CEDH, Communiqué de presse sur l'affaire 13113/03, 30 mars 2009

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 30 mars 2009
Type de document : Communiqués de presse
Organisations mentionnées :
  • Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie
  • ECHR
Opinion(s) séparée(s) : Non
Identifiant HUDOC : 003-2687559-2935634
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Texte intégral

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

264

30.3.2009

Communiqué du Greffier

DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ
dans l’affaire
OULD DAH c. France (no 13113/03)

La Cour européenne des droits de l’homme déclare irrecevable la requête dans l’affaire Ould Dah c. France concernant la condamnation d’un officier de l’armée mauritanienne par une juridiction française pour actes de torture commis en Mauritanie[1].

***

Ely Ould Dah est un ressortissant mauritanien né en 1962. En août 1998, il arriva en France pour effectuer un stage à l’école du commissariat de l’armée de terre de Montpellier en sa qualité d’officier de l’armée mauritanienne.

Le 8 juin 1999, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’homme (LDH) déposèrent une plainte avec constitution de partie civile à son encontre. Elles l’accusaient d’avoir torturé des prisonniers à l’occasion d’affrontements interethniques qui avaient eu lieu en Mauritanie en 1990 et 1991. Ces poursuites se fondaient sur la Convention contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1984 et ratifiée par la France le 26 juin 1987.

M. Ould Dah fut interpellé par les autorités françaises le 1er juillet 1999 et mis en examen pour tortures ou actes de barbarie. Il fut placé en détention provisoire jusqu’au 28 septembre 1999. Il fut ensuite remis en liberté sous contrôle judiciaire et en profita pour prendre la fuite. En avril 2000 il fît l’objet d’un mandat d’arrêt.

Après que la Cour de cassation eut rejeté en dernière instance le recours du requérant contre l’ordonnance de mise en accusation rendue par le juge d’instruction, l’affaire fut finalement jugée par la cour d’assises du Gard qui, le 25 juillet 2005, après avoir entendu les avocats du requérant en son absence, le condamna à 10 ans de réclusion criminelle. La condamnation fut prononcée malgré le fait que M. Ould Dah avait bénéficié, dans son pays, d’une loi d’amnistie adoptée en 1993. La cour d’assises se fonda notamment sur les articles 303 et 309 de l’ancien code pénal et 222-1 du code pénal ainsi que sur la Convention des Nations Unies de 1984 contre la torture.

La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 22 avril 2003. Invoquant l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme (pas de peine sans loi), M. Ould Dah se plaint d’avoir été poursuivi et condamné en France pour des faits commis en Mauritanie, alors qu’il ne pouvait prévoir que la loi mauritanienne serait écartée au profit de la loi française, que cette dernière n’érigeait pas la torture en infraction autonome à l’époque des faits et que les dispositions du nouveau code pénal lui ont été appliquées rétroactivement.

La Cour rappelle notamment que l’article 7 de la Convention consacre le principe de la légalité des délits et des peines. Selon ce principe, le droit pénal ne peut pas être appliqué rétroactivement au détriment d’un accusé. De plus, la loi doit définir clairement les infractions pénales et les sanctions qui les répriment. Cette condition est remplie lorsque le justiciable peut identifier clairement les actes et omissions susceptibles d’engager sa responsabilité pénale: en d’autres termes, la loi pénale doit être accessible et prévisible.

En premier lieu, le requérant ne conteste pas le fait que les juridictions françaises aient décidé de le juger, mais le fait qu’elles aient appliqué la loi pénale française pour le condamner : il estime que seul le droit mauritanien devait s’appliquer et, plus particulièrement, la loi d’amnistie de 1993 dont il demande le bénéfice. La Cour souligne la place primordiale qu’occupe l’interdiction de la torture en droit international, cette interdiction étant impérative. Elle note aussi qu’au moment des faits, la Convention des Nations Unies de 1984 contre la torture était déjà entrée en vigueur et qu’elle avait été transposée en droit français. « L’impérieuse nécessité » d’interdire et de réprimer les actes de torture justifiait donc, dans le cadre de la compétence universelle (c’est-à-dire la faculté pour les Etats de poursuivre les auteurs d’actes de torture commis en dehors de leur propre juridiction), non seulement que les juges français se déclarent compétents pour juger les faits, mais également qu’ils appliquent le droit français. A défaut, l’application de la loi d’amnistie mauritanienne, qui ne visait qu’à accorder l’impunité aux auteurs d’actes de torture, aurait vidé de sa substance la compétence universelle prévue par la Convention des Nations Unies de 1984. A l’instar du Comité des droits de l’homme des Nations Unies et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, la Cour considère d’ailleurs qu’une loi d’amnistie est généralement incompatible avec le devoir qu’ont les Etats d’enquêter sur les actes de torture ou de barbarie.

En second lieu, M. Ould Dah estime que la loi pénale française elle-même ne remplissait pas la double condition d’accessibilité et de prévisibilité puisqu’à l’époque des faits, les actes de torture et de barbarie constituaient des circonstances aggravantes d’autres crimes ou délits, et non une infraction en soi. La Cour relève cependant que les faits de torture et d’actes de barbarie étaient expressément prévus par le code pénal avant la réforme de 1994. Il importe peu qu’ils aient alors constitué non des infractions distinctes, mais des circonstances aggravantes : ils pouvaient être légalement opposés au requérant pour le condamner, et ce d’autant plus que la peine maximum encourue à l’époque des faits n’a pas été dépassée par les juges français.

Quant au grief tiré de la prétendue application rétroactive des dispositions de l’article 222-1 du nouveau code pénal, entrées en vigueur le 1er mars 1994, la Cour estime qu’elles entraînaient non pas l’apparition d’une nouvelle infraction, mais un simple aménagement législatif concernant des comportements déjà réprimés par l’ancien code pénal.

Compte tenu de tous ces éléments, le requérant pouvait donc raisonnablement prévoir le risque d’être poursuivi et condamné pour les actes de torture qu’il a commis entre 1990 et 1991. La Cour conclut que la requête est manifestement mal fondée[2].

***

Cette décision sera disponible à partir d’aujourd’hui sur le site Internet de la Cour (http://www.echr.coe.int).

Contacts pour la presse

Pour plus de renseignements sur cette affaire veuillez contacter Stefano Piedimonte, téléphone 00 33 (0)3 90 21 42 04), ou

Tracey Turner-Tretz (téléphone : 00 33 (0)3 88 41 35 30)
Paramy Chanthalangsy (téléphone : 00 33 (0)3 88 41 28 30)
Kristina Pencheva-Malinowski (téléphone: 00 33 (0)3 88 41 35 70)
Céline Menu-Lange (téléphone : 00 33 (0)3 90 21 58 77)
 

La Cour européenne des droits de l’homme a été créée à Strasbourg par les Etats membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950.


[1] La décision n’existe qu’en français.

[2] Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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