Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 7 septembre 2010, n° 10472

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le plaignant, ancien chef du service d’ophtalmologie de la Fondation Rothschild, en conflit avec le personnel médical de ce service et la direction de l’établissement, licencié pour faute grave, poursuit un confrère pour détournement de clientèle en s’appuyant sur le cas de deux patients dont l’un n’a jamais été reçu en consultation par ce confrère. Le second patient opéré par le plaignant en 2003 dans le cadre du service public de la Fondation, et non dans celui de sa clientèle privée, est revenu consulter à la Fondation en 2006, averti que le praticien demandé n’exerçait plus à la Fondation, a été dirigée sur un confrère avec lequel il a accepté la consultation. Absence de détournement de clientèle.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 7 sept. 2010, n° 10472
Numéro(s) : 10472
Dispositif : Rejet Rejet requête - Rejet de la plainte

Sur les parties

Texte intégral

N° 10472
Dr Stéphane GANEM c/ Dr Jean-Luc FEBBRARO
Audience du 5 mai 2010
Décision rendue publique par affichage le 7 septembre 2010
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins le 29 mai 2009, la requête présentée par le Dr Stéphane G ; le Dr G demande à la chambre d’annuler la décision n° C.2008-1906, en date du 29 avril 2009, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France a rejeté sa plainte portée à l’encontre du Dr Jean-Luc F, qualifié spécialiste en ophtalmologie, transmise par le conseil départemental de la Ville de Paris ;

Le Dr G soutient qu’il était absent à l’audience de première instance du 24 mars 2009, étant hospitalisé ; que son défenseur était décédé en septembre 2008 ; qu’ainsi les droits de la défense n’ont pas été respectés ; que le Dr F a fait à son égard des déclarations mensongères et des procès d’intention inacceptables ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 31 juillet 2009, le mémoire complémentaire présenté par le Dr G, tendant aux mêmes fins que sa requête selon les mêmes moyens ;

Le Dr G, soutient, en outre, que le Dr F ne fait état d’aucun élément pour démontrer la véracité des propos qu’il a tenus dans sa lettre au directeur du 27 juillet 2006 ; qu’il a fait l’objet d’une manœuvre du directeur avec la complicité de quelques médecins de la Fondation Rothschild pour permettre son licenciement ; que la direction a fait pression sur les médecins pour obtenir leur témoignage ; qu’il y a eu détournement de clientèle, le Dr F ayant opéré Mme Jeanne Bo… et Mme Aurore Br… qui devaient l’être par le Dr G ; qu’en ne demandant pas la réunion d’une commission de conciliation, le Dr F n’a pas respecté le règlement intérieur de la Fondation ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 13 novembre 2009, le mémoire présenté pour le Dr F, tendant au rejet de la requête et à la condamnation du Dr G à lui verser 2500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Le Dr F soutient que le Dr G ne justifie pas de son hospitalisation le jour où s’est tenue l’audience de première instance ; que le Dr G a disposé de près de six mois pour se trouver un autre conseil après le décès de son père ; qu’étant salarié de la Fondation, il pouvait émettre des critiques contre le Dr G, non pas en tant que confrère mais en tant que chef de service ; qu’il n’y a pas eu de coup monté contre le Dr G ; que Mme Bo… n’a jamais consulté le Dr G à la Fondation avant d’être opérée par le Dr F ; qu’elle a été opérée dans le cadre du service public de l’hôpital Rothschild ; qu’il n’y a donc pu y avoir de détournement de clientèle ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 23 décembre 2009, le mémoire en réplique présenté par le Dr G, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures selon les mêmes moyens et à la condamnation du Dr F à une indemnité fixée par le juge en réparation de son préjudice moral et professionnel ;

Le Dr G soutient, en outre, que, dans sa lettre au directeur de la Fondation du 27 juillet 2006, le Dr F ne s’est pas livré à des critiques de son chef de service mais à des propos injurieux et diffamatoires envers un confrère ; qu’il n’apporte pas la preuve des harcèlements allégués ; qu’il établit par la production d’attestations que des pressions étaient exercées par la direction sur des médecins pour leur arracher des témoignages contre lui ; qu’il fournit à son tour de nombreuses attestations de médecins en sa faveur ; que, sur les détournements de clientèle, le Dr F a déclaré à Mmes Bo… et Br… qu’il ne connaissait pas le Dr G alors qu’il avait été son chef de service pendant dix ans ; que sur les détournements de clientèle, les patients qui devaient être opérés en septembre, octobre et novembre 2006 par le Dr G ont été opérés par d’autres médecins de la Fondation ; que le Dr F a continué à utiliser pendant un an après son départ la notoriété du Dr G à son profit en maintenant son nom sur les panneaux de l’hôpital ou les ordonnanciers ; que le Dr F n’a porté aucune plainte devant la commission médicale d’établissement ni devant l’Ordre ; que sa complicité avec l’administration est flagrante ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 12 mars 2010, le mémoire complémentaire en défense présenté pour le Dr F, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures selon les mêmes moyens ;

Le Dr F soutient, en outre, qu’il n’est pas responsable des panneaux d’information installés à l’intérieur de la Fondation ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l’arrêt de la chambre sociale de la cour d’appel de Paris, en date du 4 février 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Vu l’article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 5 mai 2010 :

 – le rapport du Dr Kennel ;

 – les observations du Dr G ;

 – les observations de Me Holleaux pour le Dr F et celui-ci en ses explications ;

Le Dr F ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE,
Sur la régularité de la procédure suivie en première instance :

Considérant, d’une part, que la circonstance que le Dr G ait été hospitalisé au moment où s’est tenue l’audience de première instance qui s’est donc déroulée en son absence n’est pas de nature à entacher celle-ci d’irrégularité ; qu’il était loisible au Dr G de se faire représenter, possibilité à laquelle il n’a pas recouru tout en prévenant les juges de son absence ;

Considérant, d’autre part, que le Dr G expose qu’il ne comptait pas, de toute manière, recourir en première instance aux services d’un avocat mais faire assurer sa défense par son père, le Pr Jean G, qui fut son prédécesseur en tant que chef du service d’ophtalmologie de la Fondation Rothschild mais que celui-ci est décédé entre temps, environ six mois avant la tenue de l’audience de première instance ; qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, le Dr G avait tout loisir de recourir aux services d’un autre assistant ; qu’il a choisi délibérément de ne rien en faire ;

Considérant enfin que la circonstance que la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France ait statué sur la plainte du Dr G après l’expiration du délai prévu à l’article L. 4124-1 du code de la santé publique est sans influence sur la régularité de sa décision ;

Au fond :

Considérant qu’un conflit existait depuis plusieurs années entre le Dr G, d’une part, chef du service d’ophtalmologie de la Fondation Rothschild et, d’autre part, le personnel médical de ce service et la direction de l’établissement ; que ce conflit a abouti au licenciement pour faute grave du Dr G par le directeur de l’établissement le 6 octobre 2006 ; que, par arrêt du 4 février 2010, la chambre sociale de la cour d’appel de Paris a déclaré ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, notamment pour absence de saisine préalable du conseil de discipline, et accordé au Dr G les indemnités auxquelles il avait droit ;

Sur le grief tiré du manquement à la confraternité :

Considérant que le Dr G reproche au Dr F, qui était son chef de service adjoint au service d’ophtalmologie de la Fondation Rothschild, d’avoir manqué à la confraternité à son égard en tenant à son encontre des propos malveillants et diffamatoires dans une lettre adressée par lui le 27 juillet 2006 au directeur de la Fondation ;

Considérant que cette lettre était ainsi rédigée : « Monsieur le Directeur Général, / Je fais suite à nos différents entretiens et comme nous en avons convenu lors de notre dernière conversation, je vous adresse le présent courrier. / Je vous confirme donc que je sollicite ma mutation au sein d’un autre service d’ophtalmologie de la Fondation, compte tenu de l’ambiance délétère qui règne au sein du service du docteur Stéphane G depuis plusieurs mois. / Ma demande de mutation est due notamment, comme vous en avez été informé, à une attitude de dénigrement à mon encontre auprès de confrères, tant à l’extérieur de notre institution qu’en interne. / J’ai été extrêmement choqué par un tel comportement surtout que ce dénigrement a eu lieu juste avant une intervention que je devais assurer lors du symposium organisé par le laboratoire B L le 9 Juin 2006. / Il me semblait pourtant que les principes de confraternité, ou à tout le moins de respect, devaient prévaloir dans notre profession. / Vous comprendrez aisément que dans ces conditions, je ne peux continuer à travailler sereinement dans un contexte qui se dégrade de jour en jour. / Enfin je vous renouvelle toute ma considération et mon souhait de poursuivre mon activité au sein de votre structure (…) » ;

Considérant que cette lettre s’inscrit dans le contexte d’un conflit du travail entre un médecin et son supérieur hiérarchique ; que, par cette lettre, le médecin fait part à l’autorité compétente, en l’occurrence la direction de la Fondation, de l’existence et de la nature de ce conflit et lui fait part de sa demande de mutation ; qu’elle est rédigée en termes mesurés ; qu’on ne saurait empêcher un médecin salarié d’un établissement hospitalier de saisir l’autorité compétente des conflits qui l’opposent à son supérieur hiérarchique dans le cadre du fonctionnement du service et sans avoir à demander obligatoirement au préalable la réunion d’une commission de conciliation ; que lesdits propos ne sauraient donc être regardés comme constituant un manquement à la confraternité au sens de l’article R. 4127-56 du code de la santé publique ;

Sur le grief tiré du détournement de clientèle :

Considérant qu’à l’appui de sa plainte initiale, le Dr G accuse le Dr F de détournement de clientèle en s’appuyant sur le cas de deux patients : Mme Bo… et Mme Br… ; qu’ainsi que l’ont estimé à bon droit les premiers juges, il résulte des pièces du dossier que le Dr F n’a jamais reçu en consultation Mme Bo… et ne saurait donc être accusé de détournement de clientèle à son sujet ; qu’en ce qui concerne Mme Br…, celle-ci a effectivement été opérée par le Dr G en 2003 et est revenue consulter à la Fondation en 2006 ; qu’averti que le Dr G n’exerçait plus à la Fondation et dirigée sur le Dr F, elle a accepté cette consultation ; qu’elle avait été prise en charge et opérée à l’origine dans le cadre du service public de la Fondation et non dans celui de la clientèle privée du Dr G ;

Considérant que, si le Dr G invoque, de façon plus générale, que plus de 100 patients qui devaient être opérés par lui l’ont été, après son licenciement, par le Dr F, cette circonstance ne saurait être regardée comme constituant de la part de ce dernier un détournement de clientèle à partir du moment où, suite au licenciement du Dr G, médecin salarié de cet établissement, et selon un planning qui n’était pas de la responsabilité de ce dernier, les malades inscrits à la Fondation pour être opérés par le Dr G qui ne pouvaient plus l’être par celui-ci en raison de son départ ont dû être reportés sur les autres médecins du service ; qu’il n’est pas établi que la circonstance que des panneaux indicateurs mentionnant son nom et donc susceptibles d’induire en erreur les visiteurs aient été maintenus en place plusieurs mois après son départ soit personnellement imputable au Dr F ; que le grief du détournement de clientèle doit ainsi être écarté ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le Dr G n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision par laquelle les premiers juges de la chambre disciplinaire du conseil régional d’Ile-de-France ont rejeté sa plainte dirigée contre le Dr F ;

Considérant qu’il convient, dans les circonstances de l’espèce, de condamner le Dr G à payer au Dr F une indemnité de 2000 euros à raison des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1 : L’appel du Dr G est rejeté.

Article 2 : Le Dr G paiera au Dr F une indemnité de 2000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Dr Stéphane G, au Dr Jean-Luc F, au conseil départemental de la Ville de Paris, à la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, au préfet de Paris, au directeur général de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, au conseil national de l’Ordre des médecins, au ministre chargé de la santé.

Ainsi fait et délibéré par : M. Chéramy, conseiller d’Etat honoraire, président ; M. le Pr Zattara, MM. les Drs Blanc, Kennel, Marchi, membres.

Le conseiller d’Etat honoraire, président de la chambre disciplinaire nationale

Bruno Chéramy
Le greffier en chef


Isabelle Levard

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