CJCE, n° C-271/94, Arrêt de la Cour, Parlement européen contre Conseil de l'Union européenne, 26 mars 1996

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 26 mars 1996, Parlement / Conseil, C-271/94
Numéro(s) : C-271/94
Arrêt de la Cour du 26 mars 1996. # Parlement européen contre Conseil de l'Union européenne. # Décision 94/445/CE du Conseil - Edicom - Réseaux télématiques - Base juridique. # Affaire C-271/94.
Date de dépôt : 27 septembre 1994
Précédents jurisprudentiels : Commission/Conseil, C-300/89, Rec. p. I-2867, point 10, et du 9 novembre 1995, Allemagne/Conseil, C-426/93
Solution : Recours en annulation : obtention
Identifiant CELEX : 61994CJ0271
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1996:133
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Sur les parties

Texte intégral

Affaire C-271/94

Parlement européen
contre
Conseil de l’Union européenne

«Décision 94/445/CEE du Conseil – Edicom – Réseaux télématiques – Base juridique»

Conclusions de l’avocat général M. A. La Pergola, présentées le 22 novembre 1995
Arrêt de la Cour du 26 mars 1996

Sommaire de l’arrêt

1.. Actes des institutions – Choix de la base juridique – Critères – Pratique d’une institution – Défaut de pertinence au regard des règles du traité

2.. Réseaux transeuropéens – Actions nécessaires pour assurer l’interopérabilité des réseaux – Décision du Conseil relative aux réseaux télématiques entre administrations pour les statistiques des échanges de biens entre États membres – Base juridique – Article 129 D du traité – Effets accessoires sur le fonctionnement du marché intérieur – Absence d’incidence – Annulation en raison du recours à l’article 235 du traité comme base juridique – Effets dans le temps
(Traité CE, art. 100 A, 129 C, 129 D, 174 et 235; décision du Conseil 94/445/CE)

1. Dans le cadre du système de compétences de la Communauté, le choix de la base juridique d’un acte doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel. Parmi de tels éléments figurent, notamment, le but et le contenu de l’acte.
Une simple pratique du Conseil n’est pas susceptible de déroger aux règles du traité et ne peut, par conséquent, créer un précédent liant les institutions lorsque, préalablement à l’adoption d’une mesure, il leur appartient de déterminer la base juridique correcte à cet effet. 2. La décision 94/445, relative aux réseaux télématiques entre administrations pour les statistiques des échanges de biens entre États membres, a pour objet principal d’assurer l’interopérabilité de réseaux nationaux par des actions opérationnelles d’ordre technique. Ces actions constituent des mesures qui, en tant que telles et indépendamment de la fixation, prévue par l’article 129 C, paragraphe 1, premier tiret, du traité, des orientations de la Communauté en la matière, sont visées à l’article 129 C, paragraphe 1, deuxième tiret, et relèvent, pour leur adoption, de l’article 129 D, troisième alinéa. Ce recours à l’article 129 D, troisième alinéa, ne saurait être écarté au profit d’un recours à l’article 100 A du traité au motif que la décision sert également les objectifs du marché intérieur, étant donné que la poursuite de ces objectifs n’est qu’accessoire et que le seul fait que l’établissement ou le fonctionnement du marché intérieur est concerné ne suffit pas pour que l’article 100 A soit d’application. Ayant été, à tort, adoptée sur le fondement de l’article 235 du traité, auquel il n’est justifié de recourir comme base juridique d’un acte que si aucune autre disposition du traité ne confère aux institutions communautaires la compétence nécessaire pour arrêter cet acte, la décision 94/445 doit être annulée. Cependant, afin d’éviter une discontinuité dans les actions déjà engagées et pour d’importants motifs de sécurité juridique, comparables à ceux qui interviennent en cas d’annulation de certains réglements, il apparaît justifié que la Cour exerce le pouvoir que lui confère expressément l’article 174, deuxième alinéa, du traité en cas d’annulation d’un règlement et décide le maintien des effets des décisions de la Commission déjà adoptées sur le fondement de la décision annulée jusqu’à l’entrée en vigueur d’une décision adoptée sur la base juridique appropriée.

ARRÊT DE LA COUR
26 mars 1996 (1)

«Décision 94/445/CE du Conseil – Edicom – Réseaux télématiques – Base juridique»

Dans l’affaire C-271/94,

Parlement européen , représenté par MM. Gregorio Garzón Clariana, jurisconsulte, Johann Schoo, chef de division, et José Luis Rufas Quintana, membre du service juridique, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès du secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie requérante,

soutenu par Commission des Communautés européennes , représentée par M. Georgios Kremlis, membre du service juridique, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie intervenante,

contre

Conseil de l’Union européenne , représenté par MM. Antonio Sacchettini, directeur au service juridique, et Amadeu Lopes Sabino, conseiller au service juridique, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Bruno Eynard, directeur de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d’investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours tendant à l’annulation de la décision 94/445/CE du Conseil, du 11 juillet 1994, relative aux réseaux télématiques entre administrations pour les statistiques des échanges de biens entre États membres (Edicom) (JO L 183, p.
42),

LA COUR,,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. N. Kakouris et G. Hirsch, présidents de chambre, G. F. Mancini, F.
A. Schockweiler, J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann, J. L. Murray, P. Jann, H. Ragnemalm et L. Sevón (rapporteur), juges, avocat général: M. A. La Pergola,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l’audience du 10 octobre 1995,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 novembre 1995,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 27 septembre 1994, le Parlement européen a, en vertu de l’article 173 du traité CE, demandé l’annulation de la décision 94/445/CE du Conseil, du 11 juillet 1994, relative aux réseaux télématiques entre administrations pour les statistiques des échanges de biens entre États membres (Edicom) (JO L 183, p. 42, ci-après la décision). 2 L’article 1 er de la décision dispose: Il est mis en place un ensemble d’actions facilitant la migration des systèmes régionaux, nationaux et communautaires vers des systèmes interopérables au niveau européen, dans une première phase, pour la collecte des déclarations des données d’échange de biens entre États membres auprès des entreprises, leur contrôle, leur prétraitement et la diffusion des statistiques résultantes, ci-après dénommé Edicom (Electronic Data Interchange on Commerce).Ces systèmes s’articulent autour de systèmes d’information répartis aux niveaux régional, national et communautaire, dont l’interopérabilité est garantie par le développement et l’utilisation de normes, de standards et de procédures de communication harmonisés.Ces systèmes s’appuient notamment sur l’utilisation des techniques d’échange de données informatisé (EDI) pour la transmission des déclarations statistiques. Des procédures automatisées peuvent être mises à la disposition des administrations nationales et communautaires compétentes, ainsi que des redevables de l’information statistique en accord avec les autorités nationales compétentes.Ces systèmes sont développés de manière à prendre en compte les besoins liés à l’élaboration des statistiques sur les échanges intérieurs. Les actions visées à l’article 1 er sont décrites à l’article 3 de la décision. Il s’agit notamment des mesures de conception, de développement et de promotion de logiciels et de formats d’échanges d’informations ainsi que des mesures de conception, de documentation et de promotion des méthodes, des procédures et des accords utilisés dans les échanges d’informations. Elles comprennent également des mesures d’assistance. 4 L’article 4 de la décision énonce les orientations dont il est tenu compte dans la mise en oeuvre des actions. L’article 5, paragraphe 1, de la décision dispose que la Commission est responsable de la mise en oeuvre d’Edicom. Le financement communautaire est prévu à l’article 8 de la décision. 5 Les considérants de la décision se réfèrent notamment: ─ à la nécessité, du fait de l’achèvement du marché intérieur, de déterminer un niveau satisfaisant d’information sur les échanges de biens entre États membres par des moyens n’impliquant pas de contrôles aux frontières internes et, dès lors, de collecter les données nécessaires directement auprès des expéditeurs et des destinataires, en recourant à des méthodes et à des techniques qui en assurent l’exhaustivité, la fiabilité et l’actualité (premier et deuxième considérants);─ au règlement (CEE) n° 3330/91 du Conseil, du 7 novembre 1991, relatif aux statistiques des échanges de biens entre États membres (JO L 316, p. 1), qui prévoit la création des conditions d’un recours accru au traitement automatique et à la transmission électronique de l’information dans le but de faciliter la tâche des redevables de l’information (troisième considérant);─ au but d’alléger la charge déclarative des entreprises tout en améliorant la circulation de l’information statistique en vue de la création du marché européen de l’information (quatrième considérant);─ à la future décision du Conseil instaurant une action pluriannuelle communautaire soutenant la mise en oeuvre de réseaux télématiques transeuropéens destinés à l’échange de données entre administrations (IDA) qu’il convient de compléter par des actions de caractère opérationnel, notamment dans le domaine statistique (cinquième considérant);─ à l’élaboration de statistiques harmonisées, à la promotion de l’utilisation des normes et des concepts harmonisés au niveau européen et aux travaux de normalisation menés au niveau international dans le domaine de l’échange de données informatisé (sixième, septième et huitième considérants);─ au fait que l’établissement de normes statistiques communes permettant de produire des informations harmonisées est une action qui ne peut être traitée avec efficacité qu’au niveau communautaire, en collaboration avec les États membres où se fera leur mise en oeuvre (neuvième considérant).
6 Il ressort du dossier que la proposition initiale de la Commission, présentée le 15 mars 1993 (JO C 87, p. 10), était fondée sur l’article 100 A du traité CEE. Conformément à cet article, le Conseil a consulté le Parlement sur cette proposition. Celui-ci l’a approuvée, le 27 octobre 1993, sous réserve d’une modification qui ne concernait pas la base juridique (JO C 315, p. 133).
7 Par lettre du 10 mars 1994, le Conseil a de nouveau consulté le Parlement en vue du remplacement de la base juridique de la proposition par l’article 235 du traité CE. Il indiquait dans cette lettre que, à l’issue de ses délibérations sur la proposition de décision, lors de sa session du 16 décembre 1993, il avait dégagé une orientation tendant à fonder cette décision sur l’article 235 du traité et notamment considéré que, s’agissant d’un ensemble d’actions et en l’absence de réelles mesures d’harmonisation dans cette décision, il n’existait pas d’autres pouvoirs que ceux visés à l’article 235. Le Conseil avait joint à cette lettre le texte du projet de décision tel qu’il résultait de ses travaux. A la suite de cette nouvelle consultation, le Parlement a adopté, le 5 mai 1994, une résolution dans laquelle il contestait la validité de la base juridique proposée par le Conseil et estimait que la proposition de la Commission devait être fondée sur l’article 129 D, troisième alinéa, du traité CE. 8 Le Conseil ayant adopté la décision sur le fondement de l’article 235 du traité, le Parlement a introduit le présent recours en annulation. 9 Par ordonnance du président de la Cour du 11 janvier 1995, la Commission a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Parlement. 10 A l’appui de son recours, le Parlement fait valoir, à titre principal, que la décision devait être fondée sur l’article 129 D, troisième alinéa, du traité, et, à titre subsidiaire, sur l’article 100 A. Il rappelle que ces dispositions prévoient, respectivement, la procédure de coopération et la procédure de codécision tandis que l’article 235, base juridique retenue lors de l’adoption de la décision, prévoit simplement sa consultation. 11 La Commission soutient les conclusions du Parlement visant à l’annulation de la décision. Elle considère cependant que l’article 100 A devait prévaloir comme base juridique correcte de la décision sur l’article 129 D, troisième alinéa. 12 Le Conseil estime, en revanche, que ni l’article 129 D, troisième alinéa, ni l’article 100 A ne pouvaient constituer le fondement de la décision et que, en l’absence de pouvoirs spécifiques, l’article 235 était la seule base juridique appropriée. Sur le bien-fondé du recours 13 A titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le recours à l’article 235 du traité comme base juridique d’un acte n’est justifié que si aucune autre disposition du traité ne confère aux institutions communautaires la compétence nécessaire pour arrêter cet acte (voir, notamment, arrêts du 26 mars 1987, Commission/Conseil, 45/86, Rec. p.
1493, point 13, et du 13 juillet 1995, Espagne/Conseil, C-350/92, Rec. p. I-1985, point 26). 14 En outre, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du système de compétences de la Communauté, le choix de la base juridique d’un acte doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel. Parmi de tels éléments figurent, notamment, le but et le contenu de l’acte (voir, notamment, arrêts du 11 juin 1991, Commission/Conseil, C-300/89, Rec. p.
I-2867, point 10, et du 9 novembre 1995, Allemagne/Conseil, C-426/93, non encore publié au Recueil, point 29). 15 Il convient donc d’examiner si la décision attaquée aurait pu être fondée sur l’article 129 D, troisième alinéa, ou sur l’article 100 A. 16 Le Parlement soutient que la décision relève des attributions régies par l’article 129 C, paragraphe 1, deuxième tiret, aux termes duquel, Afin de réaliser les objectifs visés à l’article 129 B, la Communauté … met en oeuvre toute action qui peut s’avérer nécessaire pour assurer l’interopérabilité des réseaux, en particulier dans le domaine de l’harmonisation des normes techniques. L’article 129 D, troisième alinéa, prévoit la procédure à suivre pour arrêter ces mesures. 17 Le Conseil relève d’abord que la décision n’a pas pour objet de créer un réseau, mais de mener des actions ponctuelles de caractère opérationnel, en sorte qu’elle ne concernerait qu’indirectement les réseaux. Or, selon le Conseil, l’essence de l’article 129 B est la création de réseaux. 18 Il estime ensuite que la décision s’inscrit dans le prolongement des précédents programmes Caddia, INSIS et TEDIS, instaurés respectivement par les décisions 85/214/CEE du Conseil, du 26 mars 1985, concernant la coordination des actions des États membres et de la Commission relative à la réalisation d’un programme à long terme portant sur l’utilisation de la télématique dans les systèmes d’information de la Communauté sur les importations et les exportations ainsi que sur la gestion et le contrôle financier des organisations de marché agricole (JO L 96, p. 35), 82/869/CEE du Conseil, du 13 décembre 1982, relative à la coordination des activités des États membres et des institutions de la Communauté en vue d’évaluer la nécessité d’un système communautaire interinstitutionnel d’information et de préparer des propositions pour l’établissement d’un tel système (JO L 368, p. 40), et 87/499/CEE du Conseil, du 5 octobre 1987, instaurant un programme communautaire relatif au transfert électronique de données à usage commercial, qui utilise les réseaux de communication (TEDIS) (JO L 285, p. 35). Ces décisions ayant été arrêtées sur le fondement de l’article 235 du traité, le Conseil soutient que cet article constitue également le fondement juridique approprié de la décision attaquée. 19 Le Conseil fait valoir, enfin, qu’il ressort de la rédaction et de la structure de l’article 129 C, paragraphe 1, que l’action communautaire prévue par cette disposition se décompose en étapes consécutives. Dans un premier temps, il s’agit d’établir des orientations et d’identifier des projets d’intérêt commun (article 129 C, paragraphe 1, premier tiret). Dans un deuxième temps, le législateur communautaire adopte, si nécessaire, les mesures relatives à l’interopérabilité des réseaux (deuxième tiret du même paragraphe). Dans un dernier temps, la Communauté finance éventuellement les projets d’intérêt commun (troisième tiret du même paragraphe). Par conséquent, les actions destinées à assurer l’interopérabilité des réseaux seraient subordonnées à la définition des actions envisagées dans le cadre des orientations. Dès lors que, en l’espèce, les orientations n’avaient pas été définies au préalable, la décision ne pouvait pas être fondée sur l’article 129 D. 20 L’argumentation du Conseil ne saurait être accueillie. 21 Comme M. l’avocat général l’a relevé au point 7 de ses conclusions, de nombreuses mesures communautaires visent, dans le cadre du fonctionnement du marché intérieur et de la gestion des politiques communes, à assurer un niveau satisfaisant d’information sur les échanges des biens entre les États membres par des moyens qui n’impliquent pas de contrôles aux frontières internes.
Ainsi, les données sont collectées directement auprès des expéditeurs et des destinataires. Le recours accru au traitement automatique et à la transmission électronique de l’information de même que l’exigence de systèmes compatibles sont des modalités techniques qui concourent au bon fonctionnement de la collecte des données tout en allégeant la charge des redevables d’information, notamment des entreprises. 22 La décision s’inscrit effectivement dans cette finalité. Il ressort en effet de ses premier, deuxième et quatrième considérants qu’elle a pour but de développer la collecte directe des données nécessaires relatives aux échanges des biens entre États membres auprès des expéditeurs et des destinataires, en recourant à des méthodes et à des techniques qui assurent l’exhaustivité, la fiabilité et l’actualité de ces données. En outre, le troisième considérant se réfère au règlement n° 3330/91, qui prévoit la création des conditions d’un recours accru au traitement automatique et à la transmission électronique de l’information dans le but de faciliter la tâche des redevables de l’information. Enfin, le cinquième considérant précise qu’il convient de compléter par des actions de caractère opérationnel, notamment dans le domaine statistique la future décision du Conseil instaurant une action pluriannuelle communautaire soutenant la mise en oeuvre de réseaux télématiques transeuropéens destinés à l’échange de données entre administrations (IDA). 23 Le contenu même de la décision confirme qu’elle est destinée à assurer l’interopérabilité des réseaux télématiques nationaux et à favoriser ainsi leur convergence vers un réseau télématique transeuropéen visant à la collecte et à la transmission des informations entre les administrations. En effet, l’article 1 er , premier alinéa, prévoit la mise en place d’un ensemble d’actions facilitant la migration des systèmes régionaux, nationaux et communautaires vers des systèmes interopérables au niveau européen. Selon le deuxième alinéa de cet article, ces systèmes s’articulent autour de systèmes d’information répartis aux niveaux régional, national et communautaire, dont l’interopérabilité est garantie par le développement et l’utilisation de normes, de standards et de procédures de communication harmonisés. Les actions Edicom, décrites à l’article 3 de la décision, sont notamment des mesures de nature technique destinées à créer les conditions pour que les réseaux nationaux puissent constituer un réseau télématique transeuropéen. 24 Quant à l’argument tiré de la pratique antérieure, il suffit de rappeler qu’une simple pratique du Conseil n’est pas susceptible de déroger à des règles du traité et ne peut dès lors créer un précédent liant les institutions de la Communauté quant à la base juridique correcte (voir, notamment, arrêt du 23 février 1988, Royaume-Uni/Conseil, 68/86, Rec. p. 855, point 24). D’ailleurs, les programmes Caddia, INSIS et TEDIS, invoqués par le Conseil, ont été instaurés avant la création du titre XII relatif aux réseaux transeuropéens par le traité sur l’Union européenne et, par conséquent, avant l’entrée en vigueur de l’article 129 D. 25 En ce qui concerne la question de la relation entre les différents tirets de l’article 129 C, paragraphe 1, il y a lieu de relever que l’article 129 B, qui expose les objectifs visés par les mesures communautaires prévues à l’article 129 C, dispose, en son paragraphe 1, que la Communauté contribue à l’établissement et au développement de réseaux transeuropéens et, en son paragraphe 2, que l’action de la Communauté vise à favoriser l’interconnexion et l’interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l’accès à ces réseaux. Ensuite, d’une part, l’article 129 C, paragraphe 1, prévoit à son premier tiret l’établissement d’un ensemble d’orientations qui couvrent les objectifs, les priorités ainsi que les grandes lignes des actions envisagées et qui identifient des projets d’intérêt commun et contient, à son troisième tiret, une disposition relative à la participation de la Communauté aux efforts financiers des États membres pour des projets d’intérêt commun financés par les États membres et identifiés dans le cadre des orientations visées au premier tiret. D’autre part, le paragraphe 1 prévoit, à son deuxième tiret, la mise en oeuvre, par la Communauté, de toute action qui peut s’avérer nécessaire pour assurer l’interopérabilité des réseaux, en particulier dans le domaine de l’harmonisation des normes techniques. 26 S’il est incontestable que l’établissement et le développement de réseaux transeuropéens en matière de télécommunication impliquent l’interconnexion et l’interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l’accès à ces réseaux et que l’établissement des orientations, prévues à l’article 129 C, paragraphe 1, premier tiret, englobe ces objectifs, il ressort néanmoins de l’économie et du libellé de ce paragraphe que toute action de la Communauté visant à assurer l’interopérabilité des réseaux nationaux ne doit pas nécessairement être précédée de l’établissement d’orientations conformément aux dispositions de l’article 129 C, paragraphe 1, premier tiret.
Il en est ainsi notamment dans le cas où, comme en l’espèce, il ne s’agit que d’adopter des actions opérationnelles destinées à assurer l’interopérabilité des réseaux nationaux existants afin de les rendre techniquement compatibles pour être intégrés dans un réseau transeuropéen. Par ailleurs, comme M. l’avocat général l’a observé au point 11 de ses conclusions, plusieurs mesures communautaires, arrêtées avant l’entrée en vigueur du traité sur l’Union européenne, avaient déjà défini les orientations dans lesquelles la décision s’insère. 27 Il s’ensuit que les actions Edicom constituent des mesures visées à l’article 129 C, paragraphe 1, deuxième tiret, et que l’établissement préalable des orientations visées au premier tiret du même paragraphe n’est pas nécessaire dans les circonstances telles que celles de la présente espèce. Il convient encore d’examiner la thèse de la Commission, présentée à titre principal, selon laquelle l’article 100 A serait la base juridique correcte de la décision. 29 La Commission fait valoir que l’objectif principal des actions Edicom est de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur.
Elles utiliseraient le réseau télématique simplement comme support, au service de cet objectif. La décision viserait donc à harmoniser les systèmes de collecte ainsi que les informations statistiques à collecter concernant les échanges de marchandises au sein du marché intérieur. A cet égard, la Commission se réfère notamment aux considérants et aux deux premiers alinéas de l’article 1 er de la décision. La Commission mentionne également les liens étroits entre la décision Edicom et le règlement n° 3330/91, précité, fondé sur l’article 100 A. Enfin, la Commission relève que toutes les actions instaurées par Edicom auraient pu être intégrées dans le règlement précité ou en découler comme les autres règlements d’application et que, dans ce cas, le recours à l’article 100 A se serait imposé. 30 Le Parlement considère que la décision présente également certains caractères qui relèvent de l’établissement et du fonctionnement du marché intérieur. Il estime cependant que l’article 129 D est une disposition plus spécifique que l’article 100 A pour les matières qui entrent dans son champ d’application. Selon lui, le choix de la base juridique doit se faire au profit de la base la plus précise. 31 L’argumentation de la Commission ne saurait être accueillie. 32 En effet, ainsi qu’il a été indiqué aux points 22 et 23 du présent arrêt, la décision a pour objet principal d’assurer l’interopérabilité de réseaux nationaux par des actions opérationnelles d’ordre technique. S’il est vrai que la décision sert également les objectifs du marché intérieur, ceux-ci ne sont qu’accessoires par rapport à l’objet principal, de sorte que l’article 100 A ne saurait constituer la base juridique adéquate pour son adoption. A cet égard, il importe de rappeler que la Cour a déjà jugé que le seul fait que l’établissement ou le fonctionnement du marché intérieur est concerné ne suffit pas pour que l’article 100 A du traité soit d’application (voir, notamment, arrêt du 4 octobre 1991, Parlement/Conseil, C-70/88, Rec. p. I-4529, point 17). 33 De plus, il convient de relever que, aux termes mêmes de l’article 129 B, auquel renvoie l’article 129 C, les réseaux transeuropéens sont destinés, entre autres, à la réalisation des objectifs visés à l’article 7 A, à savoir l’établissement du marché intérieur.
En ce qui concerne notamment l’interopérabilité des réseaux dans l’établissement du marché intérieur, l’article 129 C, paragraphe 1, deuxième tiret, constitue une réglementation plus spécifique que l’article 100 A. Par conséquent, même si cette réglementation vise également des objectifs qui sont poursuivis par l’article 100 A, il ne saurait être tiré argument de l’existence de celui-ci pour restreindre le champ d’application de l’article 129 C, paragraphe 1, deuxième tiret. 34 Quant à la référence faite par la Commission au règlement n° 3330/91, il y a lieu de rappeler également la jurisprudence, citée au point 24, selon laquelle une simple pratique d’une institution n’est pas susceptible de déroger à des règles du traité et ne peut dès lors créer un précédent liant les institutions. 35 Il résulte de ce qui précède que la décision aurait dû être adoptée en vertu de l’article 129 D, troisième alinéa, en sorte qu’elle doit être annulée. Sur le maintien des effets de la décision Dans son mémoire en défense, le Conseil a demandé à la Cour, en cas d’annulation de la décision, d’en maintenir les effets, compte tenu des perturbations qu’entraînerait une annulation avec effet rétroactif et de la nécessité de garantir la continuité du service. La Commission s’est associée à cette demande. Dans leur réponse à une question de la Cour, ils indiquent que, depuis l’entrée en vigueur de la décision, les deux programmes d’action pour les années 1994 et 1995 ont donné lieu au lancement ou à la réalisation de 128 actions qui ont fait l’objet des décisions de la Commission 94/765/CE, du 18 novembre 1994 (JO L 304, p. 41), 95/126/CE, du 6 avril 1995 (JO L 84, p. 10), et 95/234/CE, du 22 juin 1995 (JO L 156, p. 80). Les deux institutions soutiennent ainsi qu’une interruption dans la continuité des actions Edicom, du fait de la rupture des flux de collecte en provenance des entreprises, se traduirait par l’impossibilité pour les États membres d’établir sur une base télématique les statistiques sur les échanges de biens intracommunautaires. La Commission précise qu’il serait dès lors nécessaire de revenir à la collecte des informations au moyen de formulaires. 37 Lors de l’audience, le Parlement a indiqué qu’il n’avait pas d’objection à formuler à l’encontre d’une telle demande en ce qui concerne les effets antérieurs à la date d’annulation de la Cour. Cependant, il s’est opposé à ce que la décision soit appliquée après l’arrêt de la Cour jusqu’à l’adoption d’une nouvelle décision, car il estime que le maintien des effets futurs de la décision priverait l’arrêt de son effet utile. 38 En réponse à cette objection, la Commission a fait valoir que le maintien des seuls effets de la décision antérieurs à l’arrêt de la Cour porterait néanmoins un préjudice grave aux actions déjà commencées qui ne pourraient dès lors pas subsister. 39 Il ressort des informations fournies par le Conseil et la Commission que, afin d’éviter une discontinuité dans les actions Edicom déjà engagées et pour d’importants motifs de sécurité juridique, il est nécessaire que les effets des décisions de la Commission déjà adoptées sur le fondement de la décision annulée soient maintenus. En revanche, en ce qui concerne les autres effets de la décision annulée, ni le Conseil ni la Commission n’ont apporté de précisions quant aux difficultés qu’entraînerait à cet égard l’annulation de la décision. En l’absence de telles précisions, la Cour n’est pas en mesure d’apprécier la teneur et la portée de ces difficultés et de faire droit à cet aspect de la demande des deux institutions. 40 Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce et pour les motifs de sécurité juridique, comparables à ceux qui interviennent en cas d’annulation de certains règlements, il apparaît justifié que la Cour exerce le pouvoir que lui confère expressément l’article 174, deuxième alinéa, du traité CE, en cas d’annulation d’un règlement, et qu’elle indique les effets de la décision annulée qui doivent être maintenus. En conséquence, il y a lieu de maintenir les effets des décisions de la Commission déjà adoptées sur le fondement de la décision annulée jusqu’à l’entrée en vigueur d’une décision adoptée sur la base juridique appropriée.

Sur les dépens Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Parlement a conclu à la condamnation du Conseil aux dépens. Celui-ci ayant succombé dans sa défense, il y a lieu de le condamner aux dépens. En application du paragraphe 4, premier alinéa, de ce même article, la Commission, partie intervenante, supportera ses propres dépens. Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête: 1) La décision 94/445/CE du Conseil, du 11 juillet 1994, relative aux réseaux télématiques entre administrations pour les statistiques des échanges de biens entre États membres (Edicom), est annulée. 2) Les effets des décisions de la Commission déjà adoptées sur le fondement de la décision annulée sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur d’une décision adoptée sur la base juridique appropriée. 3) Le Conseil est condamné aux dépens. 4) La Commission supportera ses propres dépens.

Rodríguez Iglesias

Kakouris

Hirsch

Mancini

Schockweiler

Moitinho de Almeida

Gulmann

Murray

Jann

Ragnemalm

Sevón

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 mars 1996.

Le greffier

Le président

R. Grass

G. C. Rodríguez Iglesias


1 – Langue de procédure: le français.

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CJCE, n° C-271/94, Arrêt de la Cour, Parlement européen contre Conseil de l'Union européenne, 26 mars 1996