Conseil de prud'hommes de Lyon, 11 avril 2001, n° 99/04372

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cons. prud’h. Lyon, 11 avr. 2001, n° 99/04372
Juridiction : Conseil de prud'hommes de Lyon
Numéro(s) : 99/04372

Sur les parties

Texte intégral

2286

COPIE ONSEIL DE PRUD’HOMMES REPUBLIQUE FRANCAISE DE LYON AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS « Le Britannia » dress] […]

[…]

& [2285] JUGEMENT

RG N° F 99/04372 Prononcé à l’audience du : 11 Avril 2001

par Monsieur Jean-Claude SENEZ, Président Juge départiteur SECTION Industrie

assisté (e) de Madame A-B C, Greffier, DEPARTITION

entre

AFFAIRE Monsieur Y X Z X Résidence « Le Saint Louis » contre […]

Représenté par Me Gilles BOREL (Avocat au barreau de LYON)

DEMANDEUR

MINUTE N° 8/2001 et

SA TELECOM DEVELOPPEMENT

Z.A.C. du Chêne JUGEMENT DU […]

Représenté par Me Christine ETIEMBRE (Avocat au barreau de Qualification : LYON) Contradictoire mier ressort DEFENDEUR

Notification le : 11.4.2001

Date de la réception

Audience de plaidoirie le 23 Mars 2001 par le demandeur :

par le défendeur :

- Composition du bureau de jugement lors des débats,
Monsieur Jean-Claude SENEZ, Président Juge départiteur Expédition revêtue de la formule exécutoire Monsieur Guy BRUN, Conseiller Salarié délivrée
Monsieur Bernard PERRET, Conseiller Salarié
Monsieur Michel STIEGLER, Conseiller Employeur le : 10.4.2001

Assesseurs

Assistés lors des débats de Madame A-B C, à: M. X

Allelle:7-5.01. Greffier du demande Page i.



Page 2

PROCEDURE
M. Y X a saisi le Conseil le 15 Novembre 1999.

Les parties ont été convoquées en date du 16.11.99 pour le bureau de conciliation du 07 Décembre 1999, devant lequel elles ont comparu.

L’affaire a été renvoyée au bureau de jugement du 30 Mai 2000 pour lequel les parties ont été convoquées en application des dispositions des articles R 516.20 et 26 du Code du Travail.

A cette audience, le conseil a entendu les explications des parties et mis l’affaire en délibéré.

Le conseil s’est déclaré en partage de voix le 13.6.2000.

Les parties ont été convoquées par lettre recommandée avec avis de réception et lettre simple en date du 8.9.2000 pour l’audience de départition du 20.10.2000

Jugement en date du 6.12.2000 ordonnant une audition de témoins le 7.2.2001.

L’affaire revient en départage à l’audience du 23.3.2001.

A cette dernière audience, les parties ont comparu comme indiqué en première page.

Les parties entendues en leurs explications, l’affaire a été mise en délibéré au 11.4.2001


[…]

Le 06 DECEMBRE 2000, une réouverture des débats ayant été ordonnée par jugement Avant Dire Droit pour audition de Monsieur X,

Cette audition ayant eu lieu le 07 FEVRIER 2001,

Les parties étant invitées à conclure sur cette audition,
Monsieur X soutient que la directive Commission Nationale

Informatique et Libertés a été violée par la SA TELECOM

DEVELOPPEMENT, qui a, manifestement sans autorisation préalable traité et stocké des données informatiques nominatives.

Il demande que la Commission Nationale Informatique et Libertés soit interrogée par le Conseil sur ce point.

Il estime par ailleurs que rien ne permet d’affirmer que les relevés produits comme preuve de la faute grave invoquée proviennent du disque dur.

Il conclut donc à la condamnation de la SA TELECOM

DEVELOPPEMENT.

La société défenderesse objecte que le système de contrôle est mis en place par CEGETEL, groupe auquel elle appatient, qui a reçu naturellement l’autorisation préalable de la Commission Nationale Informatique et

Libertés.

Quant à la faute grave, elle est parfaitement établie.

SUR CE

Vu le jugement Avant Dire Droit en date du 06 DECEMBRE 2000;

Vu l’audition de Monsieur X par le Conseil en date du 23 FEVRIER 2001;


[…]

Vu les conclusions développées et déposées par les parties;

1°) S’agissant de l’avis préalable de la Commission Nationale

Informatique et Libertés

Attendu que la Loi Informatique et Liberté n°78-17 du 06 JANVIER 1978, article 31, précise :

"Il est interdit de mettre ou conserver en mémoire informatique sauf accord exprès de l’intéressé, des données nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances syndicales (Loi n°92-1336 du 16 DECEMBRE 1992 – article 257) ou les moeurs des

personnes";

Attendu qu’en l’espèce les informations exploitées par la SA TELECOM

DEVELOPPEMENT au sujet de Monsieur X n’ont aucun rapport avec d’éventuelles origines raciales, opinions ou moeurs, notamment sexuelles (aucun site pédophile notamment, ou marqué par une particulière perversité n’étant consulté);

Attendu, par ailleurs, que le système de contrôle interne, dont le principe est parfaitement licite, dès lors qu’il vise à contrôler l’activité des salariés et qu’il ne repose pas sur des procédés clandestins ou déloyaux a été régulièrement déclaré à la Commission Nationale informatique et Libertés;

Attendu qu’en l’espèce, CEGETEL a déposé auprès de ladite Commission une déclaration de traitement automatisé d’informations nominatives en

1997, valant pour la SA TELECOM DEVELOPPEMENT;

Que les salariés étaient informés de ce contrôle (cf.engagement de responsabilité signé par chaque salarié);

Attendu que, dès lors, il n’y a pas lieu à faire droit à la demande de
Monsieur X sur ce point;


[…]

2°) S’agissant du licenciement

Attendu que Monsieur X a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 SEPTEMBRE 1999 libellée comme suit :

"Monsieur,

Nous faisons suite à l’entretien que vous avez eu avec votre responsable hiérarchique le Lundi 20 SEPTEMBRE et nous vous informons par la présente de notre décision de procéder à votre licenciement pour faute sérieuse en raison des motifs qui vous ont été exposés, à savoir :

Nous avons constaté que vous aviez utilisé votre accès

Internet pour aller sur des sites qui n’ont rien à voir avec votre activité professionnelle et qui sont à caractère pornographique, en utilisant le matériel de l’entreprise durant votre temps de travail les 02, 08, 09, 16 et 18 MAI 1999. Nous avons constaté ces mêmes irrégularités sur le mois d’AOUT 1999.

Lors de notre entretien nous avons attiré votre attention sur le fait que votre comportement était contraire à l’engagement de responsabilité et de bonnes pratiques pour l’utilisation d’Internet que vous aviez signé le 30 MARS 1999.

De plus vous avez consacré une partie importante de votre temps de travail à une activité qui n’a rien de professionnelle.

Surtout nous souhaitons à nouveau insister sur le fait que votre comportement est de nature à compromettre l’intégrité du Système

d’Informations de l’entreprise et à nuire à son bon fonctionnement compte tenu du fait que ces sites sont réputés pour receler des virus. Or vous n’êtes pas sans savoir qu’en allant sur ces sites et en consultant certains de ces fichiers, vous pouvez être responsable de l’importation de ces virus dans le Système d’Informations de l’entreprise.

Votre action est également de nature à mettre en cause la responsabilité juridique de l’entreprise compte tenu de la nature des sites que vous avez consultés.


[…]

Les explications que vous nous avez fournies ne nous ont pas permis de modifier l’appréciation que nous faisons de votre comportement. En conséquence la date de présentation de la présente marquera le point de départ de votre préavis de 2 mois durant lequel vous serez dispensé de toute obligation de présence et de travail. Votre rémunération vous sera versée aux échéances normales de paie durant cette période.

Vous percevrez votre solde de tout compte à l’expiration de votre préavis, ainsi que votre certificat de travail et votre attestation

ASSEDIC.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées."

Attendu que le motif ainsi exposé fixe les limites du litige;

Que la faute grave implique que ne puisse être poursuivie la collaboration

y compris pendant la brève durée du préavis;

Attendu que la preuve de la faute grave incombe à l’employeur;

Attendu qu’en l’espèce, la SA TELECOM DEVELOPPEMENT produit de nombreux relevés démontrant la matérialité des faits reprochés à Monsieur

X;

Que d’ailleurs, ce dernier a, par courrier du 08 OCTOBRE 1999, admis être l’auteur desdits faits;

"Je reconnais avoir utilisé Internet au mois de MAI sur des sites

à caractère pornographique, à une période où mon épouse était enceinte de 7 mois, mais je conteste l’avoir fait au mois d’AOUT. Certes, alors que j’étais encore intérimaire, j’ai signé un engagement de responsabilité dont je n’ai pris note qu’après réception de votre lettre du 14

SEPTEMBRE.


[…]

Vous n’êtes pas sans savoir que le personnel en 3*8 de

TELECOM DEVELOPPEMENT n’a aucune utilité professionnelle

d’Internet, et que par conséquent vous avez autorisé cet accès à d’autres fins en particulier pour combler les heures creuses de non-travail (c’est un des us et coutumes de l’entreprise). C’est donc conformément à cet usage (week-end, nuit, jour férié) que j’ai utilisé mon accès Internet après avoir effectué les tâches qui m’incombaient et sans que cela ne nuise à la qualité de mon travail.

Vous me reprochez que « mon comportement est de nature à compromettre l’intégrité du Système d’Informations de l’entreprise et à nuire à son fonctionnement compte tenu du fait que ces sites sont réputés pour receler des virus ». Or il vous a fallu plus de 4 mois pour prendre conscience d’un fait d’une telle importance, ce qui me permet de douter de la prétendue gravité de ma conduite.

Par ailleurs je ne vois pas pourquoi le fait de surfer sur des sites pornographiques serait plus propice à l’importation de virus que de naviguer par exemple sur des sites de jeux ou de services, la finalité étant la même. Par conséquent si de tels sites peuvent engager la responsabilité juridique de la société, il vous appartenait soit d’interdire l’accès complet à Internet, soit de mettre à disposition des collaborateurs une liste exhaustive du genre de sites formellement prohibés.

En effet, l’engagement de responsabilité et de bonnes pratiques pour l’utilisation d’Internet que j’ai signé est trop imprécis dans la mesure où vous tolérez l’accès à Internet à des fins non professionnelles. Dans votre logique vous devriez licencier pour motif disciplinaire

l’ensemble du personnel de TELECOM DEVELOPPEMENT".

Qu’il est donc surprenant que Monsieur X semble aujourd’hui se rétracter en soutenant que rien ne prouve que les relevés communiqués proviennent de son disque dur;

Qu’il y a lieu de considérer les faits avérés et leur imputabilité à Monsieur

X certaine;

Attendu que Monsieur X ne justifie pas d’une certaine tolérance vis-à-vis de telles pratiques de la part de son employeur, ou de leur généralisation à l’ensemble des autres salariés;


[…]

Attendu que le règlement intérieur régulièrement communiqué à Monsieur

X (engagement de responsabilité signé le 30 MARS 1999) réservait l’utilisation des sites Internet à des fins professionnelles;

Que l’utilisation du matériel de l’entreprise des fins personnelles est constitutive d’une faute susceptible de justifier un licenciement;

Attendu pourtant qu’il ne peut être posé en principe intangible que la faute ainsi caractérisée s’analyse nécessairement en faute grave;

Qu’il y a lieu de l’apprécier dans son contexte particulier et au regard de ses conséquences pour l’entreprise;

Attendu que la tentation peut être grande pour un technicien de maintenance, de service de nuit ou de week-end, donc a priori seul, confronté à une attente parfois longue d’appels de sociétés clientes, de rechercher sur les sites Internet un dérivatif;

Que certes, chacun recherchant le dérivatif corresponsant à sa culture ou à ses aspirations, le choix de sites pornographiques, toutefois apparamment non déviants au sens psychiatrique (cf.relevés fournis par la défenderesse),

n’est certes pas ce qu’Internet propose de plus enrichissant;

Que, toutefois, considérant que la société n’a jamais eu de répercussion négative de ces consultations, que Monsieur X était peut-être placé dans une situation particulière lui faisant préférer les sites pornographiques aux sites culturels classiques, il y a lieu de tenir les faits commis par
Monsieur X, non comme une faute grave, mais comme un acte fautif justifiant son licenciement sans perte de ses droits à préavis (son ancienneté inférieure à 2 ans ne lui permettant pas de prétendre à indemnité de licenciement);

Attendu qu’il convient de condamner la SA TELECOM

DEVELOPPEMENT à payer à Monsieur X à ce titre la somme de 8.619,00 Francs outre 861,00 Francs de congés payés afférents, ce avec intérêts au taux légal à compter de la demande;

Attendu en effet que le salaire perçu par un salarié dispensé de l’exécution du préavis doit correspondre au salaire contractuellement prévu;


[…]

Que Monsieur X ne peut par contre pas prétendre au paiement d’autres éléments liés à l’exécution de tâches spécifiques aléatoires (service de nuit ou de week-end par exemple…);

Attendu, par ailleurs, que sa demande relative au délai de carence imposé par l’ASSEDIC ne saurait être accueillie dans la mesure où il ne saurait être mis à la charge de l’employeur les conséquences d’une règlementation par laquelle il n’est aucunement concerné;

Attendu qu’il y a lieu de débouter la SA TELECOM DEVELOPPEMENT de sa demande reconventionnelle;

Qu’il convient de fixer à la somme de 8.615,00 Francs la moyenne des salaires mensuels bruts de Monsieur X telle que visée à l’article

R.516-37 du Code du Travail;

Qu’il y a lieu de condamner la SA TELECOM DEVELOPPEMENT à payer à Monsieur X la somme de 4.000,00 Francs au titre de

l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux dépens de la présente procédure;

PAR CES MOTIFS

Le Juge-Départiteur, après avoir recueilli l’avis des Conseillers présents, statuant publiquement, contradictoirement et en PREMIER RESSORT;

Constate que la SA TELECOM DEVELOPPEMENT, en sa qualité de filiale de CEGETEL, avait satisfait aux formalités exigées par la Loi n°78

17 du 06 JANVIER 1978;

Dit n’y avoir lieu en conséquence à saisir la Commission Nationale

Informatique et Libertés;

Dit et juge que le licenciement de Monsieur X repose sur un comportement fautif de ce dernier, justifiant la rupture, mais non qualifiable de faute grave;


[…]

Condamne en conséquence la SA TELECOM DEVELOPPEMENT à payer

à Monsieur X la somme de 8.615,00 Francs (HUIT MILLE SIX

CENT QUINZE FRANCS) à titre de préavis, outre 861,00 Francs (HUIT CENT SOIXANTE ET UN FRANCS) de congés payés afférents, ce avec intérêts à compter de la demande;

Déboute Monsieur X du surplus;

Fixe à la somme de 8.615,00 Francs (HUIT MILLE SIX CENT QUINZE

FRANCS) la moyenne des salaires mensuels bruts de Monsieur X telle que visée à l’article R.516-37 du Code du Travail;

Déboute la défenderesse de sa demande reconventionnelle;

Condamne la SA TELECOM DEVELOPPEMENT à payer à Monsieur

X la somme de 4.000,00 Francs au titre de l’article 700 du

Nouveau Code de Procédure Civile;

Condamne la SA TELECOM DEVELOPPEMENT aux dépens.

En foi de quoi la présente minute a été signée par le Président et le Greffier du Conseil

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Conseil de prud'hommes de Lyon, 11 avril 2001, n° 99/04372