CJCE, n° C-120/04, Arrêt de la Cour, Medion AG contre Thomson multimedia Sales Germany & Austria GmbH, 6 octobre 2005

  • Signe utilisé pour des produits identiques ou similaires·
  • Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale·
  • Harmonisation du droit des marques·
  • Rapprochement des législations·
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  • Directive 89/104·
  • Directive

Chronologie de l’affaire

Commentaires15

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Village Justice · 8 janvier 2024

Un récent jugement du Tribunal judiciaire de Paris revient sur le principe de la position distinctive autonome et sur l'importance de son appréciation pour déterminer s'il existe ou non un risque de confusion. C'est par ailleurs l'occasion de rappeler que la protection des marques de renommée n'est pas sans limites. Le Tribunal judiciaire de Paris (Tribunal judiciaire de Paris - Jugement du 1ᵉʳ décembre 2023 (3ᵉ chambre, 2ᵉ section) nous offre un jugement intéressant concernant la position distinctive autonome dans le cadre de l'appréciation du risque de confusion. Dans cette affaire, …

 

Village Justice · 22 décembre 2023

Le Tribunal judiciaire de Paris a condamné la société Puig en contrefaçon de la marque « Divine » désignant des parfums, du fait du dépôt et de l'usage de la marque « Gaultier Divine » pour ces mêmes produits, et ce au motif que l'ajout de la marque ombrelle « Gaultier » ne suffit pas à écarter le risque de confusion, le terme « divine » détenant une place distinctive autonome dans le signe (TJ Paris, 1er déc. 2023, RG 23/11158). En aout 2023, la société Puig qui exploite les marques de la maison Jean Paul Gaultier pour les parfums, a lancé un nouveau parfum nommé « Gaultier divine ». …

 

www.clairmont-novus.law · 19 décembre 2023

Dans une décision du 1er décembre 2023, le Tribunal Judiciaire de Paris a considéré que les marques de parfums GAULTIER DIVINE et leur exploitation sur les produits et emballages constituent une contrefaçon de la marque verbale antérieure DIVINE visant également des produits de parfumerie. En l'espèce, l'affaire oppose Monsieur Mouchel et son licencié exclusif la […] Dans une décision du 1er décembre 2023, le Tribunal Judiciaire de Paris a considéré que les marques de parfums GAULTIER DIVINE et leur exploitation sur les produits et emballages constituent une contrefaçon de la marque …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 6 oct. 2005, C-120/04
Numéro(s) : C-120/04
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 6 octobre 2005.#Medion AG contre Thomson multimedia Sales Germany & Austria GmbH.#Demande de décision préjudicielle: Oberlandesgericht Düsseldorf - Allemagne.#Marques - Directive 89/104/CEE - Article 5, paragraphe 1, sous b) - Risque de confusion - Usage de la marque par un tiers - Signe composé comprenant la dénomination du tiers suivie de la marque.#Affaire C-120/04.
Date de dépôt : 5 mars 2004
Précédents jurisprudentiels : 11 novembre 1997, SABEL, C-251/95
Björnekulla Fruktindustrier, C-371/02
Canon, C-39/97
Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62004CJ0120
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2005:594
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Sur les parties

Texte intégral

Affaire C-120/04

Medion AG

contre

Thomson multimedia Sales Germany & Austria GmbH

(demande de décision préjudicielle, introduite par l’Oberlandesgericht Düsseldorf)

«Marques — Directive 89/104/CEE — Article 5, paragraphe 1, sous b) — Risque de confusion — Usage de la marque par un tiers — Signe composé comprenant la dénomination du tiers suivie de la marque»

Conclusions de l’avocat général M. F. G. Jacobs, présentées le 9 juin 2005

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 6 octobre 2005

Sommaire de l’arrêt

Rapprochement des législations — Marques — Directive 89/104 — Droit pour le titulaire d’une marque enregistrée de s’opposer à l’utilisation illicite de sa marque — Signe utilisé pour des produits identiques ou similaires — Risque de confusion — Critères d’appréciation — Juxtaposition de la dénomination de l’entreprise du tiers et de la marque enregistrée

(Directive du Conseil 89/104, art. 5, § 1, b))

L’article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104 sur les marques doit être interprété en ce sens qu’un risque de confusion peut exister dans l’esprit du public, en cas d’identité des produits ou des services, lorsque le signe contesté est constitué au moyen de la juxtaposition, d’une part, de la dénomination de l’entreprise du tiers et, d’autre part, de la marque enregistrée, dotée d’un pouvoir distinctif normal, et que celle-ci, sans créer à elle seule l’impression d’ensemble du signe composé, conserve dans ce dernier une position distinctive autonome.

(cf. point 37 et disp.)

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

6 octobre 2005 (*)

«Marques – Directive 89/104/CEE – Article 5, paragraphe 1, sous b) – Risque de confusion – Usage de la marque par un tiers – Signe composé comprenant la dénomination du tiers suivie de la marque»

Dans l’affaire C-120/04,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (Allemagne), par décision du 17 février 2004, parvenue à la Cour le 5 mars 2004, dans la procédure

Medion AG

contre

Thomson multimedia Sales Germany & Austria GmbH,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. C. Gulmann (rapporteur), R. Schintgen, G. Arestis et J. Klučka, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: Mme K. Sztranc, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 avril 2005,

considérant les observations présentées:

– pour Medion AG, par Me P.-M. Weisse, Rechtsanwalt, et Me T. Becker, Patentanwalt,

– pour Thomson multimedia Sales Germany & Austria GmbH, par Me W. Kellenter, Rechtsanwalt,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. T. Jürgensen et N. B. Rasmussen, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 juin 2005,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1, ci-après la «directive»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Medion AG (ci-après «Medion») à Thomson multimedia Sales Germany & Austria GmbH (ci-après «Thomson») au sujet de l’utilisation par Thomson, dans le signe composé «THOMSON LIFE», de la marque enregistrée LIFE, dont Medion est titulaire.

Le cadre juridique

3 Le dixième considérant de la directive, relatif à la protection conférée par la marque, énonce:

«[…] la protection conférée par la marque enregistrée, dont le but est notamment de garantir la fonction d’origine de la marque, est absolue en cas d’identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services; […] la protection vaut également en cas de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services; […] il est indispensable d’interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion; […] le risque de confusion, dont l’appréciation dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance de la marque sur le marché, de l’association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés, constitue la condition spécifique de la protection […]»

4 L’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive est libellé comme suit:

«La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

[…]

b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque».

5 Cette disposition a été transposée en droit allemand par l’article 14, paragraphe 2, point 2, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs (Markengesetz), du 25 octobre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 3082).

Le litige au principal et la question préjudicielle

6 Medion est titulaire, en Allemagne, de la marque LIFE, enregistrée le 29 août 1998, pour des appareils de l’électronique de loisirs. Elle réalise un chiffre d’affaires de plusieurs milliards d’euros par an dans le domaine de la fabrication et de la commercialisation de tels produits.

7 Thomson appartient à l’un des principaux groupes mondiaux du secteur de l’électronique de loisirs. Elle commercialise certains de ses produits sous la dénomination «THOMSON LIFE».

8 Au mois de juillet 2002, Medion a saisi le Landgericht Düsseldorf d’un recours en violation du droit des marques. Elle lui a demandé d’interdire à Thomson d’utiliser le signe «THOMSON LIFE» pour désigner certains appareils de l’électronique de loisirs.

9 Le Landgericht Düsseldorf a rejeté ce recours, estimant qu’il n’existait pas de risque de confusion avec la marque LIFE.

10 Medion a interjeté appel devant l’Oberlandesgericht Düsseldorf. Elle demande à cette juridiction d’interdire à Thomson d’utiliser le signe «THOMSON LIFE» pour des téléviseurs, des radiocassettes, des lecteurs de disques compacts et des chaînes hi-fi.

11 La juridiction de renvoi relève que la solution du litige dépend du point de savoir s’il existe un risque de confusion, au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive, entre la marque LIFE et le signe composé «THOMSON LIFE».

12 Elle fait valoir que, selon la jurisprudence actuelle du Bundesgerichtshof, inspirée d’une théorie dénommée «Prägetheorie» (théorie de l’impression créée), il convient, pour apprécier la similitude du signe contesté, de se fonder sur l’impression d’ensemble de chacun des deux signes et de rechercher si la partie identique caractérise le signe composé à un point tel que les autres éléments passent dans une large mesure à l’arrière-plan pour la création de l’impression d’ensemble. Un risque de confusion ne pourrait pas être retenu si l’élément identique contribue seulement à créer l’impression d’ensemble du signe.
Il importerait peu que la marque reprise ait conservé une position distinctive («kennzeichnende Stellung») autonome dans le signe composé.

13 Selon l’Oberlandesgericht, dans le secteur des produits en cause dans le litige qui lui est soumis, une habitude de dénomination consiste à faire passer au premier plan le nom du fabricant. Plus précisément, dans l’affaire au principal, le nom du fabricant «THOMSON» contribuerait de manière essentielle à l’impression d’ensemble du signe «THOMSON LIFE». Le pouvoir distinctif normal attaché à l’élément «LIFE» ne serait pas suffisant pour exclure que le nom du fabricant «THOMSON» contribue à créer l’impression d’ensemble du signe.

14 La juridiction de renvoi relève, cependant, que la jurisprudence actuelle du Bundesgerichtshof est discutée. Une thèse différente serait soutenue par une partie de la doctrine. Elle serait conforme, au demeurant, à l’ancienne jurisprudence du même Bundesgerichtshof, selon laquelle il y aurait lieu d’admettre un risque de confusion lorsque la partie identique possède une position distinctive autonome dans le signe contesté, ne s’est pas évanouie dans celui-ci et n’y est pas passée à l’arrière-plan au point de devenir inapte à éveiller le souvenir de la marque enregistrée.

15 L’Oberlandesgericht fait valoir que, si cette thèse était appliquée en l’espèce au principal, il conviendrait d’admettre l’existence d’un risque de confusion, la marque LIFE conservant une position distinctive autonome dans le signe «THOMSON LIFE».

16 La juridiction de renvoi se demande, en définitive, comment il est possible, dans l’application du critère tiré de l’impression d’ensemble produite par les signes, d’empêcher qu’un tiers s’approprie une marque enregistrée en lui ajoutant la dénomination de son entreprise.

17 Dans ce contexte, l’Oberlandesgericht Düsseldorf a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 5, paragraphe 1, sous b), de la [directive] doit-il être interprété en ce sens qu’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion – en cas d’identité des produits ou des services couverts par les signes en présence – même si une marque verbale plus ancienne – dotée d’un pouvoir distinctif normal – est reprise dans le signe verbal composé plus récent d’un tiers ou dans son signe verbal/figuratif caractérisé par des éléments verbaux de telle façon que la marque plus ancienne est précédée de la dénomination de l’entreprise du tiers et que la marque plus ancienne, sans créer à elle seule l’impression d’ensemble du signe composé, conserve cependant dans celui-ci une position distinctive autonome?»

Sur la question préjudicielle

18 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive doit être interprété en ce sens qu’un risque de confusion peut exister dans l’esprit du public, en cas d’identité des produits ou des services, lorsque le signe contesté est constitué au moyen de la juxtaposition, d’une part, de la dénomination de l’entreprise du tiers et, d’autre part, de la marque enregistrée, dotée d’un pouvoir distinctif normal, et que celle-ci, sans créer à elle seule l’impression d’ensemble du signe composé, conserve dans ce dernier une position distinctive autonome.

Observations présentées à la Cour

19 Medion et la Commission des Communautés européennes proposent de répondre par l’affirmative à la question posée.

20 Medion conteste la «Prägetheorie». Celle-ci permettrait d’usurper une marque enregistrée en lui adjoignant simplement le nom d’un fabricant. Un tel usage de la marque porterait atteinte à la fonction d’indication de l’origine des produits.

21 La Commission fait valoir que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce au principal, les deux termes utilisés dans le signe composé sont équivalents. Le terme «LIFE» n’aurait pas un rôle totalement subordonné. Dans la mesure où la dénomination «THOMSON» ne créerait pas ainsi exclusivement l’impression d’ensemble, le signe composé et la marque enregistrée seraient similaires au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive. Un risque de confusion pourrait donc être admis, d’autant que les deux entreprises offrent des produits identiques.

22 Thomson propose de répondre par la négative à la question posée. Elle soutient une interprétation de la directive conforme à la «Prägetheorie». Le signe contesté au principal ne pourrait être confondu avec la marque de Medion, dès lors qu’il comporte l’élément «THOMSON», nom du fabricant qui présente la même importance que l’autre élément le composant. Le terme «LIFE» ne servirait qu’à désigner certains produits de la gamme commercialisée. En tout état de cause, il serait exclu que l’élément «LIFE» domine l’impression d’ensemble qui se dégage de la dénomination «THOMSON LIFE».

Réponse de la Cour

23 La fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service marqué, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance (voir, notamment, arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, Rec. p. I-5507, point 28, et du 29 avril 2004, Björnekulla Fruktindustrier, C-371/02, Rec. p. I-5791, point 20).

24 Le dixième considérant de la directive souligne que la protection conférée par la marque enregistrée a pour but de garantir la fonction d’origine de la marque et que, en cas de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services, le risque de confusion constitue la condition spécifique de la protection.

25 L’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive n’a ainsi vocation à s’appliquer que si, en raison de l’identité ou de la similitude et des marques et des produits ou services désignés, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion.

26 Constitue un risque de confusion au sens de cette disposition le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement (voir, notamment, arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, Rec. p. I 3819, point 17).

27 L’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce [voir arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C-251/95, Rec. p. I-6191, point 22; Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 18, et du 22 juin 2000, Marca Mode, C-425/98, Rec. p. I-4861, point 40, ainsi que, à propos de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), rédigé en termes en substance identiques à ceux de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive, ordonnance du 28 avril 2004, Matratzen Concord/OHMI, C-3/03 P, Rec. p. I-3657, point 28].

28 L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir, notamment, arrêts précités SABEL, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 25, ainsi que ordonnance Matratzen Concord/OHMI, précitée, point 29).

29 Dans le cadre de l’examen de l’existence d’un risque de confusion, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne revient pas à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir ordonnance Matratzen Concord/OHMI, précitée, point 32).

30 Cependant, au-delà du cas habituel dans lequel le consommateur moyen perçoit une marque comme un tout, et nonobstant la circonstance que l’impression d’ensemble puisse être dominée par un ou plusieurs composants d’une marque complexe, il n’est nullement exclu que, dans un cas particulier, une marque antérieure, utilisée par un tiers dans un signe composé comprenant la dénomination de l’entreprise de ce tiers, conserve une position distinctive autonome dans le signe composé, sans pour autant en constituer l’élément dominant.

31 Dans une telle hypothèse, l’impression d’ensemble produite par le signe composé peut conduire le public à croire que les produits ou services en cause proviennent, à tout le moins, d’entreprises liées économiquement, auquel cas l’existence d’un risque de confusion doit être retenue.

32 La constatation de l’existence d’un risque de confusion ne saurait être subordonnée à la condition que l’impression d’ensemble produite par le signe composé soit dominée par la partie de celui-ci constituée par la marque antérieure.

33 Si une telle condition était requise, le titulaire de la marque antérieure serait privé du droit exclusif conféré par l’article 5, paragraphe 1, de la directive alors même que cette marque conserverait dans le signe composé une position distinctive autonome, mais que cette position ne serait pas dominante.

34 Tel serait le cas, par exemple, lorsque le titulaire d’une marque renommée fait usage d’un signe composé juxtaposant cette dernière et une marque antérieure qui n’est pas elle-même renommée. Tel serait pareillement le cas si le signe composé était constitué de cette marque antérieure et d’un nom commercial renommé. En effet, l’impression d’ensemble serait alors, le plus souvent, dominée par la marque renommée ou le nom commercial renommé compris dans le signe composé.

35 Ainsi, contrairement à l’intention du législateur communautaire exprimée au dixième considérant de la directive, la protection de la fonction d’origine de la marque antérieure ne serait pas assurée, bien que cette marque ait conservé une position distinctive autonome dans le signe composé.

36 Il doit donc être admis que, aux fins de la constatation d’un risque de confusion, il suffit que, en raison de la position distinctive autonome conservée par la marque antérieure, le public attribue également au titulaire de cette marque l’origine des produits ou des services couverts par le signe composé.

37 Dès lors, il convient de répondre à la question posée que l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive doit être interprété en ce sens qu’un risque de confusion peut exister dans l’esprit du public, en cas d’identité des produits ou des services, lorsque le signe contesté est constitué au moyen de la juxtaposition, d’une part, de la dénomination de l’entreprise du tiers et, d’autre part, de la marque enregistrée, dotée d’un pouvoir distinctif normal, et que celle-ci, sans créer à elle seule l’impression d’ensemble du signe composé, conserve dans ce dernier une position distinctive autonome.

Sur les dépens

38 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

L’article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu’un risque de confusion peut exister dans l’esprit du public, en cas d’identité des produits ou des services, lorsque le signe contesté est constitué au moyen de la juxtaposition, d’une part, de la dénomination de l’entreprise du tiers et, d’autre part, de la marque enregistrée, dotée d’un pouvoir distinctif normal, et que celle-ci, sans créer à elle seule l’impression d’ensemble du signe composé, conserve dans ce dernier une position distinctive autonome.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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