CJCE, n° C-265/07, Arrêt de la Cour, Caffaro Srl contre Azienda Unità Sanitaria Locale RM/C, 11 septembre 2008

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 11 sept. 2008, C-265/07
Numéro(s) : C-265/07
Arrêt de la Cour (première chambre) du 11 septembre 2008.#Caffaro Srl contre Azienda Unità Sanitaria Locale RM/C.#Demande de décision préjudicielle: Tribunale civile di Roma - Italie.#Transactions commerciales - Directive 2000/35/CE - Lutte contre le retard de paiement - Procédures de recouvrement pour des créances non contestées.#Affaire C-265/07.
Date de dépôt : 4 juin 2007
Précédents jurisprudentiels : Commission/Italie, C-302/05, Rec. p. I-10597, point 23, et du 3 avril 2008, 01051 Telecom, C-306/06
Honyvem Informazioni Commerciali, C-465/04
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62007CJ0265
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2008:496
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

11 septembre 2008 ( *1 )

«Transactions commerciales — Directive 2000/35/CE — Lutte contre le retard de paiement — Procédures de recouvrement pour des créances non contestées»

Dans l’affaire C-265/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunale civile di Roma (Italie), par décision du 21 mai 2007, parvenue à la Cour le 4 juin 2007, dans la procédure

Caffaro Srl

contre

Azienda Unità Sanitaria Locale RM/C,

en présence de:

Banca di Roma SpA,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. A. Tizzano, A. Borg Barthet, M. Ilešič et E. Levits (rapporteur), juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 mars 2008,

considérant les observations présentées:

pour Caffaro Srl, par Mes G. Barcellona et R. Crincoli, avvocati,

pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

pour la Commission des Communautés européennes, par MM. C. Zadra et S. Schønberg, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 avril 2008,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 juin 2000, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO L 200, p. 35).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Caffaro Srl (ci-après «Caffaro»), créancier, à l’Azienda Unità Sanitaria Locale RM/C (ci-après l’«Azienda»), une administration publique italienne qui est la débitrice, au sujet d’une exécution forcée par voie de saisie des créances de cette dernière sur Banca di Roma SpA (ci-après la «Banca di Roma»), tiers entre les mains duquel la saisie a été effectuée.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3

Le quinzième considérant de la directive 2000/35 précise:

«La présente directive ne fait que définir la notion de ‘titre exécutoire’ sans réglementer toutefois les différentes procédures d’exécution forcée d’un tel titre ni fixer les conditions dans lesquelles l’exécution forcée de ce titre peut être arrêtée ou suspendue.»

4

L’article 2 de la directive 2000/35 dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

5)

‘titre exécutoire’: toute décision, jugement, arrêt, ordonnance ou injonction de payer prononcé par un tribunal ou une autre autorité compétente, que le paiement soit immédiat ou échelonné, qui permet au créancier de recouvrer sa créance auprès du débiteur par voie exécutoire; cela inclut les décisions, les jugements, les arrêts, les ordonnances ou les injonctions de payer qui sont exécutoires par provision et le restent même si le débiteur forme un recours à leur encontre.»

5

Le vingt-troisième considérant de la même directive énonce:

«L’article 5 de la présente directive exige que la procédure de recouvrement pour des dettes non contestées soit menée à bien dans un bref délai conformément à la législation nationale, mais n’exige pas des États membres qu’ils adoptent une procédure spécifique ou qu’ils modifient leurs voies de droit existantes d’une manière spécifique.»

6

L’article 5 de ladite directive prévoit:

«1. Les États membres veillent à ce qu’un titre exécutoire, quel que soit le montant de la dette, puisse être obtenu normalement dans les quatre-vingt-dix jours civils après que le créancier a formé un recours ou introduit une demande auprès d’une juridiction ou d’une autre autorité compétente, lorsqu’il n’y a pas de contestation portant sur la dette ou des points de procédure. Les États membres s’acquittent de cette obligation en conformité avec leurs dispositions législatives, réglementaires et administratives respectives.

2. Les dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales respectives s’appliquent dans les mêmes conditions à tous les créanciers qui sont établis dans la Communauté européenne.

[…]

4. Les dispositions du présent article sont également sans préjudice des dispositions de la convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l’exécution des jugements en matière civile et commerciale.»

La réglementation nationale

7

L’article 14 du décret-loi no 669, du 31 décembre 1996, converti en loi, après modification, par la loi no 30, du 28 février 1997, telle que modifiée par l’article 147 de la loi no 388, du 23 décembre 2000 (supplément ordinaire à la GURI no 302, du 29 décembre 2000, ci-après le «décret-loi no 669/1996»), dispose:

«Les administrations de l’État et les organismes publics non économiques clôturent la procédure pour l’exécution des décisions juridictionnelles et des sentences arbitrales exécutoires qui comportent l’obligation de paiement d’une somme d’argent dans les 120 jours à compter de la notification du titre exécutoire. Avant l’expiration de ce délai, le créancier ne peut procéder à l’exécution forcée ni à la notification de l’injonction de payer.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

8

Caffaro, munie d’un titre exécutoire délivré conformément à la réglementation italienne transposant la directive 2000/35 dans le droit national, a introduit une procédure d’exécution forcée à l’encontre de l’Azienda.

9

L’exécution forcée a revêtu la forme d’une saisie des créances de l’Azienda sur la Banca di Roma, sur la base d’un acte d’assignation à comparaître devant la juridiction de renvoi, notifié à ces dernières.

10

Lors de l’audience du 13 juin 2006, la Banca di Roma a comparu devant la juridiction de renvoi à laquelle elle a fourni une déclaration positive sur l’existence dans ses comptes de sommes appartenant à l’Azienda et a déclaré avoir exécuté la mesure de saisie.

11

Au cours de cette même audience, la juridiction de renvoi a relevé que l’exécution forcée avait été engagée sans que se soit écoulé le délai de 120 jours, calculé à compter de la notification du titre exécutoire, prévu à l’article 14 du décret-loi no 669/1996.

12

Considérant que l’article 14 du décret-loi no 669/1996 n’est pas conforme à la directive 2000/35, Caffaro a demandé que soit écartée l’application de cette disposition ou, à titre subsidiaire, que soit rendue une décision de renvoi pour interprétation devant la Cour, afin que celle-ci puisse se prononcer sur la conformité de ladite disposition nationale avec la directive susmentionnée.

13

Dans ces conditions, le Tribunale civile di Roma a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour une question préjudicielle, dont la formulation peut être résumée comme suit:

«La directive 2000/35 doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à l’article 14 du décret-loi no 669/1996, en vertu duquel un créancier, muni d’un titre exécutoire relatif à une créance non contestée détenue sur une administration publique en rémunération d’une transaction commerciale, ne peut procéder à une exécution forcée à l’encontre de cette administration avant l’échéance d’un délai de 120 jours à compter de la notification du titre exécutoire à ladite administration?»

Sur la question préjudicielle

14

Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que l’interprétation de la directive 2000/35 doit être effectuée au regard de l’objectif poursuivi par cette dernière et du système qu’elle institue (voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2006, Honyvem Informazioni Commerciali, C-465/04, Rec. p. I-2879, point 17).

15

À cet égard, il est constant que la directive 2000/35 ne vise qu’à harmoniser, dans la mesure du possible, certaines règles et pratiques de paiement dans les États membres afin de lutter contre les retards de paiement dans les transactions commerciales.

16

En effet, comme la Cour a déjà eu l’occasion de le préciser, ladite directive régit seulement certaines règles spécifiques afférentes à de tels retards, à savoir les intérêts pour retard de paiement (article 3), la réserve de propriété (article 4) et les procédures de recouvrement pour des créances non contestées (article 5) (voir arrêts du 26 octobre 2006, Commission/Italie, C-302/05, Rec. p. I-10597, point 23, et du 3 avril 2008, 01051 Telecom, C-306/06, Rec. p. I-1923, point 21).

17

En outre, cette même directive renvoie sur plusieurs points à l’application de la réglementation nationale. Tel est notamment le cas, ainsi qu’il ressort de son quinzième considérant, des différentes procédures d’exécution forcée d’un titre exécutoire ainsi que des conditions pour lesquelles l’exécution forcée de ce titre peut être arrêtée ou suspendue (voir arrêt Commission/Italie, précité, point 24).

18

En particulier, dans le cadre du système instauré par la directive 2000/35, l’article 5 de celle-ci se limite à exiger que les États membres assurent que le titre exécutoire, tel que défini à l’article 2, point 5, de cette directive, puisse être obtenu normalement dans les 90 jours civils après que le créancier a formé un recours ou introduit une demande auprès d’une juridiction ou d’une autre autorité compétente, lorsqu’il n’y a pas de contestation portant sur la dette ou des points de procédure. Il en résulte que ladite directive, en ce qui concerne les procédures de recouvrement pour des créances non contestées, n’harmonise que le délai d’obtention dudit titre exécutoire, sans régir les procédures d’exécution forcée qui demeurent soumises au droit national des États membres.

19

Or, force est de constater qu’une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, n’affecte aucunement le délai dans lequel peut être obtenu le titre exécutoire. Au contraire, une telle disposition présuppose précisément que le créancier dispose déjà d’un tel titre.

20

Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argumentation de la Commission des Communautés européennes selon laquelle l’article 14 du décret-loi no 669/1996, prévoyant la suspension de l’exécution forcée pendant un délai de 120 jours, concerne une étape de la procédure de recouvrement de la créance antérieure à la procédure d’exécution forcée, de sorte qu’elle relève du champ d’application de la directive 2000/35.

21

En effet, même à supposer, comme le soutient la Commission, que ledit article 14 ait pour effet de repousser le début de la procédure d’exécution forcée, cela n’affecterait en rien le délai d’obtention du titre exécutoire. Or, ainsi qu’il ressort du point 18 du présent arrêt, ce délai constitue le seul aspect de la procédure de recouvrement des créances non contestées qui est harmonisé par l’article 5 de ladite directive.

22

En outre, s’il découle de ce qui précède que le titre exécutoire peut, en application de l’article 14 du décret-loi no 669/1996, être privé temporairement de sa force exécutoire, il n’en découle pas pour autant que, comme le soutient la Commission, la protection effective du créancier est mise en cause en méconnaissance de la directive 2000/35.

23

En effet, non seulement les procédures nécessaires à l’exécution du paiement peuvent suivre leur cours, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 38 de ses conclusions, mais aussi, comme le gouvernement italien l’a confirmé lors de l’audience, les démarches de l’Azienda, nécessaires en vue de procéder au paiement de sa dette, ne sont nullement suspendues. Tout au contraire, cette administration débitrice est tenue, en vertu dudit article 14, de tout mettre en œuvre pour que la procédure de paiement soit clôturée dans le délai de 120 jours.

24

Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée que la directive 2000/35 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une disposition nationale, telle que l’article 14 du décret-loi no 669/1996, en vertu de laquelle un créancier, muni d’un titre exécutoire relatif à une créance non contestée détenue sur une administration publique en rémunération d’une transaction commerciale, ne peut procéder à une exécution forcée à l’encontre de cette administration avant l’échéance d’un délai de 120 jours à compter de la notification du titre exécutoire à ladite administration.

Sur les dépens

25

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

La directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 juin 2000, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une disposition nationale, telle que l’article 14 du décret-loi no 669, du 31 décembre 1996, converti en loi, après modification, par la loi no 30, du 28 février 1997, telle que modifiée par l’article 147 de la loi no 388, du 23 décembre 2000, en vertu de laquelle un créancier, muni d’un titre exécutoire relatif à une créance non contestée détenue sur une administration publique en rémunération d’une transaction commerciale, ne peut procéder à une exécution forcée à l’encontre de cette administration avant l’échéance d’un délai de 120 jours à compter de la notification du titre exécutoire à ladite administration.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’italien.

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