Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 4 mars 2015, n° 11983

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Résumé de la juridiction

A mis une pièce de son cabinet, sans contrat écrit, à la disposition d’une personne qui y donnait des soins esthétiques. Cette mise à disposition ne comportait l’installation d’aucune plaque ni d’aucune entrée ou salle d’attente distincte. Mise à disposition qui, même consentie à titre gracieux, exposait le praticien à ce que son activité médicale soit associée à une activité commerciale et à un risque de compérage.

Toutefois, en l’espèce, il n’existe aucune preuve d’actes pouvant être qualifiés de compérage et, lors même que des soins esthétiques ont été proposés à prix réduits par l’intermédiaire du site « Groupon », le praticien n’a pas participé à ces actions commerciales et n’en a pas bénéficié.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 4 mars 2015, n° 11983
Numéro(s) : 11983
Dispositif : Rejet Rejet de ces griefs

Texte intégral

N° 11983 _______________
Dr Thierry S _______________
Audience du 8 janvier 2015
Décision rendue publique par affichage le 4 mars 2015
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins le 17 mai 2013, la requête présentée pour le Dr Thierry S, qualifié spécialiste en médecine générale ; le Dr S demande à la chambre :
- l’annulation la décision n°C.2012-3161, en date du 17 avril 2013, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, statuant sur la plainte du conseil départemental de l’ordre des médecins des Hauts-de-Seine, dont le siège est 51 rue Baudin à Levallois-Perret cedex (92593), lui a infligé la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois ;
- le rejet de la plainte du conseil départemental des Hauts-de-Seine ;

Le Dr S soutient que la décision attaquée a été rendue au terme d’une procédure irrégulière, en méconnaissance des droits de la défense ; qu’alors que la plainte du conseil départemental était fondée sur ce qu’il aurait méconnu les articles R. 4127-8, -19, -23, -31 et -81 du code de la santé publique, la chambre disciplinaire de première instance a retenu, en outre, une méconnaissance de l’article R. 4127-24 du même code, grief sur lequel il n’a pas été invité à se défendre ; que, subsidiairement au fond, aucun des manquements qui lui sont reprochés n’est établi ; qu’ayant observé chez Mme Anna B… une insuffisance veineuse bilatérale, il lui a prescrit des séances de pressothérapie dont l’efficacité dans ce type d’affection est reconnue ; qu’il n’a fait qu’user de sa liberté de prescription ; qu’il est tout à fait étranger à l’offre de services insérée sur le site internet « Groupon » par Mme Marina L qui est à l’origine de la création de l’institut de presso thérapie et qui dans le cadre de son activité a conclu un contrat avec la société Groupon ; qu’il est étranger à l’activité de l’institut esthétique créé par Mme L ainsi qu’à l’offre de remodelage à laquelle a répondu Mm B… ; qu’il s’est borné à permettre à titre amical à Mme L d’exercer son activité dans une partie inutilisée de ses propres locaux ; qu’il ne peut lui être reproché d’exercer la médecine comme un commerce ; qu’aucune entente n’est intervenue entre lui et Mme L pour l’envoi de clientes à l’institut ; qu’il n’a commis aucun acte de compérage ; qu’aucun manquement aux dispositions de l’article R. 4127-24 du code de la santé publique n’est caractérisé ; qu’il a pris les mesures qui s’imposaient pour faire disparaître de sa plaque et de ses feuilles d’ordonnance des mentions qui n’avaient pas à figurer mais qui, en tout état de cause, n’avaient pas pour objet de semer la confusion dans l’esprit des patients ; qu’il a également mis fin à l’utilisation de ses locaux par Mme L de sorte qu’il ne peut lui être reproché aucune déconsidération de la profession ; que la sanction prononcée est disproportionnée au regard de la brève durée des manquements qui lui sont reprochés et dont il n’a retiré aucun profit ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 2 août 2013, le mémoire présenté par le conseil départemental des Hauts-de-Seine représenté par son président en exercice, qui conclut au rejet de la requête ;

Le conseil départemental soutient que, malgré le retrait par Mme B… de sa plainte contre le Dr S après que celui-ci lui eut remboursé la somme qu’elle estimait avoir dépensée en pure perte, le conseil départemental a décidé de porter plainte lui-même contre le Dr S ; que celui-ci a procédé à un examen médical incomplet de Mme B… et lui a prescrit des actes à visée esthétique et des actes de pressothérapie dont la pratique peut être dangereuse en cas d’hypertension artérielle (HTA) ; que Mme L, qui a conclu un contrat avec la Société Groupon, convoque ses patients au cabinet du Dr S ; que le dossier ordinal du Dr S ne contient aucun contrat de location de locaux à Mme L ; que l’existence dans les mêmes locaux d’un cabinet médical et d’une profession paramédicale expose à du compérage ; que celui-ci est établi au moins dans le cas de Mme B… ; que le Dr S n’a pas hésité à faire figurer sur sa plaque et ses feuilles d’ordonnance des diplômes qu’ils ne possède pas (ancien interne des hôpitaux, maladies du cœur et des vaisseaux) ; que la prescription d’actes de pressothérapie à la patiente constitue une ristourne en nature à Mme L ; que le remboursement de 210 euros à Mme B… le jour de la conciliation est un geste purement commercial destiné à acheter sa tranquillité ; que la méconnaissance de l’article R. 4127-24 est certaine ; que la multiplicité des manquements reprochés au Dr S justifie le reproche de déconsidération de la profession ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 10 décembre 2014, le mémoire présenté pour le Dr S, qui reprend les conclusions et les moyens de sa requête ;

Le Dr S soutient, en outre, que le grief tiré de ce qu’il aurait pratiqué sur Mme B… un acte médical incomplet est un grief nouveau ; qu’il a interrogé de façon systématique la patiente pour apprécier une éventuelle contre-indication à ses prescriptions ; qu’il n’a jamais interféré avec l’activité de Mme L ; qu’une partie importante de l’activité du Dr S consiste dans le contrôle médical de l’aptitude à la conduite, activité pour laquelle il bénéficie d’un agrément préfectoral ; qu’une sanction disciplinaire pourrait conduire au retrait de cet agrément, ce qui le priverait d’une partie importante de son activité ; que les faits reprochés ont duré peu de temps et qu’une seule plainte a été formulée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 janvier 2015 :

 – Le rapport du Dr Mornat ;

 – Les observations de Me Ribeiro pour le Dr S et celui-ci en ses explications ;

 – Les observations du Dr See pour le conseil départemental des Hauts-de-Seine ;

Le Dr S ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE,
Sur la régularité de la décision attaquée :

1. Considérant que, dans sa plainte contre le Dr S, le conseil départemental des Hauts-de-Seine a formulé contre ce praticien plusieurs griefs tirés de la méconnaissance de l’article R. 4127-8 du code de la santé publique qui impose aux médecins de limiter leurs prescriptions à ce qui est nécessaire, de l’article R. 4127-19 qui prohibe l’exercice de la médecine comme un commerce, de l’article R. 4127-23 qui interdit le compérage, de l’article R. 4127-31 qui sanctionne les actes de nature à déconsidérer la profession et, enfin, de l’article R. 4127-81 qui énumère les mentions que les médecins peuvent faire figurer sur leurs plaques et documents professionnels ; que la décision attaquée cite également l’article R. 4127-24 du code de la santé publique qui interdit « tout acte de nature à procurer au patient un avantage injustifié ou illicite, toute ristourne en argent ou en nature, toute commission à quelque personne que ce soit, (…) la sollicitation ou l’acceptation d’un avantage en nature ou en espèces (…) pour une prescription ou un acte médical quelconque », et retient à l’encontre du Dr S le fait d’avoir « prêté son concours à la proposition ayant consisté à offrir au public par l’intermédiaire du site « Groupon » des soins à prix réduits. » ; que le Dr S n’a pas été appelé à se défendre sur ce grief, distinct de ceux qu’avait formulés le conseil départemental dans sa plainte ; qu’il est, dès lors, fondé à soutenir que la décision a été rendue sur une procédure irrégulière et à en demander pour ce motif l’annulation ;

2. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer sur la plainte du conseil départemental des Hauts-de-Seine contre le Dr S ;

Sur les faits reprochés au Dr S :

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le Dr S qui exerce la médecine générale à Boulogne-Billancourt a mis, en septembre 2011, une pièce de son cabinet à la disposition de Mme L, qui y donnait des soins esthétiques ; que cette mise à disposition, qui ne comportait l’installation d’aucune plaque ni d’aucune entrée ou salle d’attente distincte, a duré plusieurs mois et n’a donné lieu à aucun contrat écrit ; que, même consentie à titre gracieux, elle exposait le Dr S à ce que son activité médicale soit associée à une activité commerciale et à un risque de compérage ; que, toutefois, s’il est arrivé au moins une fois que Mme L adresse une cliente au Dr S, lequel lui a prescrit des actes de pressothérapie qui n’ont finalement pas été réalisées, aucune preuve ne figure au dossier d’actes pouvant être qualifiés de compérage ;

4. Considérant que, si Mme L proposait des soins esthétiques à prix réduits par l’intermédiaire du site « Groupon », il ne ressort pas du dossier que le Dr S ait de quelque façon que ce soit participé à ces actions commerciales ou en ait bénéficié ; qu’ainsi, les griefs tirés de ce qu’il exercerait la médecine comme un commerce et déconsidérerait ainsi la profession doivent être écartés ;

5. Considérant qu’aucun commencement de preuve n’est apporté que le Dr S ait fait à des patients des prescriptions excédant ce qui était nécessaire ;

6. Considérant, en revanche, qu’il ressort des pièces du dossier et n’est pas contesté que le Dr S a fait figurer sur sa plaque professionnelle et sur ses feuilles d’ordonnance des titres qu’ils ne possédait pas, en méconnaissance de l’article R. 4127-81 du code de la santé publique ; qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en infligeant pour ce motif au Dr S, qui a, depuis, régularisé ses documents professionnels, la sanction du blâme ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : La décision de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, en date du 17 avril 2013, est annulée.

Article 2 : La sanction du blâme est infligée au Dr S.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Dr Thierry S, au conseil départemental de l’ordre des médecins des Hauts-de-Seine, à la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, au préfet des Hauts-de-Seine, au directeur général de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre, au conseil national de l’ordre des médecins, au ministre chargé de la santé.

Ainsi fait et délibéré par : Mme Aubin, président de section honoraire au Conseil d’Etat, président ; MM. les Drs Cerruti, Ducrohet, Emmery, Mornat, membres.

Le président de section honoraire au Conseil d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins

Marie-Eve Aubin
Le greffier en chef


François-Patrice Battais

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Textes cités dans la décision

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