CJCE, n° C-164/99, Arrêt de la Cour, Demande de décision préjudicielle: Amtsgericht Tauberbischofsheim - Allemagne, 24 janvier 2002

  • Incidence et art. 60 ) 2. libre prestation des services·
  • Droit réservé aux employeurs nationaux·
  • Intention déclarée du législateur·
  • 1. libre prestation des services·
  • Libre prestation des services·
  • Communauté européenne·
  • Inadmissibilité )·
  • Admissibilité·
  • Restrictions·
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 24 janv. 2002, Portugaia Construções, C-164/99
Numéro(s) : C-164/99
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 24 janvier 2002. # Portugaia Construções Ldª. # Demande de décision préjudicielle: Amtsgericht Tauberbischofsheim - Allemagne. # Libre prestation des services - Entreprises du secteur de la construction - Directive 96/71/CE - Détachement de travailleurs - Salaire minimal. # Affaire C-164/99.
Date de dépôt : 4 mai 1999
Précédents jurisprudentiels : 20 février 2001, Analir e.a., C-205/99
Arblade e.a., C-369/96 et C-376/96, Rec. p. I-8453, point 33, et du 15 mars 2001, Mazzoleni et ISA, C-165/98
arrêt du 3 mars 1994, Eurico Italia e.a., C-332/92, C-333/92 et C-335/92
Finalarte e.a., C-49/98, C-50/98, C-52/98 à C-54/98 et C-68/98 à C-71/98
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61999CJ0164
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2002:40
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61999J0164

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 24 janvier 2002. – Portugaia Construções Ldª. – Demande de décision préjudicielle: Amtsgericht Tauberbischofsheim – Allemagne. – Libre prestation des services – Entreprises du secteur de la construction – Directive 96/71/CE – Détachement de travailleurs – Salaire minimal. – Affaire C-164/99.


Recueil de jurisprudence 2002 page I-00787


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1. Libre prestation des services – Restrictions – Obligation pour les entreprises effectuant une prestation de services de payer la rémunération minimale fixée par les règles nationales de l’État membre d’accueil – Admissibilité – Conditions – Appréciation par les autorités ou les juridictions nationales – Intention déclarée du législateur – Incidence

(Traité CE, art. 59 (devenu, après modification, art. 49 CE) et art. 60 (devenu art. 50 CE))

2. Libre prestation des services – Restrictions – Droit de pratiquer, en concluant un accord collectif d’entreprise, un salaire inférieur au salaire minimal fixé dans une convention collective déclarée d’application générale – Droit réservé aux employeurs nationaux – Inadmissibilité

(Traité CE, art. 59 (devenu, après modification, art. 49 CE))

Sommaire


1. En principe, le droit communautaire ne s’oppose pas à ce qu’un État membre impose à une entreprise établie dans un autre État membre qui effectue une prestation de services sur le territoire du premier État de payer à ses travailleurs la rémunération minimale fixée par les règles nationales de cet État.

En appréciant si l’application par l’État membre d’accueil aux prestataires de services établis dans un autre État membre d’une réglementation nationale prévoyant un salaire minimal est compatible avec les articles 59 du traité (devenu, après modification, article 49 CE) et 60 du traité (devenu article 50 CE), il appartient aux autorités ou, le cas échéant, aux juridictions nationales de vérifier si, considérée objectivement, cette réglementation assure la protection des travailleurs détachés. À cet égard, si l’intention déclarée du législateur ne peut être déterminante, elle peut néanmoins constituer un indice quant au but poursuivi par ladite réglementation.

( voir points 21, 30, disp. 1 )

2. Le fait qu’un employeur établi dans un État membre puisse, en concluant un accord collectif d’entreprise, pratiquer un salaire inférieur au salaire minimal fixé dans une convention collective, déclarée d’application générale, alors qu’un employeur établi dans un autre État membre ne peut pas le faire, crée une inégalité de traitement et constitue une restriction injustifiée à la libre prestation des services.

( voir points 34-35, disp. 2 )

Parties


Dans l’affaire C-164/99,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 234 CE, par l’Amtsgericht Tauberbischofsheim (Allemagne) et tendant à obtenir, dans la procédure d’infraction poursuivie devant cette juridiction contre

Portugaia Construções Lda,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation des articles 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE) et 60 du traité CE (devenu article 50 CE), ainsi que de la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO 1997, L 18, p. 1),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. P. Jann, président de chambre, D. A. O. Edward (rapporteur) et A. La Pergola, juges,

avocat général: M. J. Mischo,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

— pour Portugaia Construções Lda, par Me B. Buchberger, Rechtsanwalt,

— pour le gouvernement allemand, par MM. W.-D. Plessing et C.-D. Quassowski, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement français, par Mmes K. Rispal-Bellanger et C. Bergeot, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement néerlandais, par M. M. A. Fierstra, en qualité d’agent,

— pour le gouvernement portugais, par M. L. Fernandes et Mme S. Emídio de Almeida, en qualité d’agents,

— pour la Commission des Communautés européennes, par M. P. Hillenkamp et Mme M. Patakia, en qualité d’agents, assistés de Me R. Karpenstein, Rechtsanwalt,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales de Portugaia Construções Lda, du gouvernement allemand et de la Commission à l’audience du 15 mars 2001,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 mai 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par ordonnance du 13 avril 1999, parvenue à la Cour le 4 mai suivant, l’Amtsgericht Tauberbischofsheim a posé, en vertu de l’article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l’interprétation des articles 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE) et 60 du traité CE (devenu article 50 CE), ainsi que de la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO 1997, L 18, p. 1).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’un litige opposant le service de l’emploi de Tauberbischofsheim (Allemagne) à Portugaia Construções Lda (ci-après «Portugaia»), laquelle a formé opposition à un avis de recouvrement émis à son encontre pour obtenir le paiement d’une somme de 138 018,52 DEM.

Le cadre juridique

3 L’Arbeitnehmer-Entsendegesetz (loi sur le détachement des travailleurs, ci-après l’ «AEntG»), dans sa version du 26 février 1996 applicable au litige au principal, s’applique à l’industrie du bâtiment.

4 L’article 1er, paragraphe 1, première phrase, de l’AEntG étend l’applicabilité de certaines conventions collectives d’application générale aux employeurs ayant leur siège à l’étranger et à leurs travailleurs détachés en Allemagne. Ladite disposition est libellée comme suit:

«Les normes juridiques issues d’une convention collective de l’industrie du bâtiment déclarée d’application générale au sens des articles 1er et 2 du règlement concernant les entreprises du bâtiment […], s’appliquent, pour autant que l’entreprise fournit principalement des prestations pour le bâtiment au sens de l’article 75, paragraphe 1, point 2, de la loi sur la promotion du travail […] et que le droit allemand ne soit pas, en tout état de cause, déterminant pour la relation de travail, également à une relation de travail liant un employeur établi à l’étranger et son salarié travaillant dans le champ d’application territorial de cette convention collective, lorsque et dans la mesure où:

1) la convention collective comporte une rémunération minimale unique pour tous les travailleurs relevant de son champ d’application, et

2) les employeurs nationaux établis en dehors du champ d’application territorial de cette convention collective doivent également garantir à leurs salariés travaillant dans le champ d’application territorial de la convention collective au moins les conditions de travail conventionnelles en vigueur sur le lieu de travail.»

5 Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, troisième et quatrième phrases, de l’AEntG, un employeur au sens de la première phrase est tenu de garantir à son travailleur détaché les conditions de travail prévues à la première phrase dudit article.

6 En vertu de l’article 5 de l’AEntG, une violation des dispositions impératives de l’article 1er de ladite loi peut être sanctionnée comme une infraction. Conformément à l’article 29 du Gesetz über Ordnungswidrigkeiten (loi sur les infractions), le juge peut ordonner le recouvrement des avantages pécuniaires obtenus par un comportement punissable d’une amende.

7 Le 2 septembre 1996, les partenaires sociaux du secteur allemand du bâtiment ont conclu avec effet au 1er octobre 1996, mais au plus tôt à la date d’entrée en vigueur de son applicabilité générale, la convention collective prévoyant un salaire minimal dans le secteur du bâtiment sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne (ci-après la «convention collective»).

8 La convention collective a été déclarée d’applicabilité générale le 12 novembre 1996, celle-ci ne prenant toutefois effet qu’au 1er janvier 1997.

9 La juridiction de renvoi relève en outre que, selon le droit allemand applicable aux conventions collectives, les partenaires sociaux ont la possibilité de conclure les conventions collectives à plusieurs niveaux, aussi bien au niveau fédéral qu’à celui de l’entreprise. À cet égard, les conventions collectives spécifiques prévalent en principe sur les conventions collectives générales.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10 Portugaia est une société établie au Portugal. Entre mars et juillet 1997, elle a effectué des travaux de gros oeuvre à Tauberbischofsheim. Pour effectuer ces travaux, elle a détaché plusieurs de ses travailleurs sur ce chantier.

11 En mars et en mai 1997, le service de l’emploi de Tauberbischofsheim a procédé à un contrôle des conditions de travail sur ledit chantier. Sur la base des pièces produites par Portugaia, il a constaté que cette dernière versait aux travailleurs contrôlés un salaire inférieur au salaire minimal dû en application de la convention collective. Il a donc ordonné le versement du solde, c’est-à-dire de la différence entre le salaire horaire dû et celui effectivement versé, multipliée par le nombre total d’heures de travail, soit une somme de 138 018,52 DEM.

12 Saisie par Portugaia dans le cadre de l’opposition formée par cette dernière à l’avis de recouvrement émis à son encontre pour obtenir le paiement de ladite somme, la juridiction de renvoi exprime des doutes sur la compatibilité de la réglementation allemande avec les articles 59 et 60 du traité. À cet égard, elle relève que l’AEntG a pour but, en vertu de son exposé des motifs, de protéger le marché national de l’emploi – en particulier contre le «dumping social» dû à l’afflux de main-d’oeuvre travaillant à bon marché -, de réduire le chômage intérieur et de permettre aux entreprises allemandes de s’adapter au marché intérieur. Ladite juridiction ajoute que, à la différence des employeurs allemands, ceux des autres États membres n’ont pas la possibilité de conclure des conventions collectives plus spécifiques avec un syndicat allemand afin d’éviter l’application de la convention collective.

13 Estimant que la solution du litige dépend de l’interprétation de la réglementation communautaire, l’Amtsgericht Tauberbischofsheim a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Une interprétation de la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services […] ou, si celle-ci n’est pas applicable, des articles 59 et suivants du traité CE, selon laquelle les raisons impérieuses d’intérêt général pouvant justifier une restriction à la libre prestation des services en cas de détachement d’un travailleur peuvent être liées non seulement à la protection sociale des travailleurs détachés, mais aussi à la protection du secteur national de la construction et à la réduction du chômage national dans le but d’éviter les tensions sociales, est-elle compatible avec le droit communautaire?

2) Le fait qu’un employeur national puisse, en concluant un accord collectif d’entreprise (ayant rang de primauté), pratiquer un salaire inférieur au salaire minimal fixé dans une convention collective étendue, déclarée d’application générale, alors qu’un employeur d’un autre État membre ne le peut pas – au moins en pratique – lorsqu’il envisage un détachement en République fédérale, constitue-t-il une restriction injustifiée à la libre prestation des services?»

Sur la première question

14 Ainsi que le relève à juste titre le gouvernement néerlandais, il n’y a pas lieu d’examiner la première question au regard de la directive 96/71. En effet, le délai de transposition de celle-ci, dont le terme était fixé au 16 décembre 1999, n’était pas expiré à la date des faits au principal.

15 Il s’ensuit que la réglementation en cause au principal doit être examinée à la lumière des seuls articles 59 et 60 du traité.

16 Il est de jurisprudence constante que l’article 59 du traité exige non seulement l’élimination de toute discrimination à l’encontre du prestataire de services établi dans un autre État membre en raison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction, même si elle s’applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services analogues (voir arrêts du 25 juillet 1991, Säger, C-76/90, Rec. p. I-4221, point 12; du 9 août 1994, Vander Elst, C-43/93, Rec. p. I-3803, point 14; du 28 mars 1996, Guiot, C-272/94, Rec. p. I-1905, point 10; du 23 novembre 1999, Arblade e.a., C-369/96 et C-376/96, Rec. p. I-8453, point 33, et du 15 mars 2001, Mazzoleni et ISA, C-165/98, Rec. p. I-2189, point 22).

17 En particulier, un État membre ne peut subordonner la réalisation de la prestation de services sur son territoire à l’observation de toutes les conditions requises pour un établissement, sous peine de priver de tout effet utile les dispositions du traité destinées précisément à assurer la libre prestation des services (arrêt Säger, précité, point 13).

18 À cet égard, l’application des réglementations nationales de l’État membre d’accueil aux prestataires de services est susceptible de prohiber, de gêner ou de rendre moins attrayantes les prestations de services par des personnes ou des entreprises établies dans d’autres États membres dans la mesure où elle entraîne des frais ainsi que des charges administratives et économiques supplémentaires (arrêt Mazzoleni et ISA, précité, point 24).

19 Il résulte cependant d’une jurisprudence constante que, lorsque de telles réglementations s’appliquent à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l’État membre d’accueil, elles peuvent être justifiées lorsqu’elles répondent à des raisons impérieuses d’intérêt général dans la mesure où cet intérêt n’est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l’État membre où il est établi et pour autant qu’elles soient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir, notamment, arrêts du 17 décembre 1981, Webb, 279/80, Rec. p. 3305, point 17; du 20 février 2001, Analir e.a., C-205/99, Rec. p. I-1271, point 25, et Mazzoleni et ISA, précité point 25).

20 Parmi les raisons impérieuses d’intérêt général déjà reconnues par la Cour figure la protection des travailleurs (voir, notamment, arrêts précités Webb, point 19, Arblade e.a., point 36, et Mazzoleni et ISA, point 27).

21 S’agissant plus spécifiquement des dispositions nationales relatives aux salaires minimaux, telles celles en cause au principal, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, en principe, le droit communautaire ne s’oppose pas à ce qu’un État membre impose à une entreprise établie dans un autre État membre qui effectue une prestation de services sur le territoire du premier État membre de payer à ses travailleurs la rémunération minimale fixée par les règles nationales de cet État (arrêts du 3 février 1982, Seco et Desquenne & Giral, 62/81 et 63/81, Rec. p. 223, point 14, et arrêts précités Guiot, point 12; Arblade e.a., point 33, et Mazzoleni et ISA, points 28 et 29).

22 En d’autres termes, il peut être admis que, en principe, l’application par l’État membre d’accueil de sa réglementation relative au salaire minimal aux prestataires de services établis dans un autre État membre poursuit un objectif d’intérêt général, à savoir la protection des employés.

23 Toutefois, il ne saurait être exclu qu’il existe des circonstances dans lesquelles l’application de telles règles ne serait pas conforme aux articles 59 et 60 du traité (voir, en ce sens, arrêt Mazzoleni et ISA, précité, point 30).

24 Il incombe donc aux autorités nationales ou, le cas échéant, aux juridictions de l’État membre d’accueil, avant d’appliquer la réglementation relative au salaire minimal aux prestataires de services établis dans un autre État membre, de déterminer si celle-ci poursuit effectivement et par les moyens appropriés un objectif d’intérêt général.

25 Dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi relève qu’il ressort de l’exposé des motifs de l’AEntG que cette loi a pour objectif de protéger le secteur national de la construction et de réduire le chômage dans le but d’éviter les tensions sociales.

26 Or, selon une jurisprudence constante, des mesures constituant une restriction à la libre prestation des services ne sauraient être justifiées par des objectifs de nature économique, tels que la protection des entreprises nationales (voir, en dernier lieu, arrêt du 25 octobre 2001, Finalarte e.a., C-49/98, C-50/98, C-52/98 à C-54/98 et C-68/98 à C-71/98, non encore publié au Recueil, point 39).

27 Toutefois, s’il est vrai que l’intention du législateur, telle qu’elle se manifeste dans l’exposé des motifs d’une loi, peut constituer un indice quant au but poursuivi par celle-ci, cette intention ne peut être déterminante (voir arrêt Finalarte e.a., précité, point 40).

28 Il incombe au contraire à la juridiction de renvoi de vérifier si, considérée objectivement, la réglementation en cause au principal assure la protection des travailleurs détachés (arrêt Finalarte e.a., précité, point 41).

29 Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, il importe de vérifier que ladite réglementation comporte, pour les travailleurs concernés, un avantage réel qui contribue, de manière significative, à leur protection sociale. Dans ce contexte, l’intention déclarée du législateur peut conduire à un examen plus circonstancié des avantages prétendument conférés aux travailleurs par les mesures qu’il a prises (voir arrêt Finalarte e.a., précité, point 42).

30 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la première question que, en appréciant si l’application par l’État membre d’accueil aux prestataires de services établis dans un autre État membre d’une réglementation nationale prévoyant un salaire minimal est compatible avec les articles 59 et 60 du traité, il appartient aux autorités ou, le cas échéant, aux juridictions nationales de vérifier si, considérée objectivement, cette réglementation assure la protection des travailleurs détachés. À cet égard, si l’intention déclarée du législateur ne peut être déterminante, elle peut néanmoins constituer un indice quant au but poursuivi par ladite réglementation.

Sur la seconde question

31 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande en substance si le fait qu’un employeur national puisse, en concluant un accord collectif d’entreprise, pratiquer un salaire inférieur au salaire minimal fixé par une convention collective, déclarée d’application générale, alors qu’un employeur établi dans un autre État membre ne peut pas le faire, constitue une restriction injustifiée à la libre prestation des services.

32 Le gouvernement allemand fait valoir que cette question est irrecevable, car elle a un caractère purement hypothétique, et que la réponse n’est manifestement pas pertinente pour la solution du litige au principal. En particulier, ledit gouvernement relève que, à sa connaissance, il n’existe, en ce qui concerne les branches dans lesquelles les employeurs étrangers sont tenus de respecter les conventions collectives relatives au salaire minimal, aucun accord collectif d’entreprise prévoyant que les employeurs allemands concernés peuvent pratiquer des conditions de travail moins favorables pour les travailleurs que celles dont l’AEntG impose le respect.

33 Cet argument ne saurait être retenu. Il suffit à cet égard de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il appartient aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour. Le rejet d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire demandée par cette juridiction n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal (voir arrêt du 3 mars 1994, Eurico Italia e.a., C-332/92, C-333/92 et C-335/92, Rec. p. I-711, point 17). Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

34 Quant au fond, le fait que, contrairement à l’employeur de l’État membre d’accueil, un employeur établi dans un autre État membre n’a pas la possibilité de se soustraire à l’obligation de payer le salaire minimal prévue par la convention collective du secteur d’activité concerné crée une inégalité de traitement contraire à l’article 59 du traité. Il y a lieu à cet égard de souligner qu’aucune justification visée par le traité n’a été invoquée.

35 Il y a donc lieu de répondre à la seconde question que le fait qu’un employeur national puisse, en concluant un accord collectif d’entreprise, pratiquer un salaire inférieur au salaire minimal fixé dans une convention collective, déclarée d’application générale, alors qu’un employeur établi dans un autre État membre ne peut pas le faire, constitue une restriction injustifiée à la libre prestation des services.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

36 Les frais exposés par les gouvernements allemand, français, néerlandais et portugais, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par l’Amtsgericht Tauberbischofsheim, par ordonnance du 13 avril 1999, dit pour droit:

37 En appréciant si l’application par l’État membre d’accueil aux prestataires de services établis dans un autre État membre d’une réglementation nationale prévoyant un salaire minimal est compatible avec les articles 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE) et 60 du traité CE (devenu article 50 CE), il appartient aux autorités ou, le cas échéant, aux juridictions nationales de vérifier si, considérée objectivement, cette réglementation assure la protection des travailleurs détachés. À cet égard, si l’intention déclarée du législateur ne peut être déterminante, elle peut néanmoins constituer un indice quant au but poursuivi par ladite réglementation.

38 Le fait qu’un employeur national puisse, en concluant un accord collectif d’entreprise, pratiquer un salaire inférieur au salaire minimal fixé dans une convention collective, déclarée d’application générale, alors qu’un employeur établi dans un autre État membre ne peut pas le faire, constitue une restriction injustifiée à la libre prestation des services.

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