CJCE, n° C-213/96, Arrêt de la Cour, Demande de décision préjudicielle: Uudenmaan lääninoikeus - Finlande, 2 avril 1998

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Chronologie de l’affaire

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www.revuegeneraledudroit.eu · 15 janvier 2013

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre) 15 janvier 2013 (*) «Article 267 TFUE – Annulation d'une décision juridictionnelle – Renvoi à la juridiction concernée – Obligation de se conformer à la décision d'annulation – Renvoi préjudiciel – Possibilité – Environnement – Convention d'Aarhus – Directive 85/337/CEE – Directive 96/61/CE – Participation du public au processus décisionnel – Construction d'une décharge de déchets – Demande d'autorisation – Secret d'affaires – Non-communication d'un document au public – Effet sur la validité de la décision d'autorisation de la décharge – Régularisation – …

 

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ARRÊT DE LA COUR (grande chambre) 13 septembre 2005 «Recours en annulation – Articles 29 UE, 31, sous e), UE, 34 UE et 47 UE – Décision-cadre 2003/80/JAI – Protection de l'environnement – Sanctions pénales – Compétence de la Communauté – Base juridique – Article 175 CE» Dans l'affaire C-176/03, ayant pour objet un recours en annulation au titre de l'article 35 UE, introduit le 15 avril 2003, Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. Petite, J.-F. Pasquier et W. Bogensberger, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg, partie requérante, soutenue par: …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 2 avr. 1998, Outokumpu, C-213/96
Numéro(s) : C-213/96
Arrêt de la Cour du 2 avril 1998. # Outokumpu Oy. # Demande de décision préjudicielle: Uudenmaan lääninoikeus - Finlande. # Taxe sur les produits frappant l'électricité - Taux d'imposition différenciés selon le mode de production d'électricité d'origine nationale - Taux unique pour l'électricité importée. # Affaire C-213/96.
Date de dépôt : 25 juin 1996
Précédents jurisprudentiels : 11 juin 1992, Sanders Adour et Guyomarc' h Orthez Nutrition animale, C-149/91 et C-150/91
26 juin 1991, Commission/Luxembourg, C-152/89
Commission/Grèce, C-375/95
Cour du 2 avril 1998. - Outokumpu Oy. - Demande de décision préjudicielle
Haahr Petroleum, C-90/94
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61996CJ0213
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1998:155
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61996J0213

Arrêt de la Cour du 2 avril 1998. – Outokumpu Oy. – Demande de décision préjudicielle: Uudenmaan Lääninoikeus – Finlande. – Taxe sur les produits frappant l’électricité – Taux d’imposition différenciés selon le mode de production d’électricité d’origine nationale – Taux unique pour l’électricité importée. – Affaire C-213/96.


Recueil de jurisprudence 1998 page I-01777


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1 Dispositions fiscales – Impositions intérieures – Taxe sur les produits frappant l’électricité – Système de taxation appliquant à l’électricité d’origine nationale des taux différenciés selon le mode de production et à l’électricité importée un taux unique – Qualification d’imposition intérieure à l’exclusion de celle de taxe d’effet équivalent

(Traité CE, art. 9, 12 et 95)

2 Dispositions fiscales – Impositions intérieures – Système de taxation différenciée – Admissibilité – Conditions – Système de taxation différenciée frappant l’électricité – Taux applicable variant selon le mode de production – Différenciation reposant sur des considérations liées à la protection de l’environnement – Admissibilité

(Traité CE, art. 95)

3 Dispositions fiscales – Impositions intérieures – Taxe sur les produits frappant l’électricité – Système de taxation appliquant à l’électricité d’origine nationale des taux différenciés selon le mode de production et à l’électricité importée un taux unique – Inadmissibilité

(Traité CE, art. 95)

Sommaire


1 Une taxe sur les produits qui frappe l’électricité d’origine nationale de taux différenciés selon le mode de production de celle-ci, alors qu’elle frappe l’électricité importée d’un taux unique supérieur au taux le plus bas, mais inférieur au taux le plus élevé applicable à l’électricité d’origine nationale, constitue une imposition intérieure au sens de l’article 95 du traité et non une taxe d’effet équivalant à un droit de douane au sens des articles 9 et 12, dès lors que, d’une part, elle fait partie d’un système général de taxation qui frappe non seulement l’énergie électrique en tant que telle, mais également plusieurs sources d’énergie primaire, et que, d’autre part, tant l’électricité importée que l’électricité d’origine nationale relèvent d’un même régime fiscal et que la taxe est prélevée par la même autorité et selon les mêmes procédures, quelle que soit l’origine de l’électricité.

Le fait que l’électricité importée est taxée au moment de l’importation et l’électricité d’origine nationale au moment de la production est sans pertinence à l’égard de la qualification d’une telle taxe, car, compte tenu des caractéristiques de l’électricité, ces deux moments correspondent à un même stade de commercialisation, qui est celui de l’arrivée de l’électricité sur le réseau de distribution national.

2 Le droit communautaire ne restreint pas, en l’état actuel de son évolution, la liberté de chaque État membre d’établir un système de taxation différenciée pour certains produits, même similaires au sens de l’article 95, premier alinéa, du traité, en fonction de critères objectifs, tels que la nature des matières premières utilisées ou les procédés de production appliqués. De telles différenciations ne sont toutefois compatibles avec le droit communautaire que si elles poursuivent des objectifs compatibles, eux aussi, avec les exigences du traité et du droit dérivé et si leurs modalités sont de nature à éviter toute forme de discrimination, directe ou indirecte, à l’égard des importations en provenance des autres États membres, ou de protection en faveur de productions nationales concurrentes.

L’article 95 du traité ne s’oppose dès lors pas à ce que le taux d’une imposition intérieure frappant l’électricité varie selon le mode de production de celle-ci et les matières premières utilisées pour sa production, dans la mesure où cette différenciation repose sur des considérations liées à l’environnement. En effet, la protection de l’environnement constitue l’un des objectifs essentiels de la Communauté. Celle-ci a notamment pour mission de promouvoir une croissance durable et non inflationniste respectant l’environnement et son action comporte une politique dans ce domaine. En outre, la compatibilité des méthodes de production de l’énergie électrique avec l’environnement constitue un objectif important de la politique énergétique de la Communauté.

3 L’article 95, premier alinéa, du traité s’oppose à ce qu’une taxe sur les produits, qui relève d’un régime national d’imposition des sources d’énergie, frappe l’électricité d’origine nationale de taux différenciés selon le mode de production de celle-ci tandis qu’elle frappe l’électricité importée, quel que soit son mode de production, d’un taux unique qui, même s’il est inférieur au taux le plus élevé applicable à l’électricité d’origine nationale, aboutit, ne fût-ce que dans certains cas, à une imposition supérieure de l’électricité importée.

En effet, constitue une violation de l’article 95 du traité un système de taxation intérieure dans lequel l’imposition frappant le produit importé et celle frappant le produit national similaire sont calculées de façon différente et suivant des modalités différentes aboutissant, ne fût-ce que dans certains cas, à une imposition supérieure du produit importé.

Le fait que, en raison des caractéristiques de l’électricité, il peut s’avérer extrêmement difficile de déterminer avec exactitude le mode de production de l’électricité importée et, partant, les sources d’énergie primaire employées pour la production de celle-ci ne saurait justifier un tel système de taxation puisque des difficultés d’ordre pratique ne sauraient être de nature à justifier l’application d’impositions intérieures discriminatoires à l’égard des produits originaires d’autres États membres. Si, en principe, l’article 95 du traité n’oblige pas les États membres à supprimer les différenciations objectivement justifiées que la législation interne établit entre les impositions intérieures frappant des produits nationaux, il n’en va pas ainsi lorsque cette suppression est l’unique moyen permettant d’éviter une discrimination, directe ou indirecte, des produits importés.

Parties


Dans l’affaire C-213/96,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 177 du traité CE, par l’Uudenmaan lääninoikeus (Finlande) et tendant à obtenir, dans une procédure engagée par

Outokumpu Oy,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation des articles 9, 12 et 95 du traité CE,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. Gulmann, H. Ragnemalm et R. Schintgen (rapporteur), présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, P. J. G. Kapteyn, J. L. Murray, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann et L. Sevón, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

— pour Outokumpu Oy, par Me Arto Kukkonen, avocat à Helsinki,

— pour le gouvernement finlandais, par M. Holger Rotkirch, ambassadeur, chef du service des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d’agent,

— pour le gouvernement français, par Mme Catherine de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. Jean-Marc Belorgey, chargé de mission à la même direction, en qualité d’agents,

— pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Allan Rosas, conseiller juridique principal, et Enrico Traversa, membre du service juridique, en qualité d’agents,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales d’Outokumpu Oy, du gouvernement finlandais et de la Commission à l’audience du 24 juin 1997,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 novembre 1997,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par ordonnance du 30 mai 1996, parvenue à la Cour le 25 juin suivant, l’Uudenmaan lääninoikeus a posé, en vertu de l’article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles relatives à l’interprétation des articles 9, 12 et 95 du même traité.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’une procédure engagée par Outokumpu Oy (ci-après «Outokumpu»), la société mère du groupe finlandais Outokumpu, contre la décision de la piiritullikamari (chambre régionale des douanes) d’Helsinki par laquelle celle-ci a taxé les importations d’électricité en provenance de Suède effectuées par Outokumpu au cours du mois de septembre 1995.

3 En Finlande, l’article 1er de l’Eräiden energialähteiden valmisteverosta annettu laki (loi n_ 1473/94, du 29 décembre 1994, relative à la taxe sur les produits applicable à certaines sources d’énergie) prévoit que la houille, la tourbe utilisée comme combustible, le gaz naturel, l’électricité et l’huile de pin sont soumis, au profit de l’État, à une taxe de base et à une taxe additionnelle. Aux termes de l’article 2, point 4, de la loi n_ 1473/94, il convient d’entendre par «électricité» l’énergie électrique visée à la catégorie 2716 du tarif douanier.

4 En vertu de l’article 3, le service des douanes est chargé de la perception et du contrôle des taxes applicables aux produits visés par la loi n_ 1473/94.

5 Selon l’article 4 de la loi n_ 1473/94, la taxe doit être acquittée conformément au barème de taxation suivant, annexé à cette loi (p = penni = 0,01 FIM):$

Produit

Groupe

Taxe de base

Taxe additionnelle

Houille, briquettes de houille, matières combustibles solides tirées de la houille, lignite

1

— 

116,1

FIM/tonne

Tourbe combustible

2

— 

3,5

FIM/MWh

Gaz naturel, produits gazeux

3

— 

11,2 p/nm3 *

Électricité

— d’origine nucléaire

— d’origine hydraulique

— importée

4

5

6$

1,5 p/kWh

— 

1,3 p/kWh

0,9 p/kWh

0,4 p/kWh

0,9 p/kWh

Huile de pin

7

18,55 p/kg

— 

* Pour le gaz naturel, la taxe à acquitter est réduite de 50 % du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997.$

6 En vertu de l’article 14, premier alinéa, de la loi n_ 1473/94, est redevable de la taxe sur l’électricité celui qui:

1) produit en Finlande de l’énergie d’origine nucléaire ou hydraulique;

2) se procure dans la Communauté ou à l’extérieur de celle-ci de l’électricité dans le cadre de son activité économique.

7 La taxe ne s’applique toutefois pas à l’énergie électrique produite dans des générateurs d’une puissance inférieure à deux mégavoltampères (article 14, deuxième alinéa, de la loi n_ 1473/94).

8 Sont également exonérées de la taxe:

— la tourbe combustible utilisée pour la production de l’électricité, si la production ne dépasse pas 25 000 MWh par an (article 7);

— l’électricité d’origine nucléaire ou hydraulique produite en Finlande que le producteur exporte lui-même à l’extérieur de la Communauté ou fournit en vue d’être consommée dans un autre endroit de la Communauté que la Finlande (article 16).

9 Il ressort enfin du dossier qu’échappe au champ d’application de la loi n_ 1473/94 l’électricité produite à partir de certains déchets industriels.

10 Conformément à l’article 17 de la loi n_ 1473/94, toute personne redevable de la taxe au titre de l’article 14, premier alinéa, point 2, est obligée de se conformer aux formalités définies par la loi générale sur la taxation des produits (loi n_ 1469/94).

11 Il résulte du projet de loi présenté au Parlement finlandais que la taxation de la houille, de l’électricité, du gaz naturel, de la tourbe combustible et de la tourbe en motte ainsi que de l’huile de pin brute est motivée par des considérations écologiques. Par ailleurs, le taux unique d’imposition de l’électricité importée a été calculé de manière à correspondre au taux moyen grevant l’électricité produite en Finlande, sans qu’il ait toutefois été tenu compte de la baisse de la taxe sur la tourbe combustible et le gaz naturel.

12 La loi n_ 1473/94 est entrée en vigueur le 1er janvier 1995.

13 Depuis le 1er novembre 1995, Outokumpu importe de l’électricité en provenance de Suède en vertu d’un contrat qu’elle a conclu avec la société suédoise Vattenfall AB.

14 A titre expérimental, des premières livraisons ont eu lieu entre le 18 septembre et le 9 octobre 1995. Pour cette livraison d’essai, Outokumpu a présenté, le 17 octobre 1995, une déclaration fiscale concernant le mois de septembre 1995 auprès de la chambre régionale des douanes. Dans une lettre accompagnant cette déclaration, Outokumpu a indiqué qu’elle considérait que la perception de la taxe sur l’électricité sur ces importations était contraire aux articles 12 et 13 du traité CE, en sorte que la taxe n’était pas due.

15 Le 23 octobre 1995, la chambre régionale des douanes a décidé que, en vertu de l’article 4 de la loi n_ 1473/94, Outokumpu était redevable d’une taxe sur l’électricité de 1,3 p/kWh + 0,9 p/kWh, conformément au barème de taxation relatif à l’électricité importée.

16 Outokumpu a saisi la juridiction de renvoi d’un recours en annulation de la décision de la chambre régionale des douanes d’Helsinki, au motif que la taxe sur les produits applicable à l’électricité était une taxe d’effet équivalant à un droit de douane interdite par les articles 9 et 12 du traité. A titre subsidiaire, Outokumpu a fait valoir qu’une telle taxe était discriminatoire au sens de l’article 95 du traité et a demandé qu’elle soit ramenée au niveau le plus bas de taxation de l’électricité produite en Finlande, soit 0 p/kWh, c’est-à-dire le taux applicable à l’électricité exonérée ou à celle échappant au champ d’application de la loi n_ 1473/94.

17 Estimant que la solution du litige dont elle était saisie dépendait de l’interprétation des articles 9, 12 et 95 du traité, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:$

«Selon la législation nationale finlandaise, il est appliqué en Finlande, à l’énergie électrique nationale, une taxe sur les produits dont le taux dépend du mode de production de l’électricité. L’électricité d’origine nucléaire produite en Finlande est soumise à une taxe de base de 1,5 p/kWh et à une taxe additionnelle de 0,9 p/kWh. L’électricité d’origine hydraulique produite en Finlande est soumise seulement à une taxe additionnelle de 0,4 p/kWh. Pour l’électricité d’une autre origine, par exemple celle produite à partir de la houille, la taxe s’applique sur la base de la quantité de matière première consommée dans le processus de production. Certains modes de production, par exemple au moyen de générateurs d’une puissance inférieure à deux mégavoltampères, n’entraînent aucune taxation. Pour l’électricité importée, la taxe de base est de 1,3 p/kWh et la taxe additionnelle de 0,9 p/kWh, quel que soit le mode de production. La taxe sur les produits est donc déterminée selon des critères différents selon que l’électricité est nationale ou importée. D’après les travaux préparatoires de la loi, la fixation de la taxe en fonction du mode de production repose sur des considérations liées à l’environnement. Or, le taux de la taxe appliquée à l’électricité importée n’est pas quant à lui déterminé par le mode de production. La taxe frappant l’électricité importée est supérieure à la taxe la plus basse, mais inférieure à la taxe la plus élevée appliquée à l’électricité nationale. Le redevable de la taxe est respectivement l’importateur ou le producteur selon que l’électricité est importée ou d’origine nationale.

1) La taxe sur les produits appliquée à l’énergie électrique calculée de la manière décrite ci-dessus doit-elle être considérée comme une taxe d’effet équivalant à celui d’un droit de douane à l’importation, au sens des articles 9 et 12 du traité CE?

2) En cas de réponse négative à la première question : la taxe sur les produits appliquée à l’énergie électrique calculée de la manière exposée ci-avant doit-elle être considérée comme une imposition discriminatoire envers les produits des autres États membres, au sens de l’article 95 du traité CE?»

18 Par ces questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction nationale interroge la Cour sur la qualification, au regard des articles 9, 12 et 95 du traité, et, le cas échéant, sur la compatibilité avec ces dispositions d’une taxe sur les produits qui frappe l’électricité d’origine nationale de taux différenciés selon le mode de production de celle-ci, alors qu’elle frappe l’électricité importée d’un taux unique supérieur au taux le plus bas, mais inférieur au taux le plus élevé applicable à l’électricité d’origine nationale.

19 S’agissant de la qualification, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêt du 17 juillet 1997, Haahr Petroleum, C-90/94, Rec. p. I-4085, point 19), les dispositions relatives aux taxes d’effet équivalent et celles relatives aux impositions intérieures discriminatoires ne sont pas applicables cumulativement, de sorte qu’une même imposition ne saurait, dans le système du traité, appartenir simultanément à ces deux catégories.

20 Il résulte également d’une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêt Haahr Petroleum, précité, point 20) que toute charge pécuniaire, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises en raison du fait qu’elles franchissent la frontière, lorsqu’elle n’est pas un droit de douane proprement dit, constitue une taxe d’effet équivalent au sens des articles 9, 12, 13 et 16 du traité CE. Une telle charge échappe toutefois à cette qualification si elle relève d’un système général de redevances intérieures appréhendant systématiquement des catégories de produits selon des critères objectifs appliqués indépendamment de l’origine des produits, auquel cas elle tombe dans le champ d’application de l’article 95 du traité.

21 A cet égard, il y a lieu de constater, en premier lieu, qu’une taxe, telle celle en cause au principal, fait partie d’un système général de taxation qui frappe non seulement l’énergie électrique en tant que telle, mais également plusieurs sources d’énergie primaire, tels les produits houillers, la tourbe combustible, le gaz naturel et l’huile de pin.

22 Il importe de relever, en second lieu, que tant l’électricité importée que l’électricité d’origine nationale relèvent d’un même régime fiscal et que la taxe est prélevée par la même autorité, quelle que soit l’origine de l’électricité, ainsi que selon des procédures régies par la législation générale relative à la taxation des produits.

23 Il convient de souligner, en troisième lieu, que, à l’exception de l’électricité d’origine nationale produite dans des générateurs d’une puissance inférieure à deux mégavoltampères ou de celle produite, en quantités réduites, à partir de la tourbe combustible, cette taxe frappe l’électricité quelle que soit son origine, nationale ou importée. Dans ces conditions, le fait que, en ce qui concerne l’électricité importée, la taxe est due par l’importateur et prélevée à l’importation ne suffit pas pour conclure qu’elle frappe la marchandise concernée en raison du fait que celle-ci franchit la frontière.

24 Outokumpu fait toutefois observer que, en vertu de la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêt du 31 mai 1979, Denkavit Loire, 132/78, Rec. p. 1923, point 8), pour relever d’un système général de redevances intérieures, la charge à laquelle sont soumis des produits importés doit frapper les produits nationaux et les produits importés au même stade de commercialisation et le fait générateur doit être identique pour les deux catégories de produits.

25 A cet égard, il convient de préciser que, dans un cas comme celui de l’espèce au principal, aucune différence ne saurait résulter du fait que l’électricité importée est taxée au moment de l’importation et l’électricité d’origine nationale au moment de la production, car, compte tenu des caractéristiques de l’électricité, ces deux moments correspondent à un même stade de commercialisation, qui est celui de l’arrivée de l’électricité sur le réseau de distribution national (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 1992, Sanders Adour et Guyomarc’h Orthez Nutrition animale, C-149/91 et C-150/91, Rec. p. I-3899, point 18).

26 Outokumpu fait également valoir que la taxe litigieuse au principal ne frappe pas les produits importés et les produits nationaux selon les mêmes critères ni indépendamment de leur origine. Elle relève que l’électricité d’origine nationale est assujettie à une taxe à des taux différents selon qu’elle est d’origine nucléaire ou hydraulique, ou n’est taxée qu’au niveau des matières premières, voire est exonérée, alors que l’électricité importée est taxée, exclusivement en tant que produit final, à un taux unique, quel que soit son mode de production. Les bases d’imposition ainsi que les taux de la taxe seraient ainsi différents selon qu’il s’agit d’électricité d’origine nationale ou d’électricité importée.

27 Il convient de rappeler que la Cour a déjà constaté qu’une imposition qui se présente comme une taxe intérieure ne doit être considérée comme une taxe d’effet équivalant à un droit de douane que lorsque les modalités de l’imposition sont telles qu’en fait la charge frappe uniquement les produits importés, à l’exclusion des produits nationaux (arrêt du 28 janvier 1981, Kortmann, 32/80, Rec. p. 251, point 18). Or, ainsi qu’il résulte du point 23 du présent arrêt, tel n’est pas le cas de la taxe litigieuse au principal.

28 Par ailleurs, la Cour a déjà jugé que le fait que l’origine des marchandises est déterminante pour le montant de la taxe à percevoir ne saurait la faire échapper au champ d’application de l’article 95 du traité (arrêt Haahr Petroleum, précité, point 25).

29 Dès lors, il y a lieu de conclure qu’une taxe sur les produits, telle celle en cause au principal, constitue une imposition intérieure au sens de l’article 95 du traité et non une taxe d’effet équivalant à un droit de douane au sens des articles 9 et 12.

30 En ce qui concerne la compatibilité d’une telle taxe avec l’article 95 du traité, il convient de rappeler, en premier lieu, que, en vertu d’une jurisprudence constante, le droit communautaire ne restreint pas, en l’état actuel de son évolution, la liberté de chaque État membre d’établir un système de taxation différenciée pour certains produits, même similaires au sens de l’article 95, premier alinéa, du traité, en fonction de critères objectifs, tels que la nature des matières premières utilisées ou les procédés de production appliqués. De telles différenciations ne sont toutefois compatibles avec le droit communautaire que si elles poursuivent des objectifs compatibles, eux aussi, avec les exigences du traité et du droit dérivé et si leurs modalités sont de nature à éviter toute forme de discrimination, directe ou indirecte, à l’égard des importations en provenance des autres États membres, ou de protection en faveur de productions nationales concurrentes.

31 L’article 95 du traité ne s’oppose dès lors pas à ce que le taux d’une imposition intérieure frappant l’électricité varie selon le mode de production de celle-ci et les matières premières utilisées pour sa production, dans la mesure où cette différenciation repose, comme il résulte du libellé même des questions préjudicielles posées par la juridiction nationale, sur des considérations liées à l’environnement.

32 En effet, ainsi que la Cour l’a rappelé dans l’arrêt du 20 septembre 1988, Commission/Danemark (302/86, Rec. p. 4607, point 8), la protection de l’environnement constitue l’un des objectifs essentiels de la Communauté. Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur du traité sur l’Union européenne, la Communauté a notamment pour mission de promouvoir une croissance durable et non inflationniste respectant l’environnement (article 2 du traité CE) et son action comporte une politique dans le domaine de l’environnement [article 3, sous k), du traité CE].

33 En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 58 de ses conclusions, la compatibilité notamment des méthodes de production de l’énergie électrique avec l’environnement constitue un objectif important de la politique énergétique de la Communauté.

34 Toutefois, en ce qui concerne le point de savoir si une différenciation, telle celle qui caractérise le système de taxation en cause au principal, est compatible avec la règle de non-discrimination de l’article 95 du traité, il importe de rappeler qu’il est de jurisprudence constante qu’il y a violation de cette disposition lorsque l’imposition frappant le produit importé et celle frappant le produit national similaire sont calculées de façon différente et suivant des modalités différentes aboutissant, ne fût-ce que dans certains cas, à une imposition supérieure du produit importé (voir, notamment, arrêt du 26 juin 1991, Commission/Luxembourg, C-152/89, Rec. p. I-3141, point 20).

35 Or, tel est le cas dès que, dans un système de taxation différenciée comme celui en cause au principal, l’électricité importée, qui est distribuée à travers le réseau national, est frappée, quel que soit son mode de production, d’une taxe unique qui est supérieure à la taxe la plus basse frappant l’électricité d’origine nationale distribuée à travers le réseau national.

36 La circonstance que l’électricité d’origine nationale est, dans certains cas, taxée plus lourdement que l’électricité importée est dépourvue de toute pertinence dans ce contexte, dès lors que, pour vérifier si le système en question est compatible avec l’article 95 du traité, il y a lieu de comparer la charge fiscale frappant l’électricité importée à la charge fiscale la plus réduite frappant l’électricité d’origine nationale (voir, en ce sens, arrêt Commission/Luxembourg, précité, points 21 et 22).

37 Le gouvernement finlandais objecte que, en raison des caractéristiques de l’électricité, dont il serait impossible de déterminer l’origine et, partant, le mode de production, une fois qu’elle est arrivée sur le réseau de distribution, les taux différenciés applicables à l’électricité d’origine nationale ne peuvent pas être appliqués à l’électricité importée. Il fait valoir que, dans ces conditions, l’application d’un taux unique, calculé de façon à correspondre au taux moyen grevant l’électricité d’origine nationale, constitue la seule manière logique de traiter de façon équitable l’électricité importée.

38 A cet égard, il convient de rappeler que la Cour a déjà eu l’occasion de souligner que des difficultés d’ordre pratique ne sauraient être de nature à justifier l’application d’impositions intérieures discriminatoires à l’égard des produits originaires d’autres États membres (voir, notamment, arrêt du 23 octobre 1997, Commission/Grèce, C-375/95, Rec. p. I-5981, point 47).

39 S’il est vrai que, en raison des caractéristiques de l’électricité, il peut s’avérer extrêmement difficile de déterminer avec exactitude le mode de production de l’électricité importée et, partant, les sources d’énergie primaire employées pour la production de celle-ci, il importe de relever que la législation finlandaise en cause au principal ne prévoit même pas la possibilité, pour l’importateur, de prouver que l’électricité qu’il importe a été produite selon un mode de production déterminé afin de bénéficier du taux applicable à l’électricité d’origine nationale produite selon le même mode de production.

40 Il y a lieu de rappeler, en outre, que la Cour a déjà jugé que, même si, en principe, l’article 95 du traité n’oblige pas les États membres à supprimer les différenciations objectivement justifiées que la législation interne établit entre les impositions intérieures frappant des produits nationaux, il n’en va pas ainsi lorsque cette suppression est l’unique moyen permettant d’éviter une discrimination, directe ou indirecte, des produits importés (arrêt du 8 janvier 1980, Commission/Italie, 21/79, Rec. p. 1, point 16).

41 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre que l’article 95, premier alinéa, du traité s’oppose à ce qu’une taxe sur les produits, qui relève d’un régime national d’imposition des sources d’énergie, frappe l’électricité d’origine nationale de taux différenciés selon le mode de production de celle-ci tandis qu’elle frappe l’électricité importée, quel que soit son mode de production, d’un taux unique qui, même s’il est inférieur au taux le plus élevé applicable à l’électricité d’origine nationale, aboutit, ne fût-ce que dans certains cas, à une imposition supérieure de l’électricité importée.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

42 Les frais exposés par les gouvernements finlandais et français, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par l’Uudenmaan lääninoikeus, par ordonnance du 30 mai 1996, dit pour droit:

L’article 95, premier alinéa, du traité CE s’oppose à ce qu’une taxe sur les produits, qui relève d’un régime national d’imposition des sources d’énergie, frappe

l’électricité d’origine nationale de taux différenciés selon le mode de production de celle-ci tandis qu’elle frappe l’électricité importée, quel que soit son mode de production, d’un taux unique qui, même s’il est inférieur au taux le plus élevé applicable à l’électricité d’origine nationale, aboutit, ne fût-ce que dans certains cas, à une imposition supérieure de l’électricité importée.

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CJCE, n° C-213/96, Arrêt de la Cour, Demande de décision préjudicielle: Uudenmaan lääninoikeus - Finlande, 2 avril 1998