Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 18 juin 2015, n° 12127

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Résumé de la juridiction

Médecin généraliste, qui suivait la grossesse de l’intéressée, a fait réaliser par son époux, gynécologue-obstétricien, plusieurs échographies, ainsi qu’elle procède habituellement dès lors qu’elle ne dispose pas des équipements nécessaires.

Le fait pour un médecin d’adresser des patients à son conjoint pour qu’il effectue des actes qu’il n’est pas en mesure de faire n’est pas, par lui-même, constitutif d’une démarche de compérage.

Ce praticien, qui n’adresse pas ses patientes de façon systématique et exclusive à son mari, n’a pas exercé de pressions telles sur sa patiente qu’elle aurait été dans l’impossibilité d’exercer son libre choix.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 18 juin 2015, n° 12127
Numéro(s) : 12127
Dispositif : Rejet du grief

Texte intégral

N° 12127 ________________________
Dr Simone L-G ________________________
Audience du 23 avril 2015
Décision rendue publique par affichage le 18 juin 2015
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins le 8 novembre 2013, la requête présentée pour M. et Mme Cyril A ; M. et Mme A demandent à la chambre d’annuler la décision n° 005-2011, en date du 15 octobre 2013, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des médecins de Nouvelle-Calédonie a rejeté leur plainte, transmise par l’organe de l’ordre des médecins de Nouvelle-Calédonie, qui s’y est associé, dirigée contre le Dr Simone L-G ;

M. et Mme A soutiennent que le Dr L-G, qui suivait la grossesse de cette dernière depuis avril 2010, n’a pas assuré un suivi suffisamment attentif de l’état de sa patiente et a commis plusieurs fautes déontologiques jusqu’à la naissance de leur fils, le 13 janvier 2011, qui présentait un syndrome polymalformatif lié à une maladie orpheline ; que le Dr L-G, en adressant Mme Sandrine A à son époux, le Dr Alain L, gynécologue-obstétricien, pour qu’il procède à une échographie morphologique, a pratiqué le compérage ; qu’elle a commis de nombreuses erreurs de diagnostic qui sont en réalité des fautes ; qu’en particulier, elle ne les a pas informés de façon complète et précise de l’importance de réaliser une amniocentèse ; qu’elle n’a pas tenu compte des antécédents familiaux de Mme A ; qu’elle n’a pas assuré l’échographie du troisième trimestre ; qu’ainsi, c’est à tort que les premiers juges ont écarté leurs différents griefs pour rejeter leur plainte ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 27 janvier 2014, le mémoire présenté pour le Dr L-G, médecin généraliste, qualifiée compétente en gynécologie médicale, élisant domicile B.P. 8232 à Nouméa cedex (98807), tendant au rejet de la requête ;

Le Dr L-G soutient, en premier lieu, que, ne pratiquant pas les échographies morphologiques, elle les fait réaliser par des confrères obstétriciens et pas exclusivement par son époux, le Dr L ; qu’en l’espèce, le compérage n’est pas établi ; que, en deuxième lieu, entre avril 2010, début de la grossesse, et la naissance de l’enfant, elle a procédé ou fait procéder aux examens nécessaires, en particulier qu’elle a fait réaliser le 26 juillet 2010 un dosage des marqueurs sériques qui a révélé un risque très faible de trisomie 21 ; qu’elle a proposé aux époux A de faire une amniocentèse que ces derniers, pleinement informés, ont refusée en connaissance de cause ; que, le 1er décembre 2010, ayant constaté une anomalie du rythme cardiaque chez le fœtus, elle a orienté sa patiente sur une clinique, laquelle l’a aussitôt dirigée vers le centre hospitalier territorial (C.H.T.) de Nouméa qui a donc pris en charge Mme A dès le 2 décembre 2010 ; que c’est au centre hospitalier qu’il appartenait alors de procéder aux investigations nécessaires et à l’échographie du troisième trimestre ; qu’au demeurant, en admettant même qu’elle ait commis des négligences techniques, celles-ci ne constituent pas des fautes au regard de la déontologie médicale ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 3 avril 2014, le mémoire présenté par l’organe de l’ordre des médecins de Nouvelle-Calédonie par lequel il renvoie à son mémoire de première instance dans lequel il soutenait que le Dr L-G avait méconnu les dispositions des articles 6, 23, 33 et 35 du code de déontologie médicale applicable en Nouvelle-Calédonie ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 24 octobre 2014, le mémoire présenté pour le Dr L-G ; celle-ci produit le second rapport établi le 1er août 2014 par l’expert désigné par le juge judiciaire dans le cadre du litige opposant au civil les époux A au Dr L-G et au centre hospitalier territorial de Nouméa ;

Le Dr L-G soutient, en outre, que, dans ce rapport et dans celui du 2 août 2012, l’expert a souligné la responsabilité du centre hospitalier territorial qui aurait dû faire procéder aux examens nécessaires et, en particulier, l’échographie du troisième trimestre ; qu’elle ignorait les antécédents familiaux de Mme A et que l’expert a relevé que les époux A avaient été informés de l’intérêt de l’amniocentèse et qu’ils l’ont refusée en toute connaissance de cause ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 27 octobre 2014, le mémoire par lequel M. et Mme A produisent les deux rapports du 2 août 2012 et du 1er aout 2014 du Dr Marianne Fontanges, expert désigné par le tribunal de première instance de Nouméa ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la délibération n° 67 du 1er août 1997 portant code de déontologie médicale applicable en Nouvelle-Calédonie ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 23 avril 2015 :

 – Le rapport du Dr Bohl ;

 – Les observations de Me Sirgue pour M. et Mme A, absents ;

 – Les observations de Me Lacoeuilhe pour le Dr L-G, absente ;

Me Lacoeuilhe ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, 1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme A, née en 1972, était, depuis juin 2009, la patiente du Dr Simone L-G, gynécologue à D, en Nouvelle-Calédonie ; que Mme A ayant manifesté un désir d’enfant, le Dr L-G lui prescrivit un traitement approprié et suivit sa grossesse dont l’échographie de datation fixa le début au 28 avril 2010 ; que, lors d’une consultation effectuée le 1er décembre 2010, le Dr L-G ayant décelé un rythme cardiaque anarchique chez le fœtus, orienta sa patiente vers une clinique où il fut décidé, le 2 décembre 2010, de transférer Mme A au centre hospitalier territorial de Nouméa ; que, le 13 janvier 2011, naissait un garçon présentant un syndrôme polymalformatif dont il subit toujours les lourdes séquelles ; que M. et Mme A, estimant que le Dr L-G avait commis des fautes au cours du suivi de la grossesse, ont porté plainte contre elle ; que la chambre disciplinaire de première instance de Nouvelle-Calédonie a rejeté leur plainte par une décision en date du 15 octobre 2013 dont M. et Mme A font appel ;
Sur le grief tiré du compérage :
2. Considérant qu’aux termes de l’article 6 du code de déontologie médicale applicable en Nouvelle-Calédonie : « Le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter l’exercice de ce droit. » et qu’aux termes de l’article 23 du même code : «Tout compérage entre médecins, entre médecins et pharmaciens, auxiliaires médicaux ou toutes autres personnes physiques ou morales est interdit. »  ;
3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le Dr L-G a fait réaliser par son époux, le Dr Alain L, gynécologue-obstétricien exerçant à la clinique de l’Anse Vata, plusieurs échographies et notamment en septembre 2010, l’échographie morphologique ; que le Dr L-G explique qu’elle procède habituellement ainsi dès lors qu’elle ne dispose pas des équipements nécessaires ;
4. Considérant que le fait pour un médecin d’adresser des patients à son conjoint médecin pour qu’il effectue des actes qu’il n’est pas en mesure de faire n’est pas, par lui-même, constitutif d’une démarche de compérage ; qu’en l’état du dossier, il n’est pas établi que le Dr L-G, pour faire réaliser certaines échographies, adresse ses patientes de façon systématique et exclusive au seul Dr L ; qu’il n’est pas davantage établi par les pièces du dossier que M. et Mme A auraient été l’objet de pressions telles que Mme A ait été dans l’impossibilité d’exercer son libre choix ; que, par suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont écarté le grief tiré de la violation des articles 6 et 23 du code de déontologie médicale applicable en Nouvelle-Calédonie ;
Sur les griefs tirés des fautes commises par le Dr L-G au cours du suivi de la grossesse :
5. Considérant, à titre liminaire, que, si, comme le soutient le Dr L-G, les erreurs techniques qu’elle aurait commises ne relèvent pas du contrôle du juge disciplinaire, il en va autrement si de telles erreurs révèlent de la part du médecin des manquements à ses obligations déontologiques ;
6. Considérant, également à titre liminaire, que M. et Mme A ne sauraient invoquer, dans le litige les opposant au Dr L-G, les erreurs et la mauvaise qualité des clichés effectués par le Dr L, le comportement de ce dernier ayant d’ailleurs fait l’objet d’une plainte distincte sur laquelle la chambre disciplinaire de première instance s’est prononcée le 15 octobre 2013 et lui a infligé une peine d’interdiction d’exercice de la médecine durant un mois ;
7. Considérant qu’aux termes de l’article 33 du code de déontologie médicale applicable en Nouvelle-Calédonie : « Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s’il y a lieu, de concours appropriés. » et qu’aux termes de l’article 35 du même code : « Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. (…) » ;
8. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que, le 26 juillet 2010, le Dr L-G a fait procéder à un dosage des marqueurs sériques qui a permis d’évaluer le risque de trisomie 21 qui s’est révélé être très faible (1/1590) ; qu’elle a alors proposé aux époux A une amniocentèse et que ces derniers l’ont refusée par crainte d’une nouvelle fausse couche (Mme A ayant déjà fait une fausse couche alors qu’elle avait 34 ans) ; qu’en l’état des bonnes pratiques médicales applicables alors en Nouvelle-Calédonie et qu’a confirmées l’arrêté n° 2012-273 GNC du 7 février 2012 fixant en Nouvelle-Calédonie les règles de bonnes pratiques en matière de dépistage et de diagnostic prénatals, le recours à une amniocentèse ne s’imposait pas compte tenu notamment du faible risque de trisomie 21 ; qu’on ne saurait reprocher au Dr L-G de ne pas avoir insisté pour qu’il soit procédé à un tel examen ; qu’au demeurant, le Dr L-G, qui avait d’ailleurs préparé le dossier nécessaire à cette amniocentèse et organisé celle-ci, a suffisamment informé les époux A sur la possibilité d’un tel examen qu’ils ont refusé en connaissance de cause ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que, si M. et Mme A reprochent au Dr L-G de n’avoir pas tenu compte des antécédents familiaux et notamment du fait qu’une cousine germaine de Mme A était porteuse du mal de Fanconi, le Dr L-G fait observer que ces indications ne lui ont pas été communiquées lors des premières consultations et que l’enfant des époux A ne portait pas trace du mal de Fanconi ; que, dans ces conditions, on ne saurait regarder comme fautif le comportement du Dr L-G ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier qu’il n’a pas été procédé à l’échographie du troisième trimestre qui, selon les bonnes pratiques médicales alors applicables, aurait dû être réalisée entre 30 et 35 semaines d’aménorrhée (S.A.) ; que le Dr L-G ne l’a proposée ni lors de sa consultation du 28 octobre 2010 ni lors de celle du 1er décembre 2010 ;
11. Considérant que, si l’expert désigné par le tribunal de première instance de Nouméa, dans le cadre du litige civil opposant M. et Mme A au Dr L-G et au Dr L, a, dans son rapport du 2 août 2012, indiqué que cet examen aurait dû être effectué par le centre hospitalier territorial qui avait pris en charge Mme A à partir du 2 décembre 2010 et que l’on peut comprendre que, le 1er décembre 2010, le Dr L-G, constatant des troubles cardiaques chez le fœtus, a donné la priorité au traitement de ces derniers, il n’en demeure pas moins que, comme l’a d’ailleurs relevé l’expert, le Dr L-G aurait pu demander cet examen lors de sa consultation du 28 octobre 2010 et aurait dû au moins informer les époux A de la possibilité d’un tel examen ; que cette négligence du Dr L-G est fautive ; que M. et Mme A sont ainsi fondés à demander l’annulation de la décision de la chambre disciplinaire de première instance qui a rejeté leur plainte ;
12. Considérant qu’aucune autre faute médicale de nature à entrer en voie de condamnation ne pouvant être reprochée au Dr L-G, il sera fait, dans les circonstances de l’affaire, une juste appréciation de son comportement en lui infligeant la sanction de l’avertissement ;
PAR CES MOTIFS,
DECIDE :

Article 1 : La décision de la chambre disciplinaire de première instance de l’organe de l’ordre des médecins de Nouvelle-Calédonie, en date du 15 octobre 2013, est annulée.

Article 2 : Il est infligé au Dr L-G la sanction de l’avertissement.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Dr Simone L-G, à M. et Mme A, à l’organe de l’ordre des médecins de Nouvelle-Calédonie, à la chambre de discipline de l’ordre des médecins de Nouvelle-Calédonie, au directeur de la direction des affaires sanitaires et sociales de Nouvelle-Calédonie, au Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, au procureur de la République près le tribunal de première instance de Nouméa, au ministre chargé de la santé en Nouvelle-Calédonie, au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, au conseil national de l’ordre des médecins, au ministre chargé de la santé.

Ainsi fait et délibéré par M. Franc, président de section honoraire au Conseil d’Etat, président ; Mmes les Drs Bohl, Rossant-Lumbroso, MM. les Drs Arnault, Emmery, membres.

Le président de section honoraire au Conseil d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins

Michel Franc

Le greffier en chef François-Patrice Battais

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