CJCE, n° C-196/87, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Udo Steymann contre Staatssecretaris van Justitie, 5 juillet 1988

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 5 juill. 1988, Steymann, C-196/87
Numéro(s) : C-196/87
Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 5 juillet 1988. # Udo Steymann contre Staatssecretaris van Justitie. # Demande de décision préjudicielle: Raad van State - Pays-Bas. # Activités économiques exercées par les membres de communautés religieuses - Libre prestation des services. # Affaire 196/87.
Date de dépôt : 24 juin 1987
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61987CC0196
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1988:365
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61987C0196

Conclusions de l’avocat général Darmon présentées le 5 juillet 1988. – Udo Steymann contre Staatssecretaris van Justitie. – Demande de décision préjudicielle: Raad van State – Pays-Bas. – Activités économiques exercées par les membres de communautés religieuses – Libre prestation des services. – Affaire 196/87.


Recueil de jurisprudence 1988 page 06159
édition spéciale suédoise page 00751
édition spéciale finnoise page 00771


Conclusions de l’avocat général


++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Compte tenu des faits tels qu’ exposés dans l’ arrêt interlocutoire pris par le Raad van State néerlandais, qui vous a saisis, et afin d’ apporter une réponse utile à cette juridiction, il nous semble opportun d’ écarter d’ emblée toute référence aux articles 59 et 6O du traité CEE et, plus généralement, à la libre prestation de services, qui font l’ objet de la deuxième et de la troisième question préjudicielle soumise . Cette liberté concerne, essentiellement, l’ exercice d’ une activité professionnelle indépendante à titre à la fois occasionnel et provisoire .

2 . On ne saurait invoquer les dispositions communautaires en matière de prestation de services dans une situation de caractère stable et à durée indéterminée . Cette considération vaut aussi bien dans le cas des prestataires que dans celui des destinataires des services .

3 . Rappelons que, aux termes de l’ article 4, paragraphe 2, alinéa 1, de la directive du Conseil 73/148/CEE, du 21 mai 1973, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’ intérieur de la Communauté en matière d’ établissement et

de prestation de services ( 1 ), le droit de séjour des prestataires et des destinataires de services « correspond à la durée de la prestation » et que, selon l’ alinéa 2, un titre de séjour est délivré, pour constater ce droit, si cette durée est supérieure à trois mois .

4 . Les destinataires des services ont été visés, notamment, dans l’ arrêt Luisi et Carbone, où apparaît l’ exigence du caractère temporaire de la réception des services . Vous y avez déclaré, en effet, que

« la liberté de prestation des services inclut la liberté des destinataires des services de se rendre dans un autre État membre pour y bénéficier d’ un service … et que les touristes, les bénéficiaires de soins médicaux et ceux qui effectuent des voyages d’ études ou des voyages d’ affaires sont à considérer comme des destinataires de services » ( 2 ).

Il apparaît donc clairement qu’ une activité exercée à titre permanent ou, en tout cas, sans limitation prévisible de durée ne saurait relever des dispositions communautaires en matière de prestation de services .

5 . En revanche, la première question posée par la juridiction de renvoi a une portée générale et doit être abordée dans cette perspective . Vous êtes interrogés, en substance, sur la question de savoir dans quelle mesure des activités accomplies dans le cadre et à l’ occasion de la participation à une communauté fondée sur une religion ou une autre doctrine peuvent être qualifiées d’ activités économiques au sens du traité .

6 . On ne saurait, a priori, refuser de considérer que des activités accomplies dans un tel cadre puissent être définies comme des activités économiques relevant, à ce titre, du droit communautaire . Cependant, la question posée ne peut se satisfaire d’ une réponse abstraite . Une participation dans une association telle que celle visée par le juge de renvoi peut comporter l’ exercice de certaines activités professionnelles ayant le caractère d’ activité économique au sens du traité . Il s’ agit, pour le juge national, dans chaque cas, de prendre en considération la nature et la fréquence des activités en cause, le rapport entre celui qui les exerce et celui qui les rémunère, et notamment d’ apprécier si, quelle qu’ en soit la nature, la rémunération perçue constitue la contrepartie du travail fourni .

7 . Dans une situation caractérisée par sa durée indéterminée, l’ activité économique pourrait être exercée au titre soit de la liberté de circulation des travailleurs, soit de la liberté d’ établissement .

8 . Dans votre arrêt Walrave et Koch, à propos d’ un contexte différent, vous avez précisé que lorsqu’ une activité économique, au sens de l’ article 2 du traité,

« a le caractère d’ une prestation de travail salarié ou d’ une prestation de services rémunérés, elle tombe, plus particulièrement, dans le champ d’ application, suivant le cas, des articles 48 à 51 ou 59 à 66 du traité » ( 3 ).

Autrement dit, dès lors qu’ il s’ agit d’ une activité professionnelle rémunérée, il y a activité économique .

9 . Pour les raisons indiquées antérieurement, dans le cas d’ espèce, il convient d’ écarter toute référence aux dispositions relatives à la libre prestation des services . Il ressort de cet arrêt, et cette solution est confirmée par l’ arrêt Donà ( 4 ), qu’ une activité salariée constitue ipso facto une activité économique .

1O . Pour apprécier si la situation soumise au juge de renvoi est régie par les dispositions communautaires relatives à la liberté d’ établissement ou à la libre circulation des travailleurs, il convient de rappeler que, dans votre arrêt Lawrie-Blum, vous avez déclaré que la notion de travailleur

« doit être définie selon des critères objectifs qui caractérisent la relation de travail en considération des droits et devoirs des personnes concernées, ( et que ) la caractéristique essentielle de la relation de travail est la circonstance qu’ une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’ une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération » ( 5 ).

11 . Au surplus, en vous référant à votre arrêt Levine ( 6 ), vous avez souligné que :

« les notions de travailleur et d’ activité salariée doivent être entendues de façon à englober les personnes qui, du fait qu’ elles n’ accomplissent pas une tâche complète, ne touchent qu’ une rémunération inférieure à celle prévue pour un emploi à temps complet, pourvu qu’ il s’ agisse de l’ exercice d’ activités réelles et effectives » ( 7 ).

12 . En d’ autres termes, il appartient au juge national d’ apprécier si le statut du requérant au principal au sein de l’ association en cause, les tâches par lui accomplies, la rémunération perçue pour celles-ci, rendent applicables les dispositions communautaires relatives, selon le cas, à la liberté de circulation des travailleurs ou à la liberté d’ établissement .

13 . Mais déterminer lesquelles de ces dispositions s’ appliquent est sans pertinence dans le cas d’ espèce, M . Steymann ayant introduit son recours contre la décision lui refusant l’ octroi d’ un titre de séjour .

14 . Vous avez reconnu, en effet, dans votre arrêt Royer que les dispositions relatives à ces deux libertés sont fondées sur des principes identiques

« en ce qui concerne … l’ entrée et le séjour sur le territoire des États membres des personnes relevant du droit communautaire » ( 8 ).

15 . Il s’ ensuit que, pour trancher le litige au principal et pour déterminer si les dispositions du droit communautaire relatives à la liberté de circulation des personnes s’ appliquent au cas d’ espèce, le juge de renvoi doit examiner la nature des activités accomplies par le requérant et vérifier dans quelle mesure celui-ci est rémunéré en contrepartie de son travail et non indépendamment de ce dernier .

16 . Nous vous proposons, en conséquence, de dire pour droit :

« L’ activité professionnelle accomplie dans un État membre par un ressortissant d’ un autre État membre, dans le cadre ou au service d’ une communauté spirituelle, peut être considérée par le juge national comme une activité économique au sens du traité, dès lors qu’ elle constitue la contrepartie nécessaire de la rémunération, quelle que soit la nature de cette dernière, que l’ intéressé perçoit de ladite communauté . »

( 1 ) JO L 172 du 28.6.1973, p . 14 .

( 2 ) Affaires jointes 286/82 et 26/83, arrêt du 31 janvier 1984, Rec . p . 377, point 16 .

( 3 ) Affaire 36/74, arrêt du 12 décembre 1974, Rec . p . 1405, point 5 .

( 4 ) 13/76, arrêt du 14 juillet 1976, Rec . p . 1333 .

( 5 ) Affaire 66/85, arrêt du 3 juillet 1986, Rec . p . 2121, point 17 .

( 6 ) 53/81, arrêt du 23 mars 1982, Rec . p . 1035

( 7 ) Affaire 66/85, précitée, point 21 .

( 8 ) Affaire 48/75, arrêt du 8 avril 1976, Rec . p . 497, point 12 .

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