litigieuse satisferait à l'exigence de subsidiarité seulement si ces démarches positives n'avaient pas abouti. Or, leur situation sociale et matérielle insatisfaisante ne pouvait pas être résolue par une ingérence des pouvoirs publics dans leur droit au respect de la vie familiale, lequel bénéficiait d'une protection qualifiée. Ils affirmaient enfin qu'il n'avait pas été démontré que le logement inconvenable aurait eu des répercussions directes sur la santé ou le développement psychique des enfants, tandis que le placement dans un établissement public les exposait à un risque de privation affective.

23.  Par la décision du 16 novembre 2005, notifiée à l'avocat des requérants le 1er décembre 2005, la Cour constitutionnelle (Ústavní soud) déclara le recours irrecevable pour défaut manifeste de fondement. Elle considéra que, eu égard aux intérêts des enfants et aux conditions de vie que leur avaient créées leurs parents, la mesure litigieuse était la seule solution possible. Selon la cour, il ressortait des rapports de l'autorité sociale compétente que celle-ci avait fourni à la famille, suivie par elle depuis 1994, des conseils pour résoudre la situation. En ce qui concerne des solutions alternatives, la cour estima que le placement dans un établissement pour les enfants ayant besoin de soins immédiats était équivalent au placement dans un établissement d'assistance éducative. Quant à l'objection concernant le tuteur ad litem, elle releva que dans la procédure relative aux enfants mineurs, régie par le principe de l'inquisitoire, le tribunal n'était pas lié par les demandes des parties ; il n'était donc pas pertinent de savoir qui avait formé la demande de placement, et les droits des requérants n'avaient aucunement été atteints car l'état des faits avait été établi en coopération avec tous les intéressés. Enfin, la juridiction constitutionnelle releva que le premier requérant avait été entendu en appel et que l'avis des trois autres requérants avait été établi.

Actuellement, le premier requérant occupe toujours l'appartement concerné par l'éviction.

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

24.  Le droit interne pertinent est décrit dans l'arrêt Wallová et Walla c. République tchèque (no 23848/04, §§ 37-46, 26 octobre 2006).

Loi no 94/1963 sur la famille

25.  En vertu de l'article 31 § 3, l'enfant qui a atteint un niveau de développement lui permettant de se former sa propre opinion et d'évaluer l'impact des mesures le concernant, a le droit d'obtenir les informations nécessaires et de s'exprimer librement sur toutes les décisions de ses parents relatives aux questions fondamentales de son existence et d'être entendu dans chaque procédure portant sur ces questions.

26.  L'article 37 § 2 dispose que dans les cas où l'enfant ne peut être représenté par aucun des parents, le tribunal lui désigne un tuteur censé le représenter dans la procédure ou lors d'un acte juridique. En règle générale, le rôle du tuteur est conféré à l'autorité de la protection sociale.

Selon la doctrine, l'autorité de la protection sociale ne devrait pas être investie du rôle du tuteur lorsque c'est elle qui a intenté la procédure en formant une demande au sens de l'article 14 § 1 de la loi no 359/1999 sur la protection sociale de l'enfant [entre autres, demande de la prise en charge d'un enfant]. En effet, si cette autorité est dans la position procédurale de demandeur, elle ne peut pas en même temps assumer un rôle différent du tuteur et le tribunal devrait désigner une autre personne appropriée.

A cet égard, les requérants citent une décision (no 17 Co 151/2004) du tribunal municipal de Prague, qui enjoignit au tribunal de première instance ayant ordonné la prise en charge d'un enfant mineur de désigner à ce dernier un nouveau tuteur car « il est inapproprié et contre-productif que ce rôle soit assumé par celui qui a formé la demande d'entamer la procédure ».

27.  L'article 46 § 2 impose au tribunal d'examiner, avant d'ordonner le placement dans un établissement d'assistance éducative, la question de savoir si l'éducation de l'enfant peut être assurée par une famille d'accueil ou par un établissement pour les enfants ayant besoin des soins immédiats, ce type d'éducation étant prioritaire. Si les motifs de l'ordonnance de placement cessent d'exister ensuite ou si l'enfant peut être confié à une famille d'accueil, le tribunal met fin au placement dans l'établissement public.

Code civil

28.  Aux termes de l'article 711 § 1 d), le bailleur peut résilier le bail, sous réserve de consentement du tribunal, si le locataire ne respecte pas les obligations résultant pour lui du bail, notamment s'il ne s'est pas acquitté du loyer ou des charges pendant plus de trois mois.

29.  L'article 712 § 5 dispose que si le bail a pris fin par la résiliation du bailleur en vertu de l'article 711 § 1 d), ce dernier doit fournir au locataire un abri provisoire. S'il s'agit d'une famille avec les enfants mineurs, si le bail a pris fin par la résiliation du bailleur en vertu de l'article 711 § 1 d) et si des conditions particulières le demandent, le tribunal peut décider que le locataire a droit à un logement ou à un appartement compensateur.

Selon l'article 712 § 6, le locataire qui a droit à un abri ou à un logement compensateur n'est pas tenu de quitter l'appartement litigieux avant que l'abri ou le logement compensateur ne soient mis à sa disposition.

III. D'AUTRES SOURCES

30.  Les observations du Comité des droits de l'enfant, institué par l'article 43 § 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, sur les rapports présentés par la République tchèque en 2002 et 2003 sont citées dans l'arrêt Wallová et Walla c. République tchèque (précité).

Convention relative aux droits de l'enfant

31.  Aux termes de l'article 12, les Etats parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. A cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'une organisation approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale.

Recommandation Rec (2005) 5 du Comité des Ministres aux Etats membres relative aux droits des enfants vivant en institution (adoptée le 16 mars 2005)

32.  Les principes fondamentaux, énumérés dans l'annexe à cette recommandation, sont entre autres :

« (...) des mesures préventives de soutien aux enfants et aux familles qui soient adaptées à leurs besoins spécifiques doivent être mises en place dans la mesure du possible ; (...)

- le placement ne doit pas durer plus longtemps que nécessaire et doit faire l'objet d'évaluations périodiques au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant qui doit primer sur les autres considérations lors de son placement ; toute aide possible doit être apportée aux parents afin de permettre un retour harmonieux de l'enfant dans sa famille et dans la société ; (...)

- la procédure, l'organisation et les modalités du placement, comprenant un réexamen périodique de son bien-fondé, garantiront les droits de l'enfant, y compris celui d'être entendu ; il convient d'accorder à l'opinion de l'enfant l'attention qu'elle mérite en tenant compte de l'âge de l'enfant et du degré de sa maturité (...). »

Recommandation Rec (2006) 19 du Comité des Ministres aux Etats membres relative aux politiques visant à soutenir une parentalité positive (adoptée le 13 décembre 2006)

33.  Parmi les principes fondamentaux des politiques et mesures, la recommandation énonce celui d'associer les parents et les enfants, lorsque c'est approprié, à l'élaboration et à la mise en œuvre des mesures les concernant. En outre, les gouvernements devraient organiser leurs politiques et leurs programmes de manière à, entre autres, créer les conditions nécessaires pour une parentalité positive, en s'assurant que tous ceux qui élèvent des enfants ont accès à des ressources adéquates et diversifiées (matérielles, psychologiques, sociales et culturelles), et que les besoins des enfants et des parents sont pris en compte dans les modèles de vie et les attitudes sociales. Les politiques publiques de soutien à la parentalité devraient respecter, entre autres, le droit de l'enfant à la participation, à l'expression de son opinion, d'être entendu et considéré. Enfin, une attention particulière devrait être portée aux situations sociales et économiques difficiles ainsi qu'aux cas de crise au sein de la famille, nécessitant un soutien plus spécifique ; et une approche plus ciblée devrait être mise en place afin de répondre aux besoins, entre autres, des familles en situation socio-économique difficile.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

34.  Les requérants allèguent que la procédure ayant abouti à la prise en charge de trois d'entre eux n'a pas respecté les exigences d'équité prévues à l'article 6 § 1 de la Convention, notamment parce que le rôle du tuteur ad litem censé les représenter dans cette procédure a été conféré à l'autorité de la protection sociale qui avait formulé la demande de la prise en charge, que les deuxième, troisième et quatrième requérants n'ont pas été entendus par les tribunaux et que leurs parents biologiques (dont le premier requérant) n'ont pas été suffisamment associés à la procédure. Les intéressés soutiennent également que ladite mesure de placement n'a pas été conforme aux exigences de l'article 8 de la Convention ; selon eux, il s'agit d'une ingérence disproportionnée pour laquelle il n'existait pas de motifs suffisants.

35.  Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, la Cour estime approprié d'examiner les griefs soulevés par les intéressés uniquement sous l'angle de l'article 8, lequel exige que le processus décisionnel débouchant sur des mesures d'ingérence soit équitable et respecte comme il se doit les intérêts protégés par cette disposition (Kutzner c. Allemagne, no 46544/99, § 56, CEDH 2002‑I ; Wallová et Walla c. République tchèque, précité, § 47).

L'article 8 de la Convention dispose ainsi dans ses parties pertinentes :

« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie (...) familiale (...).

2.  Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

36.  Le Gouvernement s'oppose à la thèse des requérants.

A.  Sur la recevabilité

37.  La Cour constate que la requête n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention et qu'elle ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.

B.  Sur le fond

1.  Thèses des parties

A.  Le Gouvernement

38.  Le Gouvernement considère d'abord comme infondée l'allégation des intéressés selon laquelle il y avait eu un conflit d'intérêts lorsque l'autorité sociale ayant saisi le tribunal de la demande de la prise en charge avait été investie du rôle du tuteur censé représenter les requérants mineurs. Le Gouvernement souligne que, étant donné que les enfants mineurs ne sont pas en principe capables de définir leurs intérêts de manière suffisamment fiable, la loi exige qu'ils soient représentés par un tuteur censé identifier et poursuivre leurs intérêts supérieurs. Dans ce rôle, il ne peut pas être indépendant à l'égard de toutes les parties de la procédure, comme semblent le vouloir les requérants. Tout conflit d'intérêts est exclu car les fonctions du tuteur, à savoir celles de garant de l'intérêt supérieur de l'enfant et d'autorité de surveillance proposant des mesures éducatives, sont en symbiose. En outre, vu que les procédures relatives aux enfants mineurs sont régies par le principe de l'inquisitoire, les tribunaux ne sont liées par aucune demande, ni par celle de l'autorité de la protection sociale. Le Gouvernement observe également que, lors de son audition devant la juridiction d'appel, le premier requérant a clairement exprimé le souhait de réunir la famille. La position des autres requérants, souhaitant de retourner auprès de leur père, a été communiquée au tribunal par l'établissement où ils étaient placés ; l'on ne saurait donc soutenir qu'ils n'ont pas été en mesure de présenter leur « attitude authentique ».

En réponse aux observations des requérants, le Gouvernement estime par ailleurs que l'article 6 § 1 de la Convention ne consacre pas le droit des mineurs à une position procédurale indépendante dans une procédure portant sur la prise en charge. En tout état de cause, l'Etat devrait se voir accorder une large marge d'appréciation dans ce domaine.

39.  Le Gouvernement soutient dans ce contexte que la procédure litigieuse a été équitable et respectueuse des intérêts protégés par l'article 8. Il estime que, eu égard à l'attitude de B.H. qui ne s'intéressait pas à ses enfants, son audition n'a pas été nécessaire ; de toute façon, les citations à comparaître qui lui ont été adressées sont restées sans réponse. Quant au premier requérant, le Gouvernement admet qu'il n'a pas été entendu en première instance car il n'a pas comparu, sans excuse préalable, à l'audience du 15 juin 2004. Il a cependant été entendu par la juridiction d'appel et s'est vu ainsi offrir l'occasion de défendre ses droits ; par ailleurs, par l'intermédiaire de son avocat, l'intéressé a pu présenter sa cause devant la Cour constitutionnelle. Le tribunal municipal a également procédé à l'audition du tuteur.

En ce qui concerne les deuxième, troisième et quatrième requérants, ceux-ci ont exprimé leurs souhaits d'abord lors d'un examen psychologique effectué à la suite de l'adoption de la mesure provisoire. S'il est vrai qu'ils n'ont pas été ensuite entendus par les tribunaux, leurs opinions ont néanmoins été établies de manière indirecte. En effet, les tribunaux ont pris en compte les rapports dressés par l'établissement public, dans lesquels les enfants se prononçaient clairement pour la réunion avec leur père. Dans ces circonstances, leur audition personnelle apparaissait superflue.

40.  Le Gouvernement affirme ensuite que la mesure litigieuse se fondait sur l'article 46 de la loi sur la famille, poursuivait le but légitime de la protection de la santé et de la morale ainsi que des droits et libertés des enfants et qu'elle était nécessaire dans une société démocratique. Il note que depuis 2002 le requérant refusait des visites des assistantes sociales, qui ont dû parfois se faire assister par la police, que sa consommation d'alcool était excessive, qu'il ne travaillait pas et ne tentait pas de résoudre sa situation économique difficile. Faute de paiement des charges, l'appartement où vivaient les requérants n'était plus alimenté en électricité ni en gaz et les toilettes ne fonctionnaient pas. Dans ces conditions, le premier requérant n'était pas capable d'assurer les besoins hygiéniques fondamentaux de ses enfants. De plus, comme il ne s'acquittait pas du loyer et que sa dette s'élevait, au moment de la décision du tribunal d'arrondissement, à environ 40 000 EUR, une ordonnance de l'éviction a été rendue à son encontre dès 2003, laquelle est passée en force de chose jugée pendant que la procédure de la prise en charge était pendante en appel. C'est sur ces considérations matérielles que les tribunaux nationaux se sont fondés pour ordonner la prise en charge des enfants. Selon eux, le premier requérant avait complètement échoué dans son éducation et n'était pas en mesure d'assurer à ses enfants les besoins vitaux nécessaires pour leur développement physique et moral.

41.  A cet égard, le Gouvernement juge trop strict le principe jurisprudentiel selon lequel les conditions de vie insatisfaisantes ou des privations matérielles ne doivent pas constituer le seul motif justifiant la prise en charge des enfants (Wallová et Walla c. République tchèque, précité, § 72). Dans certaines circonstances, l'application de ce principe pourrait selon lui être préjudiciable à l'intérêt supérieur de l'enfant car lorsqu'une famille est menacée par une éviction imminente et ne dispose pas d'un logement compensateur, l'atteinte aux intérêts de l'enfant est tellement grave que d'autres considérations, telles que les conditions psychiques des parents ou leurs capacités affectives ou éducatives, sont sans pertinence. Dans une situation pareille, il correspond mieux à l'intérêt supérieur de l'enfant de le placer, pendant une période nécessaire, dans un établissement spécialisé. Le Gouvernement se dit convaincu qu'en l'espèce, cette solution présentait le moindre mal. En effet, le risque pour le développement des enfants était trop élevé pour que les tribunaux aient pu se contenter d'une confiance passive en les efforts, quasiment inexistants, du premier requérant. Les intérêts de ce dernier ont également été ménagés car il a eu la possibilité, dont il n'a que peu profité, de rendre régulièrement visite à ses enfants et de se faire conseiller en vue de développer leurs liens familiaux et d'obtenir la réunion de la famille.

42.  Pour ce qui est des mesures positives adoptées en l'occurrence par les autorités nationales, le Gouvernement observe qu'avant la décision finale sur la prise en charge, les tribunaux ont envisagé des mesures alternatives moins contraignantes. Il relève d'abord que le placement des enfants dans un établissement public n'a été ordonné qu'après que l'éducation de ceux-ci avait été soumise à une surveillance judiciaire pendant dix ans. En outre, aucune des sœurs du premier requérant n'a été à même d'accueillir les mineurs, et l'initiative du tuteur tendant à les confier à une « famille plus large » n'a pas abouti en raison de l'attitude de l'intéressé. Des promesses fournies au requérant par une organisation non-gouvernementale ne constituaient pas selon le tribunal municipal une garantie suffisante d'une bonne éducation des enfants, notamment parce qu'il s'agissait d'une offre d'un logement temporaire consistant en une seule chambre. De plus, le requérant était toujours au chômage et ne figurait même pas dans le registre des demandeurs d'emploi. Néanmoins, le motif principal du rejet de cette alternative du logement provisoire était selon le Gouvernement la crainte des enfants, mentionnée dans le rapport de la directrice de l'établissement, crainte que leur père ne serait pas capable de faire face à la nouvelle situation et qu'ils seraient donc confrontés aux mêmes problèmes qu'auparavant et obligés de retourner dans l'établissement ; ainsi, ils auraient préféré attendre pour pouvoir rentrer dans des conditions permanentes et invariables (voir paragraphe 20 in fine ci-dessus).

43.  Le Gouvernement souligne aussi que la responsabilité primaire pour le bien-être des enfants incombe aux parents ; en l'absence d'une initiative des ces derniers, il est pratiquement impossible pour les autorités nationales d'améliorer leur situation. Or, en l'occurrence, le premier requérant a fait preuve d'une attitude apathique et non coopérative ; selon des rapports dressés par l'autorité sociale entre mars 2003 et avril 2004, il aurait déclaré lors de leurs entretiens qu'il n'allait pas travailler et que le sort des enfants lui importait peu. Nonobstant cette passivité, les assistantes sociales fournissaient à la famille toute sorte de soutien, notamment en vue d'aider le père à obtenir des allocations sociales. Ainsi, ce dernier percevait entre 1996 et 2006 différents types d'allocations, dont de nombreux paiements exceptionnels, des aides financières destinées à lui permettre de rendre visite à ses enfants ainsi que des allocations de logement. Malgré cela, il ne s'acquittait pas du loyer et faisait face à une ordonnance d'éviction. Dans cette situation, le tuteur a tenté de procurer aux enfants un logement dans un établissement géré par une organisation non-gouvernementale, ce qui n'a pas abouti, faute de place. De plus, en mars 2004, le tribunal d'arrondissement a décidé que les requérants avaient droit à un abri où les trois premières nuits seraient à la charge de la municipalité et les suivantes à la charge du premier requérant ; celui-ci n'a cependant pas tiré parti de cette possibilité.

44.  Le Gouvernement note enfin que l'attitude du premier requérant demeure inchangée même après l'ordonnance de la prise en charge : il ne travaille toujours pas, ne figure pas dans le registre des demandeurs d'emploi et se borne, en dehors des vacances scolaires, à un contact téléphonique avec ses enfants.

B.  Les requérants

45.  Les requérants estiment d'abord que le Gouvernement n'a pas saisi le sens de leur objection concernant le tuteur ad litem. En réalité, ils se plaignent que les enfants ont été privés de leurs droits procéduraux, et ce dans une procédure qui ne perd pas son caractère contradictoire en dépit du fait que le tribunal n'est pas lié par les demandes des parties ; en effet, les rôles du demandeur de la mesure éducative et du tuteur ad litem ont été mélangés. Selon eux, au moment où l'autorité de la protection sociale forme une demande d'une mesure éducative, elle devient partie à la procédure qui soumet son opinion au tribunal. Si elle est également investie du rôle du tuteur, les enfants qu'elle est censée représenter deviennent également, du point de vue procédural, demandeurs de ladite mesure. Or, le droit d'une partie à une procédure contradictoire ne saurait se limiter au droit d'exprimer son opinion, comme semble le concevoir le Gouvernement, mais englobe aussi le droit de proposer et soumettre des preuves, contester les preuves présentées par la partie adverse, interroger les témoins et les experts. C'est le tuteur ad litem qui peut exercer ces droits au nom des enfants qui sont parties à la procédure et qui ont le droit à une position procédurale indépendante. Or, en l'espèce, les deuxième, troisième et quatrième requérants sont en pratique devenus demandeurs de la prise en charge, sans pouvoir adopter une position procédurale différente.

46.  Le premier requérant admet que sa coopération avec l'autorité sociale compétente s'est détériorée car les assistantes sociales lui semblaient trop arrogantes. Il affirme cependant qu'il n'a jamais abusé de l'alcool ; par ailleurs, cette allégation n'a jamais fait l'objet d'un examen par les tribunaux qui ne l'ont pas non plus avancée comme un motif pour la mesure de la prise en charge. L'intéressé nie ensuite de ne pas avoir déployé suffisamment d'efforts pour trouver un emploi. Il note à cet égard qu'il se trouve dans une position fortement désavantagée sur le marché de l'emploi, et ce en raison de son âge, de son invalidité partielle, de son manque d'éducation et du fait qu'il s'occupe de trois enfants mineurs. Dès lors, il n'a réussi à trouver que des emplois temporaires. Quant à l'état de son appartement, le premier requérant concède que l'alimentation en électricité avait parfois été interrompue mais affirme qu'il y avait toujours du gaz, de l'eau et que les toilettes fonctionnaient. C'est pourquoi il conteste l'allégation du Gouvernement selon laquelle il n'était pas capable d'assurer les besoins hygiéniques fondamentaux de ses enfants. Cependant, l'audition de l'enseignante de ses enfants qui aurait pu confirmer sa thèse a été jugée superflue par les tribunaux.

47.  En ce qui concerne les diverses allocations sociales qui leur ont été versées, les requérants soutiennent que l'on ne saurait les considérer comme une sorte de mesure spéciale allant au-delà de ce que le système social garantit aux citoyens se trouvant dans une situation économique similaire. Par ailleurs, divisée par le nombre d'années et de personnes, la somme perçue était de 60 EUR par mois et par personne. Il faut également prendre en compte le coût de la vie à Prague et le fait que la mère des enfants ne s'acquittait pas de la pension alimentaire. Les intéressés observent en outre que la dette sur le loyer augmentait dramatiquement en raison des intérêts moratoires très élevés (environ 91 % par an). Etant donné que l'appartement en question appartenait à la municipalité, et non à une personne privée, la réduction et la suspension de ces intérêts, ou du moins la possibilité de les payer par mensualités raisonnables, auraient pu être envisagées pour les aider. De plus, le soutien prétendument fourni par l'autorité sociale se bornait à des incitations de trouver un emploi et un appartement, adressées au premier requérant, sans qu'il ait été assisté dans ses démarches.

48.  Les requérants souscrivent entièrement aux principes formulés par la Cour dans l'arrêt Wallová et Walla c. République tchèque (précité). Par ailleurs, ils notent que, à la différence des requérants Wallová et Walla, ils vivaient dans un appartement équipé où ne manquait que l'électricité. Quant à la menace d'une éviction imminente avancée par le Gouvernement, ils considèrent cet argument douteux dans la situation où le premier requérant occupait l'appartement en question durant toute la procédure judiciaire et l'occupe encore aujourd'hui, et que ladite menace n'a pas empêché les autorités de prononcer l'extinction de la première procédure (voir paragraphe 13 ci-dessus). Enfin, admettant qu'ils craignaient un éventuel retour dans l'établissement public, les requérants s'opposent à ce que cela soit considéré comme une préférence des enfants de ne pas rejoindre leur père. Qui plus est, ces allégations émanaient de la directrice de l'établissement et ne constituaient en aucun cas l'un des motifs de la décision du tribunal municipal comme le prétend le Gouvernement (voir paragraphe 42 in fine ci-dessus).

49.  Par ailleurs, pour des raisons inexpliquées, les deuxième, troisième et quatrième requérants ont été placés dans un établissement très éloigné du domicile du premier requérant. C'est pourquoi ils ont convenu de se voir moins souvent mais pendant une période plus longue, lors des vacances ; à part cela, ils restent en contact par téléphone ou par lettres.

50.  En ce qui concerne des mesures alternatives citées par le Gouvernement, les requérants déclarent ne pas avoir été informés de la possibilité d'être accueillie par une « famille plus large » ; une telle option n'a pas non plus été discutée devant les tribunaux. Au contraire, les tribunaux auraient violé l'article 46 § 2 de la loi sur la famille car ils n'ont pas envisagé l'option de l'accueil dans un établissement pour les enfants ayant besoin des soins immédiats, existante à l'époque. L'ingérence dans le droit des requérants au respect de leur vie familiale n'a donc pas été conforme à la loi. En outre, le tribunal municipal a à tort écarté la possibilité d'un hébergement social provisoire ; en effet, ce logement consistant en une chambre n'aurait pas été inférieur à leurs conditions de vie dans l'établissement public. Pour ce qui est de l'abri mentionné par le Gouvernement (voir paragraphe 43 in fine ci-dessus), les requérants notent que, en cas d'éviction, l'ayant droit doit toujours procurer un abri à celui frappé par l'éviction ; si ce dernier le refuse, les autorités procèdent contre sa volonté. Le fait que, en l'espèce, le premier requérant n'a pas été forcé de s'installer dans cet abri démontre que celui-ci n'a pas été convenable. D'ailleurs, la qualité de l'hébergement social provisoire, pourtant désapprouvé par le tribunal, a été nettement meilleure. Il n'est donc pas vrai que si l'intéressé avait accepté cet abri, la famille aurait pu rester ensemble.

51.  En dernier lieu, le premier requérant conteste les faits relevés par le Gouvernement dans les rapports de l'autorité sociale (voir paragraphe 43 ci-dessus) et soutient que ceux-ci n'ont pas été discutés devant les tribunaux. Il réitère que le tribunal municipal n'a pas fondé son arrêt sur les problèmes d'hygiène ou de santé des enfants ni sur son prétendu abus de l'alcool.

2.  Appréciation de la Cour

52.  La Cour observe que le 31 mars 2004, les deuxième, troisième et quatrième requérants ont été provisoirement placés dans un établissement public d'assistance éducative. Cette mesure a été définitivement reconduite par les décisions des 15 juin 2004 et 28 avril 2005, au motif que les soins dispensés par le premier requérant se dégradaient et qu'en raison de sa situation économique difficile, l'appartement n'était plus alimenté en énergie et la famille était menacée de l'éviction.

53.  Selon la jurisprudence constante de la Cour, pour un parent et son enfant, être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale (Kutzner c. Allemagne, précité, § 58) et des mesures internes qui les en empêchent constituent une ingérence dans le droit protégé par l'article 8 de la Convention (K. et T. c. Finlande [GC], no 25702/94, § 151, CEDH 2001‑VII). Pareille ingérence méconnaît l'article 8 sauf si, « prévue par une loi », elle poursuit un ou des buts légitimes au regard du second paragraphe de cette disposition et est « nécessaire, dans une société démocratique », pour les atteindre. La notion de « nécessité » implique une ingérence fondée sur un besoin social impérieux, et notamment proportionnée au but légitime recherché (voir, par exemple, Couillard Maugery c. France, no 64796/01, § 237, 1er juillet 2004).

54.  En l'espèce, il n'est pas contesté devant la Cour que la prise en charge des trois enfants s'analyse en une « ingérence » dans l'exercice du droit des requérants au respect de leur vie familiale. Fondée sur l'article 46 § 1 de la loi sur la famille, la mesure litigieuse était « prévue par la loi ». Il ressort également des motifs retenus par les juridictions internes que leurs décisions avaient en l'espèce pour objectif la sauvegarde des intérêts des enfants. L'ingérence dont il est question poursuivait donc un but légitime prévu par l'article 8 § 2 de la Convention : « la protection des droits et libertés d'autrui ».

55.  Pour apprécier la « nécessité » de la mesure litigieuse « dans une société démocratique », la Cour considérera si, à la lumière de l'ensemble de l'affaire, les motifs invoqués à l'appui de celle-ci étaient pertinents et suffisants aux fins du paragraphe 2 de l'article 8 de la Convention. A cette fin, elle tiendra compte du fait que l'éclatement d'une famille constitue une ingérence très grave ; une telle mesure doit donc reposer sur des considérations inspirées par l'intérêt de l'enfant et ayant assez de poids et de solidité (Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 148, CEDH 2000‑VIII). Toutefois, la Cour n'a point pour tâche de se substituer aux autorités internes dans l'exercice de leurs responsabilités en matière de réglementation des questions de la prise en charge des enfants par l'autorité publique et des droits des parents dont les enfants ont été ainsi placés, mais de contrôler sous l'angle de la Convention les décisions qu'elles ont rendues dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation (K. et T. c. Finlande [GC], précité, § 154 ; Couillard Maugery c. France, précité, § 242). 

56.  Dans ce contexte, la Cour rappelle que le fait qu'un enfant puisse être accueilli dans un cadre plus propice à son éducation ne saurait en soi justifier qu'on le soustraie de force aux soins de ses parents biologiques ; pareille ingérence dans le droit des parents, au titre de l'article 8 de la Convention, à jouir d'une vie familiale avec leur enfant doit encore se révéler « nécessaire » en raison d'autres circonstances (K. et T. c. Finlande [GC], précité, § 173 ; Kutzner c. Allemagne, précité, § 69). De surcroît, l'article 8 met à la charge de l'Etat des obligations positives inhérentes au « respect » effectif de la vie familiale. Ainsi, là où l'existence d'un lien familial se trouve établie, l'Etat doit en principe agir de manière à permettre à ce lien de se développer et prendre les mesures propres à réunir le parent et l'enfant concernés (Kutzner c. Allemagne, précité, § 61). De surcroît, il faut normalement considérer la prise en charge d'un enfant comme une mesure temporaire à suspendre dès que la situation s'y prête (Haase c. Allemagne, no 11057/02, § 93, CEDH 2004‑III (extraits)).

57.  La Cour observe que la présente requête s'apparente à l'affaire Walla et Wallová c. République tchèque (précitée), où la prise en charge a été ordonnée pour la seule raison que la famille occupait à l'époque un logement inadéquat. En l'espèce, l'autorité sociale reprochait au premier requérant que sa coopération avec elle était problématique, que les conditions économiques et sociales de la famille allaient en dégradant car l'appartement n'était plus alimenté en électricité et en gaz, qu'il consommait de l'alcool, ne travaillait pas et accumulait des dettes sur le loyer, lesquelles ont mené à une ordonnance d'éviction.

A aucun moment, il n'a pas été allégué lors de la procédure litigieuse que les requérants mineurs souffraient de troubles psychiques, de problèmes de santé, de retards dans l'apprentissage ou de privations affectives, qu'ils avaient subi des maltraitances ou des abus sexuels, ou que l'état psychique de leur père était inquiétant, comme ce fut le cas dans beaucoup d'affaires déjà examinées par la Cour (pour les références, voir Walla et Wallová c. République tchèque, précité, § 72).

58.  Quant aux motifs avancés en l'occurrence par les tribunaux, la Cour note que certains d'entre eux demeurent sujets à controverse entre les parties. Ainsi, le requérant affirme qu'à l'exception de l'électricité, tout fonctionnait dans l'appartement, les enfants étaient toujours propres et ne manquaient de rien. Il conteste également avoir abusé de l'alcool. A cet égard, la Cour se doit de relever la déclaration du tuteur faite devant le tribunal municipal, selon laquelle la question de savoir si l'intéressé consommait ou non de l'alcool n'avait pas été entièrement élucidée (voir paragraphe 20 ci-dessus). Il semble donc que les tribunaux nationaux se soient fondés essentiellement sur les preuves fournies par le tuteur, qui était à la fois demandeur de la mesure litigieuse, alors qu'il leur incombait d'office, selon le principe inquisitoire, de rechercher la vérité (voir, mutatis mutandis, H.F. c. Slovaquie, no 54797/00, §§ 41-42, 8 novembre 2005).

59.  Pour ce qui est de la menace de l'éviction, que le Gouvernement qualifie d'imminente, la Cour observe que selon les informations fournies par le Gouvernement lui-même (voir paragraphe 40 ci-dessus), l'ordonnance de l'éviction n'a acquis la force de chose jugée que pendant que l'affaire était pendante en appel. De surcroît, il résulte des dispositions pertinentes du code civil qu'en cas de l'éviction pour non-paiement du loyer, le bailleur – qui était en l'occurrence la municipalité - est tenu d'assurer au locataire un logement compensateur, ou du moins un abri, sans quoi l'éviction ne peut pas avoir lieu. Dans cette situation, la Cour n'est pas convaincue qu'il ait été dans l'intérêt des enfants mineurs de recourir à la séparation totale de la famille, laquelle semble être la mesure la plus radicale ne pouvant s'appliquer qu'aux cas les plus graves (Walla et Wallová c. République tchèque, précité, § 73).

60.  Il convient également de noter que le manque de coopération ne constitue pas un élément absolument déterminant dans la mesure où il ne dispense pas les autorités de mettre en œuvre des moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c. France, précité, § 307). En l'espèce, à la lumière des faits mentionnés par le requérant dans son appel contre le jugement du 15 juin 2004, il ne peut pas être constaté avec certitude que le premier requérant n'a entrepris aucun effort sérieux pour remédier à sa situation. Ses arguments concernant ses faibles chances de réussir sur le marché de l'emploi et le montant élevé des intérêts moratoires sur le loyer ne sont pas non plus dépourvus de pertinence.

61.  Il est vrai qu'à la différence des requérants Wallová et Walla, le premier requérant percevait de nombreuses allocations sociales, dont certaines versées à titre exceptionnel. La Cour estime néanmoins que dans la situation où cette aide financière s'est avérée insuffisante, les autorités de la protection sociale auraient dû en l'espèce conseiller le premier requérant quant aux autres moyens de surmonter ses difficultés et de trouver une solution à ses problèmes (voir, mutatis mutandis, Walla et Wallová c. République tchèque, précité, §§ 74-75). Dans ce contexte, la Cour renvoie, à titre indicatif, aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comité des Ministres relative aux politiques visant à soutenir une parentalité positive, selon laquelle des familles en situation socio-économique difficile devraient se voir accorder une attention particulière, un soutien plus spécifique et une approche plus ciblée.

S'y ajoute le fait, souligné par les requérants, que les tribunaux ne semblent pas avoir examiné la possibilité de placer les requérants mineurs dans un établissement pour les enfants ayant besoin des soins immédiats, au sens de l'article 46 § 2 de la loi sur la famille, établissement qui est censé dispenser des soins de caractère familial et où les parents ont une possibilité quotidienne de rendre visite à leurs enfants. En revanche, il ne ressort pas du dossier que la possibilité de confier les enfants à une « famille plus large », mentionnée par le Gouvernement dans ses observations (voir paragraphe 42 ci-dessus), ait été réellement considérée par les tribunaux.

62. De surcroît, la Cour ne peut apprécier de manière satisfaisante si lesdites raisons, fussent-elles pertinentes, étaient suffisantes aux fins de l'article 8 § 2 sans déterminer en même temps, au vu des circonstances propres à chaque affaire, si le processus décisionnel a assuré aux requérants la protection requise de leurs intérêts (Sommerfeld c. Allemagne [GC], no 31871/96, §§ 66 et 68, CEDH 2003‑VIII (extraits)). A cet égard, elle considère comme regrettable que l'autorité de la protection sociale qui avait formé la demande de la prise en charge a été investie du rôle du tuteur des requérants concernés (voir également paragraphe 26 ci-dessus) et que ceux-ci, bien qu'âgés de treize, douze et onze ans à l'époque, n'ont pas été entendus directement par les tribunaux. Il convient également de noter que le premier requérant a été auditionné par la juridiction d'appel seulement au moment où ses enfants étaient placés dans l'établissement public depuis un an déjà, alors que rien n'empêchait le tribunal de première instance d'ordonner sa comparution en personne après qu'il ne s'est pas présenté à l'audience du 15 juin 2004. Or, pour adopter une telle décision, revêtant une importance cruciale pour l'avenir des enfants, les vues de leurs parents ayant manifesté leur intérêt doivent nécessairement figurer parmi les premiers éléments à peser.

Ainsi, tout en réitérant qu'il ne lui revient pas de substituer son appréciation à celle des autorités nationales compétentes quant aux mesures qui auraient dû être prises car ces autorités sont en principe mieux placées pour procéder à une telle évaluation, en particulier parce qu'elles sont en contact direct avec le contexte de l'affaire et les parties impliquées (voir, mutatis mutandis, Reigado Ramos c. Portugal, no 73229/01, § 53, 22 novembre 2005 ; Fiala c. République tchèque, no 26141/03, § 99, 18 juillet 2006), la Cour se doit de constater que, en l'espèce, les tribunaux n'ont pas pris toutes les mesures susceptibles de leur assurer un tel contact direct.

63.  En conclusion, la Cour considère que les décisions de la prise en charge ne se fondaient pas sur des raisons suffisantes de nature à les justifier comme proportionnées au but légitime poursuivi. Nonobstant la marge d'appréciation des autorités internes, la mesure litigieuse n'était donc pas « nécessaire dans une société démocratique ».

64.  Partant, il y a eu violation de l'article 8 de la Convention.

II.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

65.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

66.  Les requérants ne réclament rien au titre du préjudice matériel. Pour le dommage moral qu'ils auraient subi du fait de leur séparation, ils demandent de se voir allouer chacun 10 000 euros (EUR), soit le total de 40 000 EUR.

67.  Considérant le montant réclamé par les requérants comme excessif, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Cour.

68.  La Cour est d'avis que les requérants ont subi un tort moral indéniable en raison de l'éclatement de leur famille. Compte tenu des circonstances de la cause et statuant en équité comme le veut l'article 41, elle leur octroie conjointement la somme de 10 000 euros (EUR).

B.  Frais et dépens

69.  Les requérants demandent à la Cour de leur octroyer, sur la base du dossier, une somme raisonnable pour les frais et dépens encourus devant la Cour constitutionnelle tchèque et la Cour. Ils réclament à ce titre la somme de 3 000 EUR, majorée de la TVA.

70.  Le Gouvernement note que les intéressés ont été admis au bénéfice de l'assistance judiciaire et qu'ils n'ont soumis aucune pièce justificative à l'appui de leur demande de frais et dépens.

71.  La Cour note que, sans produire de justificatif, les requérants demandent de se voir allouer une somme raisonnable au titre des frais des procédures devant la Cour constitutionnelle tchèque et la Cour, dans lesquelles ils ont été représentés par le même avocat.

Vu les circonstances particulières de l'affaire, la Cour estime raisonnable d'accorder aux requérants la somme de 2 000 EUR, moins les 850 EUR perçus du Conseil de l'Europe par la voie de l'assistance judiciaire.

C.  Intérêts moratoires

72.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1.  Déclare, à l'unanimité, la requête recevable ;

2.  Dit, par six voix contre une, qu'il y a eu violation de l'article 8 de la Convention ;

3.  Dit, à l'unanimité,

a)  que l'Etat défendeur doit verser aux requérants conjointement, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, qui sont à convertir dans la monnaie nationale de l'Etat défendeur au taux applicable à la date du règlement :

i. 10 000 EUR (dix mille euros) pour dommage moral ;

ii. 2 000 EUR (deux mille euros) pour frais et dépens, moins les 850 EUR (huit cent cinquante euros) perçus du Conseil de l'Europe par la voie d'assistance judiciaire ;

iii. tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur lesdites sommes ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4.  Rejette, à l'unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 21 juin 2007 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Claudia WesterdiekPeer Lorenzen
GreffièrePrésident

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l'exposé de l'opinion dissidente de M. Maruste.

P.L.
C.W.


OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE MARUSTE

(Traduction)

Je ne partage pas l'avis de la majorité, principalement pour deux raisons.

D'abord, je trouve que les autorités internes ont fait tout ce que l'on pouvait raisonnablement attendre d'elles dans les circonstances. Pendant des années, elles ont cherché des solutions, ont donné aux requérants un tuteur et leur ont accordé un autre soutien social public, mais la situation, en particulier matérielle, s'est dégradée et pour finir l'Etat a dû choisir entre deux maux : continuer de la même manière, en laissant les enfants au père, et alors compromettre gravement leur éducation normale et leur développement social correct, ou retenir d'autres modalités consistant à séparer temporairement les enfants de leur parent et à les placer dans un établissement public d'assistance éducative. Comme les juridictions internes, j'ai la conviction qu'à l'époque considérée, cette dernière solution servait l'intérêt supérieur des enfants dans les circonstances. En outre, après la décision provisoire du tribunal, on a soumis les enfants à un examen psychologique afin de définir leurs souhaits et la manière dont ils voyaient leur vie et leur avenir. On peut légitimement penser qu'au fil des ans les autorités compétentes s'étaient bien familiarisées avec la situation et les attitudes des personnes concernées. Il faut noter aussi que les autorités se sont employées à respecter les intérêts des deux côtés, en accordant une aide financière au père pour ses visites aux enfants, mais malheureusement avec le temps ces visites sont devenues de plus en plus rares.

L'argument essentiel que j'ai à faire valoir, c'est que dans une situation très personnelle et délicate comme celle-ci, les organismes internes – travailleurs sociaux et tribunaux – sont mieux placés que les juges internationaux pour appréhender et comprendre la situation et trouver la solution la meilleure et la plus sage.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Cour (cinquième section), AFFAIRE HAVELKA ET AUTRES c. REPUBLIQUE TCHEQUE, 21 juin 2007, 23499/06