Conseil de prud'hommes de Créteil, 5 juin 2003, n° F02/01507

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cons. prud’h. Créteil, 5 juin 2003, n° F02/01507
Juridiction : Conseil de prud'hommes de Créteil
Numéro(s) : F02/01507

Sur les parties

Texte intégral

CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE

CRETEIL RÉPUBLIQUE FRANÇAISE 9 rue Thomas Edison AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS […]

Tél. : 01.42.07.00.04 JUGEMENT PRONONCE Fax: 01.42.07.22.92 LE 05 Juin 2003

- Composition du bureau de Jugement RG N° F 02/01507 du 27 Mars 2003
Monsieur Jean Michel DOMERGUE, Président Conseiller (S) SECTION Encadrement Monsieur Christophe BRODHAG, Assesseur Conseiller (E)
Madame Huguette PALLEN, Assesseur Conseiller (E)
Madame Chantal GUIGNARD, Assesseur Conseiller (S) JUGEMENT Assistés lors des débats de Madame Muriel POIRIER, Greffier Contradictoire premier ressort

Pour copie certifiée conforme

Le Greffier en Chef
Monsieur Z Y

[…]

[…]

Assisté de Me Michel DAUNOIS (Avocat au barreau de PARIS)

L

D

I

E

E

T

C

E

R

Copies notifiées par LRAR le DEMANDEUR

(1933 SIN

AR Demandeur(s) signé(s) N° 7 le

12 SEP. 2003

SA CARTES ET SERVICES AR Défendeur(s) signé(s) 21/23, […] le

[…]

[…]

Représenté par Me Virginie DOUBLET-NGUYEN (Avocat au Expédition comportant la formule exécutoire délivrée barreau de PARIS) le

à

DEFENDEUR

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[…]

RG N° : 02/01507

DU: 05 JUIN 2003
Monsieur Z Y a saisi le Conseil le 21 Juin 2002.

Les parties ont été convoquées pour le bureau de conciliation du 17 Octobre

2002 devant lequel elles ont comparu.

L’affaire a été renvoyée au bureau de jugement du 27 mars 2003 pour lequel les parties ont été convoquées en application des dispositions des articles R.516-20 et 26 du code du travail.

A cette dernière audience, le Conseil a entendu les explications des parties et mis l’affaire en délibéré pour le jugement être prononcé le 05 Juin 2003.

Monsieur Z Y vient demander au Conseil la condamnation de la SA CARTES ET SERVICES à lui payer:

- 14.624,46 euros au titre du préavis et 1.462,44 euros de congés payés afférents

- 36.782,96 euros d’indemnité de licenciement

- 30.130,63 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 14.624,44 euros au titre de son préjudice matériel et moral

- 2.500 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile

LES FAITS
Monsieur Z Y a été embauché en contrat à durée déterminé par la société ATM le 10 octobre 1987 comme opérateur d’assistance.

Son contrat est devenu à durée indéterminée et a été repris par la société INNOVATION SERVICES puis en dernier lieu par la société CARTES ET

SERVICES.

Par courrier du 21 février 2001, Monsieur Y est muté de Rungis à

Saint Maximim dans le Var en qualité de responsable commercial. Deux avenants à son contrat de travail précisent ces modifications de contrat, ses objectifs et sa rémunération.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 janvier 2002, la société CARTES ET SERVICES demande à Monsieur Y de revenir à

Rungis au siège de l’entreprise.

Après de nombreux échanges de courrier, Monsieur Y est convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 avril 2002 à un entretien préalable pour le 2 mai. Par lettre du 7 mai 2002, Monsieur Y est licencié pour faute grave avec le motif suivant :

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[…]

RG N° : 02/01507

DU: 05 JUIN 2003

"Nous avons fait le point de la situation d’insubordination dans laquelle vous 66

vous trouvez en refusant de rejoindre le siège social de la société comme nous vous l’avons demandé depuis plusieurs mois.

J’ai renouvelé nos motivations sur cette demande, qui se justifient par un fonctionnement rationalisé de votre activité au sein des équipes du marketing et des équipes commerciales. J’ai fait état, comme à plusieurs reprises dans mes courriers, des difficultés qui pouvaient être les vôtres à laisser perdurer cette attitude, attitude intolérable chez un cadre de votre niveau.

J’ai constaté qu’aucune explication ne faisait infléchir votre détermination à refuser de rejoindre notre siège. J’ai également constaté que malgré notre entretien du 2 mai 2002, vous n’étiez pas à votre poste à Rungis le 6 mai 2002, ce qui aurait pu arrêter toute procédure à votre encontre.

Aussi, je vous notifie, votre licenciement pour faute grave, caractérisée par un abandon de poste, qui sera effectif à première présentation de ce courrier recommandé."

LA POSITION DE MONSIEUR Y
Monsieur Y expose que ses qualités de commercial étaient

C

appréciées de INNOVATRON SERVICES société qui l’avait embauché comme ingénieur en octobre 1987.

Sa société devant fusionner pour devenir CARTES ET SERVICES, Monsieur

Y a été présenté pour fédérer les personnels ainsi que l’expose

l’attestation de Monsieur X son supérieur à l’époque.

Un avenant à son contrat pour l’année 2000 avec INNOVATRON SERVICE précisait que son secteur serait les départements de l’ouest dont l’Ile de France.

Son objectif est de 10MF de chiffre d’affaires sur les clients en cours et 4MF sur les nouveaux clients.

Sa rémunération fixe est de 12.500 francs et la partie variable est détaillée dans cet avenant (pourcentage sur le chiffre d’affaires avec différents niveaux).

Une prime de 5.000 francs sur des critères qualitatifs est prévue.

L’avenant suivant émane donc de la nouvelle entité qui l’emploie (CARTES

ET SERVICES) pour l’année 2001.

Une lettre du 21 février 2001 l’affecte à Saint Maximim dans le Var. L’avenant du 5 mars 2001 confirme cette affectation avec un fixe de 14.000 francs et un

13e mois prorata temporis en juin et novembre.

Un deuxième avenant est signé à la même date qui précise sa mission

d’animation du réseau de techniciens de site, sa rémunération variable selon le

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[…]

RG N° : 02/01507

DU: 05 JUIN 2003

chiffre d’affaires réalisé par son équipe, sachant qu’un minimum variable de

8.000 francs par mois lui est garanti.

En réalité cette somme (avance sur commission) sera portée à 10.000 francs pour l’année 2001 ainsi que le confirme une note de la société.

Fin septembre 2001, Monsieur Y reçoit un mail du directeur du marketing et communication lui précisant ses objectifs pour le 4e trimestre

2001 (objectifs qu’il n’a donc pas signés).

Par courrier du 7 janvier 2002 en recommandé avec accusé de réception Monsieur Y est informé brutalement que du fait de l’insuffisance de ses déplacements et de ses rapports d’activité, sa société projetait de le faire revenir au siège de Rungis.

Monsieur Y répond dans un courrier recommandé avec accusé de réception très circonstancié du 12 février 2002 :

- que sa fonction de responsable de l’animation commerciale des techniciens

n’est nullement liée contractuellement à un objectif. que les résultats sont néanmoins à 110% suite à sa délocalisation.

-

- qu’il n’a pas travaillé 6 mais 4 mois sur place fin 2001 du fait de son déménagement et de ses congés payés.

- que ses rapports d’activité n’avaient jamais fait l’objet de critiques.

Enfin Monsieur Y y expose qu’il a dû acheter une maison sur place, scolariser son enfant et que sa femme qui avait dû démissionner de

CARTES ET SERVICES après 15 ans d’ancienneté venait de retrouver un travail.

Néanmoins CARTES ET SERVICES dans un courrier recommandé avec accusé de réception du même jour lui demande d’être présent début avril à

Rungis.

Dans trois courriers successifs Monsieur Y fait part de son étonnement quant à l’évaluation négative de sa délocalisation dans le Var, du harcèlement qu’il subit ainsi de la part de son employeur d’autant que lorsqu’il vient au siège il ne dispose ni de connexion informatique ni même de bureau.

En retour la directrice des ressources humaines lui annonce irrévocablement son retour à Rungis compte tenu de sa clause de mobilité.

Monsieur Y reçoit alors par fax le 4 mars un nouvel avenant à son contrat pour 2002 qui énonce que son lieu de travail est à Rungis, et qui modifie le mode de calcul de la partie variable de son salaire.

Le 19 mars la DRH lui confirme sa mutation pour le 22 avril.

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[…]

RG N° : 02/01507

DU: 05 JUIN 2003

Son entreprise subordonnant le paiement de la part variable de son salaire à la signature de son avenant et en tout état de cause de son retour à Rungis,
Monsieur Y écrit à son employeur le 5 avril pour le mettre en demeure de le payer.

Le 12 avril, un ultime courrier de la DRH énonce que le rattrapage de la part variable sera effectué sur la prochaine paie dans un souci d’apaisement. Il expose que s’il ne revenait pas à Rungis le 22 avril au matin, ce refus constituerait une faute.

C’est donc dans ce contexte que Monsieur Y est convoqué à un entretien préalable pour le 2 mai et qu’il est licencié pour faute grave par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 mai.

Monsieur Y expose que sa mutation est abusive eu égard aux dispositions conventionnelles et contractuelles.

Il ajoute que contrairement à ce que soutient son employeur les motifs de cette mutation sont fallacieux. Enfin, l’avenant 2002 à son contrat de travail qui prévoit sa mutation à Rungis fait état de modalités de calcul de sa part variable qui aurait entraîné une modification de celle-ci.

Monsieur Y affirme en effet, avoir réalisé 110% de l’objectif de son équipe soit 9.046.426 francs (chiffre figurant dans le mail du 24 avril 2002 de la DRH) par rapport à 8.736.667 francs figurant dans son avenant 2001.

Monsieur Y rappelle également la convention collective

Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie qui dans son article 8.3 énonce qu’une nouvelle mutation (dans une autre région) ne peut survenir moins de 3 ans après la précédente sans l’agrément de l’intéressé. Ces dispositions paralysent la clause de mobilité du contrat de travail.

Au total Monsieur Y estime que son licenciement est dénué de fondement.

Il expose que s’il en a été ainsi c’était pour faire échec au projet

d’augmentation de sa rémunération par son ancien directeur de marketing (Monsieur X qui a attesté.)

Il demande le paiement de son préavis et de ses indemnités de rupture.

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[…]

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Il justifie de sa demande indemnitaire en raison des pratiques vexatoires de

CARTES ET SERVICES, du retard de paiement de sa prime indûment retenue, pour le contraindre à signer son avenant de mutation en 2002, sur l’absence de motivation quant à sa gestion soit-disant insatisfaisante.

Enfin Monsieur Y indique au Conseil qu’il n’a pas retrouvé

d’emploi et adresse par note en délibéré la justification de son indemnisation ASSEDIC.

LA POSITION DE CARTES ET SERVICES

La société CARTES ET SERVICES est spécialisée dans la commercialisation de terminaux monétiques. Monsieur Z Y avait pour fonction

d’animer commercialement les techniciens sur site et ainsi devait se déplacer dans toute la France.

En 2001 Monsieur Y demande son rattachement à l’agence de

Saint Maximim sur la Côte d’Azur. Ce que CARTES ET SERVICES accepte et c’est ainsi que Monsieur Y signe un avenant le 5 mars 2001 où il est expressément noté « que le lieu de travail n’est pas considéré comme constituant un élément essentiel de (son) présent contrat de travail ». D’ailleurs ce dernier comportait déjà une clause de mobilité.

Chaque année, la rémunération variable de Monsieur Y était précisée dans un avenant qui rappelait par ailleurs sa mission.

En 2001 donc, l’entreprise constate l’envoi de rapports très succincts, ainsi que la faiblesse des déplacements de Monsieur Y. D’ailleurs, le bilan fin 2001 est insuffisant.

Devant cette nette régression, CARTES ET SERVICES lui écrit le 7 janvier

2002 qu’il est envisagé de le rapatrier au siège à Rungis, ce que refuse le salarié contrairement aux stipulations de son contrat de travail, y compris du dernier avenant signé.

Monsieur Y évoque une mesure de brimade. Pourtant CARTES

ET SERVICES propose de reprendre son épouse, d’organiser son déménagement et son retour et de lui donner un délai concernant ses enfants scolarisés ainsi que cela lui est indiqué dans les courriers du 7 janvier, du 12 février et 27 février 2002.

Concernant l’avenant 2002, si les sommes qui concernent le chiffre d’affaire ont été modifiées, en revanche les taux ne l’ont pas été.

D’ailleurs, Monsieur Y n’a jamais contesté ses objectifs en chiffre d’affaires.

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[…]

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Persistant dans son refus de réintégrer le siège, CARTES ET SERVICES prend acte de cet abandon de poste par un cadre proche de la direction et licencie
Monsieur Y pour faute grave.

Concernant la convention collective le changement d’affectation est prévu avant l’échéance de 3 ans "si (elle) repose sur des nécessités de service…”.

Monsieur Y avait par ailleurs signé un contrat de travail avec clause de mobilité et l’avenant du 5 mars 2001 l’affectant à Saint Maximim est également très clair à ce sujet.

Cette nécessité de service est abondamment prouvée par CARTES ET

SERVICES. Dès lors qu’il était éloigné du siège l’activité de Monsieur Y a faibli:

- rares déplacements

- rapports plus que succincts

- prévisions hebdomadaires laconiques

Concernant les objectifs quantitatifs, l’entreprise fait remarquer que durant la période en question, l’équipe de techniciens a été renforcée de 37 personnes supplémentaires. Le chiffre d’affaire réalisé aurait dû être supérieur.

Ainsi CARTES ET SERVICES estime parfaitement justifiée la décision de faire revenir Monsieur Y au siège. Elle a agi sans précipitation et a proposé à Monsieur Y de l’aider matériellement.

Mais ce dernier n’a rien voulu négocier. Il a purement et simplement refusé cette mutation ce qui caractérise une insubordination manifeste justifiant la gravité de la faute reprochée.

SUR QUOI

Attendu que par avenant du 5 mars 2001, la société CARTES ET SERVICES mute Monsieur Y dans son établissement de Saint Maximin ;

Attendu que cette mutation n’est subordonnée à aucun objectif spécifique ;

Attendu en particulier que si cet avenant fait état d’un objectif quantitatif concernant le chiffre d’affaire réalisé par l’équipe des techniciens sous sa responsabilité, il ne s’agit que d’indiquer les modalités de rémunération de
Monsieur Y sur sa part variable et nullement d’un objectif à atteindre négocié;

Attendu par ailleurs que Monsieur Y a montré au Conseil qu’il

n’a véritablement intégré son nouveau poste que fin 2001, compte tenu de son déménagement et de ses congés payés annuels dont son mariage ainsi que cela figure sur ses fiches de paye de juillet et août 2001;

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[…]

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Attendu surtout, peu importe les mentions concernant sa mobilité tant dans son contrat de travail que dans son avenant, que la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie dispose que venant d’être muté, Monsieur Y ne pouvait à nouveau six mois plus tard subir une nouvelle mutation sans avoir donné son accord avant le délai de 3 ans ;

Attendu en particulier qu si cet article 8-3 de la convention collective prévoit une exception concernant les nécessités de service, celles-ci sont toutefois précisées dans le même paragraphe telles le transfert d’un service ou la fermeture d’un établissement ce qui ne saurait s’appliquer dans le cas

d’espèce;

Attendu pourtant que la lettre de licenciement de Monsieur Y datée du 7 mai 2002 est motivée essentiellement par le refus de rejoindre le siège social de la société ;

Attendu que Monsieur Y a montré au Conseil qu’il était toujours demandeur d’emploi;

PAR CES MOTIFS :

Le Conseil, statuant par jugement public Contradictoire en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi;

Dit que le licenciement de M. Y Z ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la SA CARTES ET SERVICES à lui payer :

- 14 624,46 € (quatorze mille six cent vingt quatre euros et quarante six centimes) au titre du préavis et 1 462,44 € (mille quatre cent soixante deux euros et quarante quatre centimes) de congés payés afférents ;

- 36 782,96 € (trente six mille sept cent quatre vingt deux euros et quatre vingt seize centimes) au titre d’indemnité de licenciement ;

- 30 130,63 € (trente mille cent trente euros et soixante trois centimes) au titre

d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- 1500,00 € (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Dit quele salaire moyen des 12 derniers mois est de 4 944 € (quatre mille neuf cent quarante quatre euros).

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[…]

RG N° : 02/01507

DU: 05 JUIN 2003

Le Conseil rappelle que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit sur les salaires et accessoires de salaire conformément à l’article R 516.37 du code du travail.

Met les dépens à la charge de la SA CARTES ET SERVICES.

Ordonne le remboursement aux ASSEDIC des allocations de chômage de M. Y Z dans la limite de 6 mois conformément à l’article

L 122-14-4 du code du travail.

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les jour, an et mois susdits.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT, tal

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