CJCE, n° C-49/00, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre République italienne, 15 novembre 2001

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Chronologie de l’affaire

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Village Justice · 22 juin 2023

La Qualité de Vie au Travail, devenue (QVCT), constitue un enjeu d'importance aussi bien sur le plan de la santé physique et mentale des employés que la performance des organisations. A plus d'un titre, la QVCT, portant sur le contenu et la qualité du travail, se rattache à la double obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels, incombant à l'employeur. Touchant, notamment, aux conditions de travail, relations interpersonnelles, égalité et évolution professionnelles, conciliation entre vie privée et professionnelle… il s'agit, au fond, d'actions et mesures …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 15 nov. 2001, Commission / Italie, C-49/00
Numéro(s) : C-49/00
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 15 novembre 2001. # Commission des Communautés européennes contre République italienne. # Manquement d'Etat - Transposition incomplète de la directive 89/391/CEE - Sécurité et santé des travailleurs. # Affaire C-49/00.
Date de dépôt : 16 février 2000
Précédents jurisprudentiels : 19 septembre 1996, Commission/Grèce, C-236/95
Commission/Grèce, C-214/98
Solution : Recours en constatation de manquement : obtention
Identifiant CELEX : 62000CJ0049
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2001:611
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

62000J0049

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 15 novembre 2001. – Commission des Communautés européennes contre République italienne. – Manquement d’Etat – Transposition incomplète de la directive 89/391/CEE – Sécurité et santé des travailleurs. – Affaire C-49/00.


Recueil de jurisprudence 2001 page I-08575


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1. Politique sociale – Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs – Directive 89/391 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail – Évaluation des risques – Obligations des employeurs

(Directive 89/391 du Conseil, art. 6, § 3, a))

Sommaire


1. Il résulte tant de l’objectif de la directive 89/391, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, qui, selon son quinzième considérant, s’applique à tous les risques, que du libellé de l’article 6, paragraphe 3, sous a), de celle-ci que les employeurs sont obligés d’évaluer l’ensemble des risques pour la sécurité et la santé des travailleurs. En outre, les risques professionnels devant faire l’objet d’une évaluation par les employeurs ne sont pas déterminés une fois pour toutes, mais évoluent constamment en fonction, notamment, du développement progressif des conditions de travail et des recherches scientifiques en matière de risques professionnels.

( voir points 12-13 )

2. La transposition en droit interne d’une directive n’exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle de ses dispositions dans une disposition légale ou réglementaire expresse et spécifique et peut se satisfaire d’un contexte juridique général, dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application de la directive d’une façon suffisamment claire et précise. Il est particulièrement important, afin que soit satisfaite l’exigence de sécurité juridique, que les particuliers bénéficient d’une situation juridique claire et précise, leur permettant de connaître la plénitude de leurs droits et obligations et de s’en prévaloir, le cas échéant, devant les juridictions nationales.

( voir points 21-22 )

Parties


Dans l’affaire C-49/00,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. E. Traversa et Mme N. Yerrell, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par M. U. Leanza, en qualité d’agent, assisté de M. D. Del Gaizo, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que:

— en n’ayant pas prescrit que l’employeur doit évaluer tous les risques pour la santé et la sécurité existant sur le lieu de travail;

— en ayant permis à l’employeur de décider de faire appel ou non à des services extérieurs de protection et de prévention quand les compétences internes de l’entreprise sont insuffisantes, et

— en n’ayant pas défini les capacités et aptitudes dont doivent disposer les personnes responsables des activités de protection et de prévention des risques professionnels pour la santé et la sécurité des travailleurs,

la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 6, paragraphe 3, sous a), et 7, paragraphes 3, 5 et 8, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO L 183, p. 1),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. S. von Bahr (rapporteur), président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, D. A. O. Edward, A. La Pergola, L. Sevón et M. Wathelet, juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 31 mai 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 février 2000, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l’article 226 CE, un recours visant à faire constater que:

— en n’ayant pas prescrit que l’employeur doit évaluer tous les risques pour la santé et la sécurité existant sur le lieu de travail;

— en ayant permis à l’employeur de décider de faire appel ou non à des services extérieurs de protection et de prévention quand les compétences internes de l’entreprise sont insuffisantes, et

— en n’ayant pas défini les capacités et aptitudes dont doivent disposer les personnes responsables des activités de protection et de prévention des risques professionnels pour la santé et la sécurité des travailleurs,

la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 6, paragraphe 3, sous a), et 7, paragraphes 3, 5 et 8, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO L 183, p. 1, ci-après la «directive»).

La réglementation communautaire

2 L’article 6, paragraphe 3, sous a), de la directive impose à l’employeur, «compte tenu de la nature des activités de l’entreprise et/ou de l’établissement», l’obligation d'«évaluer les risques pour la sécurité et la santé des travailleurs, y compris dans le choix des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, et dans l’aménagement des lieux de travail».

3 L’article 7 de la directive, intitulé «Services de protection et de prévention», prévoit à ses paragraphes 1 et 3:

«1. Sans préjudice des obligations visées aux articles 5 et 6, l’employeur désigne un ou plusieurs travailleurs pour s’occuper des activités de protection et des activités de prévention des risques professionnels de l’entreprise et/ou de l’établissement.

[…]

3. Si les compétences dans l’entreprise et/ou l’établissement sont insuffisantes pour organiser ces activités de protection et de prévention, l’employeur doit faire appel à des compétences (personnes ou services) extérieures à l’entreprise et/ou à l’établissement.»

4 L’article 7, paragraphe 5, de la directive dispose:

«Dans tous les cas:

— les travailleurs désignés doivent avoir les capacités nécessaires et disposer des moyens requis,

— les personnes ou services extérieurs consultés doivent avoir les aptitudes nécessaires et disposer des moyens personnels et professionnels requis,

et

— les travailleurs désignés et les personnes ou services extérieurs consultés doivent être en nombre suffisant,

pour prendre en charge les activités de protection et de prévention, en tenant compte de la taille de l’entreprise et/ou de l’établissement, et/ou des risques auxquels les travailleurs sont exposés ainsi que de leur répartition dans l’ensemble de l’entreprise et/ou de l’établissement.»

5 Aux termes de l’article 7, paragraphe 8, premier alinéa, de la directive:

«Les États membres définissent les capacités et aptitudes nécessaires visées au paragraphe 5.»

La réglementation nationale

6 La transposition de la directive dans l’ordre juridique italien a été effectuée par le décret-loi n° 626, du 19 septembre 1994 (GURI n° 265, du 12 novembre 1994, supplément ordinaire n° 141, p. 5), tel que modifié par le décret-loi n° 242, du 19 mars 1996 (GURI n° 104, du 6 mai 1996, supplément ordinaire n° 75, p. 5, ci-après le «décret-loi»).

7 L’article 4, paragraphe 1, du décret-loi prévoit:

«Au regard de la nature de l’activité de l’entreprise ou de l’établissement de production, l’employeur évalue, dans le choix des équipements de travail, des substances ou des préparations chimiques utilisées, ainsi que dans l’aménagement des lieux de travail, les risques pour la sécurité et la santé des travailleurs, y compris ceux qui concernent des groupes de travailleurs exposés à des risques particuliers.»

8 L’article 8 du décret-loi, intitulé «Service de prévention et de protection», dispose:

«1. Sans préjudice des dispositions de l’article 10, l’employeur organise le service de prévention et de protection dans l’entreprise ou l’unité de production, ou en charge des personnes ou des services extérieurs à l’entreprise, conformément aux dispositions du présent article.

2. L’employeur désigne au sein de l’entreprise ou de l’unité de production une ou plusieurs personnes dépendant de lui pour accomplir les missions visées à l’article 9, personnes parmi lesquelles doit figurer le responsable du service qui est en possession des aptitudes et des capacités adéquates, moyennant consultation préalable du représentant pour la sécurité.

3. Les travailleurs visés au paragraphe 2 doivent être en nombre suffisant, posséder les capacités nécessaires et disposer des moyens et du temps adéquats pour accomplir les missions qui leur sont confiées. Ils ne peuvent pas subir de préjudice en raison de l’activité qu’ils exercent pour accomplir leur propre mission.

4. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 2, l’employeur peut recourir à des personnes extérieures à l’entreprise, qui possèdent les connaissances professionnelles nécessaires pour compléter l’action de prévention ou de protection.

5. L’organisation du service de prévention et de protection au sein de l’entreprise ou de l’unité de production est néanmoins obligatoire dans les cas suivants: a) dans les entreprises industrielles visées à l’article 1er du décret du président de la République n° 175, du 17 mai 1988, tel que modifié par la suite, qui sont soumises à l’obligation de déclaration ou de notification, conformément aux articles 4 et 6 dudit décret; b) dans les centrales thermoélectriques; c) dans les installations et laboratoires nucléaires; d) dans les entreprises de fabrication et de dépôt séparé d’explosifs, de poudres et de munitions; e) dans les entreprises industrielles comptant plus de 200 travailleurs; f) dans les industries extractives comptant plus de 50 travailleurs; g) dans les structures sanitaires et de cure, tant publiques que privées.

6. Sans préjudice de ce qui est prévu au paragraphe 5, si les capacités des salariés à l’intérieur de l’entreprise ou de l’unité de production sont insuffisantes, l’employeur peut recourir à des personnes ou à des services extérieurs à l’entreprise, après consultation du représentant à la sécurité.

7. Le service extérieur doit être adapté aux caractéristiques de l’entreprise ou de l’unité de production en faveur de laquelle il est appelé à exercer ses activités, notamment en ce qui concerne le nombre des opérateurs.

8. Le responsable du service extérieur doit posséder les aptitudes et capacités adéquates.

9. Le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, par décret adopté en accord avec les ministres de la Santé et de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat, la commission consultative permanente entendue, peut prévoir des conditions, des modalités et des procédures spécifiques pour la certification des services, ainsi que le nombre minimal des opérateurs visés aux paragraphes 3 et 7.

10. Lorsque l’employeur recourt à des personnes ou à des services extérieurs, il n’est pas pour autant libéré de sa responsabilité en la matière.

11. L’employeur communique à l’inspection du travail et aux unités sanitaires locales territorialement compétentes le nom de la personne désignée en tant que responsable du service de prévention et de protection interne ou externe à l’entreprise. Cette communication est accompagnée d’une déclaration qui, s’agissant de la personne désignée, comporte une attestation sur: a) les missions accomplies en matière de prévention et de protection; b) la période durant laquelle les missions ont été accomplies; c) le cursus professionnel.»

Les faits et la procédure précontentieuse

9 Conformément à la procédure prévue à l’article 169, premier alinéa, du traité CE (devenu article 226, premier alinéa, CE), la Commission, après avoir mis la République italienne en mesure de présenter ses observations, a, par lettre du 19 octobre 1998, adressé un avis motivé à cet État membre, l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à ses obligations résultant de la directive dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet avis. La République italienne n’ayant pas répondu à cet avis, la Commission a introduit le présent recours.

Appréciation de la Cour

Sur le premier grief

10 Selon la Commission, l’article 6, paragraphe 3, sous a), de la directive crée pour l’employeur l’obligation d’évaluer l’ensemble des risques pour la sécurité et la santé des travailleurs au travail. Les trois sortes de risques mentionnées dans cette disposition seraient uniquement des exemples de risques particuliers qui doivent être évalués. C’est la raison pour laquelle, par son premier grief, la Commission soutient que la disposition italienne de transposition, à savoir l’article 4, paragraphe 1, du décret-loi, qui se limite à exiger de l’employeur l’évaluation de ces trois sortes spécifiques de risques, serait contraire à la directive.

11 Le gouvernement italien rétorque que ce grief est dépourvu de fondement. Tout d’abord, les trois sortes de risques énumérées par la directive et reproduites par la réglementation nationale comprendraient en réalité toutes les sources de risques sur les lieux de travail. Ensuite, les autres dispositions du décret-loi ainsi que d’autres dispositions nationales prévoiraient des obligations spécifiques d’évaluation des risques par l’employeur. Enfin, l’article 2087 du code civil imposerait à l’employeur l’obligation d’adopter des mesures de protection de l’intégrité physique et de la personnalité morale des travailleurs, obligation dont le respect ne pourrait être assuré sans une évaluation préalable des risques en cause.

12 À titre liminaire, il convient de constater qu’il résulte tant de l’objectif de la directive, qui, selon son quinzième considérant, s’applique à tous les risques, que du libellé de l’article 6, paragraphe 3, sous a), de celle-ci que les employeurs sont obligés d’évaluer l’ensemble des risques pour la sécurité et la santé des travailleurs.

13 En outre, il importe de préciser que les risques professionnels devant faire l’objet d’une évaluation par les employeurs ne sont pas déterminés une fois pour toutes, mais évoluent constamment en fonction, notamment, du développement progressif des conditions de travail et des recherches scientifiques en matière de risques professionnels.

14 Il s’ensuit que l’article 4, paragraphe 1, du décret-loi, qui prévoit certes l’obligation pour l’employeur d’évaluer des risques spécifiques, mais qui limite la portée de cette obligation aux trois sortes de risques mentionnées à titre d’exemples dans l’article 6, paragraphe 3, sous a), de la directive, ne saurait constituer une transposition correcte de cette disposition.

15 S’agissant de l’argument du gouvernement italien selon lequel d’autres dispositions du décret-loi ainsi que d’autres dispositions nationales prévoiraient des obligations spécifiques d’évaluation des risques par l’employeur, il doit être écarté dès lors qu’il ne saurait être remédié à l’absence de transposition de l’obligation générale, prévue par la directive, d’évaluer tous les risques pour la sécurité et la santé des travailleurs par l’adoption de mesures spécifiques ne concernant que certains des risques en cause.

16 En ce qui concerne l’argument tiré par le gouvernement italien de l’article 2087 du code civil, il suffit de constater que l’obligation générale pour l’employeur d’adopter des mesures de protection de l’intégrité physique et de la personnalité morale des travailleurs ne correspond pas à l’obligation spécifique d’évaluer tous les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs aux fins poursuivies par la directive et dans le cadre juridique établi par celle-ci.

17 L’existence de l’article 2087 du code civil ne saurait donc dispenser la République italienne de transposer correctement dans son droit interne l’article 6, paragraphe 3, sous a), de la directive.

18 Dans ces circonstances, il y a lieu d’accueillir le premier grief de la Commission, tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 3, sous a), de la directive.

Sur le deuxième grief

19 Par son deuxième grief, la Commission soutient que l’article 8, paragraphe 6, du décret-loi, qui laisse à l’employeur le choix de faire appel ou non à des services extérieurs lorsque les capacités des salariés de l’entreprise sont insuffisantes, est manifestement contraire à la règle impérative contenue à l’article 7, paragraphe 3, de la directive.

20 Le gouvernement italien soutient que l’article 8, paragraphe 6, du décret-loi, lu en combinaison avec les autres dispositions de cet article et, notamment, ses paragraphes 1 et 5, doit être compris en ce sens que, lorsque l’employeur ne dispose pas de capacités suffisantes pour organiser les activités de protection et de prévention au sein de l’entreprise, il est tenu d’engager du personnel ayant les capacités adéquates ou de faire appel à des personnes ou à des services extérieurs à celle-ci.

21 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la transposition en droit interne d’une directive n’exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle de ses dispositions dans une disposition légale ou réglementaire expresse et spécifique et peut se satisfaire d’un contexte juridique général, dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application de la directive d’une façon suffisamment claire et précise (voir, notamment, arrêts du 16 novembre 2000, Commission/Grèce, C-214/98, Rec. p. I-9601, point 49, et du 7 décembre 2000, Commission/France, C-38/99, Rec. p. I-10941, point 53).

22 Il est particulièrement important, afin que soit satisfaite l’exigence de sécurité juridique, que les particuliers bénéficient d’une situation juridique claire et précise, leur permettant de connaître la plénitude de leurs droits et obligations et de s’en prévaloir, le cas échéant, devant les juridictions nationales (voir arrêt du 19 septembre 1996, Commission/Grèce, C-236/95, Rec. p. I-4459, point 13).

23 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la directive prévoit une obligation pour l’employeur d’organiser un service de prévention et de protection des risques professionnels à l’intérieur de l’entreprise ou, si les compétences à l’intérieur de celle-ci sont insuffisantes, de faire appel à des compétences extérieures.

24 Or, aux termes de l’article 8, paragraphe 6, du décret-loi, un employeur a la faculté, mais non pas l’obligation, de recourir à des personnes ou à des services extérieurs à l’entreprise si les capacités des salariés à l’intérieur de celle-ci sont insuffisantes.

25 Il ne ressort donc pas de l’article 8, paragraphe 6, du décret-loi, pris isolément, que l’employeur serait, en toutes circonstances, tenu d’engager du personnel ayant les capacités adéquates ou de faire appel à des personnes ou à des services extérieurs pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels au sein de l’entreprise concernée.

26 Dès lors, il reste à examiner si l’article 8, paragraphe 6, du décret-loi, lu à la lumière des autres paragraphes de cette disposition, et notamment de ses paragraphes 1 et 5, doit néanmoins recevoir l’interprétation invoquée par le gouvernement italien.

27 S’il est vrai que l’article 8, paragraphe 1, du décret-loi énonce le principe selon lequel l’employeur organise le service de protection et de prévention au sein de l’entreprise ou en charge des personnes ou des services extérieurs à celle-ci, cette disposition renvoie aux autres paragraphes dudit article 8 pour l’application concrète du principe et ne semble pas vouloir donner un autre sens au paragraphe 6 que celui qui résulte du libellé de ce dernier.

28 Ainsi, il ne résulte pas clairement de l’article 8, paragraphe 1, du décret-loi que le paragraphe 6 de cette disposition doit être interprété en ce sens qu’il oblige, en toutes circonstances, l’employeur à engager du personnel ayant les capacités requises ou à faire appel à des personnes ou à des services extérieurs à l’entreprise lorsque les compétences à l’intérieur de celle-ci sont insuffisantes.

29 S’agissant de l’article 8, paragraphe 5, du décret-loi, également invoqué par le gouvernement italien, cette disposition prévoit l’obligation pour l’employeur d’organiser, dans certains cas limitativement énumérés, le service de prévention et de protection au sein de l’entreprise. Si cette disposition doit être interprétée comme obligeant l’employeur à prévoir en toutes circonstances des services de prévention et de protection dans les cas mentionnés par celle-ci, il n’en découle pas nécessairement que l’employeur est tenu d’organiser de tels services dans tous les autres cas, notamment ceux qui relèvent de l’article 8, paragraphe 6, du décret-loi.

30 Par ailleurs, une lecture de l’article 8, paragraphe 6, du décret-loi à la lumière des autres dispositions de cet article ne conduit pas à une interprétation différente.

31 Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que l’interprétation de l’article 8, paragraphe 6, du décret-loi, invoquée par le gouvernement italien, selon laquelle l’employeur serait tenu, en toutes circonstances, d’engager des personnes ayant les capacités requises ou de faire appel à des personnes ou à des services extérieurs à l’entreprise, ne ressort pas d’une façon suffisamment claire et précise du libellé de cette disposition ni de son contexte juridique.

32 Il s’ensuit que le deuxième grief de la Commission, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, de la directive, doit être accueilli.

Sur le troisième grief

33 Par son troisième grief, la Commission soutient que, en ne prévoyant pas une réglementation claire et détaillée relative aux compétences requises des personnes responsables des activités de protection et de prévention des risques professionnels au sein de l’entreprise, la République italienne a violé l’article 7, paragraphes 5 et 8, de la directive.

34 Le gouvernement italien fait valoir qu’il a confié à l’employeur la responsabilité de déterminer les critères permettant d’apprécier l’existence effective des capacités et des aptitudes nécessaires pour exercer lesdites activités. Par ailleurs, l’article 8, paragraphe 9, du décret-loi prévoirait la possibilité, pour le ministre responsable, de fixer des règles pour la certification des services de protection et de prévention des risques professionnels. En outre, l’article 8, paragraphe 11, du décret-loi prévoirait l’obligation pour l’employeur de communiquer aux autorités nationales compétentes des informations concernant les personnes responsables desdits services.

35 À cet égard, il convient de constater que, aux termes de l’article 7, paragraphe 8, de la directive, il incombe aux États membres de définir les capacités et aptitudes nécessaires pour les personnes ou services, visés au paragraphe 5 de ladite disposition, qui s’occupent des activités de protection et de prévention des risques professionnels dans les entreprises.

36 La mise en oeuvre de cette obligation implique l’adoption par les États membres de mesures législatives ou réglementaires conformes aux exigences de la directive et qui sont portées à la connaissance des entreprises concernées par des moyens appropriés afin de permettre à celles-ci de connaître leurs obligations en la matière et aux autorités nationales compétentes de vérifier que ces mesures sont respectées.

37 La solution retenue par la République italienne, consistant à confier à l’employeur la responsabilité de déterminer les capacités et les aptitudes nécessaires pour exercer les activités de protection et de prévention des risques professionnels, ne satisfait manifestement pas aux exigences de l’article 7, paragraphes 5 et 8, de la directive.

38 Quant à l’article 8, paragraphe 9, du décret-loi, qui prévoit la possibilité pour les autorités nationales d’instaurer des mesures en matière de protection et de prévention des risques professionnels, il convient de constater qu’il s’agit d’une disposition facultative et que le gouvernement italien n’a produit aucun élément de nature à établir que les autorités nationales auraient fait usage de cette possibilité.

39 S’agissant enfin de l’article 8, paragraphe 11, du décret-loi, il suffit de relever que cette disposition n’a pas pour objet l’établissement de règles concernant les capacités et aptitudes des personnes responsables des services de protection et de prévention des risques professionnels, mais qu’elle traite de la communication par l’employeur aux autorités nationales compétentes des informations concernant ces personnes.

40 Il s’ensuit que le troisième grief de la Commission, tiré de la violation de l’article 7, paragraphes 5 et 8, de la directive, doit également être accueilli.

41 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que:

— en n’ayant pas prescrit que l’employeur doit évaluer tous les risques pour la santé et la sécurité existant sur le lieu de travail;

— en ayant permis à l’employeur de décider de faire appel ou non à des services extérieurs de protection et de prévention quand les compétences internes de l’entreprise sont insuffisantes, et

— en n’ayant pas défini les capacités et aptitudes dont doivent disposer les personnes responsables des activités de protection et de prévention des risques professionnels pour la santé et la sécurité des travailleurs,

la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 6, paragraphe 3, sous a), et 7, paragraphes 3, 5 et 8, de la directive.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

42 En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) – En n’ayant pas prescrit que l’employeur doit évaluer tous les risques pour la santé et la sécurité existant sur le lieu de travail;

— en ayant permis à l’employeur de décider de faire appel ou non à des services extérieurs de protection et de prévention quand les compétences internes de l’entreprise sont insuffisantes, et

— en n’ayant pas défini les capacités et aptitudes dont doivent disposer les personnes responsables des activités de protection et de prévention des risques professionnels pour la santé et la sécurité des travailleurs,

la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 6, paragraphe 3, sous a), et 7, paragraphes 3, 5 et 8, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail.

2) La République italienne est condamnée aux dépens.

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