CJCE, n° C-306/96, Arrêt de la Cour, Javico International et Javico AG contre Yves Saint Laurent Parfums SA (YSLP), 28 avril 1998

  • Contrat de distribution à l'intérieur de la communauté·
  • Affectation du commerce entre états membres·
  • Affectation insignifiante du marché·
  • Cee/ce - concurrence * concurrence·
  • Absence d'objet anticoncurrentiel·
  • Accord non prohibé 3 concurrence·
  • Inadmissibilité 2 concurrence·
  • Produits cosmétiques de luxe·
  • Accords entre entreprises·
  • Atteinte à la concurrence

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.revuegeneraledudroit.eu · 13 juillet 2006

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre) 13 juillet 2006 (*) «Article 81 CE – Concurrence – Entente – Sinistres causés par des véhicules automobiles, navires et cyclomoteurs – Assurance responsabilité civile obligatoire – Augmentation des primes – Effet sur le commerce entre États membres – Droit des tiers de demander réparation du préjudice subi – Juridiction nationale compétente – Délai de prescription – Indemnités ayant un caractère de sanction» Dans les affaires jointes C-295/04 à C-298/04, ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE, …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 28 avr. 1998, Javico, C-306/96
Numéro(s) : C-306/96
Arrêt de la Cour du 28 avril 1998. # Javico International et Javico AG contre Yves Saint Laurent Parfums SA (YSLP). # Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Versailles - France. # Concurrence - Produits cosmétiques de luxe - Système de distribution sélective - Obligation d'exportation vers un pays tiers - Interdiction de réimportation et de commercialisation dans la Communauté. # Affaire C-306/96.
Date de dépôt : 23 septembre 1996
Précédents jurisprudentiels : Almelo e.a., C-393/92, Rec. p. I-1477
Cour du 28 avril 1998. - Javico International et Javico AG contre Yves Saint Laurent Parfums SA ( YSLP
Tipp-Ex/Commission, C-279/87
Tribunal de première instance du 12 décembre 1996, Leclerc/Commission ( T-19/92, Rec. p. II-1851
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61996CJ0306
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1998:173
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

61996J0306

Arrêt de la Cour du 28 avril 1998. – Javico International et Javico AG contre Yves Saint Laurent Parfums SA (YSLP). – Demande de décision préjudicielle: Cour d’appel de Versailles – France. – Concurrence – Produits cosmétiques de luxe – Système de distribution sélective – Obligation d’exportation vers un pays tiers – Interdiction de réimportation et de commercialisation dans la Communauté. – Affaire C-306/96.


Recueil de jurisprudence 1998 page I-01983


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1 Concurrence – Ententes – Accords entre entreprises – Atteinte à la concurrence – Produits cosmétiques de luxe – Contrat de distribution à l’intérieur de la Communauté – Obligation de revendre aux seuls clients établis dans le territoire contractuel et interdiction de revendre en dehors de celui-ci – Inadmissibilité

(Traité CE, art. 85, § 1)

2 Concurrence – Ententes – Accords entre entreprises – Affectation du commerce entre États membres – Critères – Affectation insignifiante du marché – Accord non prohibé

(Traité CE, art. 85, § 1)

3 Concurrence – Ententes – Accords entre entreprises – Atteinte à la concurrence – Affectation du commerce entre États membres – Contrat de distribution destiné à s’appliquer dans un territoire situé hors de la Communauté – Obligation d’exportation vers un pays tiers et interdiction de réimportation et de commercialisation dans la Communauté – Absence d’objet anticoncurrentiel – Appréciation des effets anticoncurrentiels par le juge national – Existence d’un réseau de distribution sélective pour la distribution à l’intérieur de la Communauté ayant fait l’objet d’une décision d’exemption – Absence d’incidence

(Traité CE, art. 85, § 1 et 3)

Sommaire


1 Un accord entre un producteur et un revendeur, destiné à s’appliquer à l’intérieur de la Communauté, qui a pour objet de priver le revendeur de la liberté commerciale de choisir ses clients en lui imposant de revendre aux seuls clients établis dans le territoire contractuel est restrictif de la concurrence au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité.

De même, un accord qui impose au revendeur de ne pas revendre les produits contractuels en dehors du territoire contractuel a pour objet d’exclure les importations parallèles à l’intérieur de la Communauté et de restreindre ainsi la concurrence dans le marché commun. De telles clauses, qui s’insèrent dans des contrats de distribution à l’intérieur de la Communauté, constituent donc, par leur nature même, une restriction de la concurrence.

2 Pour être susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d’un ensemble d’éléments de fait et de droit, permettre d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres et cela de manière à faire craindre qu’ils puissent entraver la réalisation d’un marché unique entre États membres. Il faut, en outre, que cette influence ne soit pas insignifiante.

L’influence que peut exercer un accord sur le commerce entre États membres s’apprécie notamment en considération de la position et de l’importance des parties sur le marché des produits concernés. Ainsi, même un accord contenant une protection territoriale absolue échappe à la prohibition de l’article 85 du traité, lorsqu’il n’affecte le marché que d’une manière insignifiante, compte tenu de la faible position qu’occupent les intéressés sur le marché des produits en cause.

3 Un accord de distribution, destiné à s’appliquer dans un territoire situé hors de la Communauté, comportant une obligation d’exportation de produits vers un pays tiers ainsi qu’une interdiction de réimportation et de commercialisation de ces produits dans la Communauté ne saurait être considéré comme ayant pour objet de restreindre de manière sensible la concurrence à l’intérieur du marché commun et comme étant susceptible d’affecter en tant que tel le commerce entre les États membres, et ne saurait donc être contraire, par sa nature même, aux dispositions de l’article 85, paragraphe 1, du traité. En effet, les stipulations d’un tel accord doivent être interprétées non pas comme visant à exclure les importations parallèles et la mise sur le marché du produit contractuel à l’intérieur de la Communauté, mais comme visant à assurer au producteur la pénétration d’un marché situé à l’extérieur de la Communauté au moyen de l’écoulement sur ce marché d’une quantité suffisante de produits contractuels.

Or, si lesdites stipulations n’ont pas pour objet, par leur nature même, d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité, il appartient toutefois au juge national de vérifier si elles n’ont pas pour effet de le faire, en prenant en considération le contexte économique et juridique dans lequel elles s’insèrent.

L’article 85, paragraphe 1, du traité s’oppose à l’interdiction faite par un fournisseur, établi dans un État membre de la Communauté, à un distributeur établi dans un autre État membre, auquel il confie la distribution de ses produits dans un territoire situé hors de la Communauté, de procéder à toute vente dans un territoire autre que le territoire contractuel, y compris le territoire de la Communauté, tant par commercialisation directe que par réexpédition depuis le territoire contractuel si cette interdiction a pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence à l’intérieur de la Communauté et si elle risque d’affecter les courants d’échanges entre les États membres. Tel peut être le cas lorsque le marché communautaire des produits en cause est caractérisé par une structure oligopolistique ou par un différentiel sensible entre les prix du produit contractuel pratiqués à l’intérieur de la Communauté et ceux pratiqués à l’extérieur de la Communauté et lorsque, compte tenu de la position occupée par le fournisseur des produits concernés et de l’ampleur de la production et des ventes dans les États membres, l’interdiction comporte un risque d’influence sensible sur les courants d’échanges entre les États membres susceptible de nuire à la réalisation des objectifs du marché commun.

A cet égard, des clauses qui visent à empêcher le distributeur de vendre directement ainsi que de réexporter dans la Communauté des produits contractuels qu’il s’est engagé à vendre dans des pays tiers n’échappent pas à l’interdiction de l’article 85, paragraphe 1, du traité au motif que le fournisseur communautaire concerné distribue ses produits à l’intérieur de la Communauté par l’intermédiaire d’un système de distribution sélective qui fait l’objet d’une décision d’exemption au titre de l’article 85, paragraphe 3, dudit traité.

Parties


Dans l’affaire C-306/96,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 177 du traité CE, par la cour d’appel de Versailles (France) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Javico International et Javico AG

et

Yves Saint Laurent Parfums SA (YSLP),

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation de l’article 85, paragraphe 1, du traité CE,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. Gulmann et R. Schintgen (rapporteur), présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, P. J. G. Kapteyn, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann et L. Sevón, juges,

avocat général: M. G. Tesauro,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

— pour Javico International et Javico AG, par Me Franck Berthault, avocat au barreau de Paris,

— pour Yves Saint Laurent Parfums SA (YSLP), par Mes Dominique Voillemot et Antoine Choffel, avocats au barreau de Paris,

— pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Guiliano Marenco, conseiller juridique principal, et Guy Charrier, expert national mis à la disposition du service juridique, en qualité d’agents,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales de Javico International et de Javico AG, représentées par Me Franck Berthault, de Yves Saint Laurent Parfums SA (YSLP), représentée par Mes Dominique Voillemot et Antoine Choffel, du gouvernement français, représenté par Mme Régine Loosli-Surrans, chargé de mission à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d’agent, et de la Commission, représentée par MM. Giuliano Marenco et Guy Charrier, à l’audience du 17 septembre 1997,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 novembre 1997,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par arrêt du 8 septembre 1995, parvenu à la Cour le 23 septembre 1996, la cour d’appel de Versailles a posé, en application de l’article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles relatives à l’interprétation de l’article 85, paragraphe 1, du traité CE, en vue de lui permettre d’apprécier la validité d’un contrat comportant une obligation d’exportation de produits cosmétiques de luxe vers un pays tiers ainsi qu’une interdiction de réimportation et de commercialisation de ces produits dans la Communauté.

2 Ces questions ont été posées dans le cadre d’une action intentée par Yves Saint Laurent Parfums SA (ci-après «YSLP») contre Javico International et Javico AG (ci-après ensemble «Javico») afin de faire constater la violation des obligations contractuelles de celles-ci, de déclarer fondée la résiliation des deux contrats conclus entre les parties et de faire droit à sa demande au paiement d’une indemnité contractuelle et de dommages-intérêts.

3 YSLP bénéficie d’une exemption individuelle pour la distribution sélective de ses produits à l’intérieur de la Communauté [décision 92/33/CEE de la Commission, du 16 décembre 1991, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (IV33.242 – Yves Saint Laurent Parfums) (JO 1992, L 12, p. 24)] dont la légalité, en ce qui concerne les principales dispositions, a été reconnue par l’arrêt du Tribunal de première instance du 12 décembre 1996, Leclerc/Commission (T-19/92, Rec. p. II-1851).

4 YSLP a conclu, les 5 février et 6 mai 1992, avec Javico International, dont le siège social est situé en Allemagne, mais qui ne fait pas partie du réseau de distribution sélective d’YSLP à l’intérieur de la Communauté, deux contrats pour la distribution de ses produits, l’un concernant la Russie et l’Ukraine et l’autre la Slovénie.

5 Le contrat pour la distribution en Russie et en Ukraine prévoit:

«1. Nos produits sont destinés à être vendus uniquement sur le territoire des Républiques de Russie et d’Ukraine.

En aucune circonstance ils ne pourront quitter le territoire des Républiques de Russie et d’Ukraine.

2. Votre société promet et garantit que la destination finale des produits sera sur le territoire des Républiques de Russie et d’Ukraine, et qu’elle ne vendra les produits qu’à des marchands situés sur le territoire des Républiques de Russie et d’Ukraine. En conséquence, votre société fournira les adresses des points de distribution des produits sur le territoire des Républiques de Russie et d’Ukraine, ainsi que le détail des produits par point de distribution.»

6 Le contrat pour la distribution en Slovénie stipule:

«Afin de protéger la haute qualité de la distribution des produits dans d’autres pays du monde, le distributeur accepte de ne pas vendre les produits hors du territoire ou à des revendeurs non agréés du territoire.»

7 Peu après la conclusion desdits contrats, YSLP a constaté la présence au Royaume-Uni, en Belgique et aux Pays-Bas de produits vendus à Javico et qui devaient être distribués en Russie, en Ukraine et en Slovénie. YSLP a donc résilié les contrats et a saisi le tribunal de commerce de Nanterre qui, par jugement du 21 octobre 1994, a déclaré fondée la résiliation des deux contrats et a fait droit à la demande de YSLP au paiement d’une indemnité contractuelle et de dommages-intérêts.

8 Javico a interjeté appel de cette décision devant la cour d’appel de Versailles, qui a considéré que la validité des clauses des contrats de distribution en cause devait être appréciée au regard de l’article 85, paragraphe 1, du traité, les appelantes ayant soulevé la nullité de ces clauses en application des dispositions de l’article 85, paragraphe 2, du traité.

9 C’est dans ces conditions que la cour d’appel a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes:

«1) Lorsque, par contrat, une entreprise (le fournisseur) située dans un État membre de l’Union européenne confie à une autre entreprise (le distributeur) située dans un autre État membre la distribution de ses produits dans un territoire situé hors de l’Union, l’article 85, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté économique européenne doit-il être interprété comme interdisant, dans ledit contrat, les dispositions faisant défense au distributeur de procéder à toute vente dans un territoire autre que le territoire contractuel, donc à toute vente dans l’Union, tant par commercialisation directe que par réexpédition depuis le territoire contractuel?

2) Dans l’hypothèse où l’article 85, paragraphe 1, susmentionné, interdirait de telles dispositions contractuelles, doit-il être interprété comme insusceptible d’application lorsque le fournisseur distribue par ailleurs ses produits sur le territoire de l’Union par l’intermédiaire d’un réseau de distribution sélective ayant fait l’objet d’une décision d’exemption en application du paragraphe 3 du même article?»

Sur la première question

10 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si l’article 85, paragraphe 1, du traité s’oppose à l’interdiction faite par un fournisseur établi dans un État membre à un distributeur établi dans un autre État membre, auquel il confie la distribution de ses produits dans un territoire situé hors de la Communauté, de procéder à toute vente dans un territoire autre que le territoire contractuel, y compris le territoire de la Communauté, tant par commercialisation directe que par réexpédition depuis le territoire contractuel.

11 En vertu d’une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêts du 30 juin 1966, Société technique minière, 56/65, Rec. p. 337, et du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429), les accords entre opérateurs situés à des stades différents du processus économique peuvent tomber sous l’interdiction édictée par l’article 85, paragraphe 1, du traité.

12 Pour déterminer si des accords tels que ceux conclus entre YSLP et Javico relèvent de l’interdiction mentionnée à cette disposition, il y a lieu d’examiner si l’interdiction de livrer qui en résulte a pour objet ou pour effet de restreindre de manière sensible la concurrence à l’intérieur du marché commun et si elle est susceptible d’affecter le commerce entre les États membres.

13 A cet égard, il convient de relever que, en ce qui concerne des accords destinés à s’appliquer à l’intérieur de la Communauté, la Cour a déjà eu l’occasion de juger qu’un accord ayant pour objet de priver le revendeur de la liberté commerciale de choisir ses clients en lui imposant de revendre aux seuls clients établis dans le territoire contractuel est restrictif de la concurrence au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 1984, Hasselblad/Commission, 86/82, Rec. p. 883, point 46, et du 24 octobre 1995, Bayerische Motorenwerke, C-70/93, Rec. p. I-3439, points 19 et 21).

14 De même, la Cour a jugé qu’un accord qui impose au revendeur de ne pas revendre les produits contractuels en dehors du territoire contractuel a pour objet d’exclure les importations parallèles à l’intérieur de la Communauté et de restreindre ainsi la concurrence dans le marché commun (voir, en ce sens, arrêt du 8 février 1990, Tipp-Ex/Commission, C-279/87, point 22, Rec. p. I-261, publication sommaire). De telles clauses, qui s’insèrent dans des contrats de distribution à l’intérieur de la Communauté, constituent donc, par leur nature même, une restriction de la concurrence (voir arrêt du 1er février 1978, Miller/Commission, 19/77, Rec. p. 131, point 7).

15 Toutefois, des comportements qui constituent une atteinte à la concurrence ne peuvent être sanctionnés en application de l’article 85, paragraphe 1, du traité que si, en outre, ils sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres.

16 Or, pour être susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d’un ensemble d’éléments de fait et de droit, permettre d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, et cela de manière à faire craindre qu’ils puissent entraver la réalisation d’un marché unique entre États membres. Il faut, en outre, que cette influence ne soit pas insignifiante (arrêt du 9 juillet 1969, Völk, 5/69, Rec. p. 295, point 5).

17 L’influence que peut exercer un accord sur le commerce entre États membres s’apprécie notamment en considération de la position et de l’importance des parties sur le marché des produits concernés (arrêt du 10 juillet 1980, Lancôme et Cosparfrance Nederland, 99/79, Rec. p. 2511, point 24). Ainsi, même un accord contenant une protection territoriale absolue échappe à la prohibition de l’article 85 du traité, lorsqu’il n’affecte le marché que d’une manière insignifiante, compte tenu de la faible position qu’occupent les intéressés sur le marché des produits en cause (arrêt du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 85).

18 Il s’agit dès lors de savoir dans quelle mesure les considérations qui précèdent sont également applicables à des accords, tels ceux litigieux dans l’affaire au principal, qui sont destinés à s’appliquer dans un territoire situé hors de la Communauté.

19 A cet égard, il importe de relever que dans le cadre d’accords de cette nature, des stipulations du type de celles mentionnées dans la question préjudicielle doivent être interprétées non pas comme visant à exclure les importations parallèles et la mise sur le marché du produit contractuel à l’intérieur de la Communauté, mais comme visant à assurer au producteur la pénétration d’un marché situé à l’extérieur de la Communauté au moyen de l’écoulement sur ce marché d’une quantité suffisante de produits contractuels. Cette interprétation se trouve corroborée par la circonstance que, dans les accords en cause au principal, l’interdiction de vendre en dehors du territoire contractuel concerne également tous les autres pays tiers.

20 Il s’ensuit qu’un accord comportant l’engagement pris par le revendeur à l’égard du producteur de destiner la commercialisation des produits contractuels à un marché situé à l’extérieur de la Communauté ne saurait être considéré comme ayant pour objet de restreindre de manière sensible la concurrence à l’intérieur du marché commun et comme étant susceptible d’affecter en tant que tel le commerce entre les États membres.

21 Dès lors, les accords au principal, en ce qu’ils font interdiction au revendeur Javico de vendre le produit contractuel en dehors du territoire contractuel qui lui a été octroyé, ne constituent pas des accords qui, par leur nature même, sont interdits par l’article 85, paragraphe 1, du traité. De même, les stipulations des accords en cause dans l’affaire au principal, en ce qu’elles interdisent la vente directe à l’intérieur de la Communauté ainsi que la réexportation du produit contractuel dans la Communauté, ne sauraient être contraires, par leur nature même, aux dispositions de l’article 85, paragraphe 1, du traité.

22 Si les stipulations litigieuses desdits accords n’ont ainsi pas pour objet, par leur nature même, d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun au sens de l’article 85, paragraphe 1, il appartient toutefois au juge national de vérifier si elles n’ont pas pour effet de le faire. L’appréciation des effets de ces accords implique la nécessité de prendre en considération le contexte économique et juridique dans lequel ils s’insèrent (voir arrêt du 27 avril 1994, Almelo e.a., C-393/92, Rec. p. I-1477, point 37), et, notamment, le fait que YSLP a établi à l’intérieur de la Communauté un système de distribution sélective bénéficiant d’une exemption.

23 A cet égard, il y a lieu de vérifier d’abord si le marché communautaire des produits en cause est caractérisé par une structure oligopolistique laissant un faible degré de concurrence à l’intérieur du réseau communautaire de distribution de ces produits.

24 Il convient de vérifier ensuite s’il existe un différentiel de prix sensible entre les prix des produits contractuels pratiqués à l’intérieur de la Communauté et ceux pratiqués à l’extérieur de la Communauté. Un tel différentiel n’est toutefois pas de nature à altérer le jeu de la concurrence s’il est érodé par le niveau des droits de douane ainsi que par les coûts de transport et les autres coûts découlant de l’exportation du produit vers un pays tiers suivie de sa réimportation dans la Communauté.

25 S’il devait ressortir de cet examen que les clauses litigieuses des accords concernés ont pour effet de porter atteinte au jeu de la concurrence au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité, il y aurait lieu, en outre, de vérifier si, compte tenu de la position occupée sur le marché communautaire par YSLP, de l’ampleur de la production et des ventes dans les États membres, les clauses litigieuses visant à empêcher la vente directe ainsi que la réexportation des produits contractuels dans la Communauté comportent un risque d’influence sensible sur les courants d’échanges entre les États membres susceptible de nuire à la réalisation des objectifs du marché commun.

26 A cet égard, le commerce intracommunautaire ne saurait être affecté de manière sensible si les produits destinés aux marchés situés hors de la Communauté ne représentent qu’un très faible pourcentage du marché de l’ensemble de ces produits dans le territoire du marché commun.

27 Il appartient à la juridiction nationale, sur la base de l’ensemble des éléments dont elle dispose, de déterminer si les accords concernés remplissent, en fait, les conditions pour relever de l’interdiction de l’article 85, paragraphe 1, du traité.

28 Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question que l’article 85, paragraphe 1, du traité s’oppose à l’interdiction faite par un fournisseur établi dans un État membre de la Communauté à un distributeur établi dans un autre État membre, auquel il confie la distribution de ses produits dans un territoire situé hors de la Communauté, de procéder à toute vente dans un territoire autre que le territoire contractuel, y compris le territoire de la Communauté, tant par commercialisation directe que par réexpédition depuis le territoire contractuel si cette interdiction a pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence à l’intérieur de la Communauté et si elle risque d’affecter les courants d’échanges entre les États membres. Tel peut être le cas lorsque le marché communautaire des produits en cause est caractérisé par une structure oligopolistique ou par un différentiel sensible entre les prix du produit contractuel pratiqués à l’intérieur de la Communauté et ceux pratiqués à l’extérieur de la Communauté et lorsque, compte tenu de la position occupée par le fournisseur des produits concernés et de l’ampleur de la production et des ventes dans les États membres, l’interdiction comporte un risque d’influence sensible sur les courants d’échanges entre les États membres susceptible de nuire à la réalisation des objectifs du marché commun.

Sur la seconde question

29 Par la seconde question, la juridiction nationale demande si des clauses, qui visent à empêcher un distributeur de vendre directement ainsi que de réexporter dans la Communauté des produits contractuels qu’il s’est engagé à vendre dans des pays tiers, sont susceptibles d’échapper à l’interdiction de l’article 85, paragraphe 1, du traité au motif que le fournisseur communautaire des produits concernés distribue ceux-ci à l’intérieur de la Communauté par l’intermédiaire d’un réseau de distribution sélective qui fait l’objet d’une décision d’exemption au titre de l’article 85, paragraphe 3, du traité.

30 A cet égard, il y a lieu de préciser que la décision d’exemption individuelle délivrée par la Commission à YSLP ne concerne que les contrats types de distribution sélective que ce fournisseur a élaborés pour la vente au détail de ses produits à l’intérieur de la Communauté. Les clauses litigieuses concernant la distribution de ces produits hors du territoire de la Communauté, celles-ci ne sauraient être affectées par l’exemption dont bénéficie le système de distribution sélective à l’intérieur de la Communauté.

31 Pour les mêmes raisons, ces contrats ne sauraient bénéficier d’une exemption au titre du règlement (CEE) n_ 1983/83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant l’application de l’article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords de distribution exclusive (JO L 173, p. 1), que YSLP invoque à son profit. Ce règlement ne concerne, en effet, conformément à son article 1er, que les accords dans lesquels «une partie s’engage vis-à-vis de l’autre à ne livrer certains produits qu’à celle-ci dans le but de la revente dans l’ensemble ou dans une partie définie du territoire du marché commun».

32 Quant à la question de savoir si les clauses litigieuses sont susceptibles d’échapper à l’interdiction de l’article 85, paragraphe 1, du traité, du fait qu’il existe, à l’intérieur de la Communauté, un système de distribution sélective bénéficiant d’une exemption que ces clauses viseraient à protéger, il suffit de rappeler que, par l’adoption d’une décision d’exemption au titre de l’article 85, paragraphe 3, la Commission autorise qu’il soit dérogé à l’interdiction visée à l’article 85, paragraphe 1. En conséquence, les décisions d’exemption doivent être interprétées de façon restrictive de façon à éviter que leurs effets s’étendent à des accords ou à des situations qu’elles ne sont pas destinées à couvrir (voir, en ce sens, arrêt Bayerische Motorenwerke, précité, point 28).

33 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que des clauses qui visent à empêcher un distributeur de vendre directement ainsi que de réexporter dans la Communauté des produits contractuels qu’il s’est engagé à vendre dans des pays tiers n’échappent pas à l’interdiction de l’article 85, paragraphe 1, du traité au motif que le fournisseur communautaire concerné distribue ses produits à l’intérieur de la Communauté par l’intermédiaire d’un système de distribution sélective qui fait l’objet d’une décision d’exemption au titre de l’article 85, paragraphe 3, dudit traité.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

34 Les frais exposés par le gouvernement français et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par la cour d’appel de Versailles, par arrêt du 8 septembre 1995, dit pour droit:

1) L’article 85, paragraphe 1, du traité CE s’oppose à l’interdiction faite par un fournisseur établi dans un État membre de la Communauté à un distributeur établi dans un autre État membre, auquel il confie la distribution de ses produits dans un territoire situé hors de la Communauté, de procéder à toute vente dans un territoire autre que le territoire contractuel, y compris le territoire de la Communauté, tant par commercialisation directe que par réexpédition depuis le territoire contractuel si cette interdiction a pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence à l’intérieur de la Communauté et si elle risque d’affecter les courants d’échanges entre les États membres. Tel peut être le cas lorsque le marché communautaire des produits en cause est caractérisé par une structure oligopolistique ou par un différentiel sensible entre les prix du produit contractuel pratiqués à l’intérieur de la Communauté et ceux pratiqués à l’extérieur de la Communauté et lorsque, compte tenu de la position occupée par le fournisseur des produits concernés et de l’ampleur de la production et des ventes dans les États membres, l’interdiction comporte un risque d’influence sensible sur les courants d’échanges entre les États membres susceptible de nuire à la réalisation des objectifs du marché commun.$

2) Des clauses qui visent à empêcher un distributeur de vendre directement ainsi que de réexporter dans la Communauté des produits contractuels qu’il s’est engagé à vendre dans des pays tiers n’échappent pas à l’interdiction de l’article 85, paragraphe 1, du traité au motif que le fournisseur communautaire concerné distribue ses produits à l’intérieur de la Communauté par l’intermédiaire d’un système de distribution sélective qui fait l’objet d’une décision d’exemption au titre de l’article 85, paragraphe 3, dudit traité.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CJCE, n° C-306/96, Arrêt de la Cour, Javico International et Javico AG contre Yves Saint Laurent Parfums SA (YSLP), 28 avril 1998