Conseil national de l'ordre des médecins, Section des assurances sociales, 12 juillet 2001, n° 3146

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Cardiologie: multiplication, sans justification, de CS avec les ECG. Manquement à l’article 8 du code de déntologie. Fait exclu de l’amnistie.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, sect. des assurances soc., 12 juill. 2001, n° 3146
Numéro(s) : 3146
Dispositif : Interdiction temporaire d'exercer 3 mois d'interdiction

Texte intégral

Dossier n° 3146 Dr Guy T Séance du 17 mai 2001 Lecture du 12 juillet 2001

LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrés au secrétariat de la section des assurances sociales du Conseil national de l’Ordre des médecins le 18 mai 1998 et le 25 août 1998, la requête et le mémoire présentés pour le Dr Guy T , médecin qualifié spécialiste en cardiologie, tendant à ce que la section annule une décision, en date du 26 mars 1998, par laquelle la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins d’Auvergne, statuant sur la plainte du médecin-conseil chef de service de l’échelon local du Puy-en-Velay, dont l’adresse est BP 307, 43012 LE PUY EN VELAY CEDEX, lui a infligé la sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de trois mois avec publication pendant trois mois, par les motifs que le rappel des faits datant de 1989 relève d’une technique irrégulière ; qu’après les observations de 1989, aucune mise en garde ne lui a été adressée ; que les arguments statistiques ne peuvent être pris en considération ; qu’il faut tenir compte de la nature de son activité, exclusivement au cabinet, avec grande disponibilité ; que son dossier n’a pas fait l’objet d’une étude objective et contradictoire ; qu’il a coté en K5 des scopies (qui ont été réalisées) sur les conseils de la caisse après la suppression des Z2 ; que la facturation de trois actes non réalisés résulte d’erreurs dans la gestion du cabinet ; qu’il n’y a pas eu de fausses déclarations, mais des erreurs de classement ou de cotation ; qu’il sollicite un avis d’expert sur la prise en charge des malades ; que la cotation K 40 était justifiée par assimilation pour les échodopplers artériels, même si les compte rendus n’étaient pas complets ; que sur l’opportunité des actes réalisés, les référentiels n’existaient pas en 1993, et les investigations évitent les erreurs de diagnostic ; que la plupart des griefs sont couverts par la loi d’amnistie ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 26 novembre 1998, le mémoire en réplique présenté par le médecin-conseil chef de service de l’échelon local du Puy-en-Velay, tendant au rejet de la requête, après avoir rappelé les huit griefs énoncés dans la plainte (cotation ou facturation injustifiée ; comportement faisant courir un risque au patient ; soins non limités à ce qui est nécessaire ; poursuite de soins relevant de la compétence du confrère omnipraticien ; non respect de l’article 24 du code de déontologie interdisant de procurer un avantage injustifié au patient ; prescriptions non conformes à l’article 37 du code de déontologie interdisant l’obstination dans les investigations ou les thérapeutiques ; réalisation d’épreuves d’effort au cabinet de cardiologie ; non-respect de la nomenclature pour la cotation des échodopplers ; que la prise en charge de certains patients doit être mise en cause ; qu’enfin la sélection des trente cinq dossiers a été parfaitement décrite ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale et notamment ses articles L 145-1 à L 145-9 et R 145-4 à R 145-29 ;

Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;

Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié, relatif au fonctionnement des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins ;

Vu le code de déontologie médicale ;

Vu la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux fixée par l’arrêté du 27 mars 1972 modifié ;

Après avoir entendu en séance publique :

 – Le Dr DUCLOS en la lecture de son rapport ;

 – Me SCHOTT, avocat, en ses observations pour le Dr T et le Dr Guy T , en ses explications orales ;

 – Mme le Dr MAURIN, représentant le médecin-conseil chef de service de l’échelon local du Puy-en-Velay, en ses observations ;

Le Dr Guy T ayant eu la parole le dernier ;


APRES EN AVOIR DELIBERE, Sur l’omission de statuer :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la plainte du médecin-conseil chef de service de l’échelon local du Puy-en-Velay, à l’encontre du Dr Guy T , spécialiste en cardiologie faisait état de huit griefs, à savoir des actes facturés non effectués (1), de fausses déclarations (2), un comportement faisant courir un risque au patient (3), des soins non limités à ce qui est nécessaire au sens de l’article 9 du code de déontologie (4), la poursuite par ce spécialiste, de soins qui étaient de la compétence du confrère omnipraticien qui lui avait confié la malade pour avis, en méconnaissance de l’article 58 du code de déontologie (5), le non-respect de la nomenclature générale des actes professionnels (6), le non-respect de l’article L 371-1 du code de la sécurité sociale et de l’article 24 du code de déontologie (7), la prescription non conforme à l’article L 162-4 du code de la sécurité sociale et à l’article 37 du code de déontologie (8) ; que la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins d’Auvergne, dans sa décision, en date du 26 mars 1998, s’est bornée à indiquer, pour prononcer sa sanction, « qu’en faisant même abstraction des anomalies relevées à la nomenclature générale des actes professionnels ou à des erreurs de facturation dont le Dr T prétend qu’il s’agit de simples erreurs, il ressort de l’examen des dossiers produits, sur lesquels le Dr T n’apporte aucun élément probant de nature à remettre en cause l’évaluation faite par le médecin-conseil chef qu’à plusieurs reprises, il s’est livré à des actes médicaux ou à des prescriptions hasardeuses ou inutiles, pouvant même, dans certains cas, faire courir un risque au patient » ; que la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins d’Auvergne ne s’est donc pas prononcée, dans sa motivation, sur chacun des griefs dont elle était saisie ; qu’en omettant de statuer sur l’ensemble des griefs, elle a entaché sa décision d’irrégularité et que celle-ci doit donc être annulée ; qu’il y a lieu de statuer par évocation sur les griefs non examinés par les premiers juges, l’affaire étant en état, et par l’effet dévolutif de l’appel sur les griefs retenus par eux et contestés par le Dr T  ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant que le contrôle exercé par le médecin-conseil chef de service de l’échelon local du Puy-en-Velay, sur la pratique du Dr T , a retenu le cas de trente cinq patients, sur cent soixante douze patients, pendant la période comprise entre le 12 août 1993 et le 19 octobre 1993 ;

Considérant en premier lieu que si le plaignant rappelle des faits relatifs aux difficultés que soulevait l’activité du Dr T en 1989, cette circonstance n’est pas de nature à vicier la procédure dès lors que les faits auxquels ces difficultés se rattachent ne constituent pas le fondement de la plainte et n’ont pas servi de base à la sanction prononcée, la référence à l’année 1989 et d’ailleurs aussi à l’année 1990, permettant, au demeurant, d’insister sur le caractère répété, malgré les observations qui lui ont été faites, du comportement global de l’intéressé ;

Considérant en second lieu, qu’aucune disposition législative ou réglementaire, en vigueur à l’époque des faits, en 1993, ne faisait obligation au service du contrôle médical d’engager avec le praticien un débat contradictoire, ou de lui adresser une mise en garde, ou de rechercher une solution transactionnelle avant de saisir la section des assurances sociales du conseil régional ; qu’il ressort, au demeurant, des pièces du dossier que le Dr T n’a pas cru devoir répondre aux convocations qu’il a reçues en 1993, l’invitant à assister aux expertises réalisées à la demande du médecin-conseil chef, et n’a pas davantage jugé, dans tous les cas, utile de répondre aux demandes écrites de renseignement, à lui, adressées par le médecin-conseil ; que dès lors, l’absence de concertation en 1993, est imputable au médecin et le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure sur ce point doit être rejeté ;

Considérant en troisième lieu, que le service du contrôle médical a pu, sans que la procédure soit viciée, examiner les dossiers de cent soixante douze patients (dont cent cinquante deux ont été convoqués) relatifs à mille deux cent soixante quinze actes et comportant cinq cent soixante douze anomalies (deux cent soixante actes facturés mais non exécutés, cent six actes non conformes à la nomenclature, deux cent six actes sans justifications médicales), pour ne retenir, en définitive, que trente cinq dossiers particulièrement significatifs, c’est à dire représentatifs de chacune des anomalies constatées lors du contrôle ;

Sur le bien-fondé de la plainte :

Considérant que les griefs énoncés dans la plainte sont explicites et justifiés dans les pièces annexées à la plainte, l’annexe 3 récapitulant leur contenu et leur réalité, dans chacun des dossiers concernant chaque grief ;

Considérant qu’il ressort des pièces de ces dossiers :

1°) que le Dr T a facturé dans de nombreux cas des actes qu’il n’avait pas effectués, qu’ainsi, il a, notamment d’abord, côté quasi-systématiquement, dans vingt des trente cinq dossiers présentés, un K5 en supplément du K6,5 de l’électrocardiogramme (E.C.G) alors qu’aucun des actes (phono-cardiogramme, mécanogramme) pouvant donner lieu à cette cotation suivant la nomenclature générale des actes professionnels n’est pratiqué et que l’E.C.G n’est pas pratiqué à domicile ; qu’il s’agit d’une pratique quotidienne et répétée plusieurs fois par jour ; qu’il ne pouvait justifier sa cotation K5 par la supression du Z2 pour les scopies qu’il n’exécute d’ailleurs pas ; que, d’autre part, dans les dossiers nos 1, 24 et 30 il a facturé des actes qu’il n’avait pas en définitive accomplis (échodoppler pulsé cardiaque coté K60 (1) ; CS avec E.C.G. et K5 pour une patiente qui ne s’est pas présentée au rendez-vous (24) ; CS pour une patiente qui n’a pas vu le Dr T au jour indiqué (30)) ;

2°) que le Dr T a établi à quatre reprises des fausses déclarations (dossiers n°11, n°14, n°31, n°35) ;

3°) que le Dr T a observé un comportement ou rédigé des prescriptions faisant courir un risque injustifié au patient, dans les dossiers nos 3, 4, 13, 14, 16, 32, 21, 26, 31, méconnaissant ainsi les dispositions de l’article 18 du code de déontologie médicale alors en vigueur, par exemple en délivrant deux ordonnances datées du même jour, comportant chacune un béta bloquant ;

4°) que le Dr T , dans vingt dossiers, (nos 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 12, 17, 20, 23, 25, 26, 27, 28, 29, 33, 39), n’a pas limité les soins à ce qui est nécessaire au sens de l’article 9 du code de déontologie médicale alors en vigueur et au sens de l’article L 162-4 du code de la sécurité sociale, notamment en multipliant les CS avec E.C.G. sans justification véritable ;

5°) que le Dr T , qui est qualifié spécialiste en cardiologie a poursuivi des soins qui étaient de la compétence de l’omnipraticien qui lui avait confié le malade pour avis, méconnaissant ainsi les dispositions de l’article 58 du code de déontologie médicale, alors en vigueur dans les sept dossiers nos 6, 7, 8, 17, 18, 23, 34 ; que cette violation du devoir de confraternité est d’ailleurs à l’origine délibéré de l’abus d’actes ;

6°) que le Dr T n’a pas respecté, au moins à neuf reprises (dossiers n°s 4, 5, 11, 14, 18, 22, 29, 33, 34), les dispositions de la nomenclature générale des actes professionnels relatives à la cotation d’un échodoppler veineux (K20 + 10/2 et non au delà) ou, dans deux cas, d’un échodoppler artériel (K15 et non au delà) ;

7°) que le Dr T a méconnu les dispositions de l’article 24 du code de déontologie alors en vigueur en exécutant des actes de nature à procurer au patient un avantage matériel injustifié, dans les huit dossiers n°s 2, 10, 15, 19, 20, 22, 28, 30, dans lesquels il s’est fait honorer d’un acte hors nomenclature (holter TA) en facturant plusieurs « CS » successives aux dates de pose, de dépose de l’appareil, voie à la remise des résultats ;

8°) que le Dr T a méconnu dans trois cas (dossiers n°s 3, 4, 20) les dispositions de l’article 37 du code de déontologie alors en vigueur selon lesquelles le médecin doit, en toutes circonstances, éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique ; qu’ainsi, par exemple, il a délivré deux ordonnances, à un même patient, datées du même jour, renouvelables pour deux mois, comportant toutes deux un béta bloquant, sans aucune indication écrite sur la conduite du traitement (dossier n° 3) ;

Considérant que les faits énoncés à l’appui de chacun des huit griefs sont établis, la demande d’expertise ne pouvant qu’être inutile et frustratoire ; qu’ils constituent des fautes au sens de l’article L 145-1 du code de la sécurité sociale susceptibles de justifier l’application de l’une des sanctions énumérées à l’article L 145-2 du même code ; que ces fautes sont, à raison de leur gravité et de leur répétition, contraires à l’honneur professionnel et à la probité, et ne sauraient donc bénéficier de l’amnistie édictée à l’article 14 de la loi du 3 août 1995 ;

Sur la sanction :

Considérant que dans les circonstances de l’affaire, il convient de prononcer à l’encontre du Dr T la sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de trois mois ;

Sur les frais :

Considérant que les frais de l’instance doivent être mis à la charge du Dr T;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : La décision de la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins d’Auvergne, en date du 26 mars 1998, est annulée.

Article 2 : La sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de trois mois est prononcée à l’encontre du Dr T .

Article 3 : L’exécution de cette sanction prendra effet le 1er novembre 2001 et cessera de porter effet le 31 janvier 2001 à minuit.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du Dr T est rejeté.

Article 5 : Les frais de la présente instance s’élevant à 187,74 Euros (1 231,50 Francs) seront supportés par le Dr T et devront être versés dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au Dr Guy T , au médecin-conseil chef de service de l’échelon local du Puy-en-Velay, à la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins d’Auvergne, au conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Haute-Loire, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales d’Auvergne, au chef du service régional de l’inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agricoles d’Auvergne, au ministre chargé de la sécurité sociale et au ministre chargé de l’agriculture.

Délibéré à l’issue de l’audience du 17 mai 2001, où siégeaient M. ALLUIN, Conseiller d’Etat honoraire, président ; M. le Dr COLSON et M. le Dr NATTAF, membres titulaires, nommés par le Conseil national de l’Ordre des médecins ; M. le Dr DUCLOS et Mme le Dr GUERY, membres suppléants, nommés par le ministre chargé de la sécurité sociale.

Lu en séance publique le 12 juillet 2001 LE CONSEILLER D’ETAT HONORAIRE PRESIDENT DE LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS

G. ALLUIN
LE SECRETAIRE DE LA
SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
M-A. PEIFFER

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