Conseil national de l'ordre des médecins, Section des assurances sociales, 13 février 2014, n° 5007

  • Absence·
  • Santé·
  • Prescription·
  • Ordre des médecins·
  • Assurances sociales·
  • Médicaments·
  • Assurance maladie·
  • Grief·
  • Maladie·
  • Service médical

Résumé de la juridiction

N’a pas réalisé le suivi biologique de patients bénéficiant de traitements connus pour leur thyréotoxicité ou de traitements à visée thyroïdienne. A exposé des patients à des risques particuliers en prescrivant des médicaments contre indiqués par le référentiel national des interactions médicamenteuse de l’AFSSAPS, notamment l’association de TAHOR et de KETE, la seule indication verbale donnée au patient de ne pas prendre ces médicaments de manière concomitante ne suffisant pas à légitimer la prescription, également l’association de VOGALENE LYOC et de DOSTINEX et de l’association de SPIRAMYCINE/METRONIDAZOLE. A prescrit de l’ARIXTRA (FONDAPARINUX sodique) en dehors des indications restreintes. de ce produit.

Chercher les extraits similaires

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CNOM, sect. des assurances soc., 13 févr. 2014, n° 5007
Numéro(s) : 5007
Dispositif : Interdiction temporaire de donner soins aux assurés sociaux Remboursement à la caisse Réformation

Sur les parties

Texte intégral

Dossier n° 5007 Dr Michel M Séance du 11 décembre 2013 Lecture du 13 février 2014
LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrés au secrétariat de la section des assurances sociales du Conseil national de l’Ordre des médecins le 9 novembre 2012, la requête et le mémoire présentés pour le Dr Michel M, qualifié spécialiste en médecine générale, tendant à ce que la section annule une décision, en date du 11 octobre 2012, par laquelle la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins du Centre, statuant sur la plainte de la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir, dont le siège est 11, rue du Docteur André Haye, 28034 CHARTRES CEDEX, et du médecin-conseil chef de service de l’échelon local d’Eure-et-Loir, dont l’adresse postale est B.P. 87, 28002 CHARTRES CEDEX, a prononcé à son encontre la sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant un an avec remboursement à la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir de la somme de 3811,23 euros, il soutient que :

 – les premiers juges ont commis une erreur de droit en décidant que la procédure devant les services du contrôle médical ne relevait pas de l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme ;

 – la procédure de contrôle est irrégulière en ce qu’elle a méconnu les dispositions de l’article R 315-1-1 du code de la sécurité sociale qui impose au médecin-conseil d’informer préalablement le praticien poursuivi de l’identité des patients convoqués par le service dans le cadre de l’analyse d’activité ;

 – les griefs ne lui ont pas été notifiés conformément aux articles R 315-1-2 et D 315-2 préalablement à l’instance contentieuse ;

 – le droit à l’assistance d’un avocat n’a pas été respecté à cette occasion ;

 – le grief de mauvaise qualité des soins se fonde sur l’examen statistique de son activité au cours de deux journées parfaitement atypiques car correspondant à des retours de congés marqués par un afflux considérable de patients ;

 – les majorations pour nourrissons et pour jeunes enfants sont justifiées ainsi qu’en témoignent les carnets de santé toujours remplis sauf dans les cas où ceux-ci ne sont pas présentés par les parents ;

 – les prescriptions d’Arixtra® l’ont été dans le cadre de sa liberté thérapeutique et ont été faites conformément aux données actuelles de la science dans des cas de suspicion d’affection grave avec risque réel d’embolie pulmonaire ;

 – ses prescriptions s’accompagnent toujours des examens de contrôle nécessaires qui peuvent n’être pas réalisés par les patients ;

 – la sanction a un caractère disproportionné ;

Vu la décision attaquée ;

Vu enregistré le 13 décembre 2012, le mémoire du médecin-conseil chef de service de l’échelon local d’Eure-et-Loir qui conclut au rejet de l’appel du Dr M par les motifs que :

 – l’activité du Dr M est telle qu’il ne peut consacrer un temps suffisant à chaque patient et réaliser des actes décrits par la nomenclature générale des actes professionnels qui comportent un interrogatoire du patient et un examen clinique ;

 – les majorations MNO et MGE ne respectent pas la nomenclature générale des actes professionnels et sont systématiquement appliquées même en l’absence d’examen complet et de mise à jour du carnet de santé ;

 – la méconnaissance des règles d’établissement des ordonnances bizones est de nature à faire bénéficier les patients d’avantages injustifiés ;

 – il en va de même de la poursuite d’un arrêt de travail en risque maladie pour lequel le médecin-conseil avait émis un avis défavorable ;

 – l’absence de tenue d’une fiche d’observation médicale personnelle au médecin nuit à la qualité des soins ;

 – le dossier fait apparaître un grand nombre de non respect des règles relatives à la prescription médicale ;

 – la prescription de médicaments contre indiqués de manière absolue est contraire aux données acquises de la science ;

 – il en est de même de l’absence de suivi biologique chez des patients à haut risque de dysthyroïdie ;

 – le non respect des mises à jour des carnets de santé, la non réalisation de fiches personnelles d’observation des patients et la méconnaissance des règles de prescription ne permettent pas d’assurer la continuité des soins ;

 – le nombre important des doubles facturations montre le caractère intentionnel de cette pratique ;

Vu le mémoire enregistré le 14 décembre 2012 présenté par la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir qui conclut au rejet de l’appel du Dr M, et sollicite le remboursement des majorations MGE et MNO facturées à tort, des doubles facturations et du montant correspondant au non respect des règles de prescription de l’ordonnancier bizone ;

par les motifs que :

 – le service médical n’était pas tenu de communiquer au praticien poursuivi l’identité des patients examinés dès lors que l’analyse avait pour but de démontrer l’existence d’une fraude ;

 – la procédure a été régulière, les informations prévues par le code de la sécurité sociale ayant été délivrées au Dr M ;

Vu le mémoire enregistré le 19 mars 2013 présenté pour le Dr M et tendant aux mêmes fins que son appel ;

Il soutient en outre que :

 – le refus du service médical de lui adresser des documents qu’il réclamait pour préparer son entretien méconnaît le principe du contradictoire ;

 – il n’a pas été informé préalablement à cet entretien de la possibilité de se faire assister ;

 – les griefs ne lui ont pas été communiqués préalablement conformément à l’article R 315-1-2 du code de la sécurité sociale ;

 – c’est à tort que les premiers juges ont décidé que l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’était pas applicable à la procédure préalable à la plainte ;

 – cette procédure a en outre été menée en violation de la charte du contrôle de l’activité des professionnels de santé par l’assurance maladie et notamment de son article 4.1 qui prévoit qu’elle est menée contradictoirement ;

 – de nombreux constats d’anomalies n’ont pas été signés par le praticien conseil ;

 – les agents de contrôle ont manqué au devoir de confraternité en tentant de dissuader certains des patients rencontrés de continuer à consulter le Dr M ;

 – les carnets de santé ont été photocopiés par le personnel administratif non médecin du service médical violant ainsi le secret médical ;

 – les journées retenues pour relever l’hyperactivité du Dr M correspondent pour l’une à la veille d’un départ en vacances et pour l’autre à un retour de congé, elles n’ont donc pas de caractère significatif ;

 – il n’est pas démontré que ces journées aient favorisé des manquements aux règles de l’art ;

 – les contre-indications liées à l’association de certaines prescriptions qui lui sont reprochées n’ont pas de caractère absolu et pouvaient être écartées compte tenu des pathologies présentées par les patients ;

 – les prescriptions d’Arixtra® se justifiaient par les pathologies graves présentées par les patients ;

 – les photos prises à son cabinet démontrent la tenue des dossiers médicaux des patients ;

 – il ne saurait lui être reproché le défaut de mise à jour des carnets de santé des nourrissons et jeunes enfants lorsque ce sont les parents qui ne présentent pas ce document ;

 – les constats d’anomalie concernant les ordonnanciers bizones ne sont pas signés par le médecin conseil ;

 – il conteste pour chacun des dossiers que les prescriptions reprochées ne soient pas en relation avec l’affection longue durée ;

 – les doubles facturations de consultations ou de visites le même jour qui lui sont reprochées pour 80 patients correspondent à des actes effectifs justifiés par l’aggravation de l’état médical du patient au cours d’une même journée et dans quelques cas par des erreurs du service médical ;

Vu enregistrés les 22 avril et 5 juillet 2013, les mémoires du médecin-conseil chef de service de l’échelon local d’Eure-et-Loir qui tendent aux mêmes fins que son précédent mémoire et en outre expose que :

 – le Dr M a été destinataire lors de la procédure de contrôle d’une fiche individuelle pour chaque patient et d’une liste de concordance ;

 – aucune réglementation ne fait état de l’obligation de signer les fiches de constat d’anomalies individuelles ;

 – les agents du service médical ont pu faire la photocopie de documents à la demande du médecin-conseil ;

Vu le mémoire enregistré le 23 avril 2013, présenté par la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir qui tend aux mêmes fins que son précédent mémoire et réitère sa demande de remboursement ;

Vu les mémoires enregistrés les 6 juin et 1er août 2013 pour le Dr M qui tendent aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens et en outre précisent que le Dr M n’a eu connaissance d’un tableau de concordance qu’après l’entretien contradictoire ;

Vu les lettres en date du 11 octobre 2013, par lesquelles le secrétariat de la section des assurances sociales du Conseil national a avisé les parties que la décision qui doit intervenir sur le recours du Dr M est susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office et lui précise la nature du moyen tiré du fait que la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir a demandé le remboursement de majorations dans un appel incident  ;

Vu le mémoire enregistré le 15 octobre 2013 pour le Dr M qui tend aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens et en outre demande que l’appel incident de la caisse primaire soit déclaré irrecevable ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment ses articles R 4127-1 et suivants ;

Vu le code de la sécurité sociale, notamment ses articles L 145-1 à L 145-9 et R 145-4 à R 145-68 ;

Vu les dispositions du décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié, relatif au fonctionnement des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins maintenues en vigueur par les dispositions de l’article 8 du décret n° 2013-547 du 26 juin 2013 ;

Vu la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux fixée par l’arrêté du 27 mars 1972 modifié ;

Après avoir entendu en séance publique :

 – Le Dr AHR en la lecture de son rapport ;

 – Me KAMKAR, avocat, en ses observations pour le Dr M et le Dr Michel M en ses explications orales ;

 – Mme le Dr TILLIER-MARCHAL, médecin-conseil, en ses observations pour le médecin-conseil chef de service de l’échelon local d’Eure-et-Loir ;

 – Mme GILLARD, représentant la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir, en ses observations ;

Le Dr M ayant eu la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, Sur la procédure préalable au dépôt de la plainte :

Sur les moyens relatifs à la méconnaissance des droits de la défense pendant le contrôle d’activité et à la régularité de la décision de première instance 1.Considérant qu’aux termes du premier alinéa du IV de l’article L 315-1 du code de la sécurité sociale, issu de la loi du 13 août 2004 et relatif à l’analyse de l’activité des professionnels de santé : « (…) La procédure d’analyse de l’activité se déroule dans le respect des droits de la défense selon des conditions définies par décret » ; qu’en application de ces dispositions, le décret du 1er février 2007 a précisé les modalités de l’entretien prévu à l’article R 315-1-2 de ce code et les suites attachées à cette procédure, par des dispositions insérées aux D 315-1 à D 315-3 ; qu’aux termes de l’article D 315-2 : « Préalablement à l’entretien prévu à l’article R 315-1-2, le service du contrôle médical communique au professionnel de santé contrôlé l’ensemble des éléments nécessaires à la préparation de cet entretien, comportant notamment la liste des faits reprochés au professionnel et l’identité des patients concernés. / Cet entretien fait l’objet d’un compte-rendu qui est adressé, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au professionnel de santé dans un délai de quinze jours. A compter de sa réception, le professionnel de santé dispose d’un délai de quinze jours pour renvoyer ce compte-rendu signé, accompagné d’éventuelles réserves. A défaut, il est réputé approuvé. » ; qu’aux termes de l’article D 315-3 : « A l’expiration des délais prévus au second alinéa de l’article D 315-2 ou, à défaut, à l’expiration du délai d’un mois mentionné à l’article R 315-1-2, la caisse informe dans un délai de trois mois le professionnel de santé des suites qu’elle envisage de donner aux griefs initialement notifiés. A défaut, la caisse est réputée avoir renoncé à poursuivre le professionnel de santé contrôlé. » ;

2. Considérant que les dispositions par lesquelles le législateur a prévu que la procédure d’analyse de l’activité se déroule dans le respect des droits de la défense n’ont pas eu pour effet de faire de ce respect lors de la procédure de contrôle médical, telle que définie aux articles R 315-1-1 et R 315-1-2 du code de la sécurité sociale et précisée, en ce qui concerne les modalités d’organisation de l’entretien, par les dispositions des articles D 315-1 et D 315-2, une condition de recevabilité de la plainte devant les juridictions chargées du contentieux du contrôle technique, dès lors que le respect des droits de la défense est, alors, assuré par l’application des règles de la procédure juridictionnelle ; qu’ainsi l’invocation des circonstances selon lesquelles le service médical ne l’aurait pas informé, avant l’entretien prévu à l’article R 315-1-2, qu’il envisageait d’entendre certains de ses patients concernés par les griefs et le détail de ces griefs, ne l’aurait pas informé du droit d’être assisté pour cet entretien ou que le praticien conseil n’aurait pas signé l’ensemble des pièces du dossier est inopérante ; qu’il en est de même, des circonstances, d’ailleurs non établies, selon lesquelles les patients examinés par le service médical n’auraient pas été informés de la nature de leurs droits, que les médecins-conseils auraient par leurs propos devant ces patients manqué à leur devoir de confraternité ou que des pièces médicales auraient été photocopiées au sein du service médical par des personnels non habilités au secret ;
3. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que les conditions dans lesquelles s’est déroulé le contrôle des actes du Dr M avant le dépôt de la plainte étaient sans influence sur la recevabilité de la plainte du médecin-conseil, les juges de première instance n’ont pas entaché leur décision d’irrégularité ; qu’ils n’ont pas non plus méconnu les stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui ne sont pas applicables à la procédure antérieure à la plainte ;
4. Considérant enfin que les stipulations de la charte du contrôle de l’activité des professionnels de santé par lesquelles l’Assurance maladie définit à l’intention des médecins-conseils les règles déontologiques et procédurales applicables aux analyses d’activité n’ont pas de valeur réglementaire et ne sauraient en tout état de cause être invoquées par le Dr M à l’appui de conclusions tendant à la nullité de la procédure de contrôle ;

Sur les conclusions incidentes de la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir :

5. Considérant que dans ses mémoires des 14 décembre 2012 et 23 avril 2013, la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir a présenté des conclusions incidentes ; que de telles conclusions ne sont pas recevables devant la juridiction ordinale ; qu’elles doivent, par suite, être rejetées ;

Sur les griefs 6. Considérant que les griefs soumis à la section des assurances sociales se rapportent à des prescriptions effectuées ou à des actes réalisés par le Dr M, entre le 4 janvier 2009 et le 31 décembre 2010 et présentés dans des plaintes qui répondent aux conditions de recevabilité du code de la sécurité sociale ;

Sur les griefs tirés de la méconnaissance de dispositions réglementaires s’imposant aux médecins :

7. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R 4127-32 du code de la santé publique : « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents » ; que l’article R 4127-33 du même code dispose que : « Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s’il y a lieu, de concours appropriés » ; que selon l’article 15 des dispositions générales de la nomenclature générale des actes des professionnels (NGAP) : «  La consultation ou la visite comporte généralement un interrogatoire du malade, un examen clinique et, s’il y a lieu, une prescription thérapeutique. Sont considérés comme inclus dans la consultation ou dans la visite les moyens de diagnostic en usage dans la pratique courante (tels que prise de tension artérielle, examen au spéculum, toucher vaginal ou rectal, etc.), ainsi que les petits actes techniques motivés par celle-ci (injections sous-cutanée, intradermique, intramusculaire, petit pansement, etc.) » ;

8. Considérant qu’à l’appui d’une critique plus large concernant « l’hyperactivité » du Dr M telle qu’elle ressort des relevés individuels d’activité (RIA) pour la période du contrôle, le médecin-conseil plaignant fait valoir que l’exécution au cours des seules journées du 5 janvier 2009 et du 4 juin 2010, respectivement de 126 actes dont 91 consultations et 35 visites et de 104 actes dont 77 consultations et 27 visites, traduirait une méconnaissance des dispositions précitées qui imposent notamment au médecin de consacrer le temps nécessaire à chacun de ses patients et prévoient que les consultations et visites comportent un interrogatoire du malade et son examen clinique ; que, toutefois, en l’absence de toute disposition prévoyant une durée minimale de l’acte accompli par un médecin, la circonstance, pour regrettable qu’elle soit, qu’un médecin effectue au cours d’une journée donnée un très grand nombre d’actes dans un temps nécessairement limité, ne suffit pas à soi seule, en l’absence en particulier de toute indication concernant les pathologies présentées par les patients en cause, à établir que ceux-ci n’auraient pas reçu de la part du Dr M des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science au sens de l’article R 4127-32 du code de la santé publique ; qu’ainsi, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’argumentation en défense du praticien selon laquelle les journées mises en évidence par le contrôle médical auraient un caractère exceptionnel et correspondraient à un départ et à un retour de congés, il n’y a pas lieu de retenir le grief ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que selon les articles 14-4-2 et 14-4-3 de la nomenclature générale des actes professionnels la majoration pour la prise en charge des nourrissons (MNO) et la majoration généraliste pour enfants de deux à six ans (MGE) doit comporter un interrogatoire et correspondre à un examen complet, un entretien, des conclusions sur la conduite à tenir, des prescriptions préventives ou thérapeutiques ainsi qu’à des examens complémentaires éventuels ; que ces différents points doivent figurer sur le carnet de santé du nourrisson ou de l’enfant ; qu’il est fait grief au Dr M d’avoir pour 377 consultations ou visites concernant 50 enfants d’une part incomplètement rempli le carnet de santé eu égard aux pathologies présentées ou aux actes effectués sur les enfants, d’autre part omis d’inscrire l’acte dans le carnet de santé ; que la première branche du grief n’est pas établie en l’absence de toute précision sur les éléments manquants ; qu’eu égard aux arguments de défense invoqués pour chacun des dossiers par le Dr M, la seconde branche doit être réputée établie dans le cas des patients n° 1 (2 absences), n° 5 (4 absences), n° 6 (1 absence), n° 7 (2 absences), n° 10 (6 absences), n° 11 (5 absences), n° 12 (2 absences), n° 14/387 (10 absences), n° 17 (5 absences), n° 20 (2 absences), n° 21 (12 absences), n° 22 (8 absences), n° 23 (3 absences), n° 24 (12 absences), n° 25 ( 2 absences), n° 29 (3 absences), n° 30 (4 absences), n° 31 (8 absences), n° 32 (3 absences), n° 33 (3 absences), n° 37 (2 absences), n° 45 (12 absences), n° 48 (14 absences), n° 52 (7 absences), n° 53 (3 absences), n° 54 (4 absences), n° 61/562 (8 absences), n° 62/561 (3 absences), n° 64 (2 absences), n° 65 (3 absences), n° 72 (14 absences), n° 73/573 (4 absences), n° 74 (1 absence), n° 78 (9 absences), n° 80/577 (10 absences), n° 85 (2 absences), n° 86 (2 absences), n° 89 (1 absence), n° 90 (1 absence), n° 105 (7 absences), n° 111 (3 absences), n° 165 (1 absence) ; que si le Dr M soutient que le défaut de mise à jour du carnet de santé des enfants est le plus souvent le fait des parents qui oublient ou perdent leur carnet de santé, cette situation aurait dû conduire le praticien à ne pas percevoir les majorations en cause explicitement subordonnées à la mise à jour du carnet de santé ; qu’en outre la circonstance que le praticien poursuivi n’est pas le médecin traitant des patients nos 11, 17, 46 et 55 ne l’exonère pas de l’obligation de mise à jour du carnet de santé ; que le grief de perception irrégulière de la majoration pour la prise en charge des nourrissons (MNO) et de la majoration généraliste pour enfants de deux à six ans (MGE) doit être retenu dans cette mesure ;

10. Considérant, en troisième lieu, que le grief tiré de ce que le Dr M ne tiendrait pas les fiches d’observation médicale personnelle mentionnées à l’article R 4127-45 du code de la santé publique n’est justifié que par une discordance alléguée entre les dires du médecin au cours de la réunion de concertation dans le cadre de l’analyse et les documents figurant par ailleurs au dossier notamment les carnets de santé ; que cette circonstance ne suffit pas à soi seule à déduire que ce praticien n’aurait pas tenu la fiche d’observation personnelle précitée ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu’il résulte des dispositions combinées des articles R 5123-1 et R 5132-3 du code de la santé publique fixant les règles régissant la prescription des médicaments que l’ordonnance comportant une telle prescription doit comporter notamment la date de sa rédaction, la posologie et le mode d’emploi du médicament ainsi que la durée du traitement ; qu’il est constant que certaines ordonnances rédigées par le Dr M entre le 1er juin 2009 et le 1er novembre 2010 ne comportent pas de date (nos 114, 117, 127, 147) ; que celui-ci néglige en outre de mentionner les posologies (nos 22, 119, 148/55/673, 150/674, 154, 156/589, 159, 165) ou la durée des traitements (nos 21, 35, 36, 57/672, 121, 149, 151, 152, 153, 155, 157/358, 158, 160, 161, 162, 163, 164, 166, 167, 168) ; que s’il est vrai que comme le soutient en défense le Dr M, la plupart des critiques qui lui sont faites concernent des médicaments dermatologiques faiblement actifs, cette caractéristique ne le dispensait pas de porter sur l’ordonnance les mentions nécessaires à leur prise en charge ;

12. Considérant, en cinquième lieu, que s’agissant du dossier n° 169/505 le Dr M a prolongé irrégulièrement un arrêt de travail en modifiant le risque de prise en charge en risque accident du travail alors qu’il était averti de la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de mettre fin aux droits de l’intéressé à ce titre ;

13. Considérant, en sixième lieu, qu’il est reproché au Dr M de n’avoir pas respecté les règles d’établissement des feuilles de soins et des ordonnances destinées à des assurés atteints de certaines affections de longue durée pour lesquels il devait utiliser un ordonnancier bizone et indiquer dans la partie haute de l’ordonnance les médicaments liés à l’affection de longue durée, lesquels font l’objet d’un remboursement à 100 % et non d’un remboursement au tarif conventionnel ; que la plainte fait apparaître 253 anomalies de prescriptions au sein de 125 ordonnances pour 36 patients ; qu’il y a lieu de retenir comme fautives l’inscription dans la partie haute d’antidépresseurs pour les patients n° 129/207 en ALD pour diabète, de médicaments sans rapport direct avec le diabète pour les patients nos 124/220, 135/237, de LECTRIL® utilisé pour le traitement du vertige pour le patient n° 202 atteint d’hypertension artérielle, d’antibiotiques dans le dossier n° 208/418/602 non directement liés à la cardiopathie présentée par le patient, de l’antidouleur ZALDIAR® chez le patient n° 213 souffrant d’hypertension, de CIMETIDINE®, pour les patients nos 214 et 214 bis, présentée comme destinée à combattre les effets secondaires des traitements liés à l’ALD (rattachement trop indirect), de l’HELIKIT® (test diagnostiquant une bactérie) pour le patient n° 233/649 souffrant de troubles neurologiques, de l’INEXIUM® (antisécrétoire gastrique) pour le patient n° 235 souffrant d’hypertension artérielle, du Sibélium® (migraines et vertiges) pour le patient n° 236 souffrant de diabète, du Plaquenil® pour le patient n° 245, le médicament n’étant pas prévu pour une cardiopathie rhumatismale, de la Paroxétine® (antidépresseur) pour le patient n° 246 souffrant de diabète, du Cymbalta® (antidépresseur) pour le patient n° 247 ayant subi un infarctus du myocarde ; dans tous ces cas les médicaments prescrits ont un rattachement trop indirect avec l’affection de longue durée qu’il s’agisse de compenser les effets indésirables de certains traitements ou de traiter les effets dépressifs de la maladie ; qu’il y a lieu en outre de retenir la prescription par erreur reconnue par le praticien dans les dossiers nos 249 et 225/645 ; que la circonstance que le Dr M n’ait pas été le médecin traitant des patients nos 201 et 230 ne suffit pas à justifier la mention irrégulière des traitements dans l’ordonnance bizone ;

14. Considérant qu’en revanche il y a lieu d’écarter, eu égard aux circonstances de l’espèce, le grief pour les dossiers nos 204 et 232 qui concernent des prescriptions d’antihistaminiques pour des effets indésirables de traitements, pour le dossier n° 250 pour lequel le Dr M invoque une erreur de plume, pour les patients nos 08/418/602, 211, 218, 241 qui pouvaient relever de prescriptions de DOLIPRANE® en qualité d’antidouleur ainsi que de Biseptine® pour ce même dossier, pour le patient n° 224 en raison de l’existence de plusieurs pathologies prises en charge en ALD, pour le patient n° 217 pour la prescription de ZYPREXA® à un patient souffrant de troubles nerveux, pour le patient n° 234 la demande d’ALD ayant été obtenue après la prescription critiquée, pour le patient n° 248 en raison des doutes existant sur la prise en charge administrative du patient ;

Sur les griefs tirés de la cotation d’actes de soins non constatés ou non réalisés 15. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que les doubles facturations invoquées par la plainte pour les dossiers nos 500, 516, 518, 519, 533, 537, 560 et 582 concernent en réalité des patients différents ; qu’ainsi le grief de double facturation ne peut qu’être écarté s’agissant des dossiers en cause ;

16. Considérant, en second lieu, qu’en se bornant à l’appui de son grief tiré de la double facturation de certains actes, à produire un tableau retraçant les demandes de remboursement d’actes effectués le même jour pour un même patient, les plaignants n’établissent pas que l’un de ces actes aurait nécessairement un caractère fictif dès lors que le Dr M soutient sans être contredit que la situation médicale des patients en cause a nécessité l’accomplissement de plusieurs actes le même jour ; qu’ainsi le grief ne peut qu’être écarté pour les patients nos 502, 503, 506, 525, 547, 567, 521, 526, 531, 553 ,556, 558, 561, 573, 583 ,525, 539, 541, 546, 562, 569, 584 et 590 ; qu’en revanche la seule circonstance qu’un patient soit atteint à la fois d’une affection liée à un accident du travail et d’une autre affection n’autorisait pas le Dr M à coter un double acte comme il l’a fait pour les patients nos 508, 515, 535, 542, 543 et 554 ;

Sur les griefs tirés du non respect des données acquises de la science :

17. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que les patients nos 135/237, 138, 139/515, 141, 143 et 144 ont bénéficié de traitements connus pour leur thyréotoxicité ou de traitements à visée thyroïdienne ; qu’ils réclamaient ainsi un suivi biologique non effectué par le praticien ;

18. Considérant, en deuxième lieu, qu’il est fait grief au Dr M d’avoir exposé six de ses patients à des risques particuliers en leur prescrivant des médicaments contre indiqués par le référentiel national des interactions médicamenteuse publié en 2005 par l’AFSSAPS ; que ce grief doit être écarté s’agissant de l’association d’Aldactone ® 25 mg et d’Aldalix ® prescrite au patient n° 130/642 en l’absence de contre indication absolue ainsi que des associations de Rhinadvil ® et de Rhinofluimuci ® chez les patients nos 1 et 133 (prescription du 28 janvier 2010) en raison du caractère négligeable des risques présentés par ces produits ; que l’association de Kaléorid ® LP 10 mg et d’Aldactone ® 25 mg pouvait se justifier chez le patient n° 132 si celui-ci comme l’affirme le médecin présentait une hypokaliémie ; que le grief doit en revanche être retenu s’agissant de l’association de Tahor ® 80 mg et de Kete ® 400 mg, la seule indication donnée verbalement au patient de ne pas prendre ces médicaments de manière concomitante ne suffisant pas à légitimer la prescription ; qu’il y a lieu de retenir aussi le grief s’agissant de l’association de Vogalène ® Lyoc ® 7,5 mg et de Dostinex ® 0,5 mg pour le patient n° 133 (prescription du 19 mai 2010) en raison des risques de vasoconstriction qu’elle présente et de l’association de Spiramycine ®/Metronidazole ® 1,5 Mui/250 mg pour le dossier n° 135/237 en raison du risque majoré de troubles du rythme ventriculaire qu’elle présente ;

19. Considérant, en troisième lieu, que le Dr M ne fournit pas les éléments qui justifient la prescription à 17 de ses patients d’ARIXTRA ® (Fondaparinux ® sodique) 7,5 mg dont les indications sont particulièrement restreintes et réservées à la prévention des événements thrombœmboliques veineux liés à des cas de chirurgie majeure des membres inférieurs ou lorsque les patients sont contraints de rester alités en raison d’une affection médicale aigue ; que les patients nos 113 , 114, 115, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 125 et 128 objet de la plainte ne se trouvaient pas dans de telles situations ; qu’ainsi par la prescription de ces médicaments le Dr M a fait courir à des patients un risque injustifié ; qu’il convient toutefois d’exclure du grief les patients nos 116, 129/207 pour lesquels les taux de D-dimères ont été produits par le Dr M, le patient n° 117 celui-ci étant plâtré, le patient n° 126 en raison de complications d’une opération chirurgicale ainsi que le patient n° 124/220 en raison des conséquences d’un AVC et de la réalisation d’un écho doppler ;

20. Considérant que les faits ainsi relevés à l’encontre du Dr M constituent des fautes au sens de l’article L 145-1 du code de la sécurité sociale justifiant le prononcé de l’une des sanctions énumérées à l’article L 145-2 du même code ; qu’il sera fait une juste appréciation de leur gravité en infligeant au Dr M la sanction de l’interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée d’un an assortie de six mois de sursis ;

Sur les conclusions tendant au remboursement des abus d’honoraires :

21. Considérant qu’aux termes du 4° de l’article L 145-2 4° du code de la sécurité sociale les sanctions susceptibles d’être prononcées par la section des assurances sociales sont : «4° Dans le cas d’abus d’honoraires, le remboursement à l’assuré du trop perçu ou le reversement aux organismes de sécurité sociale du trop remboursé (….) » ; que constituent des honoraires abusifs au sens du 4° de l’article L 145-2 du code de la sécurité sociale ceux qui sont réclamés pour un acte facturé sans avoir jamais été réalisé, pour un acte surcoté, pour un acte réalisé dans des conditions telles qu’alors même qu’il a été effectivement pratiqué il équivaut à une absence de soins, ou encore ceux dont le montant est établi sans tact ni mesure ; que les sommes réclamées par la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir pour les prescriptions indiquées à tort dans la partie haute des ordonnances bizones ne constituent pas des abus d’honoraires au sens des dispositions précitées ; que parmi les griefs retenus par la présente juridiction seuls les actes facturés dans les dossiers nos 508, 515, 535, 542, 543 et 554, correspondant à des dossiers présentés au titre de doubles facturations peuvent donner lieu à remboursement de la somme de 112,20 euros ;
PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions incidentes de la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir sont rejetées.

Article 2 : Il est infligé au Dr Michel M la sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant un an. Il sera sursis pour une durée de six mois à l’exécution de cette sanction dans les conditions fixées à l’article L 145-2 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : L’exécution de cette sanction pour la partie non assortie du sursis, prononcée à l’encontre du Dr M prendra effet le 1er juillet 2014 à 0 h et cessera de porter effet le 31 décembre 2014 à minuit.

Article 4 : Le Dr M devra reverser à la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir la somme de 112,20 euros,
Article 5 : La décision de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins du Centre, en date du 11 octobre 2012, est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au Dr Michel M, à la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir, au médecin-conseil chef de service de l’échelon local d’Eure-et-Loir, à la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins du Centre, au conseil départemental de l’Ordre des médecins d’Eure-et-Loir, au directeur général de l’Agence régionale de santé du Centre, au ministre chargé de la sécurité sociale et au ministre chargé de l’agriculture.

Délibéré dans la même composition qu’à l’audience du 11 décembre 2013, où siégeaient M. BARDOU, Conseiller d’Etat, président ; M. le Dr AHR, membre titulaire et M. le Dr TOURTELIER, membre suppléant, nommés par le Conseil national de l’Ordre des médecins ; M. le Dr WEILL, membre titulaire et M. LEROY, membre suppléant, nommés par le ministre chargé de la sécurité sociale.

Lu en séance publique le 13 février 2014.

LE CONSEILLER D’ETAT PRESIDENT DE LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS G. BARDOU
LE SECRETAIRE DE LA
SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
M-A. PEIFFER

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil national de l'ordre des médecins, Section des assurances sociales, 13 février 2014, n° 5007