Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 16 juillet 2013, n° 1171

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Résumé de la juridiction

QPC portant sur le fait que l’article L. 4123-2 CSP, qui organise la procédure de conciliation, ne précise pas la confidentialité de celle-ci. Cette procédure de conciliation est une procédure administrative obligatoire et préalable à la saisine du juge disciplinaire. La réunion de conciliation n’est pas une séance publique et les médecins désignés comme conciliateurs sont soumis au secret professionnel. En ne rappelant pas dans l’article en cause ces principes, qui s’imposent d’eux-mêmes, le législateur ne les a pas méconnus. Par ailleurs, les conditions dans lesquelles cet article est appliqué dans un litige disciplinaire et les irrégularités qui entacheraient sa mise en oeuvre sont sans incidence sur sa conformité aux principes de valeur constitutionnelle.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 16 juill. 2013, n° 1171
Numéro(s) : 1171
Dispositif : Non lieu à transmettre la QPC au Conseil d'Etat

Sur les parties

Texte intégral

N° 11718/QPC _______________
Dr Daniel C _______________
Audience du 30 mai 2013
Décision rendue publique par affichage le 16 juillet 2013
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistré au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins le 20 mars 2013, le mémoire présenté pour le Dr Daniel C, qualifié spécialiste en psychiatrie, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel ; le Dr C, à l’appui de sa requête tendant à l’annulation de la décision C.2012-3027 / C.2011-3022, en date du 28 juin 2012, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France lui a infligé la peine d’un an d’interdiction d’exercer la médecine sur les plaintes de Mme Najette T… et du conseil départemental de l’ordre des médecins du Val-de-Marne, demande à la chambre disciplinaire nationale de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité à la Constitution des dispositions de l’article L. 4123-2 du code de la santé publique ;

Le Dr C soutient, en premier lieu, que le principe de confidentialité doit s’appliquer à la procédure de conciliation organisée par l’article L. 4123-2 du code de la santé publique et que, faute de le préciser explicitement, cet article méconnaît les droits de la défense et le droit à un procès équitable qui sont des principes de valeur constitutionnelle ; que les conditions posées pour la transmission de cette question de constitutionnalité au Conseil d’Etat sont remplies ; qu’en effet, c’est en se référant à des déclarations qu’aurait faites le Dr C lors de la procédure et de la réunion de conciliation que la chambre disciplinaire de première instance a décidé de juger qu’il avait reconnu sa responsabilité et de le condamner ; que cette question est, par ailleurs, nouvelle et sérieuse ; en second lieu, qu’en admettant que le législateur, en adoptant l’article L. 4123-2 précité, n’ait pas entendu écarter expressément l’application du principe de confidentialité en la matière, il a créé une ambiguïté qui est contraire à l’objectif de valeur constitutionnelle de lisibilité et d’intelligibilité de la loi ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 17 avril 2013, le mémoire présenté pour Mme T…, tendant au rejet de la demande du Dr C ;
Mme T… soutient que la question de constitutionnalité n’est pas recevable ; que les conditions nécessaires à la transmission de la question posée par le Dr C ne sont pas réunies ; que le litige opposant le Dr C à Mme T… ne concerne pas la procédure de conciliation mais des faits antérieurs à celle-ci ; que la confidentialité évoquée ne concerne pas la procédure de conciliation qui ne présente pas un caractère juridictionnel ni la réunion de conciliation qui n’est pas une audience ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 25 avril 2013, le nouveau mémoire pour le Dr C qui reprend les mêmes conclusions ;

Le Dr C soutient, en outre, qu’il n’est pas nécessaire que l’article de loi posant un problème de constitutionnalité soit le fondement de la plainte disciplinaire ; que le principe de confidentialité concerne la matière disciplinaire et qu’il y est fait référence dans de nombreux textes organisant des procédures de conciliation ; qu’en ne l’appliquant pas, on crée un risque de déséquilibre dans le déroulement de la procédure disciplinaire ; qu’en excluant son application ou, à défaut, en ne précisant pas explicitement qu’il devait s’appliquer, le législateur a méconnu des principes ou des objectifs de valeur constitutionnelle ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 27 mai 2013, soit après la clôture de l’instruction, le mémoire présenté par le conseil départemental du Val-de-Marne ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

Vu le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, notamment son article 2 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment son article L. 4123-2 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 mai 2013 :

 – Le rapport du Dr Munier ;

 – Les observations de Me Ovadia pour le Dr C et celui-ci en ses explications ;

 – Les observations de Me Galibert pour Mme T… ;

Le Dr C ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, 1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat … , le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution … peut être soulevé pour la première fois en cause d’appel … » ; qu’il résulte des dispositions de l’article 23-2 que la juridiction transmet la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 4123-2 du code de la santé publique issu de l’article 3 de la loi n° 2007-127 du 30 janvier 2007 : «Il est constitué auprès de chaque conseil départemental une commission de conciliation composée d’au moins trois de ses membres. La conciliation peut être réalisée par un ou plusieurs des membres de cette commission, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat. /Lorsqu’une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l’auteur, en informe le médecin (…) mis en cause et les convoque dans un délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte en vue d’une conciliation. En cas d’échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l’avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte, en s’y associant le cas échéant. /Lorsque le litige met en cause un de ses membres, le conseil départemental peut demander à un autre conseil de procéder à la conciliation./ En cas de carence du conseil départemental, l’auteur de la plainte peut demander au président du conseil national de saisir la chambre disciplinaire de première instance compétente. Le président du conseil national transmet la plainte dans le délai d’un mois. » ;

3. Considérant que le Dr C, psychiatre, a fait l’objet, en juillet 2011, d’une plainte de Mme T… qui avait été sa patiente ; que le conseil départemental du Val-de-Marne a organisé une procédure de conciliation qui a abouti à un échec, acté par un procès-verbal en date du 6 octobre 2011 ; que le conseil départemental a alors porté plainte contre le Dr C au motif, notamment, que ce dernier avait, au cours de la procédure de conciliation, reconnu les faits qui lui étaient reprochés ; que la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France a infligé au Dr C la peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant un an par une décision du 28 juin 2012 dont le Dr C fait appel ; qu’à l’occasion de cet appel, le Dr C soutient que l’article L. 4123-2 du code de la santé publique, qui organise la procédure de conciliation, en ne précisant pas la confidentialité de celle-ci, est contraire aux principes de valeur constitutionnelle des droits de la défense et du droit à un procès équitable et à l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et de lisibilité de la loi ;

4. Considérant, en premier lieu, que l’article L. 4123-2 du code de la santé publique précité organise une procédure de conciliation, qui est une procédure administrative obligatoire et préalable à la saisine du juge disciplinaire ; que la réunion de conciliation n’est pas une séance publique et que les médecins désignés comme conciliateurs sont soumis au secret professionnel ; qu’au même titre que le procès-verbal de non-conciliation ou de conciliation partielle, les documents utilisés ou produits au cours de la conciliation sont des pièces du dossier dont le juge disciplinaire peut d’ailleurs demander la communication ; que la véracité de ces pièces relève du contrôle du juge et que leur examen est soumis aux principes des droits de la défense et du droit à un procès équitable ; qu’en ne rappelant pas dans l’article L. 4123-2 précité ces principes, qui s’imposent d’eux-mêmes, le législateur ne les a pas méconnus ;

5. Considérant, en second lieu, que les conditions dans lesquelles l’article L. 4123-2 a été appliqué dans un litige disciplinaire et les irrégularités qui entacheraient sa mise en œuvre sont sans incidence sur la conformité de cet article aux principes de valeur constitutionnelle ci-dessus rappelés ; que, d’une façon plus générale, cette disposition législative n’a, en tant que telle, ni pour objet ni pour effet de porter atteinte aux droits de la défense et à un procès équitable ; que, par ailleurs, elle ne recèle pas d’ambiguïté telle que l’on puisse soutenir qu’elle méconnaît l’objectif de valeur constitutionnelle de lisibilité et d’intelligibilité de la loi ;

6. Considérant, qu’il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Dr C ne présente pas un caractère sérieux et qu’il n’y a pas lieu de la transmettre au Conseil d’Etat ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Dr C.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Dr Daniel C, à Mme Najette T…, au conseil départemental de l’ordre des médecins du Val-de-Marne, à la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, au ministre chargé de la santé.

Ainsi fait et délibéré par : M. Franc, président de section honoraire au Conseil d’Etat, président ; M. le Pr Zattara, MM. les Drs Chow-Chine, Marchi, Munier, Wolff, membres.

Le président de section honoraire au Conseil d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins

Michel Franc
Le greffier en chef


Isabelle Levard

La République mande et ordonne au ministre de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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