CJCE, n° C-25/62, Arrêt de la Cour, Plaumann & Co. contre Commission de la Communauté économique européenne, 15 juillet 1963

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  • 1 . actes institutionnels·
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Chronologie de l’affaire

Commentaires17

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 15 juill. 1963, Plaumann / Commission, C-25/62
Numéro(s) : C-25/62
Arrêt de la Cour du 15 juillet 1963. # Plaumann & Co. contre Commission de la Communauté économique européenne. # Affaire 25-62.
Date de dépôt : 30 juillet 1962
Solution : Recours en responsabilité : rejet sur le fond, Recours en annulation : rejet pour irrecevabilité
Identifiant CELEX : 61962CJ0025
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1963:17
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (cour plénière)


Dans l’affaire C-25/62,

Entreprise Plaumann & Co., Hambourg,

représentée par Me Harald Ditges, avocat au barreau de Cologne,

partie requérante,

contre

Commission de la CEE, représentée par M. Hubert Ehring, conseiller juridique des exécutifs européens, en qualité d’agent,

assisté de M. Ernst Steindorff, professeur de droit à l’université de Tubingue, ayant élu domicile auprès de M. Henri Manzanarès, secrétaire du service juridique des exécutifs européens, 2, place de Metz à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet :

— l’annulation de la décision de la Commission S III 03079 du 22 mai 1962, refusant d’autoriser la république fédérale d’Allemagne à suspendre partiellement les droits de douane applicables aux « mandarines et clémentines, fraîches » importées des pays tiers ;

— le paiement d’une indemnité de 39.414,01 DM,

LA COUR

composée de

M. A. M. Donner, président

MM. L. Delvaux et R. Lecourt, présidents de chambre

MM. Ch. L. Hammes, R. Rossi (rapporteur), A. Trabucchi et W. Strauss, juges

avocat général : M. K. Roemer

greffier : M. A. Van Houtte

rend le présent

Arrêt

POINTS DE FAIT ET DE DROIT

I — Exposé des faits

Attendu que les faits qui sont à la base du litige peuvent être résumés comme suit :

En date du 16 juin 1961, la république fédérale d’Allemagne a demandé à la Commission de l’autoriser à suspendre la perception du droit de douane de 13 %, prévu par le tarif douanier commun, concernant les clémentines fraîches importées des pays tiers (position tarifaire ex 08.02 du tarif douanier commun), et à appliquer le droit de 10 % prévu par le tarif douanier allemand. Cette demande a fait, à Bruxelles, l’objet d’un amendement oral à la suite duquel elle porte sur la création d’une « exposition pour les clémentines », prévoyant un droit applicable de 10 %.

Dans sa décision du 22 mai 1962, S III 03079, adressée au gouvernement de la république fédérale d’Allemagne, la Commission a refusé l’autorisation demandée. C’est contre cette décision de rejet que la requérante, société en commandite simple, a introduit, le 30 juillet 1962, le présent recours.

II — Conclusions des parties

Attendu que la partie requérante conclut, dans sa requête, à ce qu’il plaise à la Cour :

« 1. Annuler la décision de la partie défenderesse du 22 mai 1962 – S III 03079 – et

a) déclarer que la partie défenderesse est tenue d’habiliter la république fédérale d’Allemagne à suspendre la perception du droit de douane applicable aux « clémentines fraîches » (position tarifaire ex 08.02 B du tarif douanier commun) pour la période du 1er janvier 1962 au 31 décembre 1962,

ou bien statuer à nouveau et sans délai sur la demande de la république fédérale d’Allemagne du 16 juin 1961 en vue de la suspension partielle du tarif douanier extérieur pour les « clémentines fraîches » (voir position tarifaire susvisée) compte tenu de la conception juridique de la Cour sur l’interprétation du traité relativement à la suspension des droits de douane ;

à titre subsidiaire

b) déclarer que la partie défenderesse est tenue d’octroyer à la république fédérale d’Allemagne un contingent tarifaire d’un maximum de 11.000 tonnes au taux de 10 % pour ses importations de clémentines en provenance de pays tiers, position tarifaire ex 08.02 B du tarif douanier commun ;

2. Constater que la partie défenderesse est tenue de dédommager la requérante du préjudice qu’elle subira à l’avenir du fait du refus d’autoriser la suspension partielle du droit de douane ;

3. Condamner la défenderesse aux dépens ;

4. Admettre l’allemand comme langue de procédure ;

5. Citer la république fédérale d’Allemagne »;

que, dans sa réplique, elle conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

« — annuler la décision attaquée ;

— condamner la défenderesse au paiement d’une indemnité s’élevant à 43.265,30 DM ;

— condamner la défenderesse aux dépens ;

— admettre l’allemand comme langue de procédure »;

attendu que la partie défenderesse conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

« — rejeter le recours comme irrecevable et, subsidiairement, comme non fondé ;

— condamner la requérante aux dépens ».

III — Moyens et arguments des parties

Attendu que les moyens et arguments développés par les parties au cours de la procédure écrite peuvent être résumés comme suit :

Avant d’engager le débat sur la recevabilité et sur le fond, la défenderesse proteste contre les griefs soulevés par la requérante qui, à son avis, reviennent, sans aucune motivation, à reprocher à la Commission de s’être inspirée, lors de sa décision, de considérations d’ordre politique, et pourraient amener la Cour à faire preuve de parti pris à l’égard de la défenderesse.

SUR LA RECEVABILITÉ

La défenderesse conteste la recevabilité du recours, en faisant valoir ce qui suit :

1. En ce qui concerne la demande en annulation

– Ce qui importe aux fins de la recevabilité des recours intentés par les particuliers, ce n’est pas la forme de l’acte à attaquer, mais sa nature. Or, du point de vue matériel, rien n’empêche de considérer la décision entreprise comme un acte-règle. Cette possibilité n’est pas contraire à l’article 189 du traité, car cet article ne délimite les décisions par rapport aux règlements que selon des critères formels.

– Dans la C.E.E., l’adoption des actes-règles continue d’être largement le fait des États, mais souvent sur directive de la Communauté. Dans certains cas, cette directive peut être impartie sous l’apparence d’une décision, parce qu’elle ne s’adresse qu’à un État membre déterminé et qu’elle n’a pour objet qu’un processus concret, à savoir l’établissement d’un acte-règle. Si, en raison de cette forme, on admettait des recours contre les décisions de la Commission visant à l’établissement d’actes-règles, la conséquence en serait que les intéressés disposeraient, dans le traité C.E.E., de possibilités de recours bien plus larges qu’en droit national, alors que le but de l’article 173, alinéa 2, du traité est justement de dénier aux particuliers la qualité d’agir contre les actes ayant, du point de vue matériel, la nature d’actes-règles.

– Dans ces conditions, les recours formés contre les actes de la Commission qui imposent à un État membre des abaissements ou des relèvements de droits de douane devraient être déclarés irrecevables parce que, du moins dans la république fédérale d’Allemagne et pour la matière qui nous intéresse ici, ces réductions ou relèvements ont pour base des actes-règles. Cela vaut également dans le cas où la Commission interdit à l’État destinataire d’adopter un acte règle visant à abaisser les droits de douane, car, en ce qui concerne la qualité pour agir contre les décisions prévues à l’article 25, paragraphe 3, du traité, il importe peu que ces décisions accueillent ou rejettent une demande de suspension ou de diminution des droits.

– Le présent recours est aussi irrecevable du fait que la décision attaquée n’est pas adressée « à une autre personne », au sens de l’article 173, alinéa 2, du traité. En effet, la république fédérale d’Allemagne, en tant qu’État membre destinataire de la décision entreprise, ne saurait être considérée comme une « autre personne » par rapport au particulier qui forme un recours. Tout d’abord, les intérêts du particulier et ceux de l’État membre à qui la décision est adressée ne se situent pas au même niveau, et il faut se demander à ce sujet si les intérêts généraux que les États membres doivent sauvegarder en exécutant une telle décision ne priment pas les intérêts individuels, au point que seuls les États peuvent former recours contre cette décision. Deuxièmement, il ne faut pas oublier que, dans le cas d’une décision adressée à un État membre, le préjudice causé aux personnes privées est, d’habitude, parallèle à celui que subit l’État en question (contrairement à ce qui se passe dans le cas d’une décision adressée à des particuliers, où le préjudice subi par le requérant découle normalement de l’avantage dont bénéficie le destinataire), de sorte que, dans ce cas, il est du domaine des possibilités concrètes que la décision soit aussi bien attaquée par l’État membre destinataire et que le particulier bénéficie d’une protection médiate. En troisième lieu, il convient de souligner que, pour bien interpréter une règle de droit, il faut s’en tenir également à son historique ainsi qu’à l’esprit qui est à sa base. Dès lors, on ne saurait douter que l’interprétation la plus correcte de l’article 173, alinéa 2, du traité C.E.E.est celle qui exclut tout État membre de la notion de « autre personne ».

En outre, il est incontestable que, dans un certain nombre de cas, les institutions de la Communauté n’imposent pas directement des obligations aux ressortissants des États membres et que ce sont les États membres eux-mêmes qui imposent de telles obligations dans le cadre du droit communautaire et des instructions ou autorisations émanant des institutions de la Communauté. Par conséquent, il paraît raisonnable d’adapter le mode de recours au mode de décision, en interdisant dans ces cas aux personnes privées d’attaquer directement les institutions de la Communauté.

Les considérations qui précèdent suffisent déjà pour conclure que seuls les États membres sont autorisés à former recours contre les décisions qui leur sont adressées. Examiner si de telles décisions ne concernent pas « directement » les particuliers, pour exclure la possibilité de recours dans certains cas et l’admettre dans d’autres, ne semble pas être la façon la plus appropriée de résoudre le problème en question, car il en résulterait que ce caractère direct devrait remplir deux fonctions qui ne sont guère conciliables.

La notion de « caractère direct » devrait en effet être utilisée tant à propos des actes qui, comme en l’espèce, sont adressés aux États membres, qu’à propos des actes de la Communauté qui sont adressés à des personnes privées autres que le requérant.

– En tout cas, tandis que l’article 33, alinéa 2, du traité C.E.C.A. se borne à exiger, pour que le recours soit recevable, que la décision attaquée « concerne » le requérant, l’article 173, alinéa 2, du traité C.E.E. exige qu’elle le concerne « directement et individuellement ».

a) En l’espèce, la décision entreprise ne concerne pas directement le requérant. Tout d’abord, il est hors de doute que cette décision affecte non seulement les importateurs, mais aussi la république fédérale d’Allemagne, car son intérêt à la perception douanière est reconnu par l’article 106 de la loi fondamentale. Deuxièmement, il y a lieu de noter que les décisions ne sont pas, contrairement aux règlements, « directement applicables » dans les États membres : elles doivent à cet effet être transformées en une règle de droit interne, et ne peuvent donc concerner directement les ressortissants des États membres. Enfin, la décision attaquée ne prévoit pas, pour la République fédérale, une obligation d’abstention : elle rappelle et confirme l’obligation contenue à l’article 23 du traité. D’ailleurs, à supposer même que cette décision impose des obligations, il y a lieu d’observer que, conformément à l’article 189, alinéa 4, du traité, elle n’obligerait que son destinataire.

b) En outre, la décision entreprise ne concerne même pas individuellement la requérante. En effet, seules les personnes qui sont affectées par une décision en raison de leur individualité ou de leur situation particulière peuvent être considérées comme individuellement concernées aux fins d’un recours. Pour mieux se convaincre du bien fondé de cette conclusion, il suffit de noter que l’article 184 du traité exclut la possibilité qu’un acte de la Communauté ayant nature de décision puisse faire l’objet d’une exception d’irrecevabilité. Or, le fait que l’acte attaqué soit une décision et non pas un règlement ne signifie pas automatiquement qu’il soit individuel. En l’espèce, la décision attaquée concerne « certains produits sur le marché commun », et le cercle des personnes pouvant être affectées est conçu d’une manière tellement abstraite que ceux qui en font partie, au moment où ladite décision a été prise, peuvent changer au cours du temps. Ce cercle de personnes pourrait, en effet, se modifier en 1962, c’est-à-dire pendant la période de validité de cette décision, en ce qui concerne, non seulement les négociants qui importent, achètent et vendent les produits en cause, mais aussi bien les utilisateurs et les producteurs de clémentines ou de fruits concurrents, tels que les mandarines. D’autre part, la décision en question concerne non seulement les importateurs, mais aussi, et dans la même mesure, les producteurs nationaux et étrangers et les consommateurs.

– Ensuite, quant au problème de savoir si la requérante ne dispose d’aucune protection juridique en cas d’irrecevabilité du présent recours, il suffit de rappeler que la procédure prévue par l’article 177 du traité C.E.E. lui reste toujours ouverte pour faire valoir ses intérêts, sur le plan national, vis-à-vis des actes communautaires.

2. En ce qui concerne la demande en indemnité

– La demande en indemnité a été avancée pour la première fois dans la réplique. Dans sa requête, en effet, la requérante s’était bornée à demander à la Cour de justice de constater l’obligation de la Commission de réparer le préjudice que la requérante subirait dans l’avenir du fait de la décision attaquée. Or, puisqu’une telle conclusion, qui a été abandonnée, ne saurait servir de base à la demande en indemnité, il s’ensuit que celle-ci est irrecevable aux termes de l’article 38, paragraphe 1, d, du règlement de procédure. D’autre part, il ne faut pas perdre de vue que les indications fournies par la requérante quant au montant du préjudice subi ne sont pas encore définitives, si bien que, au cas où la requérante chiffre ce montant au cours de la procédure orale, la défenderesse risque de ne pas pouvoir prendre efficacement position sur ce point.

Par ailleurs, la requérante ne prouve pas que toutes les conditions nécessaires à la recevabilité de la demande sont en l’espèce remplies. Elle s’appuie sur une prétendue violation du traité, alors que la demande en indemnité n’est recevable que si l’on allègue l’existence d’une faute commise par la Commission. Les relations existant entre la demande en indemnité et la demande en annulation sont donc irrationnelles. La seconde vise, en effet, à ce que la Commission, après avoir annulé l’acte attaqué, impose à la République fédérale de modifier son attitude et de rembourser à la requérante les droits de douane indûment perçus ; la première vise à ce que la Commission elle-même soit condamnée à restituer à la requérante le montant de ces droits. En outre, la possibilité prévue par l’article 176, alinéa 2, du traité, à savoir que la demande en annulation soit introduite conjointement avec une demande en indemnité, n’est admise que si cette dernière a un but autre que celui découlant de l’annulation elle-même. En l’espèce, le remboursement à la requérante des droits de douane indûment payés ne serait que la conséquence logique de l’annulation de la décision attaquée.

Enfin, il convient de souligner que si la requérante était reçue dans sa demande en indemnité, les limitations prévues par l’article 173, alinéa 2, du traité, en ce qui concerne la recevabilité des recours en annulation formés par les particuliers, perdraient leur signification. Cela vaut particulièrement dans le cas où, comme en l’espèce, la requérante poursuit, par sa demande en indemnité, un but presque identique à celui qu’elle poursuit par sa demande en annulation.

C’est pourquoi la requête devrait être déclarée irrecevable en raison aussi du fait qu’elle contient cette demande en indemnité.

La requérante, après avoir indiqué son intérêt à ce que la Cour statue rapidement sur l’affaire dont elle a été saisie, oppose à la défenderesse les arguments suivants :

1. En ce qui concerne la demande en annulation

– La décision attaquée affecte, sur le plan économique, la requérante aussi bien que les autres importateurs et les consommateurs de clémentines. Le préjudice matériel n’existe pas pour la république fédérale d’Allemagne, car en l’espèce il s’agit de droits de douane ayant un but protecteur et non fiscal. Le fait donc de refuser à la requérante le droit de recours contre la décision litigieuse et de réserver ce droit au susdit gouvernement priverait de toute protection juridique devant la Cour la victime d’un préjudice matériel. En outre, elle ne pourrait pas non plus porter la question devant un tribunal allemand, puisque, aux termes de l’article 173, alinéa 2, du traité, la Cour a compétence exclusive en la matière. D’ailleurs, il serait tout à fait incompréhensible, pour le particulier indépendant, qu’une autorité administrative telle que la Commission essaye, par les moyens de forme, d’empêcher le contrôle au fond de ses décisions, car un tel comportement risque d’aboutir à un dirigisme tout à fait intolérable et d’autant plus dangereux qu’il est inhérent à la structure même de la C.E.E.

– La thèse suivant laquelle les mots « autre personne », contenus à l’article 173, alinéa 2, du traité, ne viseraient en aucun cas les États membres, est contraire à une interprétation raisonnable du traité. Elle ne tient pas compte du fait qu’en l’espèce le préjudice affecte non pas la République fédérale, mais la requérante, et que le traité a formellement reconnu aux tiers le droit d’être entendus par la Cour.

– Les notions de « direct » et « individuel » doivent être considérées dans leur ensemble, car chacune d’elles, prise en soi, est très vague. Il est même difficile de distinguer entre le préjudice général et le préjudice individuel, et cette distinction est inconnue du droit allemand.

En tout cas, même en considérant séparément ces notions aux fins de la discussion, il y a lieu de noter que le préjudice subi par la requérante est direct et individuel. Il est direct, car :

a) La suspension partielle des droits de douane nécessaire pour éviter le préjudice en question ne peut être prononcée par la République fédérale que si elle y est autorisée par la Commission. Dès lors, la décision litigieuse interdisant une telle mesure est la cause directe du préjudice subi par la requérante. La requérante n’aurait été concernée par un acte de la République fédérale que si cette dernière, après avoir été habilitée à appliquer les mesures sollicitées, avait refusé de les appliquer et de se conformer à cette autorisation. En outre, les conséquences économiques de l’acte attaqué ne touchent que les importateurs et donc la requérante.

b) Le gouvernement fédéral aurait usé de l’autorisation de suspendre les droits de douane litigieux si elle lui avait été accordée en temps voulu. La véracité de ce fait pourrait être contrôlée par voie d’audition d’un représentant du gouvernement fédéral, soit à titre de témoin, soit à titre d’expert.

Ce préjudice est en même temps individuel, car :

a) Le recours vise non pas un règlement du Conseil, mais une décision de la Commission qui, selon l’arrêt du 14 décembre 1962, produit des effets juridiques à l’égard de personnes désignées ou de destinataires déterminables. Or, en reprenant les principes contenus dans cet arrêt, on peut conclure que la décision attaquée affecte un cercle déterminé de destinataires. Elle concerne, en effet, environ 35 importateurs de clémentines dans la République fédérale : le fait que ce cercle puisse varier dans le temps ne change rien au caractère individuel de cette décision.

b) Il est erroné d’affirmer que la décision attaquée concernerait « certains produits du marché commun », car les clémentines ne sont pas, pour l’essentiel, un produit dudit marché.

c) La Cour a décidé, par son arrêt dans les affaires jointes 7 et 9-54, qu’une décision telle que l’octroi d’une autorisation est une décision individuelle.

d) Il n’est pas exact que la requérante puisse, dans chaque cas, répercuter entièrement sur l’acheteur l’augmentation du droit applicable. Cela lui est impossible en raison de la vive concurrence qui règne en Allemagne sur le marché des fruits. Elle a donc un intérêt individuel, personnel, à ce que le droit applicable aux clémentines soit peu élevé, ce droit étant de nature à déterminer le prix d’achat et, partant, le volume des ventes.

La requérante renvoie, en outre, aux considérations développées dans l’affaire 27-62.

2. En ce qui concerne la demande en indemnité

Au sujet de cette demande, basée sur l’article 215, alinéa 2, du traité, il y a lieu d’observer, d’une part, que les conclusions contenues dans la requête quant à la constatation de l’obligation encourue par la Commission de réparer le préjudice futur n’ont plus raison d’être maintenues, puisque l’année 1962 est désormais écoulée et, d’autre part, que le préjudice dont il est question maintenant découle du fait qu’aucun remboursement des droits de douane augmentés n’a été accordé à la requérante. Le montant de ce préjudice s’élève à environ 43.265,30 DM à partir du 1er août jusqu’au 31 décembre 1962. Une évaluation plus précise n’a pas encore été matériellement possible.

SUR LE FOND

A – En ce qui concerne la demande en annulation

La requérante fait valoir trois moyens : violation des formes substantielles, violation du traité et détournement de pouvoir.

1. Violation des formes substantielles

La requérante indique à ce sujet que la Commission s’est en partie limitée à reproduire les conditions requises par le traité, sans examiner ni les éléments de droit ni les faits indiqués par la république fédérale d’Allemagne. En outre, la décision en cause ne mentionne aucune considération d’ordre économique, et laisse supposer que la Commission estime pouvoir statuer en la matière comme bon lui semble et en vertu d’un pouvoir absolument discrétionnaire.

La défenderesse fait par contre valoir que la motivation ne doit pas réfuter ou examiner du point de vue critique d’autres interprétations concevables ; que la Commission a mentionné, dans sa décision, les considérations décisives et a clairement indiqué les éléments sur lesquels elle s’est basée.

2. Violation du traité

Outre les arguments ci-dessus mentionnés et, en partie, ceux qu’elle invoque à propos du détournement de pouvoir, la requérante insiste plus particulièrement, en ce qui concerne le moyen de violation du traité, sur les considérations suivantes :

– Les conditions requises par l’article 25, paragraphe 3, du traité pour l’octroi des autorisations qui y sont prévues sont bien moins strictes que celles requises par les paragraphes 1 et 2 de ce même article.

– Dans la décision attaquée, la Commission s’est abstenue de traiter la question essentielle des perturbations sur le marché. Toutefois, la constatation qui y est contenue, que les autres États membres ne sont pas en mesure de couvrir entièrement les besoins quantitatifs de la République fédérale en clémentines, suffit déjà pour justifier l’octroi des mesures demandées par le gouvernement allemand.

– Les mandarines ne peuvent pas se substituer aux clémentines.

– L’augmentation du droit applicable n’entraînerait pas un accroissement de la force concurrentielle des entreprises de la Communauté.

– La décision attaquée se réfère au règlement no 23 du Conseil, mais ce règlement est entré en vigueur à partir du 30 juillet 1962 pour la catégorie commerciale extra. Cette référence ne paraît pas pertinente en l’espèce pour les importations de clémentines en 1962.

– Dans la décision attaquée, la Commission a passé sous silence l’article 29, a, du traité, pour la bonne raison que si elle avait tenu compte de l’objectif énoncé par cette disposition, elle aurait difficilement pu justifier son refus d’autorisation.

– La décision de la Commission se borne à reproduire textuellement l’article 29, b, du traité, sans procéder à une appréciation concrète du cas d’espèce.

– L’autorisation sollicitée n’aurait pas porté atteinte aux objectifs énoncés à l’article 29, d.

– La décision attaquée viole également l’article 39, paragraphe 1, d, du traité, puisque le relèvement du droit applicable rend plus onéreux l’approvisionnement en clémentines, et que cet approvisionnement ne peut se faire dans le marché de la Communauté qu’à concurrence de 10 %.

– La décision litigieuse viole en outre l’article 39, paragraphe 1, e, du traité, car il ressort des calculs établis par les associations que le prix à la consommation augmentera de 10 DM pour 100 kg.

– L’argument de la Commission, selon lequel la suspension partielle des droits de douane aurait des effets psychologiques nuisibles sur la création de nouvelles cultures, n’est pas fondé.

La requérante termine en renvoyant, en outre, aux considérations développées par les parties requérantes dans les affaires 24-62 et 27-62.

La défenderesse soulève des doutes quant à la possibilité d’invoquer un tel grief dans les cas où, comme en l’espèce ; l’autorité administrative n’est pas obligée d’exercer un pouvoir déterminé, mais jouit d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation. Dans de tels cas, le seul grief qui serait concevable contre l’action administrative lui paraît être celui de détournement de pouvoir. Toutefois, la défenderesse analyse le grief en question, pour le cas où la Cour devait admettre la thèse contraire. Elle fait à cet effet valoir ce qui suit :

– La thèse de la requérante suivant laquelle, la production de clémentines dans le marché commun étant insuffisante, il est impossible d’accroître la force compétitive de ce marché pour les produits en cause, semble viser l’exercice du pouvoir d’appréciation technique dont la Commission jouit en la matière. D’autre part, la requérante perd de vue que la réalisation du but poursuivi par la Commission, à savoir la création de nouvelles cultures de mandarines, se trouve assurée par l’interdiction de toute dérogation au tarif douanier commun applicable à ces produits.

– L’affirmation de la requérante que les mandarines ne peuvent se substituer aux clémentines est contredite non seulement par les statistiques disponibles, mais aussi par les indications mêmes fournies par la République fédérale.

3. Détournement de pouvoir

La requérante allègue à cet effet plusieurs arguments qui ont déjà été évoqués ou effleurés à propos du moyen de violation du traité. En particulier, elle fait valoir ce qui suit :

– Quant à la question de savoir si la Commission jouit, en l’espèce, d’un pouvoir discrétionnaire, il suffit de renvoyer aux considérations développées à ce sujet par la requérante dans l’affaire 34-62.

– Ce que la Commission a voulu poursuivre par la décision attaquée, c’est la substitution des mandarines aux clémentines dans la consommation à l’intérieur de la Communauté, et il reste à décider si la Commission peut imposer au consommateur un choix déterminé.

– Par l’expression « les produits en cause », l’article 25, paragraphe 3, indique clairement que toute décision doit prendre en considération le marché du produit pour lequel une suspension des droits de douane est demandée, et non pas le marché en général de tous les produits énumérés à l’annexe II.

– L’insuffisance des motifs sur lesquels se fonde le rejet laisse apparaître que l’autorisation litigieuse a été refusée pour des raisons politiques et non pas économiques. La procédure suivie par la Commission, en consultant les États membres non demandeurs au sujet de la demande du gouvernement fédéral, va à l’encontre de l’article 25, paragraphe 3, du traité.

– La politique agricole, telle que la défenderesse nous la décrit et telle qu’elle ressort du règlement no 135 de la Commission, semble s’orienter vers des principes d’autarcie.

– La thèse de la Commission selon laquelle le tarif douanier commun forme une unité à laquelle il ne peut être apporté d’exception sans raison majeure, est sans valeur au regard de l’article 25, paragraphe 3, du traité.

– En examinant d’autres décisions prises dans le cadre de l’article 25, paragraphe 3, du traité, on peut déduire que les demandes présentées en vertu de cette disposition font souvent l’objet d’« opérations de compensation ».

La défenderesse fait par contre valoir ce qui suit :

– La condition énoncée à l’article 25, paragraphe 3, du traité pour l’octroi d’une suspension des droits de douane, à savoir qu’aucune « perturbation sérieuse sur le marché des produits en cause » ne résulte d’une telle mesure, n’est pas la seule condition dont il faut tenir compte pour l’application dudit article.

L’attribution d’un pouvoir discrétionnaire à la Commission découle, d’une part, du texte même de l’article 25, paragraphe 3, du traité, comparé avec les paragraphes 1 et 2, où le mot « peut » ne figure pas et, d’autre part, du fait que ce paragraphe se réfère aux produits agricoles et touche donc à la politique agricole de la Communauté, pour laquelle le traité n’a prescrit impérativement que certains objectifs, en réservant l’élaboration des mesures nécessaires aux négociations et décisions ultérieures.

– Dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, la Commission, loin d’agir selon son bon plaisir, s’en est tenue aux principes que lui prescrivent les articles 29 et 39 du traité.

– En ce qui concerne plus particulièrement l’objectif énoncé à l’article 29, a, du traité, il y a lieu de noter que, puisque la Communauté doit être considérée comme un tout unitaire, la Commission était tenue de prendre en considération le commerce de l’ensemble des États membres de la Communauté avec les pays tiers.

– La défenderesse s’est inspirée également de l’objectif énoncé à l’article 29, b, du traité, car il s’agit d’un objectif qui figure, lui aussi, à l’article 110, alinéa 2, du traité, relatif à la politique commerciale commune.

– L’écoulement toujours croissant des clémentines n’a pas été jusqu’à présent influencé d’une manière appréciable par le relèvement des droits de douane.

– De même, la Commission a respecté les objectifs inscrits à l’article 29, d, du traité.

– Les arguments invoqués au sujet de l’article 29, b, du traité peuvent l’être également à propos de l’article 39, paragraphe 1, a.

– Quant à l’article 39, paragraphe 1, a, il y a lieu d’observer que le niveau de vie équitable de la population agricole doit surtout résulter d’une rationalisation de la production.

– Les objectifs énoncés à l’article 39, paragraphe 1, c et d, n’ont pas présenté une importance capitale en l’espèce.

– Le relèvement des prix provoqué par l’application du tarif douanier est tel que les livraisons aux consommateurs auront encore lieu à des prix raisonnables.

– Aucune disposition des articles 25, ou 29, ou 39, du traité n’interdit à la Commission d’apprécier les répercussions des décisions prises en vertu de l’article 25, paragraphe 3, sur le marché des produits faisant concurrence à ceux pour lesquels la suspension des droits de douane est demandée.

– Enfin, la requérante n’a indiqué aucun fait permettant de matérialiser le moyen de traitement arbitraire et discriminatoire.

B – En ce qui concerne la demande en indemnité

La requérante fait valoir que le préjudice subi, d’environ 43.265,30 DM, a été évalué approximativement, car il n’a pas été matériellement possible d’effectuer tous les calculs pour l’année 1962.

En outre, l’augmentation de la charge douanière n’a pas pu être répercutée.

D’ailleurs, la question de savoir si une telle charge peut ou non être répercutée sur d’autres personnes a déjà été examinée dans les demandes en référé visant à la suspension de la décision attaquée.

La défenderesse fait par contre valoir les arguments suivants :

– La demande en indemnité, introduite en vertu de l’article 215, alinéa 2, du traité, se base sur une décision de la Commission qui n’est pas irrégulière.

– Les droits internes allemand, belge et italien, ainsi que la jurisprudence de la Cour de justice, exigent, pour qu’un recours en indemnité soit considéré comme fondé, que l’administration ait violé une règle de droit ayant pour but de protéger le requérant. Or, en l’espèce, la requérante n’a pas indiqué quelle serait la norme en question, et il serait erroné de croire que l’article 25, paragraphe 3, du traité ait été établi dans le but de protéger les importateurs.

– La demande en indemnité vise à la restitution des sommes payées à titre de droits de douane. Mais la demande en indemnité prévue par l’article 215, alinéa 2, du traité ne peut pas avoir pour objet cette restitution, car celle-ci est la conséquence logique de l’annulation de la décision attaquée, au cas où le recours est admis comme recevable et fondé.

IV — Procédure

Attendu que, par demande du 16 août 1962, la requérante a demandé la suspension de la décision attaquée ; qu’une deuxième demande en ce sens a été introduite le 6 décembre 1962 ; que les deux demandes en référé ont été rejetées par ordonnance du président, respectivement le 31 août et le 21 décembre 1962 ;

que, par demande introduite le 28 août 1962 en vertu de l’article 91 du règlement de procédure, la défenderesse a soulevé une exception d’irrecevabilité concernant le présent recours ; que, par ordonnance de la Cour du 24 octobre 1962, ladite exception a été jointe au fond ;

que, par ordonnance du 6 décembre 1962, la Cour a décidé d’entendre oralement les parties sur la recevabilité des conclusions de la requête visant à la citation de la république fédérale d’Allemagne ; que, dans ses observations écrites déposées le 21 décembre 1962, la requérante a renoncé à ces conclusions ; que, par ordonnance du 24 janvier 1963, la Cour a décidé qu’il n’y avait plus lieu de statuer au sujet desdites conclusions ;

attendu qu’au cours de la procédure orale la requérante a évalué le préjudice allégué à 39.414,01 DM.

MOTIFS

I — En ce qui concerne le recours en annulation

SUR LA RECEVABILITÉ

Attendu qu’aux termes de l’article 173, alinéa 2, du traité C.E.E., « toute personne physique ou morale peut former… un recours contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence… d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement »;

que la défenderesse soutient que les mots « autre personne » figurant dans cet alinéa, ne se réfèrent pas aux États membres, considérés en leur qualité de puissance publique et que, dès lors, les particuliers ne sont pas admis à former un recours en annulation contre les décisions de la Commission ou du Conseil adressées à de tels destinataires ;

que cependant l’article 173, alinéa 2, du traité admet le recours des particuliers contre les décisions adressées à une « autre personne » et qui les concerneraient de façon directe et individuelle, mais que cet article ne précise ni ne limite la portée de ces termes ;

que la lettre et le sens grammatical de la disposition précitée justifient l’interprétation la plus large ;

que, d’ailleurs, les dispositions du traité concernant le droit d’agir des justiciables ne sauraient être interprétées restrictivement ;

que, partant, dans le silence du traité, une limitation à cet égard ne saurait être présumée ;

que, dès lors, la thèse de la défenderesse ne peut être considérée comme fondée ;

attendu que la défenderesse soutient en outre que la décision attaquée est, par sa nature même, un règlement, pris sous la forme d’une décision individuelle et que, de ce fait, elle est soustraite au recours des particuliers au même titre que les actes normatifs de portée générale ;

que, cependant, il résulte des articles 189 et 191 du traité C.E.E. que la décision est caractérisée par le nombre limité des destinataires auxquels elle s’adresse ; que, pour déterminer s’il s’agit ou non d’une décision, il convient donc de rechercher si l’acte en question concerne des sujets déterminés ;

que la décision litigieuse a été adressée au gouvernement de la république fédérale d’Allemagne, et lui refuse l’autorisation de suspendre partiellement les droits de douane appliqués à certains produits importés des pays tiers ;

que, dès lors, l’acte attaqué doit être considéré comme une décision visant un sujet déterminé et n’ayant d’effets obligatoires qu’à l’égard de celui-ci ;

attendu qu’aux termes de l’article 173, alinéa 2, du traité, les particuliers peuvent former un recours en annulation contre les décisions qui, tout en étant adressées à une autre personne, les concernent directement et individuellement, mais qu’en l’espèce la défenderesse conteste que la décision litigieuse concerne le requérant d’une façon directe et individuelle ;

qu’il convient tout d’abord d’examiner si la deuxième condition de recevabilité est remplie, puisqu’il devient superflu, si le requérant n’est pas concerné individuellement par ladite décision, de rechercher si celle-ci le frappe d’une façon directe ;

que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire ;

qu’en l’espèce le requérant est atteint par la décision litigieuse en tant qu’importateur de clémentines, c’est-à-dire en raison d’une activité commerciale qui, à n’importe quel moment, peut être exercée par n’importe quel sujet, et qui n’est donc pas de nature à le caractériser par rapport à la décision attaquée d’une façon analogue à celle du destinataire ;

que, pour ces raisons, il y a lieu de conclure que le présent recours en annulation doit être déclaré non recevable.

II — En ce qui concerne le recours en indemnité

SUR LA RECEVABILITÉ

Attendu que la défenderesse soutient que les conclusions du présent recours, ayant été formulées pour la première fois dans la réplique, ont été tardivement présentées, et ne sont pas recevables aux termes de l’article 38, paragraphe 1, d, du règlement de procédure ;

que cependant le requérant a introduit dans la requête une demande en constatation ayant pour objet le préjudice éventuel découlant de la décision attaquée ; que, au cours de la procédure écrite et orale, il a précisé l’objet de cette demande et a évalué le montant dudit préjudice ;

que, partant, les conclusions du recours en indemnité peuvent être considérées comme un développement admissible de celles contenues dans la requête ; qu’elles sont donc recevables, aux termes de l’article 38, paragraphe 1, d, précité.

SUR LE FOND

Attendu que les conclusions du requérant tendent au paiement d’une indemnité dont le montant correspond à celui des droits de douane et de la taxe sur le chiffre d’affaires qu’il a dû verser, suite à la décision contre laquelle il a formé, simultanément, un recours en annulation ;

que, dans ces conditions, il y a lieu de constater que le préjudice allégué par le requérant est basé sur cette décision, et que le recours en indemnité vise en réalité le retrait des effets juridiques que la décision litigieuse a comportés pour le requérant ;

attendu qu’en l’espèce la décision attaquée n’a pas été annulée ;

qu’un acte administratif non annulé ne saurait être en lui-même constitutif d’une faute lésant les administrés ; que ceux-ci ne sauraient donc prétendre à des dommages-intérêts du fait de cet acte ;

que la Cour ne saurait, par le truchement du recours en indemnité, décider des mesures qui annihileraient les effets juridiques d’une telle décision qui n’a pas été annulée ;

que l’action du requérant doit donc être rejetée comme non fondée.

III — Quant aux dépens

Attendu qu’aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens ;

que la partie requérante, ayant succombé en son action, doit être condamnée à supporter les dépens ;

vu les actes de procédure ;

le juge rapporteur entendu en son rapport ;

les parties entendues en leurs plaidoiries ;

l’avocat général entendu en ses conclusions ;

vu les articles 173, alinéa 2, 176, 189, 191 et 215, alinéa 2, du traité instituant la Communauté économique européenne ;

vu le protocole sur le statut de la Cour de justice annexé au traité instituant la Communauté économique européenne ;

vu le règlement de procédure de la Cour de justice des Communautés européennes, et notamment son article 69, paragraphe 2 ;

LA COUR

rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires, déclare et arrête :

1) Le recours en annulation est rejeté comme irrecevable ;

2) Le recours en indemnité est rejeté comme non fondé ;

3) La partie requérante est condamnée aux dépens de l’instance.

Ainsi fait et jugé par la Cour à Luxembourg le 15 juillet 1963.

DONNER

DELVAUX

LECOURT

HAMMES

ROSSI TRABUCCHI

STRAUSS

Lu en séance publique à Luxembourg le 15 juillet 1963.

Le greffier

Le président

A. VAN HOUTTE

A. M. DONNER

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CJCE, n° C-25/62, Arrêt de la Cour, Plaumann & Co. contre Commission de la Communauté économique européenne, 15 juillet 1963