Conseil national de l'ordre des médecins, 15 avril 2021, n° -- 14580

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Résumé de la juridiction

Psychiatre a pris en charge une patiente à compter de mars 2012. Une relation sentimentale et sexuelle s’est nouée entre eux et il n’est pas contesté que des rapports intimes ont eu lieu au sein même du cabinet médical pendant les heures de consultation. Cette relation a duré de janvier à mars 2015 jusqu’à ce que le praticien y mette fin. Le praticien a commis une faute déontologique en entretenant pendant des mois une relation intime avec une patiente et cela dans le cadre d’un suivi psychiatrique. Le fait que la durée précise de la liaison ne peut être tenue pour établie ni que celle-ci a débuté au cours ou après la fin de la thérapie compte tenu des versions contradictoires des parties, ne sont pas de nature à ôter au comportement du praticien la nature d’un manquement caractérisé aux règles de dignité et de moralité que tout praticien est tenu de respecter.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, 15 avr. 2021, n° -- 14580
Numéro(s) : -- 14580
Dispositif : Réformation Interdiction temporaire d'exercer

Sur les parties

Texte intégral

CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS CEDEX 17
N° 14580 ______________________
Dr A ______________________
Audience du 9 février 2021
Décision rendue publique par affichage le 15 avril 2021
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS,
Vu la procédure suivante :
Par une plainte, enregistrée le 29 octobre 2018 à la chambre disciplinaire de première instance de Poitou-Charentes de l’ordre des médecins, devenue chambre disciplinaire de première instance de Nouvelle-Aquitaine de l’ordre des médecins, transmise par le conseil départemental de la Charente-Maritime de l’ordre des médecins, Mme B a demandé à cette chambre de prononcer une sanction à l’encontre du Dr A, qualifié spécialiste en psychiatrie et titulaire d’un DESC en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent.
Par une décision n°1329 du 19 novembre 2019, la chambre disciplinaire de première instance a prononcé la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine durant six mois à l’encontre du Dr A.
I – Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 décembre 2019 et 12 octobre 2020, le Dr A demande à la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins :
1° d’annuler cette décision ;
2° de ne prononcer à son encontre qu’une sanction en corrélation avec la gravité relative des faits et sensiblement atténuée par rapport à celle retenue par la juridiction de première instance ;
3° de rejeter l’intégralité des demandes de Mme B.
Il soutient que :
- s’il reconnaît avoir eu des relations sexuelles avec Mme B, qui était sa patiente, au sein même de son cabinet, ce qu’il regrette et ce dont il s’est excusé, la sanction prononcée par les premiers juges est manifestement disproportionnée au regard des circonstances d’espèce ;
- c’est Mme B qui est à l’origine de ces relations par son aveu d’attirance pour lui ;
- ces relations, pleinement consenties de part et d’autre, ont duré peu de temps et n’ont débuté qu’après qu’il ait mis fin à la thérapie de sa patiente ainsi qu’en atteste l’absence quasi intégrale de facturations d’actes ;
- c’est lui qui a mis un terme à ces relations mais Mme B, fortement déstabilisée, a cherché à le revoir ainsi qu’en attestent ses nombreux messages étalés sur deux ans ;
- il n’a aucunement abusé de sa situation de médecin ni de la faiblesse de l’intéressée qui était en pleine possession de ses moyens ;
- l’analyse psychiatrique que fait Mme B, dans ses écritures d’appel, est non seulement erronée mais diffamatoire et injurieuse ;
- il n’a jamais été poursuivi au cours de sa carrière qui a été exemplaire et l’interdiction d’exercer sa profession ne pourrait qu’avoir des conséquences néfastes pour les patients dans un contexte d’une offre limitée de soins psychiatriques dans le secteur.
1 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS CEDEX 17
II – Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 décembre 2019 et 24 décembre 2020, Mme B demande à la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins :
1° de rejeter la requête du Dr A ;
2° de prononcer à son encontre une sanction en corrélation avec la gravité des faits ;
3° de mettre à la charge du Dr A le versement de la somme de 6 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- le Dr A a méconnu les dispositions des articles R. 4127-2, -3 et -51 du code de la santé publique ;
- si elle lui a fait part de l’attirance qu’elle avait pour lui, par un phénomène classique de transfert, il lui appartenait, en sa qualité de psychiatre aguerri, de l’adresser à un autre confrère ;
- ce n’est pas elle mais le Dr A qui a pris l’initiative de leurs relations sexuelles ;
- ces relations ont duré plus longtemps qu’il ne le soutient et se sont déroulées alors que sa thérapie était en cours ;
- il avait compris que sa fragilité psychologique la rendait vulnérable et il a abusé de sa faiblesse par l’emploi d’une thérapie qui l’a sciemment rendue dépendante ; sa relation avec lui n’était donc pas consentie, étant totalement prisonnière de l’emprise psychologique qu’il avait sur elle ;
- le jeu de séduction qu’il a pratiqué sur elle s’apparente à un véritable viol à caractère incestueux et dénote sa dangerosité.
Par une ordonnance du 5 janvier 2021, le président de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a décidé qu’il serait statué sur cette affaire en audience non publique.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;
- le code de justice administrative ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, notamment le I de l’article 75.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience non publique du 9 février 2021 :
- le rapport du Dr Munier ;
- les observations de Me Belliot pour le Dr A et celui-ci en ses explications ;
- les observations de Me Vappereau-Arnoult pour Mme B et celle-ci en ses explications.
Le Dr A a été invité à reprendre la parole en dernier.

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APRES EN AVOIR DELIBERE,
Considérant ce qui suit :
1. Le Dr A, psychiatre, a pris en charge, à compter du 25 mars 2012, Mme B qui éprouvait de sérieuses difficultés professionnelles, pour un suivi psychiatrique. Une relation sentimentale et sexuelle, dont l’origine donne lieu à des versions contradictoires des parties mais dont il est constant qu’elle s’est traduite par des rapports intimes au sein même du cabinet médical et pendant les heures de consultation, s’est nouée entre eux de janvier à mars 2015, jusqu’à ce que le Dr A décide d’y mettre fin. Mme B a porté plainte contre ce praticien, lui imputant d’avoir abusé de sa situation de thérapeute et de sa fragilité. La juridiction disciplinaire de première instance a prononcé à l’encontre du Dr A la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant six mois par une décision dont Mme B et le Dr A font appel.
2. Aux termes de l’article R. 4127-2 du code de la santé publique : « Le médecin, au service de l’individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité (…) ». Aux termes de l’article R. 4127-3 du même code : « Le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine ».
3. Si Mme B a fondé sa plainte sur un abus de faiblesse commis par le Dr A à qui elle impute non seulement d’avoir été à l’origine de leur relation mais d’avoir sciemment développé une emprise psychologique totale sur elle, elle ne produit pas d’éléments suffisamment probants de nature à le démontrer, les courriers et messages par SMS qu’elle lui a spontanément adressés, y compris après leur rupture, ne caractérisant pas de manière indubitable un état de dépendance.
4. En revanche, il n’est contesté ni que le Dr A a entretenu pendant plusieurs mois des relations intimes avec Mme B dans le cadre d’un suivi psychiatrique, ni que ces relations se sont déroulées au sein même de son cabinet médical à des heures de consultations ainsi qu’en atteste l’agenda, produit aux débats, de ses rendez-vous avec ses patients. La circonstance que la durée précise de la liaison ne peut être tenue pour établie ni que celle-ci a débuté au cours ou après la fin de la thérapie compte tenu des versions contradictoires des parties, ne sont pas de nature à ôter au comportement du Dr A la nature d’un manquement caractérisé aux règles de dignité et de moralité que tout praticien est tenu de respecter.
5. Il s’ensuit que la juridiction disciplinaire de première instance était fondée à retenir la violation par le Dr A des dispositions précitées des articles R. 4127-2 et -3 du code de la santé publique. Il sera toutefois fait une plus juste appréciation de l’étendue des manquements commis, eu égard aux circonstances de l’espèce et à l’implication de Mme B dans le déroulement des faits, en prononçant à l’encontre du Dr A la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant une durée de six mois dont deux mois assortis du sursis. La décision de première instance sera réformée en conséquence.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
6. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du Dr A le versement à Mme B de la somme qu’elle sollicite au titre des dispositions du I de l’article 75 de la loi susvisée du 10 juillet 1991.

3 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS CEDEX 17
PAR CES MOTIFS,
DECIDE:
Article 1er : La sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant une durée de six mois dont deux mois assortis du sursis est prononcée à l’encontre du Dr A.
Article 2 : La partie ferme de l’interdiction d’exercer la médecine prononcée à l’encontre du
Dr A prendra effet à compter du 1er juin 2021 à 0h00 et cessera de porter effet le 30 septembre 2021 à minuit.
Article 3 : La décision de la chambre disciplinaire de première instance de NouvelleAquitaine de l’ordre des médecins, en date du 19 novembre 2019, est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.
Article 4 : La requête de Mme B et le surplus des conclusions du Dr A sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au Dr A, à Mme B, au conseil départemental de la Charente-Maritime de l’ordre des médecins, à la chambre disciplinaire de première instance de Nouvelle-Aquitaine de l’ordre des médecins, au directeur général de l’agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de La Rochelle, au conseil national de l’ordre des médecins, au ministre chargé de la santé et à tous les conseils départementaux de l’ordre des médecins.
Ainsi fait et délibéré par Mme Chadelat, conseiller d’Etat honoraire, président ; Mmes les Drs Kahn-Bensaude, Masson, MM. les Drs Blanc, Bouvard, Ducrohet, Munier, membres.
Le conseiller d’Etat honoraire, président de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins
Le greffier en chef
Catherine Chadelat
François-Patrice Battais
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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