CJCE, n° C-340/99, Arrêt de la Cour, TNT Traco SpA contre Poste Italiane SpA et autres, 17 mai 2001

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Chronologie de l’affaire

Commentaires4

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blog.landot-avocats.net · 29 septembre 2022

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Conclusions du rapporteur public · 10 juillet 2020

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www.argusdelassurance.com · 9 avril 2004
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 17 mai 2001, TNT Traco, C-340/99
Numéro(s) : C-340/99
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 17 mai 2001. # TNT Traco SpA contre Poste Italiane SpA et autres. # Demande de décision préjudicielle: Tribunale civile di Genova - Italie. # Articles 86 et 90 du traité CE (devenus articles 82 CE et 86 CE) - Services postaux - Réglementation nationale soumettant la prestation des services de courrier exprès par des entités n'ayant pas la gestion des services universels au paiement du droit postal normalement appliqué aux services universels - Attribution des recettes découlant du paiement dudit droit à l'entité ayant la gestion exclusive des services universels. # Affaire C-340/99.
Date de dépôt : 13 septembre 1999
Précédents jurisprudentiels : 19 mai 1993, Corbeau ( C-320/91, Rec. p. I-2533
25 juin 1998, Dusseldorp e.a., C-203/96
6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81
Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 59, et du 13 mars 2001, PreussenElektra, C-379/98
Cilfit e.a., 283/81
Commission/France, C-159/94
GT-Link, C-242/95
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61999CJ0340
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2001:281
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

61999J0340

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 17 mai 2001. – TNT Traco SpA contre Poste Italiane SpA et autres. – Demande de décision préjudicielle: Tribunale civile di Genova – Italie. – Articles 86 et 90 du traité CE (devenus articles 82 CE et 86 CE) – Services postaux – Réglementation nationale soumettant la prestation des services de courrier exprès par des entités n’ayant pas la gestion des services universels au paiement du droit postal normalement appliqué aux services universels – Attribution des recettes découlant du paiement dudit droit à l’entité ayant la gestion exclusive des services universels. – Affaire C-340/99.


Recueil de jurisprudence 2001 page I-04109


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1. Questions préjudicielles – Compétence de la Cour – Limites – Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile – Questions sans rapport avec l’objet du litige au principal

(Art. 234 CE)

2. Concurrence – Entreprises publiques et entreprises auxquelles les États membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs – Entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général – Réglementation nationale subordonnant la prestation des services de courrier exprès par des entités n’ayant pas la gestion des services universels au paiement d’un droit postal – Attribution des recettes découlant du paiement dudit droit à l’entreprise chargée, à titre exclusif, du service universel – Inadmissibilité – Justification – Nécessité pour ladite entreprise d’assurer le service postal universel – Preuve – Modalités procédurales nationales – Conditions d’application

(Traité CE, art. 86 et 90 (devenus, art. 82 CE et 86 CE))

Sommaire


1. Dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par l’article 234 CE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer.

Toutefois, dans des hypothèses exceptionnelles, il lui appartient d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence. Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.

Dans ce contexte, loin d’interdire à une juridiction nationale de saisir la Cour d’une question préjudicielle en vertu de l’article 234 CE, la jurisprudence découlant de l’arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, laisse à la seule juridiction nationale le soin d’apprécier si l’application correcte du droit communautaire s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable et, en conséquence, de décider de s’abstenir de soumettre à la Cour une question d’interprétation du droit communautaire qui a été soulevée devant elle.

( voir points 30-31, 35 )

2. Dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, les articles 86 et 90 du traité (devenus articles 82 CE et 86 CE), lus ensemble, s’opposent à ce qu’une réglementation d’un État membre, qui confère à une entreprise de droit privé la gestion, à titre exclusif, du service postal universel, subordonne le droit de tout autre opérateur économique de fournir un service de courrier exprès ne relevant pas du service universel à la condition qu’il paie à l’entreprise chargée du service universel un droit postal équivalant à la taxe d’affranchissement normalement due, à moins qu’il ne soit prouvé que les recettes provenant de ce paiement sont nécessaires pour permettre à ladite entreprise d’assurer le service postal universel dans des conditions économiquement acceptables et que cette entreprise est tenue au paiement du même droit lorsqu’elle fournit elle-même un service de courrier exprès qui ne relève pas dudit service universel.

Cette preuve peut être apportée selon les modalités de l’ordre juridique interne de l’État membre concerné, étant entendu que ces modalités ne peuvent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne ni rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire.

( voir point 63, disp. 1-2 )

Parties


Dans l’affaire C-340/99,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 234 CE, par le Tribunale civile di Genova (Italie) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

TNT Traco SpA

et

Poste Italiane SpA, anciennement Ente Poste Italiane, e.a.,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation des articles 86 et 90 du traité CE (devenus articles 82 CE et 86 CE),

LA COUR (sixième chambre),

composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, J.-P. Puissochet, R. Schintgen (rapporteur), Mme F. Macken et M. J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

— pour TNT Traco SpA, par Mes S. Zunarelli et A. Masutti, avvocati,

— pour Poste Italiane SpA, par Mes A. Perrazzelli, A. Tizzano, A. Sandulli et A. Fratini, avvocati, ainsi que par Me B. Garcia Porras, abogado,

— pour le gouvernement italien, par M. U. Leanza, en qualité d’agent, assisté de M. I. M. Braguglia, avvocato dello Stato,

— pour la Commission des Communautés européennes, par Mme L. Pignataro et M. K. Wiedner, en qualité d’agents,

— pour l’Autorité de surveillance AELE, par M. J. M. Langseth, en qualité d’agent,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales de TNT Traco SpA, représentée par Mes S. Zunarelli et A. Masutti et par Me P. Manzini, avvocato, de Poste Italiane SpA, représentée par Mes A. Perrazzelli et A. Sandulli et par Me G. M. Roberti, avvocato, du gouvernement italien, représenté par Mme F. Quadri, avvocato dello Stato, de la Commission, représentée par Mme L. Pignataro, et de l’Autorité de surveillance AELE, représentée par M. M. Sanchez Rydelski, en qualité d’agent, à l’audience du 7 décembre 2000,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 1er février 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par ordonnance du 21 juin 1999, parvenue à la Cour le 13 septembre suivant, le Tribunale civile di Genova a posé, en vertu de l’article 234 CE, une question préjudicielle sur l’interprétation des articles 86 et 90 du traité CE (devenus articles 82 CE et 86 CE).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d’un litige opposant TNT Traco SpA (ci-après «TNT Traco»), qui fournit sur tout le territoire italien un service privé de collecte, de transport et de distribution de courrier exprès pour le compte de tiers, à Poste Italiane SpA (ci-après «Poste Italiane») et à trois employés de celle-ci, au sujet d’une décision par laquelle ces employés ont infligé à TNT Traco une amende en application de l’article 39 du décret du président de la République n° 156, du 29 mars 1973, portant approbation du texte unique des dispositions législatives en matière postale, de services bancaires postaux et de télécommunications (GURI n° 113, du 3 mai 1973, supplément ordinaire, ci-après le «code des postes»).

Le cadre réglementaire

3 Aux termes de l’article 1er du code des postes, intitulé «Exclusivité des services postaux et des télécommunications»:

«Relèvent exclusivement de l’État, dans les limites prévues par le présent décret:

les services de collecte, de transport et de distribution du courrier;

[…]»

4 L’article 7 du code des postes dispose:

«Sous réserve de la compétence du ministre des Postes et des Télécommunications dans les cas prévus par la présente loi, les tarifs pour les services postaux, les services bancaires postaux et les services de télécommunications, pour l’intérieur, sont fixés par décret du président de la République, sur proposition du ministre précité, de concert avec le ministre du Trésor, après avis du Conseil des ministres.»

5 L’article 8 du code des postes prévoit que les tarifs des services postaux et des services bancaires postaux internationaux sont fixés par le ministre des Postes et des Télécommunications, de concert avec le ministre du Trésor, sur la base des conventions internationales ou des accords conclus avec les administrations étrangères concernées.

6 L’article 39 du code des postes, intitulé «Contraventions à l’exclusivité postale», énonce:

«Quiconque collecte, transporte ou distribue du courrier, directement ou par l’intermédiaire de tiers, en violation de l’article 1er du présent décret, est puni d’une amende égale à vingt fois le montant de la taxe d’affranchissement avec un minimum de 800 ITL.

Est punie de la même peine toute personne qui livre de façon habituelle du courrier à des tiers en vue de son transport ou de sa distribution.

[…]

Le courrier transporté en violation des présentes dispositions est saisi et livré immédiatement à un bureau de poste, un procès-verbal de contravention étant en même temps dressé.»

7 Aux termes de l’article 41 du code des postes:

«La disposition de l’article 39 ne s’applique pas:

[…]

b) à la collecte, au transport et à la distribution de courrier, pour lequel le droit postal a été acquitté au moyen de machines à affranchir ou de timbres dûment oblitérés par un bureau de postes, ou directement par l’expéditeur en apposant à l’aide d’une encre indélébile la date de début du transport;

[…]»

8 Initialement, les services visés à l’article 1er du code des postes étaient fournis par l’administration des Postes et des Télécommunications, que la loi n° 71, du 29 janvier 1994 (GURI n° 24, du 31 janvier 1994, ci-après la «loi n° 71/94»), a transformée en un organisme public économique dénommé «Ente Poste Italiane». Par la délibération n° 244/1997 du comité interministériel pour la programmation économique, du 18 décembre 1997, l’Ente Poste Italiane a été transformée, à compter du 28 février 1998, en une société par actions dénommée «Poste Italiane SpA». L’intégralité des actions de celle-ci a été attribuée au ministère du Trésor, du Budget et de la Programmation économique.

9 L’article 2 de la loi n° 71/94, relatif à l’activité de Poste Italiane, prévoit que celle-ci exerce les activités et assure les services définis dans ses statuts et dans le contrat de programme à conclure entre le ministre des Postes et des Télécommunications et le président de Poste Italiane.

10 L’article 6 du contrat de programme conclu en 1995 dispose:

«1. Sans préjudice de la garantie donnée par [Poste Italiane] d’assurer le fonctionnement des services universels, réservés ou non, […] sur tout le territoire national, [Poste Italiane] déterminera les petits bureaux de poste périphériques opérant en zone éloignée qui ne garantissent pas des conditions d’équilibre économique, en prévoyant pour eux des mesures de rationalisation de la gestion de façon à garantir la réduction progressive des pertes de gestion imputables à chacun d’entre eux.

Sur la base du principe de distinction entre les fonctions d’entreprise et les fonctions sociales de [Poste Italiane], les parties détermineront, dans les trois mois suivant la clôture de chaque exercice, l’importance des obligations de service universel découlant du maintien desdits bureaux.

À cet effet, il faudra considérer, pour chaque petit bureau, exclusivement les coûts directs et indirects déterminés sur une base consultative et imputables précisément au bureau en question, auxquels ne correspondent pas des recettes produites par l’activité de celui-ci.

[…]

3. Si l’État impose à [Poste Italiane] des comportements dont dérivent des charges impropres ou l’application de tarifs particuliers, il veillera à couvrir en tout état de cause les dépenses ou les pertes de recettes à la charge de [Poste Italiane].

[…]»

11 Il résulte de l’ordonnance de renvoi que c’est afin de garantir «des conditions équitables de concurrence par rapport aux tarifs pratiqués pour des services analogues par les entreprises concurrentes» que Poste Italiane s’est engagée, à l’article 11 du même contrat de programme, à adopter un système de comptabilité avec comptes séparés destiné à «permettre […], en particulier, la vérification de l’absence de subventions croisées entre les services réservés et ceux qui ne le sont pas, ainsi que de pratiques discriminatoires».

12 Ainsi qu’il ressort des observations écrites déposées devant la Cour par les parties au principal et le gouvernement italien, cette obligation a été confirmée par la loi n° 662, du 23 décembre 1996, relative à des mesures de rationalisation des finances publiques (GURI n° 303, du 28 décembre 1996, supplément ordinaire n° 233), dont l’article 2, paragraphe 19, dernière phrase, dispose:

«L’organe concerné est tenu de procéder à des enregistrements comptables séparés, en isolant notamment les coûts et les recettes liés à la prestation des services fournis en régime de monopole légal de ceux se rapportant aux services fournis en régime de libre concurrence.»

13 L’article 41 du code des postes a été abrogé par le décret législatif n° 261, du 22 juillet 1999 (GURI n° 182, du 5 août 1999, ci-après le «décret n° 261/99»), qui est entré en vigueur le 6 août 1999 et qui a transposé en droit italien la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service (JO 1998, L 15, p. 14).

14 L’article 1er de la directive 97/67 dispose:

«La présente directive établit des règles communes concernant:

— la prestation d’un service postal universel au sein de la Communauté,

— les critères définissant les services susceptibles d’être réservés aux prestataires du service universel et les conditions régissant la prestation des services non réservés,

— les principes tarifaires et la transparence des comptes pour la prestation du service universel,

— la fixation de normes de qualité pour la prestation du service universel et la mise en place d’un système visant à assurer le respect de ces normes,

— l’harmonisation des normes techniques,

— la création d’autorités réglementaires nationales indépendantes.»

15 L’article 9, paragraphe 4, de la directive 97/67 prévoit que, afin d’assurer la sauvegarde du service universel tel que défini à son article 3, les États membres peuvent établir un fonds de compensation, qui est destiné à dédommager le prestataire du service universel des charges financières inéquitables qui résultent pour lui de la prestation de ce service. Ledit fonds peut être financé par des contributions d’opérateurs autorisés à fournir des services non réservés, que ceux-ci relèvent du service universel ou non.

16 En outre, l’article 14 de la directive 97/67 oblige les États membres à prendre les mesures nécessaires pour garantir que, dans un délai de deux ans à compter de la date de son entrée en vigueur, les prestataires du service universel établissent, dans leur comptabilité interne, une séparation entre les différents services réservés et les services non réservés. Ainsi qu’il résulte du vingt-huitième considérant de la directive 97/67, cette séparation comptable a pour but de rendre transparents les coûts réels des différents services et d’éviter que des subventions croisées du secteur réservé au secteur non réservé puissent affecter défavorablement les conditions de concurrence dans ce dernier.

17 En application de son article 25, la directive 97/67 est entrée en vigueur le 10 février 1998. Conformément à son article 24, les États membres étaient tenus de mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive au plus tard douze mois après cette date d’entrée en vigueur.

Le litige au principal et la question préjudicielle

18 Le 27 février 1997, TNT Traco a fait l’objet d’une inspection de la part de trois employés de Poste Italiane. Ceux-ci ayant établi que du courrier confié à TNT Traco en vue de son envoi exprès avait été collecté, transporté et distribué en violation de l’article 1er du code des postes, ils lui ont infligé une amende de 46 331 000 ITL, en application de l’article 39 du code des postes.

19 Dans son ordonnance de renvoi, la juridiction nationale constate que le service de courrier exprès offert par TNT Traco se caractérisait par la rapidité, la sécurité et la personnalisation de la remise au destinataire et qu’il se distinguait ainsi nettement de la distribution de courrier ordinaire fournie par Poste Italiane dans le cadre du service universel. Elle considère qu’un tel service de courrier exprès, qu’il soit fourni par TNT Traco, Poste Italiane ou toute autre entreprise, comporte une prestation «à valeur ajoutée» qui ne constitue pas un «supplément» à une prestation de base, mais une prestation «différente» et indépendante, qui se distingue par ses caractéristiques, ses qualités et son coût.

20 TNT Traco a saisi le Tribunale civile di Genova d’un recours dirigé à la fois contre Poste Italiane et les trois employés qui avaient procédé à l’inspection visée au point 18 du présent arrêt. TNT Traco a invoqué l’incompatibilité avec les articles 86 et 90 du traité du régime d’exclusivité dont bénéficiait Poste Italiane et du comportement de Poste Italiane et de ses employés. Elle a d’abord demandé que soit appliqué au service de courrier exprès qu’elle fournit le régime de libre concurrence résultant de ces dispositions. Elle a ensuite requis la condamnation de Poste Italiane à la réparation du préjudice, évalué à plus de 500 000 000 ITL, subi du fait de la perception illégale de l’amende qui lui avait été infligée. Elle a enfin demandé que Poste Italiane et ses employés soient condamnés à réparer le préjudice, évalué à plus de 100 000 000 ITL, subi du fait de l’activité illégale d’inspection et de collecte de données commerciales à laquelle ceux-ci auraient procédé dans ses bureaux en violation de l’article 2598 du code civil italien, relatif à la concurrence déloyale.

21 Le 8 juin 1999, le Tribunale civile di Genova a rendu un jugement partiel dans lequel il a d’abord condamné Poste Italiane à rembourser à TNT Traco la somme de 46 331 000 ITL à titre de réparation du préjudice découlant de la perception de l’amende infligée. Il a jugé à cet égard que ladite perception avait été illégale dans la mesure où le pouvoir de surveillance, de contrôle et de sanction antérieurement détenu par Poste Italiane avait été transféré au ministère des Postes et des Télécommunications par la loi n° 71/94. Considérant ensuite, d’une part, que la responsabilité de l’intervention illégale des employés de Poste Italiane et de ses conséquences dommageables devait être imputée exclusivement à celle-ci et, d’autre part, qu’il n’avait été fourni aucune preuve d’une utilisation impropre, constitutive d’un acte de concurrence déloyale au sens de l’article 2598 du code civil italien, des noms des clients de TNT Traco, le Tribunale a rejeté les demandes de TNT Traco dirigées à l’encontre des employés de Poste Italiane et a condamné TNT Traco à payer leurs dépens. Il a enfin décidé de saisir la Cour, par une ordonnance séparée, d’une question préjudicielle en application de l’article 234 CE et de statuer sur les dépens de TNT Traco et de Poste Italiane dans le cadre de son jugement définitif.

22 La juridiction nationale n’exclut pas que l’imposition d’un droit postal puisse être compatible avec le droit communautaire si elle vaut, selon des critères objectifs, pour toutes les personnes privées qui opèrent sur le marché du courrier exprès et si elle est justifiée par la nécessité d’assurer le service universel et de couvrir les zones non rentables de ce service. Elle observe toutefois que la République italienne octroie à Poste Italiane, en sus des recettes provenant du droit postal en cause au principal, des subventions directes destinées à couvrir les coûts inhérents à l’obligation d’assurer le service universel. Elle relève encore que le droit italien ne contenait avant la transposition de la directive 97/67 aucun mécanisme de compensation et de contrôle, autre que l’obligation à charge de Poste Italiane de tenir une double comptabilité, qui, à l’instar de celui prévu à l’article 9, paragraphe 4, de cette directive, aurait permis d’assurer de façon constante que les compensations à effectuer en faveur des services universels et réservés ne dépassent pas ce qui est nécessaire et ne se transforment pas indûment en subventions croisées en faveur des services non universels et non réservés.

23 Dans ces conditions, le Tribunale civile di Genova a estimé nécessaire et pertinent, aux fins de la solution du litige au principal, de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle. En conséquence, par ordonnance du 21 juin 1999, il a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Est-il contraire aux dispositions du traité, et notamment aux articles 86 et 90, qu’un État membre maintienne, dans l’organisation du service postal, une législation qui, tout en distinguant entre services de type dit universel, confiés à titre exclusif à une personne de droit privé, et services de type non universel fournis en régime de libre concurrence:

a) comporte, également pour la fourniture de services non universels ou à valeur ajoutée par des opérateurs économiques différents de celui auquel est confié en exclusivité le service universel, le paiement des droits postaux dus pour le service de base de poste ordinaire, en réalité non fourni par le titulaire de l’exclusivité;

b) attribue directement les recettes tirées du paiement de ces droits à l’opérateur économique chargé du service universel, en dehors de tout mécanisme de compensation et de contrôle destiné à éviter l’attribution de subventions croisées pour des services non universels?»

Sur la recevabilité

24 À titre principal, Poste Italiane et le gouvernement italien soutiennent que la demande de décision préjudicielle est irrecevable.

25 Poste Italiane affirme, en premier lieu, que la question posée n’est plus pertinente. À cet égard, elle estime que la seule demande sur laquelle la juridiction de renvoi a réservé son jugement semble être celle relative à l’inapplication du régime d’exclusivité postale prévu par le code des postes, dans la mesure où celui-ci serait incompatible avec les dispositions du traité CE. Or, à la suite des modifications législatives intervenues dans le cadre de la mise en oeuvre de la directive 97/67 et compte tenu notamment de l’abrogation de l’article 41 du code des postes, la question de la compatibilité dudit régime avec le traité serait devenue sans objet.

26 Poste Italiane fait valoir, en second lieu, que, même si la question soulevée par la juridiction nationale devait être jugée pertinente, la réponse de la Cour s’imposerait avec une évidence telle que, conformément au «principe de l’acte clair» (voir arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, Rec. p. 3415, point 16), une décision à titre préjudiciel ne serait plus nécessaire. En effet, la réponse de la Cour ne pourrait pas être différente de celle formulée par l’arrêt du 19 mai 1993, Corbeau (C-320/91, Rec. p. I-2533). Dans cet arrêt, la Cour aurait confié à la juridiction de renvoi le soin d’apprécier dans quelle mesure la concurrence dans le secteur de services postaux spécifiques, dissociables du service postal de base, pourrait être restreinte, voire exclue, en vue de ne pas mettre en cause l’équilibre économique de l’opérateur assumant, à titre exclusif, la gestion de ce service.

27 Le gouvernement italien, de son côté, soutient que, dans son ordonnance de renvoi, la juridiction nationale a omis de préciser la nature des comportements constituant prétendument un abus de position dominante, au sens de l’article 86 du traité, dont Poste Italiane porterait la responsabilité.

28 Il fait valoir en outre que, pour condamner Poste Italiane, par jugement partiel, à rembourser la somme indûment perçue sur le fondement de l’article 39 du code des postes, la juridiction de renvoi doit nécessairement avoir écarté l’application des articles 1er, 39 et 41 de ce code, de sorte qu’une réponse à la question préjudicielle posée ne serait plus nécessaire aux fins de la solution du litige au principal.

29 Sans conclure formellement à l’irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle, TNT Traco exprime également des doutes quant à l’utilité de celle-ci depuis que le décret n° 261/99 mettant en oeuvre la directive 97/67 est entré en vigueur.

30 Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par l’article 234 CE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 59, et du 13 mars 2001, PreussenElektra, C-379/98, non encore publié au Recueil, point 38).

31 Toutefois, la Cour a également indiqué que, dans des hypothèses exceptionnelles, il lui appartient d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 1981, Foglia, 244/80, Rec. p. 3045, point 21). Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêts précités Bosman, point 61, et PreussenElektra, point 39).

32 En l’occurrence, force est de constater qu’il résulte du dossier de l’affaire au principal que celle-ci est toujours pendante devant la juridiction nationale. En effet, celle-ci a expressément indiqué que le jugement par lequel elle condamne notamment Poste Italiane à rembourser à TNT Traco l’amende perçue constitue seulement un jugement partiel et qu’un renvoi préjudiciel lui paraît nécessaire et pertinent pour résoudre définitivement le litige dont elle est saisie.

33 À cet égard, le fait que le régime postal en vigueur en Italie à l’époque des faits au principal a été modifié et que, en particulier, l’article 41 du code des postes a été abrogé n’est pas de nature à rendre la demande de décision préjudicielle sans objet.

34 D’une part, en effet, ainsi que la juridiction nationale l’a elle-même relevé, les faits du litige au principal sont antérieurs à l’adoption de la directive 97/67 et, a fortiori, à l’entrée en vigueur du décret n° 261/99. D’autre part, il appartient à la seule juridiction nationale de retirer sa demande de décision préjudicielle lorsqu’elle estime que semblable décision n’est plus nécessaire pour lui permettre de résoudre le litige au principal, étant entendu que la partie demanderesse au principal peut éventuellement provoquer un tel retrait en se désistant du recours qu’elle a intenté.

35 En outre, loin d’interdire à une juridiction nationale de saisir la Cour d’une question préjudicielle en vertu de l’article 234 CE, la jurisprudence découlant de l’arrêt Cilfit e.a., précité, à supposer qu’elle soit applicable en l’occurrence, laisse à la seule juridiction nationale le soin d’apprécier si l’application correcte du droit communautaire s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable et, en conséquence, de décider de s’abstenir de soumettre à la Cour une question d’interprétation du droit communautaire qui a été soulevée devant elle.

36 S’agissant des prétendues imprécisions factuelles invoquées par le gouvernement italien, il suffit de relever que le libellé même de la question posée par la juridiction de renvoi décrit les comportements dont il est demandé à la Cour d’examiner s’ils sont susceptibles d’être interdits, en tant qu’abus de position dominante, au titre des articles 86 et 90 du traité lus ensemble.

37 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la question posée par la juridiction de renvoi.

Sur la question préjudicielle

38 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 86 et 90 du traité, lus ensemble, s’opposent à ce qu’une réglementation d’un État membre, qui confère à une entreprise de droit privé la gestion, à titre exclusif, du service postal universel, subordonne le droit de tout autre opérateur économique de fournir un service de courrier exprès ne relevant pas du service universel à la condition qu’il paie à l’entreprise chargée du service universel un droit postal équivalant à la taxe d’affranchissement normalement due, sans prévoir un mécanisme de compensation et de contrôle destiné à éviter que cette entreprise ne procède à l’attribution de subventions croisées au bénéfice de ses propres activités ne relevant pas du service universel.

39 À cet égard, il convient de relever à titre liminaire qu’une entreprise telle Poste Italiane, en sa qualité d’organisme public économique ou, ultérieurement, de société par actions dont l’État est l’unique actionnaire, est une entreprise publique au sens de l’article 90, paragraphe 1, du traité.

40 Ainsi que l’ont soutenu TNT Traco, l’Autorité de surveillance AELE et la Commission, Poste Italiane doit également être considérée comme une entreprise investie par l’État membre concerné de droits spéciaux ou exclusifs, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du traité, en ce qu’elle s’est vu accorder le droit exclusif d’assurer la collecte, le transport et la distribution du courrier sur le territoire dudit État membre sans être obligée de payer, à l’instar de toute autre personne assurant les mêmes services, un droit postal équivalant à la taxe d’affranchissement normalement due.

Sur l’interdiction prévue à l’article 90, paragraphe 1, du traité

41 Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du traité, les États membres, s’agissant des entreprises publiques ou des entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du traité, notamment à son article 86.

42 L’article 86 du traité interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, l’exploitation abusive d’une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci.

43 À cet égard, il convient de souligner, en premier lieu, qu’il est constant que Poste Italiane, qui est titulaire des droits spéciaux ou exclusifs décrits au point 40 du présent arrêt, détient une position dominante au sens de l’article 86 du traité, tant il est vrai qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que le territoire d’un État membre, auquel s’étend une position dominante, est susceptible de constituer une partie substantielle du marché commun (voir, en ce sens, arrêts du 25 juin 1998, Dusseldorp e.a., C-203/96, Rec. p. I-4075, point 60; du 26 novembre 1998, Bronner, C-7/97, Rec. p. I-7791, point 36, et du 21 septembre 1999, Albany, C-67/96, Rec. p. I-5751, point 92).

44 Il convient de rappeler, en deuxième lieu, que, si le simple fait de créer une position dominante par l’octroi de droits spéciaux ou exclusifs n’est pas, en tant que tel, incompatible avec l’article 86 du traité, un État membre enfreint les interdictions édictées par l’article 90, paragraphe 1, du traité, lu en combinaison avec l’article 86, lorsqu’il prend une mesure législative, réglementaire ou administrative qui crée une situation dans laquelle une entreprise à laquelle il a conféré des droits spéciaux ou exclusifs est nécessairement amenée à abuser de sa position dominante (voir, en ce sens, notamment, arrêts du 17 juillet 1997, GT-Link, C-242/95, Rec. p. I-4449, point 33, et Dusseldorp e.a., précité, point 61).

45 À cet égard, il importe de constater que la réglementation étatique en cause au principal oblige les opérateurs économiques fournissant un service de courrier exprès à payer à Poste Italiane un droit postal équivalant à la taxe d’affranchissement normalement due par les clients de celle-ci, sans que Poste Italiane soit tenue de fournir un quelconque service auxdits opérateurs.

46 Or, la Cour a déjà jugé qu’il y a exploitation abusive d’une position dominante lorsque l’entreprise détentrice de celle-ci exige, pour ses services, des prix non équitables ou disproportionnés par rapport à la valeur économique de la prestation fournie (voir, notamment, arrêts du 5 octobre 1994, Centre d’insémination de la Crespelle, C-323/93, Rec. p. I-5077, point 25, et GT-Link, précité, point 39).

47 Il doit en aller ainsi à plus forte raison lorsqu’une telle entreprise bénéficie d’une rémunération pour des services qu’elle n’a pas fournis elle-même.

48 Il s’ensuit qu’une réglementation telle celle en cause au principal crée une situation dans laquelle l’entreprise investie de droits spéciaux ou exclusifs est nécessairement amenée à commettre un abus de position dominante au sens de l’article 86 du traité.

49 Il échet toutefois de relever, en troisième lieu, que, ainsi qu’il résulte du libellé de l’article 86 du traité, une telle réglementation n’est interdite au titre des articles 86 et 90, paragraphe 1, du traité que dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté.

50 Tel serait notamment le cas si l’obligation de payer à Poste Italiane le droit postal en cause au principal valait également pour les opérateurs économiques qui fournissent des services de courrier exprès entre la République italienne et un autre État membre. Il appartient à la juridiction de renvoi de le vérifier.

Sur une justification au titre de l’article 90, paragraphe 2, du traité

51 Poste Italiane et le gouvernement italien font valoir que, en tout état de cause, l’obligation de payer le droit postal faisant l’objet du litige au principal, même lorsqu’elle est imposée aux opérateurs d’un service de courrier exprès ne relevant pas du service universel, est justifiée, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du traité, par la nécessité de sauvegarder l’équilibre économique de l’entreprise chargée de la gestion du service postal universel.

52 À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, qu’il résulte en effet de la combinaison des paragraphes 1 et 2 de l’article 90 du traité que le paragraphe 2 peut être invoqué pour justifier l’octroi, par un État membre, à une entreprise chargée de la gestion de services d’intérêt économique général, de droits spéciaux ou exclusifs contraires notamment à l’article 86 du traité, dans la mesure où l’accomplissement de la mission particulière qui lui a été impartie ne peut être assuré que par l’octroi de tels droits et pour autant que le développement des échanges n’est pas affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 23 mai 2000, Sydhavnens Sten & Grus, C-209/98, Rec. p. I-3743, point 74).

53 Il convient de constater, en deuxième lieu, qu’une entreprise telle Poste Italiane, qui est chargée en vertu de la réglementation d’un État membre d’assurer le service postal universel, ce qui implique l’obligation de collecter, de transporter et de distribuer du courrier sur l’ensemble du territoire de l’État membre concerné indépendamment de la rentabilité du secteur desservi, constitue une entreprise chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général au sens de l’article 90, paragraphe 2, du traité.

54 En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’il n’est pas nécessaire, pour que les conditions d’application de l’article 90, paragraphe 2, du traité soient remplies, que l’équilibre financier ou la viabilité économique de l’entreprise chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général soit menacée. Il suffit que, en l’absence des droits litigieux, il soit fait échec à l’accomplissement des missions particulières imparties à l’entreprise, telles qu’elles sont précisées par les obligations et contraintes pesant sur elle, ou que le maintien de ces droits soit nécessaire pour permettre à leur titulaire d’accomplir les missions d’intérêt économique général qui lui ont été imparties dans des conditions économiquement acceptables (voir, notamment, arrêt Albany, précité, point 107).

55 À cette fin, il peut s’avérer nécessaire de prévoir non seulement la possibilité d’une compensation entre les secteurs d’activité rentables et les secteurs moins rentables du titulaire de la mission d’intérêt général que constitue la gestion du service universel (voir, en ce sens, arrêt Corbeau, précité, point 17), mais également l’obligation pour des prestataires de services postaux ne relevant pas dudit service universel de contribuer, par le paiement d’un droit postal du type de celui en cause dans le litige au principal, au financement de ce service universel et de permettre ainsi au titulaire de ladite mission d’intérêt général d’accomplir celle-ci dans des conditions économiquement équilibrées.

56 Il convient toutefois de noter que, s’agissant d’une disposition qui permet, dans certaines circonstances, une dérogation aux règles du traité, l’article 90, paragraphe 2, du traité doit être d’interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt GT-Link, précité, point 50).

57 Dès lors, l’article 90, paragraphe 2, du traité ne permet pas que les recettes totales provenant du paiement d’un droit postal du type de celui en cause dans le litige au principal, par l’ensemble des opérateurs économiques fournissant un service de courrier exprès ne relevant pas du service postal universel, soient supérieures au montant nécessaire pour compenser les pertes éventuelles que l’exploitation du service postal universel fait naître dans le chef de l’entreprise qui en est chargée.

58 Dans ce contexte, il importe que l’entreprise chargée du service postal universel, lorsqu’elle fournit elle-même un service de courrier exprès qui n’en relève pas, soit également tenue au paiement du droit postal. Il importe aussi qu’elle veille à ne pas faire supporter tout ou partie des coûts de ses activités de service de courrier exprès à ses activités de service universel, sous peine d’augmenter indûment les charges du service universel et, partant, les pertes éventuelles de celui-ci.

59 Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si ces conditions sont remplies, étant entendu que c’est à l’État membre ou à l’entreprise qui invoque l’article 90, paragraphe 2, du traité de démontrer que les conditions d’application de cette disposition sont réunies (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 23 octobre 1997, Commission/France, C-159/94, Rec. p. I-5815, point 94).

60 À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour que, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, la preuve d’une violation de l’article 86 du traité peut être apportée selon les modalités de l’ordre juridique interne de l’État membre concerné, à condition que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne ni ne rendent en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par cette disposition (voir, en ce sens, arrêt GT-Link, précité, points 23, 24, 26 et 27).

61 Ces mêmes principes s’appliquent également lorsque, se fondant sur l’article 90, paragraphe 2, du traité, un État membre ou l’entreprise qu’il a chargée d’une mission d’intérêt général au sens de cette disposition cherche à démontrer que l’octroi, à cette entreprise, de droits spéciaux ou exclusifs contraires à l’article 86 du traité est nécessaire.

62 Il s’ensuit que l’absence, à l’époque des faits du litige au principal, d’un mécanisme de compensation et de contrôle destiné à éviter que l’entreprise chargée de la gestion du service universel ne procède à l’attribution de subventions croisées au bénéfice de ses propres activités ne relevant pas du service universel n’est pas nécessairement suffisante pour prouver que les conditions d’application de l’article 90, paragraphe 2, du traité n’étaient pas remplies.

63 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée de la manière suivante:

— dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, les articles 86 et 90 du traité, lus ensemble, s’opposent à ce qu’une réglementation d’un État membre, qui confère à une entreprise de droit privé la gestion, à titre exclusif, du service postal universel, subordonne le droit de tout autre opérateur économique de fournir un service de courrier exprès ne relevant pas du service universel à la condition qu’il paie à l’entreprise chargée du service universel un droit postal équivalant à la taxe d’affranchissement normalement due, à moins qu’il ne soit prouvé que les recettes provenant de ce paiement sont nécessaires pour permettre à ladite entreprise d’assurer le service postal universel dans des conditions économiquement acceptables et que cette entreprise est tenue au paiement du même droit lorsqu’elle fournit elle-même un service de courrier exprès qui ne relève pas dudit service universel;

— cette preuve peut être apportée selon les modalités de l’ordre juridique interne de l’État membre concerné, étant entendu que ces modalités ne peuvent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne ni rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

64 Les frais exposés par le gouvernement italien, par la Commission et par l’Autorité de surveillance AELE, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par le Tribunale civile di Genova, par ordonnance du 21 juin 1999, dit pour droit:

1) Dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, les articles 86 et 90 du traité CE (devenus articles 82 CE et 86 CE), lus ensemble, s’opposent à ce qu’une réglementation d’un État membre, qui confère à une entreprise de droit privé la gestion, à titre exclusif, du service postal universel, subordonne le droit de tout autre opérateur économique de fournir un service de courrier exprès ne relevant pas du service universel à la condition qu’il paie à l’entreprise chargée du service universel un droit postal équivalant à la taxe d’affranchissement normalement due, à moins qu’il ne soit prouvé que les recettes provenant de ce paiement sont nécessaires pour permettre à ladite entreprise d’assurer le service postal universel dans des conditions économiquement acceptables et que cette entreprise est tenue au paiement du même droit lorsqu’elle fournit elle-même un service de courrier exprès qui ne relève pas dudit service universel.

2) Cette preuve peut être apportée selon les modalités de l’ordre juridique interne de l’État membre concerné, étant entendu que ces modalités ne peuvent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne ni rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire.

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CJCE, n° C-340/99, Arrêt de la Cour, TNT Traco SpA contre Poste Italiane SpA et autres, 17 mai 2001