Conseil national de l'ordre des médecins, 21 juillet 2021, n° -- 14469

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Spécialiste en stomatologie a pratiqué la pose de cinq implants dentaires sur Mme B. Celle-ci a souffert de douleurs importantes qui sont allées croissantes, associées à des symptômes inquiétants, qui ont décidé sa fille, Mme L B, à la conduire le 20 novembre suivant aux urgences de l’hôpital d’A où a été diagnostiqué un abcès paraseptal droit refoulant le globe oculaire avec érosion du plancher, pour lequel Mme B a été opérée à la fondation ophtalmologique ABC les 21 et 24 novembre suivants.

SI le praticien dit avoir reçu Mme B après l’opération deux fois en consultation, lui avoir prescrit de la Lamaline pour soulager les douleurs éprouvées, lui avoir donné son numéro de téléphone portable personnel, avoir répondu à tous ses messages, avoir pratiqué une radio panoramique et lui avoir lui-même recommandé le service des urgences de l’hôpital d’A où Mme L B a conduit sa mère, le praticien ne s’est jamais inquiété de la persistance des douleurs et de l’augmentation de la souffrance continûment éprouvée par Mme B pendant plusieurs semaines après la pose des implants. Les radios panoramiques ne pouvaient permettre de diagnostiquer l’infection des sinus. L’absence de toute indication et constatation dans le dossier tenu par le praticien ne permet pas d’établir la qualité des soins post-opératoires, ni même au surplus l’existence d’examens pré-opératoires. Dans ces circonstances le praticien doit être regardé comme ayant manqué à son obligation de soins consciencieux.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, 21 juill. 2021, n° -- 14469
Numéro(s) : -- 14469
Dispositif : Rejet Interdiction temporaire d'exercer Rejet de la requête

Sur les parties

Texte intégral

CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS CEDEX 17
N° 14469 __________________
Dr A __________________
Audience du 29 avril 2021
Décision rendue publique par affichage le 21 juillet 2021
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS,
Vu les actes de procédure suivants :
Par une plainte, enregistrée le 3 avril 2018 à la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France de l’ordre des médecins, transmise par le conseil départemental des Hautsde-Seine de l’ordre des médecins, qui s’y est associé, Mme B, aux droits desquels est venue sa fille, Mme L B, a demandé à cette chambre de prononcer une sanction à l’encontre du Dr A, qualifié spécialiste en stomatologie.
Par une décision n° C.2018-6185 du 6 juin 2019, la chambre disciplinaire de première instance a prononcé la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant une durée de trois mois à l’encontre du Dr A, et a mis à la charge du Dr A le versement d’une somme de 3 000 euros à Mme L B au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2019, le Dr A demande à la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins :
1° d’annuler cette décision ;
2° de rejeter la plainte de Mme B.
Il soutient que :
- il a dispensé des soins continus et consciencieux à Mme B qu’il a opérée le 15 septembre 2016, la recevant en consultation cinq fois entre cette date et le 16 novembre suivant et réalisant quatre panoramiques dentaires qui n’ont rien montré d’alarmant et qui n’ont pas été corrigés car il utilise un logiciel infalsifiable ;
- il n’a pas cru utile de transmettre son dossier à Mme B parce qu’elle était affiliée au réseau de soins ABC qui exige que soit remis au patient un dossier complet de tous les examens pratiqués;
- il conteste les propos qu’on l’accuse d’avoir tenus lors de la réunion de conciliation au cours de laquelle il s’est borné à regretter que la patiente décédée n’ait pas été là pour dire ce qui s’était passé.
Par un mémoire enregistré le 31 octobre 2019, Mme L B conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mis à la charge du Dr A le versement de la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :
1 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS CEDEX 17
- le Dr A n’a pas transmis le dossier médical que demandait sa mère alors que les articles L. 11117, R. 4127-45 et R. 4127-46 du code de la santé publique imposent au médecin de transmettre à un patient l’intégralité de son dossier médical dans les huit jours ;
- le Dr A ne saurait se dispenser de cette obligation au motif qu’il remet à chacun de ses patients une clé USB avec les clichés de ses consultations ou en faisant valoir qu’il transmet au réseau de soins, la mutuelle des agents d’Air France, un dossier dit « de traçabilité » complet ;
- il n’a pas tenu correctement la fiche d’observation que l’article R. 4127-45 du code de la santé publique impose au médecin de tenir indépendamment du dossier de suivi médical et seuls des consultations des 29 septembre, 13 octobre et 16 novembre sont mentionnées ;
- il n’a pas prodigué à Mme B les soins consciencieux et dévoués prévus par l’article R. 4127-32 du code de la santé publique en se bornant à prescrire de la Lamaline malgré la persistance des douleurs et sans prêter attention au gonflement de l’œil, ni assuré la continuité des soins prévue par l’article R. 4127-47 du même code en refusant de lui communiquer les coordonnées d’un autre praticien pouvant la prendre en charge pendant qu’il partait en vacances ;
- il a manqué aux articles R. 4127-3 et R. 4127-31 du même code en tenant lors de la réunion de conciliation des propos mensongers et outrageants, dont la réalité est attestée par les membres du conseil départemental qui y participaient.
Par un mémoire enregistré le 6 janvier 2020, le Dr A conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens.
Il soutient, en outre, que :
- s’agissant du suivi et du caractère consciencieux des soins, il n’a pas réalisé de compte rendu d’intervention puisqu’un tel document n’a d’intérêt que pour un autre praticien, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, que les copies de SMS produites montrent bien que Mme B a été reçue le 19 septembre et le 6 octobre, qu’il avait donné son numéro de portable personnel à celle-ci pour qu’elle puisse le joindre et a répondu à tous ses messages, que le 16 novembre la patiente ne présentait aucun signe ophtalmologique et que le 20 novembre, il a conseillé à la fille de Mme B d’emmener sa mère aux urgences de l’hôpital d’Anthony qui a un excellent service de stomatologie ;
- la complication survenue deux mois plus tard n’est pas une complication post-opératoire et est rarissime, il n’a été procédé à aucune expertise sur les soins qu’il a dispensés et la réalité d’une complication post-implantaire fait doute ;
- il n’est pas parti en vacances mais en week-end et il n’y a pas eu de rupture de la continuité des soins ;
- à aucun moment il n’a manqué de respect lors de la réunion de conciliation qu’il a d’ailleurs enregistrée.
Par un mémoire enregistré le 9 mars 2020, Mme L B conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens.
Par des courriers du 11 février 2021, les parties ont été informées de ce que la décision à intervenir est susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office par le juge tiré de l’irrecevabilité des conclusions d’appel de Mme B, dès lors que ces dernières ont été enregistrées le 31 octobre 2019, soit postérieurement à l’expiration du délai d’appel.
Par un mémoire, enregistré le 16 mars 2021, le Dr A conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :

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DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS CEDEX 17
- le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles
R. 4127-1 à R. 4127-112 ;
- le code de justice administrative ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, notamment le I de l’article 75.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique du 29 avril 2021 :
- le rapport du Dr Bohl ;
- les observations de Me Blaison pour Mme L B et celle-ci en ses explications.
APRES EN AVOIR DELIBERE,
Considérant ce qui suit :
1. Le Dr A, stomatologue, a pratiqué le 15 septembre 2016 la pose de cinq implants dentaires sur Mme B. Celle-ci a souffert de douleurs importantes qui sont allées croissantes, associées à des symptômes inquiétants, qui ont décidé sa fille, Mme L B, à la conduire le 20 novembre suivant aux urgences de l’hôpital d’Antony où a été diagnostiqué un abcès paraseptal droit refoulant le globe oculaire avec érosion du plancher, pour lequel Mme B a été opérée à la fondation ophtalmologique
Rothschild les 21 et 24 novembre suivants. La plainte formée le 6 décembre 2017 par Mme B a été reprise par sa fille, Mme L B, après le décès accidentel de sa mère le 20 décembre 2017.
Sur la communication du dossier médical :
2. L’article L. 1111-7 du code de la santé publique reconnaît à toute personne le droit d’accéder à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues à quelque titre que ce soit notamment par des professionnels de santé et d’en obtenir communication au plus tard dans les huit jours suivants sa demande.
3. Il est constant que Mme B a demandé la communication du dossier médical par lettre recommandée avec avis de réception les 29 novembre et 17 décembre 2016, demande que son conseil a renouvelée le 13 janvier 2017, avant d’être relayée les 23 mai 2017 et 13 juillet 2017 par le conseil départemental des Hauts-de-Seine de l’ordre des médecins sollicité à cet effet le 15 mai, sans davantage de succès, ce qui a conduit Mme B au dépôt de sa plainte le 6 décembre 2017.
4. Le Dr A ne saurait se prévaloir de ce que Mme B était affiliée à un réseau de soins exigeant des praticiens que soit remis au patient un dossier complet de tous les examens pratiqués pour soutenir que, Mme B disposant des éléments de son dossier, il pouvait se dispenser de répondre à sa demande. Il a donc méconnu l’obligation de communication du dossier médical et persisté dans son refus illégal.
Sur les soins dispensés à Mme B :
5. Le Dr A fait valoir qu’il a reçu Mme B, après l’intervention du 15 septembre 2016,en consultation les 23 septembre et 6 octobre suivants, qu’il lui a prescrit de la Lamaline pour soulager les douleurs éprouvées, qu’il lui avait donné son numéro de téléphone portable personnel pour qu’elle puisse le joindre à tout moment et a répondu à tous ses messages, qu’il a pratiqué le 16 novembre 2016 une radio panoramique ainsi que le 17 novembre suivant et a lui-même recommandé le service des urgences de l’hôpital d’Anthony où Mme L B a conduit sa mère le 20 novembre.

3 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS CEDEX 17 6. Toutefois, il résulte de l’instruction, notamment des messages que lui a adressés Mme B, que le
Dr A ne s’est pas inquiété de la persistance des douleurs et de l’augmentation de la souffrance continûment éprouvée par sa patiente pendant plusieurs semaines après la pose des implants, en continuant de lui prescrire de la Lamaline et du repos, et qu’une radio panoramique ne pouvait permettre de diagnostiquer l’infection des sinus. L’absence de toute indication et constatation dans le dossier tenu par le Dr A ne permet pas d’établir la qualité des soins post-opératoires, ni même au surplus l’existence d’examens pré-opératoires.
7. Dans ces conditions, le Dr A n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont estimé qu’il avait manqué à l’obligation faite, par l’article R. 4127-32 du code de la santé publique, au médecin qui a accepté de répondre à une demande d’assurer personnellement « des soins consciencieux, dévoués et fondées sur les données acquises de la science » dans la prise en charge de Mme B.
Sur la déconsidération de la profession :
8. Le Dr A, en ne répondant pas aux demandes réitérées de Mme B et de son avocat puis du conseil départemental de transmettre son dossier médical à sa patiente, et en tenant, lors de la réunion de conciliation du 21 février 2018, des propos blessants à l’égard de Mme L B qui venait de perdre sa mère, doit être regardé comme ayant manqué également, tant au devoir fait au médecin par l’article R. 4127-3 du code de la santé publique de respecter le principe de dévouement indispensable à l’exercice de la médecine, qu’à l’obligation qui lui est faite par l’article R. 4127-31 du même code de s’abstenir de tout acte de nature à déconsidérer sa profession.
9. Les manquements commis par le Dr A justifient la sanction de l’interdiction d’exercice de la médecine pendant trois mois. Dès lors, la requête du Dr A doit être rejetée.
Sur les conclusions tendant à l’aggravation de la sanction :
10. Les conclusions de Mme L B tendant à ce qu’une sanction plus sévère soit prononcée à l’encontre du Dr A, qui ont été présentées après l’expiration du délai d’appel, ne sont pas recevables.
Sur la mise en œuvre du I de l’article 75 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du Dr A le versement à Mme L B de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de cet article.
PAR CES MOTIFS,
DECIDE:
Article 1er : La requête du Dr A est rejetée.
Article 2 : La sanction de l’interdiction d’exercer la médecine prononcée à l’égard du Dr A par la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France prendra effet le 1er novembre 2021 à 0 heure et cessera de porter effet le 31 janvier 2022 à minuit.
Article 3 : Le Dr A versera à Mme L B une somme de 3 000 euros au titre du I de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme L B est rejeté.

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DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS CEDEX 17
Article 5 : La présente décision sera notifiée au Dr A, à Mme L B, au conseil départemental des
Hauts-de-Seine de l’ordre des médecins, à la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-deFrance de l’ordre des médecins, au directeur général de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nanterre, au conseil national de l’ordre des médecins, au ministre chargé de la santé et à tous les conseils départementaux de l’ordre des médecins.
Ainsi fait et délibéré par : Mme Hélène Vestur, conseiller d’Etat, président ; Mmes les
Drs Bohl, Gros, Parrenin, M. le Pr Bertrand, MM. les Drs Bouvard, Ducrohet, membres.
Le conseiller d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins
Hélène Vestur
Le greffier en chef
François-Patrice Battais
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Conseil national de l'ordre des médecins, 21 juillet 2021, n° -- 14469