Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 7 août 2009, n° 10178

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Résumé de la juridiction

A remis au fils d’un patient, qu’il avait examiné 4 jours auparavant, un certificat médical, en vue d’une hospitalisation à la demande d’un tiers, rédigé en ces termes: «Je soussigné, (…), certifie avoir examiné ce jour M. B (…), et avoir constaté des troubles hallucinatoires majeurs et menaces de mort à l’encontre de ses enfants. En conséquence, ces troubles rendent impossible son consentement, imposent des soins immédiats assortis d’une surveillance. Il doit donc être hospitalisé sur demande d’un tiers (…)». Certificat qui indique de façon erronée que le praticien a examiné le patient «ce jour» et alors qu’un tel certificat, étant donné son importance, doit être établi à l’issue immédiate de l’examen de l’intéressé.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 7 août 2009, n° 10178
Numéro(s) : 10178
Dispositif : Blâme

Sur les parties

Texte intégral

N° 10178 _______________________________________ M. Robert B c/Dr Roch F _______________________________________
Audience du 28 mai 2009
Décision rendue publique par affichage le 7 août 2009
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins les 8 et 9 décembre 2008, la requête présentée pour M. Robert B ; M. B demande à la chambre d’annuler la décision n°4204, en date du 7 novembre 2008, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse a rejeté sa plainte, transmise par le conseil départemental des Bouches-du-Rhône, formée à l’encontre du Dr Roch F, qualifié en médecine générale ;
M. B soutient que le courrier adressé au conseil départemental des Bouches-du-Rhône le 14 mai 2007 constituait bien une plainte dirigée contre le Dr F ; que l’emploi du terme « plainte » n’est pas impératif ; que son absence à la réunion de conciliation est sans influence sur l’existence de la plainte ; que c’est à tort que sa plainte a été déclarée irrecevable par les premiers juges ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 16 février 2009, le mémoire présenté pour le Dr F et tendant au rejet de la requête ;

Le Dr F soutient que la déclaration d’appel ne contient aucun moyen et n’est accompagnée d’aucun mémoire ; que l’appel est donc irrecevable ; que la lettre du 14 mai 2007 ne peut être regardée comme une plainte, se bornant à transmettre pour information une plainte pénale ; qu’il est devenu le médecin traitant de M. B en septembre 2006 et l’a suivi régulièrement ; qu’à partir du 10 octobre 2006, le patient a été en proie à des hallucinations et a développé une agressivité certaine ; que les incidents se sont multipliés qui l’ont conduit à rédiger le certificat litigieux du 17 novembre 2006 ; que M. B a été hospitalisé sur demande d’un tiers, conformément à la procédure prévue à l’article L. 3212-1 du code de la santé publique ; qu’il a rédigé un certificat médical d’hospitalisation à la demande d’un tiers d’un patient dont il connaissait la particulière dangerosité et qu’il avait suivi jour par jour depuis plus de deux mois ; qu’il n’a pas manqué à ses obligations déontologiques ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 24 mars 2009, le mémoire en réplique présenté pour M. B et tendant aux mêmes fin que la requête et par les mêmes moyens ;
M. B soutient, en outre, qu’il a bien envoyé le 4 décembre 2008 une requête d’appel motivée ; que son courrier du 14 mai 2007 constituait bien une plainte ; que le Dr F ne l’a pas examiné le 17 novembre 2006 ; qu’il n’a jamais tenu de prétendues menaces de mort à l’égard de ses enfants ; que l’hospitalisation n’était pas justifiée puisque le juge des libertés y a mis fin ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment son article L. 3212-1 et le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 mai 2009 :

 – Le rapport du Dr Léon ;

 – Les observations de Me Ragetly pour M. B et celui-ci en ses explications ;

 – Les observations de Me Kujawa pour le Dr F ;

Le Dr F ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE,
Sur la recevabilité de l’appel formé par M. B :

Considérant que, par décision, en date du 7 novembre 2008, la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse a rejeté comme irrecevable la plainte formée par M. B contre le Dr F, médecin généraliste à Bouc-Bel-Air (Bouches-du-Rhône), au motif que la lettre adressée par M. B au président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, le 14 mai 2007, ne constituait pas une plainte ; qu’a été enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale le 8 décembre 2008 une déclaration d’appel formée le 4 décembre 2008 par Me Ragetly pour le compte de M. B à l’encontre de cette décision ; que cette déclaration d’appel, à laquelle était jointe la décision attaquée, n’était pas motivée ; que toutefois, le lendemain 9 décembre 2008, était enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale, à titre d’envoi complémentaire, une requête d’appel toujours présentée par Me Ragetly ; que cette requête d’appel était dûment motivée mais uniquement sur le point de la recevabilité de la plainte de M. B ; que, sur le fond, Me Ragetly s’en remettait à ses productions de première instance dont elle fournissait copie ; que, le fond de son argumentation n’ayant pas été examiné par les premiers juges qui ont rejeté sa plainte pour une raison de procédure, il ne saurait être exigé de M. B de fournir en appel sur le fond des moyens nouveaux par rapport à ceux exposés par lui en première instance ; qu’il résulte de tout ce qui précède que M. B doit être regardé comme ayant présenté dans les délais un appel motivé ; que cet appel doit être déclaré recevable ;

Sur la régularité de la procédure suivie devant la chambre disciplinaire nationale :

Considérant que Me Kujawa, avocat du Dr F, allègue n’avoir jamais eu connaissance d’un appel motivé de M. B ;

Considérant, d’une part, qu’il résulte des pièces du dossier que l’appel de M. B et les pièces l’accompagnant ont été communiqués au Dr F qui en a accusé réception le 16 décembre 2008 et à Me MORAINE, avocat du Dr F, qui en a accusé réception le 4 février 2009 ;

Considérant, d’autre part, que, pour les raisons indiquées ci-dessus, la requête d’appel enregistrée le 9 décembre 2008 de M. B doit être regardée comme régulièrement motivée ;

Considérant que le moyen tiré par le défendeur de la violation du principe du contradictoire dans la présente procédure d’appel doit en conséquence être rejeté ;

Sur la recevabilité de la plainte formée par M. B contre le Dr F :

Considérant que, par lettre recommandée avec accusé de réception, en date du 14 mai 2007, M. B a adressé la lettre suivante au président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône : « Monsieur le Président, Je vous adresse sous ce pli copie pour information de la plainte contre X dont je saisis Monsieur le Procureur de la République du T.G.I. d’Aix-en-Provence. Indépendamment de la qualification pénale que peuvent recouvrer les agissements dénoncés ceux-ci, s’ils se révèlent avérés, me sembleraient indignes des valeurs que votre Ordre a toujours semblé défendre et particulièrement peu compatibles avec les obligations professionnelles auxquelles tout médecin est tenu. Je vous saurais gré, Monsieur le Président, de bien vouloir me tenir informé des suites que vous entendrez réserver à la présente… » ;

Considérant que, si ladite lettre ne fait pas effectivement usage du mot « plainte », son contenu apparaît aux yeux de la chambre disciplinaire sans équivoque et manifestant la volonté de M. B de soumettre au conseil départemental les griefs qu’il formulait à l’encontre du Dr F, contenus dans sa plainte pénale jointe, et l’indication également claire qu’il attendait la suite que le conseil départemental donnerait à sa démarche ; que ladite lettre doit, par suite, être regardée comme constituant bien une plainte ayant valablement saisi le conseil départemental ; que, d’ailleurs, celui-ci l’a bien regardée comme telle et l’a transmise à la chambre disciplinaire de première instance ; qu’il convient en conséquence d’annuler la décision attaquée de cette dernière qui a rejeté cette plainte comme irrecevable ;

Considérant que l’affaire étant en l’état, il y a lieu de l’évoquer pour qu’il soit statué immédiatement sur la plainte formée par M. B à l’encontre du Dr F ;

Au fond :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique : « Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur demande d’un tiers que si : 1°) Ses troubles rendent impossible son consentement ; 2°) Son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier (…) La demande d’admission est accompagnée de deux certificats médicaux datant de moins de quinze jours et circonstanciés, attestant que les conditions prévues par les 2e et 3e alinéas sont remplies. Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade ; il constate l’état mental de la personne à soigner, indique les particularités de sa maladie et la nécessité de la faire hospitaliser sans son consentement (..). » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et des déclarations à l’audience du Dr F qu’il a examiné M. B le 13 novembre 2006 ; que, quatre jours plus tard, le 17 novembre 2006, il a remis au fils aîné de M. B et à la demande de celui-ci le certificat médical suivant en vue de l’hospitalisation à la demande d’un tiers de M. B : « Je soussigné, F Roch, docteur en médecine, domicilié (…), certifie avoir examiné ce jour M. B Robert né le 4 mai 1936, demeurant (…) retraité, et avoir constaté des troubles hallucinatoires majeurs et menaces de mort à l’encontre de ses enfants. En conséquence, ces troubles rendent impossible son consentement, imposent des soins immédiats assortis d’une surveillance. Il doit donc être hospitalisé sur demande d’un tiers selon les termes de l’article L. 333 du code de la santé publique (…) » ;

Considérant que ledit certificat, établi le 17 novembre 2006, indique de façon erronée que le Dr F a examiné « ce jour » M. B alors qu’il l’avait examiné en réalité quatre jours auparavant le 13 novembre ; qu’en tout état de cause, étant donné l’importance d’une hospitalisation à la demande d’un tiers, le certificat médical exigé par les dispositions de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique doit être établi à l’issue immédiate de l’examen de l’intéressé par le médecin et non quatre jours après, délai pendant lequel l’état du patient peut avoir considérablement évolué ;

Considérant que le Dr F doit ainsi être regardé comme ayant établi un certificat médical mensonger quant à la date de l’examen pratiqué et n’avoir pas respecté les dispositions de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique ; qu’à ce double titre, il encourt une sanction disciplinaire ; que la sanction du blâme apparaît appropriée en l’espèce ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre les dépens de la présente instance à la charge du Dr F et de décider que les dépens de première instance resteront à la charge du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : La décision, en date du 7 novembre 2008, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse a rejeté comme irrecevable la plainte formée par M. B contre le Dr F est annulée.

Article 2 : La peine du blâme est prononcée à l’égard du Dr F.

Article 3 : Les dépens de la présente instance s’élevant à 78,30 euros sont mis à la charge du Dr F et devront être réglés dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Les dépens de première instance resteront à la charge du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Dr Roch F, à M. Robert B, au conseil départemental des Bouches-du-Rhône, à la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse, au préfet des Bouches-du-Rhône (DDASS), au préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (DRASS), au directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation de Provence-Alpes-Côte d’Azur, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille, au conseil national de l’Ordre des médecins, au ministre chargé de la santé.

Ainsi fait et délibéré par : M. Chéramy, conseiller d’Etat honoraire, président ; MM. les Drs Cressard, Ducrohet, Léon, Munier, membres.

Le conseiller d’Etat honoraire, président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins

Bruno Chéramy
Le greffier en chef


Isabelle Levard

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Textes cités dans la décision

  1. Code de la santé publique
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Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 7 août 2009, n° 10178