Conseil national de l'ordre des médecins, 26 août 2021, n° 6024

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Sur la décision

Référence :
CNOM, 26 août 2021, n° 6024
Numéro(s) : 6024

Sur les parties

Texte intégral

1

CHAMBRE DISCIPLINAIRE DE PREMIERE INSTANCE

DE L’ORDRE DES MEDECINS DES REGIONS PROVENCE-ALPES-COTE D’AZUR ET CORSE

[…]

N° 6024

Conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l’Ordre des médecins

sur la plainte de :

[…]

C/
Monsieur le Docteur B X

Audience du vendredi 4 juin 2021

Décision rendue publique par affichage le 26 août 2021

LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE DE PREMIERE INSTANCE

Vu, enregistrés au greffe de la Chambre disciplinaire le 14 octobre 2019, le courrier en date du 12 septembre 2019 du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l’Ordre des médecins, dont le siège est situé […] et le procès-verbal de la séance plénière du 9 septembre 2019 dudit Conseil, transmettant sans émettre d’avis à la

Chambre disciplinaire de première instance, la plainte formulée par la Selas Cerballiance Provence dont le siège est situé : […], […], à l’encontre du Dr

X, exerçant : Laboratoire de biologie médicale Ayoub Aquaron, résidence Pierrot, […], […] et dont le n° FINESS est 130040728 ; ainsi que par les mémoires complémentaires enregistrés les 30 juillet 2020, 27 novembre 202016 février 2021 et 17 mai 2021 par la Selas Cerballiance Provence représentée par Me Eddy Laviolette ;

[…] demande à la Chambre disciplinaire de première instance:

1) de sanctionner le Dr X ;

2) de mettre à sa charge la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

[…] soutient que :

En créant un site non autorisé de prélèvement de son laboratoire dans un immeuble proche de celui de la SELAS Cerballiance, le Dr X a volontairement généré une confusion dans le public et organisé un détournement de patientèle méconnaissant ainsi les dispositions de l’article R.4127-57 du code de la santé publique ;

La confusion volontairement générée dans l’esprit des patients au moyen d’une orientation erronée méconnait le droit de tout patient de choisir librement son médecin méconnaissant ainsi les obligations résultant des dispositions de l’article R.4127-6 du code de la santé publique ;

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En installant un site non autorisé par l’ARS à proximité du laboratoire de la SELAS Cerballiance, le Dr X s’est livré à une concurrence déloyale ;

Le Dr X a méconnu les obligations d’interdiction de tout compérage résultant de l’article R.4127-23 du code de la santé publique ;

Le Dr X s’est livré à la médecine foraine, a compromis la qualité des soins et la sécurité des patients faute de respecter la règlementation de la collecte de sang méconnaissant ainsi les dispositions des articles R.4127-71, R.4127-16 et R.4127-74 du code de la santé publique ;

Par mémoires en défense enregistrés les 13 mars 2020, 15 décembre 2020, 12 avril 2021 et 5 mai 2021, le Dr X représenté par Me Philippe Carlini demande à la Chambre disciplinaire de première instance : de rejeter la plainte de la Selas Cerballiance Provence;1)

2) de mettre à sa charge la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 75 I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991

Le Dr X fait valoir que les griefs ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112;

Vu le code de justice administrative;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du vendredi 4 juin 2021

- Le rapport du Dr Tamisier;

- Me Laviolette pour la Selas Cerballiance Provence, représentée par le Dr C D, et celle-ci en ses observations;

- Me Carlini pour le Dr X, et celui-ci en ses explications ;

Le Dr. X ayant été invité à prendre la parole en dernier,

Considérant ce qui suit :

APRES EN AVOIR DELIBERE,

1. Le Dr X exerce au Laboratoire de biologie médicale Ayoub Aquaron, résidence Pierrot, […], […], la profession de médecin spécialisé en biologie médicale. La société Cerballiance Provence est un laboratoire de biologie médicale multisite dont l’un des sites

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autorisés se trouve au sein de l’espace santé Cassis (ESC) situé au […] à Cassis. La société Cerballiance demande à la Chambre de sanctionner ce praticien.

Sur les conclusions aux fins de sanctions.:

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l’article R 4127-57 du code de la santé publique « Le détournement ou la tentative de détournement de clientèle est interdit. »>.

3. Il résulte de l’instruction que le Dr X a exercé pendant une dizaine d’année et jusqu’en 2015 sur le territoire de la commune de Cassis en qualité de médecin biologiste sous l’enseigne Laboratoire JS Bio puis Cerballiance. Il n’est pas contesté que le Dr X a vendu en 2014 la totalité de ses parts au sein du Laboratoire JS Bio à Cerballiance et qu’il a quitté ledit laboratoire en 2015. Il résulte également de l’instruction que le Dr X après un long séjour à l’étranger, est revenu s’installer dans le département des Bouches-du-Rhône où il a repris dans le courant de l’année 2017 l’exercice d’une activité de médecin biologiste associé au sein de la SELAS Laboratoire X dont plusieurs sites sont autorisés sur le seul territoire de la commune d’Aubagne.

4. Il résulte de l’instruction que le Dr X détient, avec d’autres professionnels de santé, médecins et infirmiers, des parts sociales au sein la société civile immobilière CMC (SCI CMC) dont l’objet est l’acquisition de locaux quartier du Brégadan à Cassis en vue de la location desdits locaux à ses associés pour y exercer des activités médicales et paramédicales. Ainsi, se sont implantés dans l’immeuble dénommé Institut Médical de Cassis (IMC) sis 7, […], soit à quelques mètres de l’ESC où se trouve le site autorisé du laboratoire Cerballiance, un cabinet d’infirmiers, plusieurs médecins ainsi que l’activité d’autoentrepreneur de l’épouse du Dr X. Or, l’instruction révèle que le patronyme de X, sans autre précision, qui figure aux cotés de celui des cabinet médicaux et infirmiers de l’immeuble est notoirement connu dans la commune au regard de l’activité d’une décennie du Dr X au sein de son laboratoire de biologie médicale JS Bio déjà cité avant qu’il ne le cède à la société Cerballiance.

5. En outre, l’instruction révèle, et notamment le rapport initial et le rapport de conclusion de l’inspection de l’ARS diligentée le 25 juillet 2019, que le Dr X était présent ce jour dans les locaux et qu’il disposait des clés du cabinet infirmier et des salles de prélèvements au sein desquelles tout le matériel nécessaire à la réalisation desdits prélèvements se trouvait, trois tubes ayant été prélevés avant l’arrivée de l’équipe d’inspection et disposés sur le porte-tube. Le Dr X a expliqué aux inspecteurs avoir réalisé lui-même les prélèvements des tubes de sang à la demande d’un patient. Les inspecteurs ont également constaté, dans les deux pièces ouvertes par le Dr X, la présence par d’un volume significatif de cartes de visite du laboratoire X, de cartes permettant d’inscrire les identifiant et mot de passe des patients pour se connecter au serveur des résultats, du manuel de prélèvement du laboratoire X ainsi que les documents qualité de ce même laboratoire tels les fiches de transmission de prélèvement, les fiches de renseignement pour analyses bactériologiques, les formulaires pour les rapports dématérialisés ainsi que des enveloppes contenant des résultats d’analyses. Il résulte également de l’instruction et notamment de l’examen des attestations versées à

l’instance et établies par les professionnels de santé exerçant dans les locaux de l’IMC, et par ailleurs associés à celui-ci dans le cadre de la SCI CMC, qu’ils proposent à leur patient de recourir au laboratoire du Dr X et en justifient en mettant en avant la réactivité du Dr X pour procéder à des prélèvements sur leurs patients respectifs, après accord de ceux-ci, et à leur fournir les résultats tout autant que la qualité de son travail et de son dévouement.

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6. Si le Dr X fait valoir que sa présence le jour de l’inspection était liée à l’anniversaire de son épouse, cette circonstance ne permet pas de justifier sérieusement du caractère fortuit de ladite présence au regard des éléments matériels retrouvés sur place qui permette d’établir une pratique régulière de prélèvements biologiques dans les salles de l’IMC au profit du laboratoire X alors qu’il est constant que celui-ci n’est autorisé que pour des sites se trouvant sur le territoire de la commune

d’Aubagne. S’il fait également état de la signature de convention avec les différents cabinets infirmiers de la ville de Cassis et de la possibilité dont il dispose de procéder à des prélèvements au domicile des patients, ces éléments ne permettent pas de justifier sérieusement des actes de prélèvements réalisés dans les salles de l’IMC au profit du laboratoire X, y compris par le Dr X lui-même. Enfin, si le Dr X fait valoir qu’il ne peut exister de détournement de patientèle dès lors qu’il fournit lui-même un chiffre d’affaires conséquent de 145 454 euros en 2019 à la société Cerballiance

à laquelle il confie des analyses de prélèvements, cette circonstance ne contredit pas l’existence même de la réalisation de prélèvements pour le laboratoire X dans les locaux de l’IMC dont il détient les clés d’accès et sur un territoire où il ne dispose pas d’autorisation. De même, les considérations du médecin poursuivi sur la responsabilité du syndie et à l’ouverture récente de l’immeuble quant à la signalétique, ou encore de l’abandon de l’installation dans les locaux de son cousin le Dr Y

X, ne peuvent sérieusement remettre en cause l’existence d’une signalétique confuse autour du patronyme X de nature à induire en erreur les patients pour laquelle, compte-tenu du contexte déjà rappelé et de la configuration des lieux, une vigilance toute particulière devait être exercée par l’intéressé.

7. Au regard de ces éléments, la confusion résultant des proximités géographiques et des insuffisances de la signalétique tout autant que des orientations vers le laboratoire X réalisés par les professionnels de santé de l’IMC, les agissements et l’organisation mise en place doivent être regardée comme un détournement de patientèle. Par suite, il y a lieu d’accueillir le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées de l’article R.4127-57 du code de la santé publique.

8. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l’article R. 4127-23 du code de la santé publique « Tout compérage entre médecins, entre médecins et pharmaciens, auxiliaires médicaux ou toutes autres personnes physiques ou morales est interdit. » Il résulte de ces dispositions qu’un compérage doit être regardé comme établi dès lors qu’existe une intelligence entre deux ou plusieurs personnes en vue d’avantages obtenus au détriment du patient ou du tiers.

9. Il résulte de l’instruction que les professionnels de santé, médecins et infirmiers, hébergés dans les locaux de l’IMC sont également les associés du Dr X au sein de la SCI CMC précitée et qu’ils attestent proposer à leurs patients de recourir, certes avec leur accord, aux services du laboratoire X, ceux-ci étant également utilisateurs de la salle de prélèvement située dans les locaux de I’IMC contenant des cartes de visite de ce seul laboratoire et tout le matériel nécessaire au suivi et à la communication des résultats des analyses relevant de celui-ci à leurs patients. Au surplus, la présence de Mme X dans les mêmes locaux de cet institut médical de Cassis et les liens de prestations de service de celle-ci avec ces mêmes professionnels de santé entretient la confusion des intérêts au détriment du laboratoire Cerballiance, autorisé par l’ARS, situé à quelques dizaines de mètres de

l’immeuble de l’IMC. Si le Dr X fait valoir que l’immeuble de l’IMC ne relève d’un investissement de nature patrimoniale, la nature des activités s’y déroulant et les liens entretenus avec les différents associés impliquaient une très grande vigilance de l’intéressé quant à la compatibilité de ces agissements déjà décrit avec les exigences posées par les autorisations de l’ARS et ses obligations déontologiques. Bien que les attestations des professionnels citées fassent état du sérieux et de la qualité du travail du Dr X tout comme de la relation parfois ancienne d’estime et de confiance avec ce dernier, au regard des faits déjà décrits aux points précédents, il y a lieu de regarder les faits

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reprochés aux Dr X comme révélant une situation de compérage. Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 4127-23 du code de la santé publique doit être accueilli.

10. En troisième lieu et dernier lieu, aux termes des dispositions de l’article R 4127-6 du code de la santé publique « Le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter l’exercice de ce droit. ».

11. Il résulte de l’instruction que la signalétique mentionnant le nom X sans autre précision, la très grande proximité géographique avec le laboratoire autorisé Cerballiance tout comme l’orientation vers le laboratoire X par les professionnels de santé hébergés dans l’immeuble de l’IMC compte tenu notamment des nombreuses cartes de visites trouvés dans la salle de prélèvement qu’ils sont sensés utiliser, sont de nature à altérer l’exercice par le patient de son libre choix. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article R.4127-6 du code de la santé publique doit être accueilli.

12. Par suite, la plaignante établit que le médecin entrepris aurait méconnu l’obligation résultant des prescriptions citées du code de la santé publique. Il sera fait une juste appréciation de la gravité de la faute ainsi commise en infligeant au Dr X un blâme.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article 75 I de la loi n° 91-647 du

10 juillet 1991:

13. Il résulte des termes mêmes du I de l’article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 que la partie qui succombe n’est pas fondée à demander le remboursement des frais de justice non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce il n’y a pas lieu de mettre à la charge du défendeur la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 75 I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS,

DECIDE

Article 1: Un blâme est infligé au Dr B X.

Article 2 : Les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article 75 I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 par la Selas Cerballiance Provence sont rejetées.

Article 4: La présente décision sera notifiée à la Selas Cerballiance Provence, à Me Eddy Laviolette, au Dr

B X, à Me Philippe Carlini, au Conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l’Ordre des médecins, au Procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Marseille, à l’Agence Régionale de Santé PACA, au Conseil national de l’Ordre des médecins et au Ministre chargé de la santé.

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Ainsi fait et délibéré par M. H, premier conseiller des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, président; Mmes les E Gueroult et Z et MM. les E F, Plat et Tamisier, membres.

Le premier conseiller des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel Président de la chambre disciplinaire

A-G H

La greffière

D. Audibert

[…]

À L’ORIGINAL

La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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