Juge des enfants de Toulon, 4 juin 2019, n° B18/193

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Sur la décision

Référence :
J. enfants Toulon, 4 juin 2019, n° B18/193
Numéro(s) : B18/193

Texte intégral

TRIBUNAL POUR ENFANTS

[…]

[…]

[…]

: Anne-Sophie HOUBART EXTRAIT Juge des Minutes du Greffe du

: B Secteur Tribunal de Grande Instance

: B18/193 (Assistance éducative) Affaire de TOULON

Jugement du Mardi 04 Juin 2019

JUGEMENT EN ASSISTANCE EDUCATIVE

(PLACEMENT FAMILIAL et AEMO)

Jugement rendu le 4 juin 2019 par Anne-Sophie HOUBART, Juge des Enfants au Tribunal de Grande Instance de Toulon, assistée de Alix BARTONEK, greffier ;

Vu les articles 375 et suivants du Code Civil,

Vu les articles 1181 et suivants du Code de Procédure Civile,

Vu la procédure d’Assistance Educative suivie à l’égard de :

A-Z X, née le […] à […]

dont les parents sont :

A D, demeurant […]

Z E, demeurant […]

Vu le jugement en date du 05 décembre 2018 ayant instauré une mesure d’Assistance Educative en Milieu Ouvert confiée à l’A.D.S.E.A.A.V jusqu’au

31 décembre 2019 auquel il convient de se référer pour un exposé de la situation antérieure de la mineure ;

Vu les rapports d’expertise psychologique de A D, Z E et A-Z X reçus le […];

Vu les rapports des services éducatifs reçus les 15 et 30 avril 2019;

Vu l’audience du 27 mai 2019 en présence de la mineure assistée de Maître FREYRIA, de la mère assistée de Maître DUNAN, du père assisté de Maître LUCCISANO substituant Maître VINOLO et de Mme Y de

l’ADSEAAV, la décision ayant été mise en délibéré au 4 juin 2019;

Par jugement de divorce en date du 13 avril 2018, le juge aux affaires familiales a fixé la résidence d’X au domicile de son père et a accordé à la mère un droit de visite et d’hébergement.

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On peut lire dans la note d’information de l’A.D.S.E.A.A.V qu’ X présente deux personnalités différentes en fonction de l’endroit où elle se trouve et surtout en présence de l’un ou l’autre de ses parents. De cette note il ressort qu’ X ne peut pas s’autoriser à exprimer ses propres sentiments, émotions et envies lorsqu’elle est chez sa mère de peur, selon ses propos, de « perdre son amour ». Il est également noté que la jeune fille s’autorise régulièrement à faire part à son institutrice de ce qui est difficile à vivre pour elle et en particulier, les propos mensongers qu’elle doit tenir sur son père. Le rapport conclut qu’X est une enfant intelligente qui grandit dans un contexte où la question du clivage interroge sur son futur développement psychique.

S’agissant du rapport d’expertise psychologique de Monsieur A D, Monsieur F B note que sa rencontre avec lui s’est déroulée au cours d’un entretien dans lequel ce dernier s’est exprimé avec calme, dans un récit fluide et structuré. Selon l’expert, Monsieur A D disposerait d’un ancrage familial qui serait de bonne qualité et qu’il semble incarner une figure paternelle structurante tout en comportant des traits obsessionnels mais sans pour autant atteindre un degré pathologique.

L’expert souligne que dans l’existence de Monsieur A D, l’arrivée d’X aurait mis en exergue la dépendance de Madame Z E avec ses parents ce qui aurait compromis son accès à la parentalité. L’expert précise que Monsieur A D aurait vu sa femme et sa belle-mère s’interposer face à son investissement paternel percevant ainsi toutes ses propositions comme dangereuses ou inadaptées. Monsieur A D aurait alors fait référence au « clan Z » pour dénoncer qu’ X serait otage de la perversité du fonctionnement familial maternel visant à détruire le père, ce que l’expert corrobore en indiquant qu’en l’espèce, il n’existait pas de « conflit parental » mais une dynamique sectaire cherchant à le nier.

S’agissant du rapport d’expertise psychologique de Madame Z E, Monsieur F B note que sa rencontre avec elle a été très superficielle compte tenu de l’illusion de perfection qu’elle a cherché à maintenir tout au long de l’expertise. Il ajoute qu’elle est apparue peu authentique dans sa façon d’aborder son parcours de vie, lissant à l’extrême son vécu tout en l’agrémentant de superlatifs et d’idéalisation. Ainsi, l’expert précise que les propos de Madame Z E sont apparus plaqués et creux, comme si elle se racontait une belle histoire. Il précise qu’elle s’est positionnée en faux-self tout au long de l’expertise, à savoir une identité de façade servant une < pseudoadaptation » à la situation d’expertise.

Il résulte des dires de l’expert que Madame Z E a fini par dépeindre progressivement un portrait très négatif du père. Il ajoute que le faux-self affiché serait la démonstration de l’endoctrinement sectaire auquel elle serait soumise, perdant ainsi toute subjectivité puisqu’étant commandée par l’idéologie du « gourou » qu’il vise comme étant son père.

S’agissant du rapport d’expertise psychologique d’ X, Monsieur F B note que le test d’ambivalence a mis en exergue une aliénation parentale fortement engagée, le père étant défini comme « tout mauvais » et la mère « toute bonne ». Il en déduit que c’est ce clivage extrêmement fort et sans nuance qui caractériserait l’emprise de la famille maternelle sur l’enfant avec

l’hypothèse d’un endoctrinement sectaire suivant lequel X ne serait plus en capacité de penser par elle-même. L’expert précise que l’enfant serait commandée par le clan obéissant au rejet de l’étranger et des tiers, à commencer par le père. Il indique qu’ X H ainsi le mode de communication pervers utilisé par la famille maternelle, évoquant des injonctions paradoxales pour piéger le père quoi qu’il entreprenne.

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L’expert conclut qu’il s’agit d’un milieu maternel très dangereux pour l’enfant et dont la logique d’emprise sectaire causerait des dommages irrémédiables sur l’individu. Il préconise le placement d’X dans un lieu neutre, tout en médiatisant les liens avec la famille maternelle. Il soutient que cette mesure serait le seul moyen de faire rompre cet endoctrinement. Enfin, si l’expert ne doute pas de la capacité du père à incarner sa posture parentale de façon adaptée, il s’interroge sur la capacité d’X à lui faire une place.

A l’audience, X entendue seule en présence de son avocat, apparaît en état de grande tension et livre un discours accablant à l’égard de son père, entrecoupé de spasmes et de pleurs. Elle raconte : « Je n’arrive pas à l’appeler papa avec ce qu’il me fait. C’est impossible pour moi. Je suis à l’école du cadran en CM2. Tout le monde se moque de moi parce qu’il m’interdit de prendre ma douche…. Mon père boit. Il m’a enfermé dans une pièce cet été, plusieurs fois, je ne sais pas pourquoi il fait ça. et je n’ai pas à manger. Je fais de l’hypoglycémie… Il me tape, là il ne l’a pas fait depuis un petit moment. Je vois son enfant quand il est là. C’est un bébé. Il me dit que c’est son fils mais je n’en suis pas sure…. Il m’a dit que je ne reverrai pas ma maman, j’avais 2 ans et je me souviens très bien. Je n’ai pas oublié. J’ai peur qu’on me sépare de ma maman. Mes cousins (du côté du père) ne jouent pas avec moi parce que je sens mauvais. Je garde pendant une semaine les mêmes vêtements. J’ai mis la dernière fois un pantalon de 6 ans. Je suis en CM2 et ça me plaît. En 6ème, je veux aller à Daudet mais il veut me mettre à Ravel. Je voulais retrouver mes amis qui vont tous à Daudet ».

Madame Y confirme qu’elle a rencontré une petite fille clivée dans ses fonctionnements. Elle relate deux moments complètement différents vécus avec X. Si celle-ci a verbalisé avoir quelques craintes à aller au collège, X lui a dit être globalement contente d’aller à Ravel ( près du domicile paternel) car elle y retrouverait certains amis avec qui elle est actuellement. La fillette a tenu par la suite un discours totalement différent en présence de sa mère : elle pleurait, était en crise et voulait aller à Daudet ( près du domicile maternel). Mme Y relate qu’elle n’a pas compris l’ampleur de la crise par rapport à un sujet déjà abordé. Elle a par contre trouvé X naturelle avec son père. X lui a indiquée qu’elle redoutait d’être séparée de l’un de ses deux parents ; qu’elle se rendait compte de son clivage mais qu’elle ne pouvait faire différemment. Elle confirme qu’X a raconté à l’école que lors de l’expertise, elle avait été obligée de dire des mensonges à l’encontre de son père. Selon Mme Y, X vit de bons moments tant chez son père que chez sa mère.

Mme Z se défend d’I X et affirme que celle-ci est libre de dire ce qu’elle veut. Elle relate que lorsqu’elle ne voit pas sa fille pendant 1 mois durant l’été, celle-ci perd l’élocution, va mal et perd du poids. Elle déplore également que lorsqu’elle est avec son père, X soit négligée sur le plan de l’hygiène, ses habits sont plus que sales et des hypoglycémies sont constatées. Elle l’a fait suivre au CMP. Elle décrit sa fille au domicile comme très souriante sauf lorsqu’X doit partir chez son père où elle se met à sommatiser. Elle relate qu’il est arrivé à X de l’appeler de chez son père en pleine nuit pour lui raconter qu’il boit et lui fait peur.

Mr A de son côté, note chez X une belle évolution à son domicile depuis un an. Il se félicite qu’X J à verbaliser à son éducatrice qu’elle a conscience de tenir un double discours même si elle n’est pas en capacité de faire autrement. Lui-même la fait suivre par une psychologue de l’association AVRE. Il précise que chez lui, X ne fait pas de crise et participe aux repas pris en famille. Il souligne qu’elle voit régulièrement sa famille paternelle et notamment ses 8 cousins. Une croisière en famille est prévue cet été. Selon Mr A, ce n’est que lors des passages père/mère que les crises d’X se manifestent.

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Me LUCCISANO rappelle que toutes les plaintes pour violences déposées par Madame Z contre Mr A ont été classées sans suite.

Me DUNAN précise qu’une audience JAF est fixée en septembre 2019 car Mr A sollicite la mise en place d’un point rencontre pour la mère. Elle conteste l’expertise psychologique de Monsieur B et en sollicite une nouvelle outre une expertise psychiatrique familiale.

Me FREYRIA rappelle qu’une décision doit être prise au vue de l’état de grande souffrance dans lequel se trouve X. Il rappelle les conclusions « impressionnantes » de l’expertise psychologique qui fait état de dégats possiblement irrémédiables chez X.

Sur ce,

Eu égard au comportement de la mineure à l’audience qui illustre parfaitement les inquiétudes manifestées tant dans les rapports du service éducatif que dans l’expertise psychologique familiale dont les conclusions apparaissent particulièrement édifiantes (milieu maternel très dangereux pour l’enfant ; logique d’emprise sectaire causant des dommages irrémédiable sur l’individu ; milieu toxique pour l’enfant mais aussi pour le père puisque le discours paradoxal du clan maternel raisonnerait déjà dans les paroles et les actes de l’enfant) qui caractérise une situation de danger au sens de l’article 375 du

Code Civil, il convient de ne pas attendre l’audience programmée en septembre prochain devant le juge aux affaires familiales et de tenter d’atténuer la souffrance de la mineure résultant du fort clivage qui l’anime vis à vis de ses parents en plaçant X au domicile paternelle et en médiatisant les rencontres avec sa mère tel que prévu au dispositif. Il est constant que les inquiétudes massives de Mme Z quant à la prise en charge d’X par son père n’ont jamais été corroborées par les services éducatifs qui suivent la mineure depuis de nombreuses années.

La mesure d’AEMO sera prorogée avec les mêmes objectifs que précédemment.

En outre, et afin d’afiner la compréhension de la personnalité de chacun, une expertise psychiatrique sera ordonnée par ordonnance séparée.

Compte tenu du caractère éducatif de la mesure, l’exécution provisoire sera ordonnée

PAR CES MOTIFS

Statuant en chambre du conseil et en premier ressort ;

Confie A-Z X à Mr C, son père, à compter de ce jour et jusqu’à la prochaine décision du juge aux affaires familiales statuant sur la résidence de la mineure ;

Accorde un droit de visite médiatisé à l’espace rencontre de l’ADSEAAV à la mère, à raison de une fois par semaine dont les modalités seront fixées en accord avec service du point rencontre et dit qu’en cas de difficulté, il nous en sera référé,

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Dit que les prestations familiales auxquelles la mineure ouvre droit seront perçues par le père,

Proroge dès à présent la mesural’assistance éducative en milieu ouvert confié à l’ADSEAAV – […] et

Marie Curie 83160 LA VALETTE DU VAR à l’égard de A-Z X jusqu’au 30 juin 2020;

Déclare la présente décision exécutoire par provision,

Dit qu’un rapport devra nous être déposé un mois avant l’échéance.

Le Juge des Enfants LeGreffier

NOTA: si vous n’êtes pas d’accord avec la présente décision, vous pouvez en faire appel dans un délai de quinze jours à compter de la notification, soit par déclaration directement au greffe de la COUR D’APPEL D’AIX-EN PROVENCE, soit par l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception adressée à la COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE (dans les deux cas, joindre une copie de la décision attaquée en précisant les points contestés):

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Service centralisé de réception des déclarations d’appel

[…]

[…]

Notifié le : 04/[…]

[…]

ADSEAAL

Pour expédition

TOULON C4/06/2019 certi caborme

fife Gre

DE

TOULONS

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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