Conseil national de l'ordre des médecins, Section des assurances sociales, 24 novembre 2015, n° 5089

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Résumé de la juridiction

Qualité non satisfaisante dans l’exécution et les conclusions des électroencéphalogrammes (EEG) pratiqués, avec une durée médicalement insuffisante.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, sect. des assurances soc., 24 nov. 2015, n° 5089
Numéro(s) : 5089
Dispositif : Interdiction temporaire de donner soins aux assurés sociaux Publication Réformation Publication pendant 1 mois

Texte intégral

Dossier n° 5089 Dr Pierre L Séance du 8 octobre 2015 Lecture du 24 novembre 2015
LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrés au secrétariat de la section des assurances sociales du Conseil national de l’Ordre des médecins le 3 décembre 2013, la requête et le mémoire présentés pour le Dr Pierre L, qualifié spécialiste en neurologie, tendant à ce que la section réforme une décision, en date du 9 octobre 2013, par laquelle la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Corse, statuant sur la plainte conjointe de la caisse primaire d’assurance maladie du Var, dont le siège est 42 rue Emile Ollivier, la Rode, 83082 TOULON CEDEX, et du médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Toulon, dont l’adresse postale est B.P. 1405, 42 rue Emile Ollivier, 83056 TOULON CEDEX, a prononcé à l’encontre du Dr L la sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant six mois dont deux mois avec le bénéfice du sursis avec publication pendant un mois, a mis les frais d’expertise à la charge de la caisse primaire d’assurance maladie du Var et a mis à la charge du Dr L une somme de 50 euros, par les motifs que si les premiers juges ont rejeté une partie des griefs de la plainte, ils ont retenu à tort ceux d’abus de cotation sans fondement scientifique valable et en dépit d’éléments objectifs ; qu’en effet, en ce qui concerne le grief de la non utilisation pour les EMG d’électrodes aiguilles, les plaignants ne démontrent pas que des électrodes aiguilles n’ont pas été utilisées, les premiers juges ayant d’ailleurs considéré que les électrodes de surface peuvent être utilisées lorsque le neurologue l’estime plus adapté ; qu’en ce qui concerne le grief de nombre de tracés de muscles insuffisant dans le recueil par électrodes aiguilles dans les EMG, ce reproche est en contradiction avec le rejet du grief relatif au tracé de muscles insuffisant, puisque, en effet, la fourniture des tracés n’est pas imposée, étant observé que, dans les dossiers en cause, les patients se sont fait remettre par le Dr L les comptes-rendus en permettant la facturation, que le praticien ne conservait que le compte-rendu conforme à l’article 5-1 de la classification commune des actes médicaux (CCAM) qu’il a immédiatement fourni au cours du contrôle, et qu’il n’est pas contesté qu’il a bien procédé à l’exploration requise en ne fournissant que les résultats pertinents ; qu’en ce qui concerne le grief de qualité insuffisante dans l’exécution et les conclusions des 19 EEG du fait de la durée de réalisation et d’une duplication des dérivations, ces EEG correspondent à la cotation AAQP009, et il n’est ni indiqué ni requis de durée minimale pour l’EEG sur 32 dérivations, le grief de duplication des tracés ayant été infirmé par les courriers du constructeur ; qu’en ce qui concerne le grief de réalisation de 26 Potentiels Evoqués Moteur (PEM) dans le contexte de pathologie canalaire, les experts font état de différences de pratique et non de l’inutilité objective de l’examen, le Dr L ayant expliqué qu’il est souvent nécessaire d’explorer le segment proximal afin de rechercher une éventuelle atteinte médullaire ; qu’au total, aucun des manquements reprochés au Dr L n’étant établi, il convient de rejeter la plainte de la caisse primaire d’assurance maladie du Var et du médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Toulon, de les condamner à lui verser la somme de 5000 euros en application de la loi du 10 juillet 1991, et de mettre à leur charge les frais de l’instance ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 27 décembre 2013, le mémoire présenté conjointement par la caisse primaire d’assurance maladie du Var et le médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Toulon ; il tend au rejet de la requête en relevant que le Dr L a eu un comportement frauduleux constaté par les premiers juges dans les griefs qu’ils ont retenus en qualifiant 24 de ses actes de fraudes, 11 de ses actes d’abus fautifs de cotation, et 19 d’actes de qualité insuffisante ; que l’avis des experts est à cet égard sans ambiguïté ; que si le Dr L cite l’article 1-5 de la CCAM pour soutenir qu’il ne lui imposait pas de fournir des tracés, il résulte de ces dispositions que tout repose sur l’évaluation des résultats quantitatifs et qualitatifs dits pertinents que doit contenir le compte-rendu, étant observé que les experts se sont plaint de modalités techniques imprécises ; qu’il résulte, aussi bien de la littérature médicale produite que des dispositions de la CCAM, que l’électromyographie par électrodes de surface n’était pas cotable à la date des faits et cela n’a pas varié depuis dans les versions successives de la CCAM ; qu’il est demandé la confirmation de la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 4 mars 2014, le mémoire présenté pour le Dr L ; il tend aux mêmes fins que la requête avec les mêmes moyens ; le Dr L entend revenir sur les griefs retenus en première instance en présentant des observations complémentaires ; en ce qui concerne le grief de non utilisation pour les EMG d’électrodes aiguilles, le caractère probant des témoignages des patients sur lesquels se fondent les plaignants est douteux, et le Dr L indique qu’il réalise ses examens à l’aiguille chaque fois que cela est nécessaire pour le diagnostic, en l’absence de raisons médicales s’y opposant, que le recueil par électrode de surface est admis et conforme aux données acquises de la science, et qu’en tout état de cause il ne saurait lui être reproché des fraudes ; qu’en ce qui concerne le second grief, relatif au nombre de tracés de muscles insuffisants dans le recueil par électrodes aiguilles, le service médical ne saurait imposer au praticien une obligation non réglementaire en exigeant la fourniture de tracés là où aucun texte ne le prévoit, étant remarqué que le Dr L a bien fourni les tracés ; en ce qui concerne le grief de qualité insuffisante dans l’exécution et l’interprétation des électromyogrammes, il est rappelé qu’il n’est ni indiqué ni requis de durée minimale pour l’EEG sur 32 dérivations et que l’accusation de duplication de tracés par le praticien a été invalidée par le constructeur, les plaignants reconnaissant dans leur mémoire que les duplications n’étaient pas de son fait ; qu’enfin, sur le dernier grief retenu, la légitimité de la réalisation de PEM dans le contexte de pathologie canalaire a été établie, puisque lorsque les données de l’ENMG ne permettent pas d’expliquer une symptomatologie par atteinte périphérique, l’obligation de qualité des soins conduit à effectuer des PEM à la recherche d’une atteinte cervicale ou radiculaire ; enfin, le Dr L dénonce les accusations de fraude portées à son encontre par le service médical ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 8 avril 2014, le mémoire présenté par la caisse primaire d’assurance maladie du Var et le médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Toulon ; les plaignants maintiennent les termes de leur précédent mémoire en demandant le rejet de la requête du Dr L ; ils soulignent, à propos des 26 Potentiels Evoqués Moteur (PEM), que l’analyse des experts, qui ont conclu que leur usage n’était pas d’une très grande utilité, répond bien à la pratique des neurologues en France ; ils insistent sur les dispositions réglementaires imposant au praticien de présenter l’ensemble des documents demandés à l’occasion de l’analyse de son activité par le service du contrôle médical ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 6 mai 2014, le mémoire dans lequel le Dr L revient sur des points développés précédemment en réponse aux observations des plaignants ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment ses articles R 4127-1 et suivants ;

Vu le code de la sécurité sociale, notamment ses articles L 145-1 à L 145-9 et R 145-4 à R 145-68 ;

Vu l’article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

Vu les dispositions du décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié, relatif au fonctionnement des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins maintenues en vigueur par les dispositions de l’article 8 du décret n° 2013-547 du 26 juin 2013 ;

Vu la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux fixée par l’arrêté du 27 mars 1972 modifié ;

Vu la classification commune des actes médicaux ;

Après avoir entendu en séance publique :

 – Le Dr MORNAT en la lecture de son rapport ;

 – Me YOUNES, avocat, en ses observations pour le Dr L et le Dr Pierre L en ses explications orales ;

 – Le Dr FRANCES, médecin-conseil, en ses observations pour le médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Toulon ;

 – Me TASSEL, avocat, représentant la caisse primaire d’assurance maladie du Var, en ses observations ;

Le Dr L ayant eu la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, Considérant qu’à l’occasion d’un contrôle réalisé sur l’activité du Dr L pendant la période du 8 juillet 2008 au 15 janvier 2009 ont été relevées dans les actes de ce praticien des anomalies qui ont fait l’objet d’une plainte conjointe de la caisse primaire d’assurance maladie du Var et du médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Toulon ; qu’après avoir écarté certains des griefs contenus dans cette plainte, les premiers juges ont prononcé une sanction à l’encontre du Dr L, en en retenant d’autres, ce que celui-ci entend contester par la voie de l’appel ;

Sur les griefs retenus par les premiers juges :

Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier et des déclarations des patients en cause que le Dr L a d’une part, facturé en utilisant le code AHQB025 ou AHQB027, dans 19 dossiers (nos 34 à 40, 41 quarto, 42, 43 bis, 44, 46 bis, 47 à 53), une électromyographie de 1 à 2 muscles par électrodes aiguilles associée à une électroencéphalographie (EEG) en montage « 32 dérivations », alors que les patients ont déclaré ne pas avoir été soumis à un examen par aiguille, cette facturation étant destinée à faire prendre en charge indument par l’assurance maladie soit la recherche de tremblements en montage accélérométrie, soit la recherche de clonies en montage « 8 dérivations + EMG », de tels montages ne faisant pas l’objet de code dans la CCAM et ne pouvant être assimilés à des électromyographies par aiguille ; qu’il a, de la même façon, facturé dans quatre dossiers (nos 18, 21, 24 et 25) une électromyographie de 7 muscles par électrodes aiguilles, codée AHQB013, alors que les patients en cause ont attesté d’une absence d’examen par aiguilles ; qu’enfin, il a facturé dans un dossier (n° 14) des potentiels évoqués moteurs (PEM) par stimulation corticale et spinale, codé AHQP004, alors qu’il ne les a pas réalisés ; que, d’autre part, le Dr L a, dans 11 dossiers (nos 2, 7, 10, 11, 13, 14, 19, 23, 32, 32 bis et 46), facturé des électromyographies pour lesquelles l’activité des muscles a pu être recueillie par électrodes aiguilles, mais avec une insuffisance du nombre de tracés de muscles obtenus, ce qui rendait injustifiable leur facturation ; qu’ainsi doit être considéré comme établi le grief d’actes non ou incomplètement réalisés présentés indument au remboursement de l’assurance maladie ;

Considérant, en second lieu, qu’il est relevé, dans 19 dossiers (nos 34 à 40, 41-4°, 42, 43 bis, 44, 46 bis et 47 à 53), une qualité non satisfaisante dans l’exécution et les conclusions des électroencéphalogrammes (EEG) pratiqués par le Dr L, avec une durée médicalement insuffisante, comme il en a d’ailleurs lui-même convenu dans une correspondance du 10 avril 2010 figurant au dossier d’instruction ;

Considérant, enfin, que l’analyse des actes du Dr L fait apparaître qu’il a réalisé et facturé des actes non médicalement justifiés ; qu’il en est ainsi pour 26 potentiels évoqués moteurs par stimulation corticale (PEM), acte considéré comme intéressant en cas de myélopathie, qu’il a à tort pratiqués d’une part, dans 24 dossiers (nos 1, 1 bis à 6, 9, 11, 12, 13 bis, 14, 15, 17, 20, 22, 24 bis, 26, 27, 28, 30, 31, 33 et 41 ter) correspondant à des patients pour lesquels la mesure des ondes F n’étant jamais décrite comme anormale dans le contexte d’une pathologie canalaire celle du PEM en plus n’était pas justifiée, et d’autre part dans 2 dossiers (nos 10 et 27 bis) où l’existence d’une pathologie distale avérée chez les patients en cause ne nécessitait aucune recherche d’atteinte proximale par PEM ou par ondes F ;

Considérant que les faits ci-dessus retenus à l’encontre du Dr L ont le caractère de fautes et d’abus, susceptibles de lui valoir le prononcé d’une sanction en application des dispositions des articles L 145-1 et L 145-2 du code de la sécurité sociale ; qu’il y a lieu de maintenir celle de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une période de six mois dont deux mois avec le bénéfice du sursis prononcée par les premiers juges, en en prévoyant la publication pendant une période d’un mois et de rejeter en conséquence la requête d’appel du Dr L ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu de condamner la caisse primaire d’assurance maladie du Var, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance à verser au Dr L la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : La requête du Dr Pierre L est rejetée.

Article 2 : Il est infligé au Dr Pierre L la sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant six mois. Il sera sursis pour une durée de deux mois à l’exécution de cette sanction dans les conditions fixées à l’article L 145-2 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : L’exécution de cette sanction pour la partie non assortie du sursis, prononcée à l’encontre du Dr L prendra effet le 1er février 2016 à 0 h et cessera de porter effet le 31 mai 2016 à minuit.

Article 4 : La publication de cette sanction sera assurée par les soins de la caisse primaire d’assurance maladie du Var, par affichage, dans ses locaux administratifs ouverts au public pendant un mois à compter du 1er février 2016.

Article 5 : La décision de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Corse, en date du 9 octobre 2013, est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au Dr Pierre L, à la caisse primaire d’assurance maladie du Var, au médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Toulon, à la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Corse, au conseil départemental de l’Ordre des médecins du Var, au directeur général de l’Agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Corse, au ministre chargé de la sécurité sociale et au ministre chargé de l’agriculture.

Délibéré dans la même composition qu’à l’audience du 8 octobre 2015, où siégeaient M. SAUZAY, Conseiller d’Etat honoraire, président ; M. le Dr AHR, membre titulaire, et M. le Dr MORNAT, membre suppléant, nommés par le Conseil national de l’Ordre des médecins ; Mme le Dr GUERY, membre titulaire et M. le Dr LEROY, membre suppléant, nommés par le ministre chargé de la sécurité sociale.

Lu en séance publique le 24 novembre 2015.

LE CONSEILLER D’ETAT HONORAIRE PRESIDENT DE LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS

P. SAUZAY
LE SECRETAIRE DE LA
SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
M-A. PEIFFER

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